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13/06/2012

(J-Drama) Jin, saison 2 : dans la tourmente de la restauration de Meiji

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Chose promise, chose due ! Jin méritait de se voir consacrer un second mercredi asiatique d'affilée. A partir de la semaine prochaine, My Télé is Rich! repart en Corée du Sud, où on parlera des dernières nouveautés des grandes chaînes (et peut-être même plus). En revanche, il est probable qu'il s'agisse du dernier billet relatif à ces histoires de chirurgien propulsé au XIXe siècle. Je ne reviendrai sans doute pas sur le remake actuellement diffusé sur MBC, Dr Jin. Ayant non seulement réussi à vider de toute sa substance l'oeuvre d'origine, ce k-drama souffre de tant de poncifs maladroits que le visionnage des deux premiers épisodes aura été suffisamment douloureux pour me convaincre de ne pas persister. Inutile donc d'épiloguer : savourez le j-drama, oubliez le k-drama. 

La série japonaise mérite d'autant plus le détour qu'après tous les louanges que sa saison 1 méritait, la seconde (diffusée au printemps 2011 au Japon) n'aura absolument pas dépareillé, et aura maintenu une qualité constante. Elle s'inscrit ainsi dans la continuité de la tonalité du drama, tout en apportant cependant de nouveaux éclairages. En effet, sans négliger le personnel et le médical - qui étaient centraux dans la saison 1 -, c'est désormais l'approche politique qui prend une place plus importante. Car Jin est rattrapé par l'Histoire, et plus précisément la restauration de Meiji. C'est toujours aussi riche, et passionnant. En somme, un j-drama qui vous fait vibrer, et en prime qui réussit à conclure de manière plutôt satisfaisante la mythologie de science-fiction le sous-tendant : que demander de plus ?

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Pour apprécier l'orientation de cette seconde saison, il est utile de revenir sur la première : elle s'était concentrée sur les difficultés d'adaptation du chirurgien du XXIe siècle face à cette société japonaise du XIXe siècle, avec ses moeurs au parfum encore féodal et sa science médicale qui rencontrait tout juste l'occidentale. Le fil rouge était une intrigue personnelle qui tenait toute entière dans cette photo changeante, puis disparue, de Miki, la fiancée de Jin, abandonnée dans le coma dans le présent. Le dilemme qui se posait au chirurgien était le suivant : pouvait-il, par ses actes dans ce passé, la sauver d'une manière ou d'une autre et lui offrir un nouvel avenir ? L'arc autour du personnage de Nokaze était ainsi hautement symbolique : la réussite de l'opération de son cancer du sein, accompagnée de sa "libération" lui permettant de quitter le bordel, ouvrait la voie d'un possible futur. Cela s'inscrivait en écho à la faillite de l'opération de Miki qui avait précédé le voyage temporel, refermant la boucle par une note d'optimisme.

A la fin de la saison 1, Jin n'a désormais plus de moyens de connaître l'influence de ses actes sur le présent. Paradoxalement, il apparaît cependant en paix avec lui-même vis-à-vis de Miki. Il ne peut qu'espérer que l'avenir de cette dernière s'écrira, et laisser l'Histoire et la vie suivre son cours. Tout en jouant sur les parallèles entre Nokaze et Miki - la première se révélant l'ancêtre de la seconde -, la série a cependant toujours eu l'intelligence de ne pas céder à la facilité qui aurait consisté à reproduire dans le passé les schémas du présent. Elle préfèrera continuer de construire et de faire évoluer la vie de son héros au gré de ses rencontres. La saison 2 confirme que, au sein de cette esquisse de triangle amoureux qu'on devine confusément impossible, c'est avec Saki que Jin noue les liens les plus forts dans son quotidien de médecin révolutionnant les sciences. Le choix des scénaristes de reconnaître l'existence de cet amour, sans lui permettre de se concrétiser, apporte une dimension tragique supplémentaire dans la vie fort éprouvante de Jin. L'émotionnel à fleur de peau restant une des caractéristiques de l'écriture, la force de l'ensemble n'en est pas amoindrie : la fin en est tout aussi intense et poignante.

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Si la saison 2 emprunte aux éléments médicaux et relationnels de la première, la série y prend un tournant beaucoup plus politique. L'Histoire est véritablement en marche. Jin se retrouve catapulté dans les soubresauts politiques de l'époque, lui-même victime de complots à son encontre. Dans une ambiance propre à la tension marquant la fin d'une ère, le pays bascule dans une guerre interne où il faut choisir un camp, et s'y tenir. C'est l'occasion dans ce contexte d'adversité de voir mûrir et s'affirmer les personnages : qu'il s'agisse de la gestion de l'établissement médical ouvert par Jin, que ses assistants prennent peu à peu en charge, ou bien du frère de Saki, Kyotaro, qui cherche toujours sa place et se retrouve dans le camp du shogunat. Les jours du régime sont pourtant comptés, et c'est un autre fil rouge qui s'impose sous forme de compte à rebours. Cette fois-ci, c'est à un destin déjà scellé que Jin s'attaque, une mort enregistrée et connue de tous : l'assassinat de Sakamoto Ryoma au cours de cette période de transition politique. 

