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13/11/2013

(J-Drama / Pilote) Henshin Interviewer no Yuutsu : un mélange improbable de mystère et de comédie

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de prendre la direction du Japon et de commencer cette nouvelle saison d'automne par un instant de détente. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en m'installant devant Henshin Interviewer no Yuutsu, mais j'espérais cependant y retrouver cet humour décalé caractéristique des dramas de Miki Satoshi que j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier : en effet, Jikou Keisatsu, ou plus encore, Atami no Sousakan (qui reste un de mes grands coups de cœur japonais de ces dernières années), m'ont laissé de bons souvenirs.

Débuté le 21 octobre 2013 sur la chaîne TBS, Henshin Interviewer no Yuutsu promettait un mélange de mystère et de comédie. Ses deux premiers épisodes sonnent indéniablement sympathiques, en dépit de quelques excès. De plus, la durée relativement brève des épisodes (30 minutes seulement) permet à l'ensemble de conserver un rythme soutenu. Si bien que, même s'il est trop tôt pour savoir précisément jusqu'où nous entraînera ce drama qui surfe sur une diffuse excentricité, je pense pouvoir m'y laisser prendre sans difficulté.

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Shirakawa Jiro est un écrivain prolifique qui a publié, depuis ses débuts, 99 romans à mystère. Il doit désormais s'atteler à ce qui sera rien moins que son centième livre. Seulement, en dépit des pressions de sa maison d'édition, l'auteur est frappé par le syndrome de la page blanche. Il a déjà plus de trois mois de retard dans les délais qui lui étaient fixés, et pas le moindre début d'intrigue à coucher sur le papier. En quête d'inspiration, il surfe sur le net en recherchant quelques mystères irrésolus qui pourraient éveiller son imagination.

Jiro tombe alors sur une étrange affaire : un double meurtre, ayant eu lieu dans une petite ville, dont la mise en scène interpelle, et qui n'a jamais été élucidé. Il décide de se rendre sur place pour en apprendre plus, et peut-être trouver là une base pour son nouveau roman. Il entraîne dans cette excursion la jeune Kahima Rika, son éditrice. Pour interagir avec de potentiels témoins, Jiro est cependant contraint de se déguiser, son accoutrement habituel provoquant plus la fuite que les confidences de ceux qu'il croise. Sous un pseudonyme, il entreprend donc de percer le mystère de cet étrange meurtre... dans une bien étrange ville.

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Extravagants et décalés à souhait, les débuts de Henshin Interviewer no Yuutsu sont sympathiques. Le drama manie avec versatilité un humour oscillant entre absurdités et excès, répétitions se changeant en running gag et chutes improbables. Il en fait souvent trop, mais sait entraîner le téléspectateur dans la dynamique d'ensemble du récit et sa diffuse graine de folie. Le duo principal, une association détonante, tient pour l'instant ses promesses. Shirakawa Jiro a tout du prodige spécialisé dans les mystères, mais insortable en société. Poussant ce concept à son maximum, le scénariste ajoute à cela l'idée de lui faire jouer un rôle déguisé pour mener l'enquête : la mise en scène de la métamorphose de Jiro est certainement la plus improbable qui soit. Mais l'épisode 2 démontre que la série pourra avoir une carte supplémentaire à jouer grâce à la dualité du personnage : de quoi nourrir quelques ressorts humoristiques à défaut de convaincre de sa crédibilité.

Afin de s'assurer la fidélité du téléspectateur, Henshin Interviewer no Yuutsu met tout ce versant comique au service d'un fil rouge mystérieux qui rapproche l'histoire d'une fiction d'enquête. Cette dernière prend vite des accents pour le moins surréalistes. Au double meurtre initial, se greffent d'étranges coïncidences et des récits qui laissent songeurs. Pour construire son ambiance, le drama a recourt au cadre le plus classique qui soit, une recette immuable qui fonctionne : celle de la petite ville isolée, avec ses secrets, ses particularités et son omerta face aux étrangers. Intrigante, voire inquiétante à ses heures, l'histoire regorge de figures secondaires décalées, exploitées à la fois dans le registre de l'humour mais aussi pour apporter à l'enquête. Il est difficile pour l'instant d'apprécier vers quoi nos deux héros nous emmènent, mais la curiosité du téléspectateur est piquée.
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Sur la forme, Henshin Interviewer no Yuutsu compose sans budget. Cela donne une réalisation minimaliste, très dynamique et souvent brouillonne, avec une caméra énergique qui frôle l'effet mal de mer par moment. La bande-son est assez passe-partout, et la chanson du générique de fin (par KAT-TUN - l'acteur principal faisant partie de ce groupe) ne restera pas dans les annales même si elle a ce petit côté entraînant qui sied à la série.

Côté casting, les excentricités des uns, le sur-jeu des autres, correspondent à l'atmosphère de comédie recherchée dans le drama. Nakamaru Yuichi (Machigawarechatta Otoko) s'en sort à peu près honorablement dans ce rôle central de l'écrivain/interviewer autour duquel se construit l'histoire. Son assistante/éditrice est interprétée par Kimura Fumino (Kumo No Kaidan). Les deux trouvent assez bien leurs marques ensemble. Les habitués des dramas de Miki Satoshi retrouveront en personnages secondaires quelques figures familières, comme Fuse Eri (Jikou Keisatsu, Atami no Sousakan) ou encore Matsuo Suzuki (Atami no Sousakan). On croise également Mashima Hiekazu, Mitsuishi Ken, Murasugi Seminosuke ou encore Morishita Yoshiyuki.
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Bilan : Comédie d'enquête cultivant ses décalages,  Henshin Interviewer no Yuutsu entremêle excentricité et mystère dans un style assez caractéristique des œuvres de Miki Satoshi. Une partie du charme du drama, par-delà ses excès qui rebuteront sans doute certains publics, repose sur son art de la chute et sur sa façon de multiplier les détails détonnants. Sans se prendre au sérieux, la série pique la curiosité du téléspectateur et, surtout, l'amuse. Le défi sera de parvenir à obtenir une résolution à peu près cohérente de l'intrigue, mais ce parcours humoristique reste l'objet véritable du drama. A tester, pour les amateurs de j-drama qui recherchent une comédie divertissante.


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce du drama :


11/09/2013

(J-Drama / Première partie) Hanzawa Naoki : les combats et l'ascension d'un banquier peu conventionnel


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En ce mercredi asiatique, penchons-nous sur LE grand succès de cette saison estivale au Japon : Hanzawa Naoki. C'est un peu le phénomène du moment : ses audiences n'ont cessé de grimper sans discontinuité depuis le 1er épisode proposé le 7 juillet 2013, franchissant début septembre la barre symbolique des 30% de part de marché. Le drama ne semble pas devoir s'arrêter en si bon chemin, puisque le dernier épisode diffusé ce dimanche 8 septembre (le 8ème) a encore enregistré un nouveau record, avec un pic d'audience à 37,5% de pdm ! Pour vous donner un ordre d'idée, il faut rappeler que le dernier drama japonais à avoir dépassé ces 30% date de presque deux ans, c'était Kaseifu no Mita à l'automne 2011. TBS tient donc là un beau succès public pour sa case de prime-time du dimanche soir. La barre des 40% est peut-être même atteignable.

Il est d'autant plus intéressant de s'arrêter sur Hanzawa Naoki que, sur le papier, le sujet peut paraître plus aride que fédérateur : la série propose en effet une immersion dans le milieu bancaire. La télévision japonaise est loin d'en être à son coup d'essai de banquiers propulsés en héros de fiction. Cela se rattache plus généralement à une thématique qui reste prisée, celle de la mise en scène des coulisses d'une entreprise. De telles approches du monde de la finance peuvent donner de grands dramas, j'en veux pour preuve le magnifique Hagetaka qui m'a durablement marqué il y a quelques années. J'étais donc curieuse de tester Hanzawa Naoki. L'article qui suit s'interroge sur les raisons de son succès.

[Cette review a été rédigée après le visionnage des 5 premiers épisodes (sur 10 annoncés au total).]

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Ce drama nous introduit dans le milieu bancaire japonais, après l'éclatement de la bulle financière dans les années 90 et la restructuration du secteur, marquée par la fusion d'importantes banques. Hanzawa Naoki est un employé qui occupe un poste à responsabilité au sein du département en charge des prêts dans une filiale d'Osaka. C'est un homme ambitieux et déterminé qui a ses propres comptes à régler avec l'institution bancaire. Sa carrière est cependant mise en danger le jour où son supérieur, Asano Tadasu, lui ordonne d'accorder dans la précipitation un prêt de 500 millions de yens, sans prendre les garanties nécessaires, à une grande entreprise en apparence solide, Nishi Osaka Steel. Naoki exécute les ordres avec beaucoup de réticence.

Mais quelques mois plus tard, la réalité de la situation financière de Nishi Osaka Steel apparaît au grand jour : elle est extrêmement endettée. Les comptes soumis à la banque avaient en fait été maquillés. Plus problématique encore, son dirigeant a profité de la situation pour s'enrichir personnellement et prendre la fuite. Confronté à une perte sèche de 500 millions pour sa banque, Asano voit en Naoki le bouc-émissaire tout désigné sur qui faire retomber la faute d'un prêt trop légèrement accordé. Cependant son subordonné est décidé à se battre : il obtient un délai en assurant à sa hiérarchie qu'il va récupérer la somme perdue de l'entrepreneur en fuite. Se sentant menacé, son supérieur direct ne l'entend pas ainsi et s'active pour le faire rapidement muter.

Débute alors une course contre-la-montre pour Naoki afin de sauver sa carrière : en plus de rechercher les avoirs cachés de son ex-client, il lui faut naviguer au sein des ambitions et des luttes internes qui rythment le quotidien du personnel.

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Hanzawa Naoki se déroule au sein d'une banque, mais son cadre aurait pu être une entreprise, voire un univers professionnel quelconque. Ayant opté pour le milieu de la finance, le drama fait logiquement siens quelques-uns des thèmes attendus, en pointant la déshumanisation auquel conduit ce système, son exploitation des plus fragiles et le tapis rouge déroulé aux puissants. Mais il ne s'attarde pas sur ces éléments. Car il ne faut pas s'y tromper, l'enjeu est ailleurs. Hanzawa Naoki met en scène un affrontement, une lutte de personnes, d'ambitions, mais aussi de conceptions et de principes. C'est aussi une histoire de revanche, celle de quelqu'un qui a payé un lourd tribut dans sa jeunesse à cause de la décision d'un banquier et qui veut s'élever dans la hiérarchie de l'institution-même ayant bouleversé sa vie. La série suit une idée directrice que Naoki répète à l'envie au cours des épisodes : il s'agit de faire payer deux fois, dix fois, ce qu'il a enduré.

Pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, Naoki va devoir surmonter les épreuves et les adversités. Dès le pilote, le drama s'assure que le téléspectateur prenne fait et cause pour le banquier, faisant s'abattre sur lui nombre d'injustices dont il n'est aucunement responsable. C'est à l'avènement d'un champion que l'on assiste. Pour cela, l'écriture ne fait guère dans la nuance, assumant pleinement un manichéisme sur lequel elle joue pour mieux impliquer le public. Les méchants sont clairement identifiés, sans chercher à tempérer leur caractérisation. La fiction vire même au quasi-cartoonesque à l'occasion, notamment dans son portrait de l'administration fiscale avec un dirigeant qui tombe dans tous les excès. Face à ces obstacles placés sur sa route, l'objet du drama est de raconter comment Naoki va s'en sortir. C'est ainsi en réalité une déclinaison particulière de 'David contre Goliath' qui est proposée, mais avec dans le rôle de David quelqu'un de tout aussi machiavélique que ses adversaires.

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L'image implacable que renvoie Naoki est sans doute la seconde raison pour laquelle les téléspectateurs se retrouvent happés devant leur petit écran. Non seulement la fiction leur présente une figure à supporter contre tous, mais il s'agit en plus d'un personnage parfaitement apte à se défendre. Certes, pour ne pas l'identifier complètement à ceux qu'il combat, la série prend soin de le démarquer sur le plan des relations humaines : Naoki sait en effet inspirer une loyauté (méritée) à ses collaborateurs, qui tranche avec les rapports de défiance et de concurrence généralisés au sein de la banque. Cependant il n'en est pas moins un adversaire redoutable, déterminé, et même provocateur. Il avance ses pions avec un aplomb jamais pris en défaut. La série ne s'embarrasse pas de demi-mesures pour relater la partie d'échecs sur laquelle il joue sa carrière : l'écriture ne fait jamais dans la subtilité, elle emploie un théâtralisme qui sonne artificiel... Qu'importe : le téléspectateur se prend au jeu d'un récit vif, parcouru par une énergie communicative.

Les cinq premiers épisodes développent l'arc narratif posé dans le pilote : il s'agit pour Naoki de récupérer les 500 millions de yens tout en sauvant sa place au sein de la banque. Ses opposants sont dépeints de la plus négative des façons : l'industriel fraudeur s'est ainsi enfui avec des millions, trompant tout le monde, y compris sa propre entreprise et ses partenaires, pour s'enrichir. La course-poursuite qui s'engage vise à le retrouver, mais aussi à mettre la main sur l'argent qu'il a détourné. Pour compliquer un peu plus les choses, Naoki se heurte à la concurrence de l'administration fiscale, tout aussi agressive, voire guignolesque. Le récit est conduit suivant un rythme enlevé. Il est semblable aux montagnes russes, riche en multiples rebondissements, entre trahisons et révélations qui viennent pimenter les affrontements. Naoki subit nombre de coups bas et d'humiliations, mais il a aussi ses moments de gloire qui laissent au téléspectateur un arrière-goût de jubilation, aussi excessive que soit la mise en scène. Cette affaire trouve sa conclusion au terme du cinquième épisode, lequel rebondit sur de nouveaux objectifs : Naoki prend cette fois la direction de Tokyo et ses projets de vengeance se rapprochent.

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Sur la forme, Hanzawa Naoki se situe dans la moyenne du petit écran japonais : une réalisation passe-partout à peu près correcte, accompagnée d'une bande-son plus interventionniste qui sur-joue les passages de tension et souligne à l'excès les scènes où le suspense est à son comble. On retrouve aussi un thème musical récurrent très rythmé qui donne bien le ton (et se révèle vite entêtant pour le téléspectateur). Un peu à l'image de la narration et des limites que j'y ai soulignées, on se retrouve donc face à une série directe et dynamique à défaut d'être subtile.

Enfin, côté casting, l'approche suivie par le drama se répercute dans les interprétations. Le sur-jeu y est généralisé et assumé. S'il aurait sans doute sa place dans une comédie, il déroute plutôt dans une fiction bancaire. C'est ici plus leur direction que les acteurs eux-mêmes qui est en cause. C'est sans doute le point le plus critiquable du drama. Naoki est incarné par Sakai Masato (JOKER : Yurusarezaru Sousakan, Tsukahara Bokuden), un acteur avec lequel j'ai en plus des relations compliquées tant certaines de ses mimiques figées récurrentes peuvent avoir tendance à m'agacer. Il est ici dans son registre habituel, et au diapason du reste du casting. Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido) interprète son épouse, femme au foyer supportrice (enterrez tout espoir de voir bouger les choses sur la condition féminine dans ce drama masculin, ce n'est clairement pas son objet). On retrouve également Oikawa Mitsuhiro, Kataoka Ainosuke, Kitaoji Kinya, Kagawa Teruyuki, Ishimaru Kanji ou encore Ukaji Takashi. Tous se prêtent au sur-jeu, à des degrés divers suivant les scènes. Le téléspectateur finit par s'habituer à ce choix, à défaut de s'y rallier, tout en se disant que certains excès restent très dispensables...

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Bilan : Hanzawa Naoki est une histoire d'affrontements et de revanche, le tout sur fond d'ascension vers les sommets hiérarchiques et de manœuvres en coulisses au sein d'un milieu ultra-concurrentiel. Théâtrale, excessive, voire cartoonesque, la série propose un récit sans nuances, mais très rythmé et capable de multiplier les twists. Frustrante à l'occasion par sa tendance à trop en faire, avec un casting trop versé dans le sur-jeu, elle n'en fait pas moins preuve d'une redoutable efficacité pour prendre dans sa toile de suspense le téléspectateur. Ce dernier s'implique en effet rapidement aux côtés de ce héros, champion tout désigné, aussi implacable que déterminé, qui va relever challenges impossibles et autres retournements de situation.

En résumé, il ne faut pas aborder Hanzawa Naoki en attendant un drama bancaire rigoureux, ni espérer y trouver un propos travaillé sur les banques (si vous cherchez cela, tournez-vous vers Hagetaka, c'est une perle sur ce sujet). Mais dans ce registre de divertissement à suspense qu'elle investit, voilà une série qui décline une recette bien huilée.


NOTE : 6,75/10

09/01/2013

(J-Drama) Double Face : un Infernal affairs japonais

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Restons au Japon en ce deuxième mercredi asiatique de l'année, pour revenir sur une mini-série diffusée à l'automne dernier que je m'étais promise de vite rattraper. Composée de deux parties d'1h30 chacune, Double Face présente tout d'abord une particularité dans sa conception : il s'agit d'une collaboration entre deux chaînes différentes, TBS et la câblée WOWOW. TBS a diffusé la première partie, intitulée Double Face - Sennyu Sosa-hen le 15 octobre 2012. Puis, le 27 octobre, la seconde et dernière partie, Double Face - Giso Keisatsu-hen, a été proposée sur WOWOW. C'est pour le moins inhabituel de voir ainsi deux chaînes collaborer de cette manière complémentaire.

Le résultat intriguait d'autant plus que Double Face est le remake du célèbre film de Hong Kong (qui a donné toute une trilogie, Infernal Affairs). Succès de 2002, il a déjà fait l'objet d'un remake américain au cinéma, The Departed (Les Infiltrés). Le Japon a donc proposé à son tour une version, télévisée cette fois, de l'histoire d'origine. L'ayant en DVD, j'ai hésité à réactiver mes souvenirs en revoyant Infernal Affairs avant de me plonger dans ce drama, mais c'est finalement seulement avec une mémoire floue et ma bonne impression générale que je me suis lancée dans Double Face. Je n'ai pas regretté l'expérience, car il s'agit là d'un drama special très solide.

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Double Face met en scène les destins croisés de deux hommes infiltrés chacun dans des camps opposés qu'ils sont censés, soit contribuer à détruire, soit rendre inoffensif. Ainsi Miriya Jun est un policier qui, depuis 6 ans, évolue en couverture auprès d'un groupe criminel local, l'Oda-gumi. La mission aurait dû se terminer il y a déjà plusieurs années, mais son supérieur hiérarchique, le seul qui connaît et peut prouver sa véritable identité, le presse de poursuivre la tâche jusqu'à ce que le boss du gang, Oda Hironari, soit inculpé. L'idéal serait une arrestation en flagrant délit lors d'un échange de marchandises, permettant de lier le criminel au trafic de drogue qu'il organise.

Mais les plans de la police sont fragilisés par le fait qu'Oda Hironari semble toujours particulièrement bien informé des opérations menées contre lui. En effet, il a envoyé un de ses propres hommes en couverture : Takayama Ryosuke. L'ayant connu adolescent, il a financé ses études et l'a encouragé à entrer dans la police pour lui servir d'informateur. Au sein des forces de l'ordre, la carrière de Ryosuke décolle pourtant rapidement, car il apparaît comme un officier de confiance et surtout très efficace. Au point de se voir chargé de débusquer la taupe opérant au sein de la police...

Arrive un moment où les mensonges permanents et le stress de l'infiltration commencent à lourdement affecter Miriya Jun et Takayama Ryosuke. Chacun s'interroge sur ce qu'il est devenu : existe-t-il encore une porte de sortie pour eux ?

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Double Face exploite efficacement les recettes classiques des fictions policières et de gangsters, tout en y intégrant une dualité intriguante et ambivalente liée à la double infiltration relatée. Si elle reste proche de l'original (d'après les souvenirs flous qu'il m'en reste), elle sait bien exploiter et se réapproprier le matériel de base. Chaque épisode met ainsi l'accent spécifiquement sur un des deux infiltrés, d'abord le policier, puis le yakuza, sans que l'homogénéité d'ensemble du récit n'en souffre. Par rapport à la durée du film original, ce sont 3 heures de fiction que le drama propose. Cela lui permet de développer plus avant certains éléments, en se reposant sur un construction narrative cohérente et solide, rondement menée jusqu'à son terme. Si elle s'offre des incursions dans le registre du thriller, avec plusieurs scènes très tendues ou marquées par d'explosion de violence, la fiction manque ici un peu d'éclat. Cependant ces limites sont compensées par un développement psychologique des personnages qui retient tout autant l'attention du téléspectateur.

Double Face prend en effet le temps de s'intéresser à ces deux personnages principaux, pressurés de part et d'autre. La mini-série insiste sur le thème de la perte d'identité, mettant en exergue les doutes, et plus généralement la solitude qui assaille les deux infiltrés. Sont particulièrement bien mises en scène les difficultés quotidiennes de l'exercice de double jeu auquel ils sont astreints et des mensonges qui finissent par troubler leurs repères. Figures ambivalentes par nature, ils ne sont pas moins humanisés : le drama éclaire leurs aspirations au changement, qu'il s'agisse d'un retour à une vie plus stable en fondant une famille pour le policier sous couverture, ou d'une émancipation de celui à qui il doit tout pour le yakuza. Après avoir vécu la vie d'un autre, instrumentalisés et sur-utilisés, chacun souhaiterait enfin vivre sa propre vie. Mais l'engrenage dans lequel ils évoluent n'offre pas d'issues satisfaisantes, et jusqu'au bout, la fiction sera cohérente avec elle-même, avec ses ambiguïtés, et avec le milieu mis en scène.

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Sur la forme, Double Face bénéficie d'une réalisation de bonne facture. Elle a en plus quelques vrais instants de grâce : Eiichiro Hasumi s'offre en effet plusieurs plans marquants et très inspirés, qu'il s'agisse de jouer sur la symbolique de certaines mises en scène ou sur la photographie et l'esthétique de divers passages, comme la scène de la première rencontre dans le passé entre Ryosuke et le boss yakuza (dont vous avez une screen-capture ci-dessous). La bande-son, sans prendre le pas sur le récit, parfois même très en retrait, l'accompagne cependant sobrement.

Enfin, côté casting, Double Face rassemble plusieurs têtes très familières du petit écran japonais. S'il manque peut-être une petite étincelle au duo principal, les deux acteurs, Nishijima Hidetoshi (Boku to Star no 99 Nichi, Strawberry Night), qui joue l'officier de police infiltré, et Kagawa Teruyuki (Nankyoku Tairiku, Ryomaden), font plus que correctement ce travail d'interprétation marqué par l'ambivalence et les dilemmes. C'est Kohinata Fumiyo (Ashita no Kita Yoshio, Marks no Yama, Jin) qui interprète efficacement le chef yakuza dont la chute représente l'enjeu de tout le drama. A noter que l'on retrouve également Wakui Emi (Bitter Sugar), Ito Atsushi (Densha Otoko) et Kadono Takuzo (Engine).

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Bilan : Double Face est un drama special solide qui entremêle les codes des fictions policières et celles de gangsters en s'intéressant à deux individus écartelés entre ces deux mondes opposés. La mise en scène de l'infiltration et de ses conséquences sur les infiltrés (la perte de repères et la volonté de sortir de cet engrenage) est particulièrement intéressante. Face aux deux portraits ambigus ainsi dépeints, le téléspectateur s'investit naturelement dans le sort de ces personnages déchirés. Double Face se montre un peu moins habile dans le registre du thriller, où il lui manque une dose de nervosité qui aurait permis à ce drama special d'acquérir une dimension supplémentaire. Mais il reste un remake sérieux et appliqué qui apporte une intéressante expérience à la télévision japonaise. J'espère la voir poursuivre sur cette voie !


NOTE : 7,75/10

13/06/2012

(J-Drama) Jin, saison 2 : dans la tourmente de la restauration de Meiji

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Chose promise, chose due ! Jin méritait de se voir consacrer un second mercredi asiatique d'affilée. A partir de la semaine prochaine, My Télé is Rich! repart en Corée du Sud, où on parlera des dernières nouveautés des grandes chaînes (et peut-être même plus). En revanche, il est probable qu'il s'agisse du dernier billet relatif à ces histoires de chirurgien propulsé au XIXe siècle. Je ne reviendrai sans doute pas sur le remake actuellement diffusé sur MBC, Dr Jin. Ayant non seulement réussi à vider de toute sa substance l'oeuvre d'origine, ce k-drama souffre de tant de poncifs maladroits que le visionnage des deux premiers épisodes aura été suffisamment douloureux pour me convaincre de ne pas persister. Inutile donc d'épiloguer : savourez le j-drama, oubliez le k-drama. 

La série japonaise mérite d'autant plus le détour qu'après tous les louanges que sa saison 1 méritait, la seconde (diffusée au printemps 2011 au Japon) n'aura absolument pas dépareillé, et aura maintenu une qualité constante. Elle s'inscrit ainsi dans la continuité de la tonalité du drama, tout en apportant cependant de nouveaux éclairages. En effet, sans négliger le personnel et le médical - qui étaient centraux dans la saison 1 -, c'est désormais l'approche politique qui prend une place plus importante. Car Jin est rattrapé par l'Histoire, et plus précisément la restauration de Meiji. C'est toujours aussi riche, et passionnant. En somme, un j-drama qui vous fait vibrer, et en prime qui réussit à conclure de manière plutôt satisfaisante la mythologie de science-fiction le sous-tendant : que demander de plus ?

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Pour apprécier l'orientation de cette seconde saison, il est utile de revenir sur la première : elle s'était concentrée sur les difficultés d'adaptation du chirurgien du XXIe siècle face à cette société japonaise du XIXe siècle, avec ses moeurs au parfum encore féodal et sa science médicale qui rencontrait tout juste l'occidentale. Le fil rouge était une intrigue personnelle qui tenait toute entière dans cette photo changeante, puis disparue, de Miki, la fiancée de Jin, abandonnée dans le coma dans le présent. Le dilemme qui se posait au chirurgien était le suivant : pouvait-il, par ses actes dans ce passé, la sauver d'une manière ou d'une autre et lui offrir un nouvel avenir ? L'arc autour du personnage de Nokaze était ainsi hautement symbolique : la réussite de l'opération de son cancer du sein, accompagnée de sa "libération" lui permettant de quitter le bordel, ouvrait la voie d'un possible futur. Cela s'inscrivait en écho à la faillite de l'opération de Miki qui avait précédé le voyage temporel, refermant la boucle par une note d'optimisme.

A la fin de la saison 1, Jin n'a désormais plus de moyens de connaître l'influence de ses actes sur le présent. Paradoxalement, il apparaît cependant en paix avec lui-même vis-à-vis de Miki. Il ne peut qu'espérer que l'avenir de cette dernière s'écrira, et laisser l'Histoire et la vie suivre son cours. Tout en jouant sur les parallèles entre Nokaze et Miki - la première se révélant l'ancêtre de la seconde -, la série a cependant toujours eu l'intelligence de ne pas céder à la facilité qui aurait consisté à reproduire dans le passé les schémas du présent. Elle préfèrera continuer de construire et de faire évoluer la vie de son héros au gré de ses rencontres. La saison 2 confirme que, au sein de cette esquisse de triangle amoureux qu'on devine confusément impossible, c'est avec Saki que Jin noue les liens les plus forts dans son quotidien de médecin révolutionnant les sciences. Le choix des scénaristes de reconnaître l'existence de cet amour, sans lui permettre de se concrétiser, apporte une dimension tragique supplémentaire dans la vie fort éprouvante de Jin. L'émotionnel à fleur de peau restant une des caractéristiques de l'écriture, la force de l'ensemble n'en est pas amoindrie : la fin en est tout aussi intense et poignante.

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Si la saison 2 emprunte aux éléments médicaux et relationnels de la première, la série y prend un tournant beaucoup plus politique. L'Histoire est véritablement en marche. Jin se retrouve catapulté dans les soubresauts politiques de l'époque, lui-même victime de complots à son encontre. Dans une ambiance propre à la tension marquant la fin d'une ère, le pays bascule dans une guerre interne où il faut choisir un camp, et s'y tenir. C'est l'occasion dans ce contexte d'adversité de voir mûrir et s'affirmer les personnages : qu'il s'agisse de la gestion de l'établissement médical ouvert par Jin, que ses assistants prennent peu à peu en charge, ou bien du frère de Saki, Kyotaro, qui cherche toujours sa place et se retrouve dans le camp du shogunat. Les jours du régime sont pourtant comptés, et c'est un autre fil rouge qui s'impose sous forme de compte à rebours. Cette fois-ci, c'est à un destin déjà scellé que Jin s'attaque, une mort enregistrée et connue de tous : l'assassinat de Sakamoto Ryoma au cours de cette période de transition politique. 

De manière générale, la grande réussite de la série au cours de cette saison 2 est de parvenir à entremêler grande et petites Histoires, l'approche personnelle se justifiant grâce au lien d'amitié qui unit Jin avec cette grande figure associée à cette période qu'est Sakamoto Ryoma. Ce dernier prend beaucoup plus de place dans cette deuxième partie. Il reste iconoclaste, mais gagne cependant en nuance et en maturité. Son rôle est double : il permet de mesurer les enjeux de la restauration, ainsi que les conditions dans laquelle elle va s'opérer, tout en servant de catalyseur dramatique. Ses rapports avec Jin sont dépeints de manière très intéressante, reflétant la rencontre de deux personnages extraordinaires chacun à leur manière. Tout l'enjeu de la saison sera de savoir jusqu'où Jin peut-il exercer son influence. Il a la faculté de modifier certaines destinées, d'introduire des améliorations - médicales - ou des idées - le système d'assurances -, mais l'Histoire n'a-t-elle pas aussi des points fixes sur lesquels il reste impuissant ? C'est en suivant cette trame solide du destin de Ryoma, qui apparaît comme une échéance inéluctable, que la saison 2 peut donc se développer.

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Au sein de ce mélange de médical humaniste et de politique historique, il est un thème qui sera toujours resté plus en retrait au cours des deux saisons : la dimension fantastique du voyage temporel qui fonde le drama. Jin n'a jamais cherché à développer outre-mesure ce versant tendant plus vers la science-fiction. Il a intégré certaines problématiques propres à ce genre - peut-on, doit-on, et jusqu'où changer le passé, et ce, sans hypothéquer le futur ? -, mais il a toujours préféré une approche privilégiant l'humain au développement d'une mythologie qui aurait risqué de mobiliser toute l'attention. Assez logiquement, c'est donc sur une conclusion sobre que le drama se termine. S'il y a bien l'esquisse d'une théorisation sur tableau blanc pour expliquer le présent dans lequel Jin revient, avec ses évènements fixes et ses changements, cet outil pédagogique sonne artificiel. Cette justification s'adresse au téléspectateur curieux, mais il n'est clairement pas l'enjeu d'un dernier épisode qui fait vibrer une fibre émotionnelle autrement plus bouleversante. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé cette fin douce-amère, toute en retenue, qui s'inscrit dans l'esprit de la série.

Sur la forme, cette saison 2 conserve tous les atouts de la première : une réalisation maîtrisée et posée, quelques plans magnifiques, notamment cette vue plongeante sur Edo. La musique demeure omniprésente et toujours aussi marquante. J'aurais rarement vu une OST faisant aussi corps, définissant l'identité et la tonalité de la série qu'elle accompagne. Cette fois-ci, la chanson du générique de fin est interprétée par Ken Hirai ; elle est plus intense que la première, déchirante à souhait et convenant parfaitement à la tournure dramatique que prennent les évènements. Enfin, côté casting, tout le monde maîtrise son sujet. Osawa Takao continue de m'impressionner : il aura vraiment su faire partager au téléspectateur toutes les émotions de son personnage face à toutes les épreuves qu'il doit affronter. Uchino Masaaki conserve une interprétation qui sur-joue, mais cependant l'écriture lui permet de gagner en subtiité ; peut-être cette aura particulière est-elle aussi liée au destin tragique l'attendant.

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Bilan : Fiction passionnante, qui aura revêtu au cours de cette seconde saison une dimension dramatique supplémentaire, Jin reste une oeuvre originale et solide, à la richesse fascinante, qui aura réussi à jouer pleinement sur trois registres différents : la fiction médicale, le drame humain et le récit historique. C'est sur ce dernier plan que cette saison 2 se démarque le plus et apporte un nouvel éclairage : elle nous plonge en effet au coeur des soubresauts d'un changement de régime, au sein d'un Japon qui se modernise. L'enjeu de la série n'est pas le pourquoi/comment du voyage temporel, mais bien tout ce qu'il va faire vivre au cours de ces années passées à l'époque d'Edo. Ainsi, avec son héros humain et faillible, Jin est une belle aventure humaine, revigorante, qui mérite assurément le détour.


NOTE : 9/10


La chanson du générique de fin (par Ken Hirai) :

06/06/2012

(J-Drama) Jin, saison 1 : un chirurgien parachuté au XIXe siècle dans l'époque d'Edo

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Il était écrit que cette semaine serait placée sous le signe du voyage temporel ! En ce mercredi asiatique, c'est d'une série à la saveur très particulière dont il va être queston, avec une review promise il y a longtemps que j'ai (enfin) pris le temps de rédiger sur un des plus marquants (et incontournables) dramas japonais de ces dernières années : Jin. Car avant de me lancer dans le remake sud-coréen Dr. Jin, actuellement en cours de diffusion au pays du Matin Calme, ces dernières semaines, je m'y suis préparée en revisionnant la version japonaise. Principalement parce que je ne pouvais imaginer évoquer le k-drama sans avoir écrit une critique complète sur le j-drama.

A l'origine de ces séries, se trouve un manga populaire de Murakami Motoka (dont l'édition est en cours en France, 16 tomes étant à ce jour disponibles). La série japonaise compte - c'est assez rare pour être souligné - deux saisons, de 11 épisodes chacune. Diffusée le dimanche soir sur TBS, la première l'a été du 11 octobre au 20 décembre 2009, tandis que la seconde le sera du 17 avril au 26 juin 2011, rencontrant un succès public non démenti. Pour des raisons "pratiques" (histoire de vous proposer un article à longueur... humaine), ce billet portera sur la première saison uniquement, en s'arrêtant sur les grandes caractéristiques de Jin. Un autre article suivra pour évoquer les spécificités de la seconde, et l'évolution que connaîtra la série. De qualité constante, chaque saison a des orientations qui lui sont propres, justifiant cette distinction.

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Minakata Jin est un chirurgien, exerçant de nos jours dans un grand hôpital de Tokyo. Il a longtemps semblé promis à une grande carrière, mais depuis qu'il a échoué dans une opération chirurgicale incertaine sur sa fiancée, Miki, la laissant dans un coma végétatif, il n'est plus le même, ayant perdu confiance en lui. Une nuit, alors qu'il est de garde, il opère un mystérieux patient atteint d'une tumeur au cerveau. Plus tard, son malade tente de s'enfuir de l'hôpital avec une trousse de survie. Dérapant dans les escaliers alors qu'il le poursuit, Jin chute... dans une faille temporelle. Lorsqu'il réouvre les yeux, l'instant d'après, il est désormais allongé dans l'herbe. Dans des bois qu'il ne reconnaît pas, il tombe alors sur une rixe entre... samourais, dont il est sauvé par le jeune Tachibana Kyotaro.

Incrédule, le médecin découvre qu'il a voyagé dans le temps pour se retrouver au XIXe siècle : il découvre l'époque d'Edo (ancien nom de Tokyo) dans les dernières années du shogunat Tokugawa. A une période où la médecine occidentale commence tout juste à parvenir jusqu'au Japon, où les épidémies de choléra font toujours des ravages, où bien des maladies ne peuvent être guéries, Jin découvre que ses connaissances médicales sont en mesure de jouer un rôle important. Mais sauver des vies peut avoir un prix : de quelle marge de manoeuvre dispose-t-il ? Peut-il vraiment changer et re-écrire l'Histoire alors qu'il sait quelle période troublée s'annonce et qu'il rencontre plusieurs grandes figures historiques ? Tandis qu'il s'interroge sur les raisons de son arrivée dans le passé, Jin s'inquiète aussi pour son futur : pourra-t-il retourner dans le présent ?

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Fiction d'une richesse rare, la grande réussite de Jin sera d'être capable d'exploiter pleinement le potentiel impressionnant de son concept de départ, qui lui permet d'aborder de multiples thématiques. Se situant ainsi à la croisée de différents genres (médical, historique, science-fiction même) qu'il est rare de voir mélangés de manière si homogène, le drama marque en premier lieu par sa profonde humanité. C'est en effet une série à l'émotivité à fleur de peau (ou d'écran) : chaque péripétie se vit et se ressent avec une intensité qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent. Abordant les évènements souvent sous un angle introspectif et personnel, l'écriture traite avec une sincérité à la fois troublante et désarmante des épreuves placées sur la route de nos héros et de leurs réactions, qu'il s'agisse des tragédies éprouvantes contre lesquelles ils resteront impuissants ou des défis qu'ils sauront relever admirablement et dont ils ressortiront plus forts.

De manière générale, Jin s'apparente à un véritable kaléidoscope d'émotions qui se fraye un chemin directement jusqu'au coeur du téléspectateur. Le personnage principal influe ici beaucoup : son éthique professionnelle chevillée au corps et son courage sont certes une source d'inspiration, mais il ne bascule jamais dans le syndrome du héros unidimensionnel. Au contraire, sa sensibilité naturelle, ses doutes constants et sa spontanéité parfois maladroite maintiendront toujours l'image d'un personnage très humain, vulnérable, tiraillé entre des impulsions contradictoires : protéger son futur ou agir sur ce passé. Autour de lui, gravite toute une galerie de personnages très différents. Figures historiques et anonymes plongés dans cette période troublée de la fin du shogunat, ils se nuancent et acquièrent une véritable épaisseur psychologique au fil des épisodes. Au contact d'un Jin qui semble toujours vouloir voir le meilleur dans ses interlocuteurs, chacun apprend sur lui-même, et découvre comment se surpasser. Il y a dans ce drama une dimension initiatique et de prise de conscience qui conduit chacun à agir à son niveau.

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En second lieu, Jin va savoir tirer le meilleur parti possible de cette idée de voyage dans le temps impromptu, en l'exploitant non pas dans le registre de la science-fiction, mais plutôt dans celui de l'historique. La reconstitution d'Edo est soignée. La série va très bien jouer sur le dépaysement occasionné pour ce chirurgien moderne : une bonne partie de la première saison évoque ainsi la manière dont il doit s'adapter aux moeurs (notamment par rapport à la jeune Saki, fille d'une famille respectable de samourais), mais aussi aux particularités sociales et politiques de cette période. Sur ce dernier point, l'enjeu est d'importance puisque des bouleversements sont à venir. La saison 1 les évoque encore de manière assez lointaine, mais bien présente cependant : la décennie des années 1860 est en effet celle de la restauration de Meiji. Jin n'est pas historien, mais il sait que des heures sombres se profilent. Le poids de l'Histoire se matérialise plus particulièrement avec l'introduction dans le récit de figures célèbres : l'amitié qui se noue entre Jin et Sakamoto Ryoma sera destinée à jouer un rôle de fil rouge pour nous faire vivre ces évènements.

De plus, l'originalité de la dimension historique tient au fait que Jin reste également une série médicale. Elle adopte certes une approche un peu hybride car, tout en mettant en scène des blessures typiques de l'époque (les entailles faites au sabre) ou des maladies qui font encore des ravages (choléra, syphillis), le chirurgien apporte avec lui des connaissances particulières qui ouvrent de nouveaux horizons aux gens d'Edo. Mais l'approche médicale demeure très rigoureuses. Les opérations chirurgicales sont détaillées, ayant souvent tendance à éclairer l'ingéniosité dont il faut faire preuve pour réussir à réaliser des opérations complexes sans outils modernes. Globalement, l'histoire de cette saison 1 est structurée autour de ces grands enjeux médicaux : avec notamment la conception de médicaments, et notamment la fameuse pénicilline que Jin va rendre accessible plus d'un demi-siècle avant sa découverte "officielle". Ce drama prouve une fois encore, comme le sud-coréen JeJoongWon par exemple, que le "médical historique", lorsqu'il est bien traité, est un sujet passionnant.

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Par ailleurs, Jin est également une belle réussite sur le plan formel. La réalisation est soignée. La caméra sait bien mettre en valeur quelques images symboliques comme cette vue plongeante sur Edo, de cette colline sur laquelle Jin se rend pour s'isoler. Elle jouera aussi sur les filtres de couleur, variant les teintes suivant l'atmosphère des scènes. Mais c'est surtout par son OST, somptueuse, que Jin marque les esprits : l'accompagnement musical, très présent, fait vraiment corps avec le récit, rythmant la narration, sublimant certains passages, sans jamais donner l'impression d'en faire trop. C'est bien simple : l'orchestration musicale est une des plus belles qu'il m'ait été donné d'écouter dans une série japonaise (et elle me hantera longtemps).

Enfin, Jin bénéficie d'un solide casting, au sein duquel Osawa Takao s'impose avec beaucoup de présence. C'est une interprétation très intense et émotionnelle qu'il délivre pour incarner ce chirurgien s'efforçant de faire face à la situation ; il n'est pas pour rien non plus dans l'empathie que le téléspectateur peut éprouver à son égard. Ayase Haruka (Byakuyako, Hotaru no Hikari) apporte la fraîcheur et l'énergie qu'il convient pour le personnage de Saki, à la fois assistante, disciple et confidente. Koide Keisuke (Perfect Report) est son frère qui, lui, cherche encore sa place dans la société de l'époque. C'est Nakatani Miki qui joue la fiancée dans le présent de Jin, et Nokaze, son ancêtre, dans le passé : elle fait preuve d'une grande classe dans la série. Uchino Masaaki (Rinjo) interprète quant à lui Sakamoto Ryoma : il ne trouve pas toujours l'équilibre entre le sur-jeu et le héros historique à l'aura impressionnante mais qui doit encore apprendre à se maîtriser, même si dans l'ensemble, dans cette première saison, le personnage reste ainsi intriguant. Par ailleurs, on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran japonais comme Aso Yumi, Kiritani Kenta, Takeda Tetsuya, Taguchi Hiromasa, Kobayashi Katsuya, Okuda Tatsuhito, Kohinata Fumiyo, Nakamura Atsuo ou encore Hirayama Hiroyuki.

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Bilan : D'une richesse narrative impressionnante, Jin est une perle rare qui allie différents registres que l'on a peu l'occasion de voir aussi bien entremêlés : le médical, l'humain, l'historique, et même la science-fiction en arrière-plan puisque tout débute par cette faille temporelle. Capable d'émouvoir et de faire vibrer le téléspectateur avec une intensité rare, Jin est une belle histoire, initiatique pour ses personnages, mais aussi pour le pays dans lequel elle se déroule et qui se situe à l'aube d'un important bouleversement. Portée par une magnifique OST, une réalisation intéressante et une diversité des thématiques qui maintiennent un rythme narratif sans temps mort, elle délivre un récit qui redonne du baume au coeur. S'il s'avère poignant et tragique à l'occasion, il est en effet animé par un volontarisme plein de vitalité. Une série incontournable.


NOTE : 9/10


Le générique :

Le thème principal de l'OST :