De manière générale, la grande réussite de la série au cours de cette saison 2 est de parvenir à entremêler grande et petites Histoires, l'approche personnelle se justifiant grâce au lien d'amitié qui unit Jin avec cette grande figure associée à cette période qu'est Sakamoto Ryoma. Ce dernier prend beaucoup plus de place dans cette deuxième partie. Il reste iconoclaste, mais gagne cependant en nuance et en maturité. Son rôle est double : il permet de mesurer les enjeux de la restauration, ainsi que les conditions dans laquelle elle va s'opérer, tout en servant de catalyseur dramatique. Ses rapports avec Jin sont dépeints de manière très intéressante, reflétant la rencontre de deux personnages extraordinaires chacun à leur manière. Tout l'enjeu de la saison sera de savoir jusqu'où Jin peut-il exercer son influence. Il a la faculté de modifier certaines destinées, d'introduire des améliorations - médicales - ou des idées - le système d'assurances -, mais l'Histoire n'a-t-elle pas aussi des points fixes sur lesquels il reste impuissant ? C'est en suivant cette trame solide du destin de Ryoma, qui apparaît comme une échéance inéluctable, que la saison 2 peut donc se développer.

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Au sein de ce mélange de médical humaniste et de politique historique, il est un thème qui sera toujours resté plus en retrait au cours des deux saisons : la dimension fantastique du voyage temporel qui fonde le drama. Jin n'a jamais cherché à développer outre-mesure ce versant tendant plus vers la science-fiction. Il a intégré certaines problématiques propres à ce genre - peut-on, doit-on, et jusqu'où changer le passé, et ce, sans hypothéquer le futur ? -, mais il a toujours préféré une approche privilégiant l'humain au développement d'une mythologie qui aurait risqué de mobiliser toute l'attention. Assez logiquement, c'est donc sur une conclusion sobre que le drama se termine. S'il y a bien l'esquisse d'une théorisation sur tableau blanc pour expliquer le présent dans lequel Jin revient, avec ses évènements fixes et ses changements, cet outil pédagogique sonne artificiel. Cette justification s'adresse au téléspectateur curieux, mais il n'est clairement pas l'enjeu d'un dernier épisode qui fait vibrer une fibre émotionnelle autrement plus bouleversante. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé cette fin douce-amère, toute en retenue, qui s'inscrit dans l'esprit de la série.

Sur la forme, cette saison 2 conserve tous les atouts de la première : une réalisation maîtrisée et posée, quelques plans magnifiques, notamment cette vue plongeante sur Edo. La musique demeure omniprésente et toujours aussi marquante. J'aurais rarement vu une OST faisant aussi corps, définissant l'identité et la tonalité de la série qu'elle accompagne. Cette fois-ci, la chanson du générique de fin est interprétée par Ken Hirai ; elle est plus intense que la première, déchirante à souhait et convenant parfaitement à la tournure dramatique que prennent les évènements. Enfin, côté casting, tout le monde maîtrise son sujet. Osawa Takao continue de m'impressionner : il aura vraiment su faire partager au téléspectateur toutes les émotions de son personnage face à toutes les épreuves qu'il doit affronter. Uchino Masaaki conserve une interprétation qui sur-joue, mais cependant l'écriture lui permet de gagner en subtiité ; peut-être cette aura particulière est-elle aussi liée au destin tragique l'attendant.

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Bilan : Fiction passionnante, qui aura revêtu au cours de cette seconde saison une dimension dramatique supplémentaire, Jin reste une oeuvre originale et solide, à la richesse fascinante, qui aura réussi à jouer pleinement sur trois registres différents : la fiction médicale, le drame humain et le récit historique. C'est sur ce dernier plan que cette saison 2 se démarque le plus et apporte un nouvel éclairage : elle nous plonge en effet au coeur des soubresauts d'un changement de régime, au sein d'un Japon qui se modernise. L'enjeu de la série n'est pas le pourquoi/comment du voyage temporel, mais bien tout ce qu'il va faire vivre au cours de ces années passées à l'époque d'Edo. Ainsi, avec son héros humain et faillible, Jin est une belle aventure humaine, revigorante, qui mérite assurément le détour.


NOTE : 9/10


La chanson du générique de fin (par Ken Hirai) :

06/06/2012

(J-Drama) Jin, saison 1 : un chirurgien parachuté au XIXe siècle dans l'époque d'Edo

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Il était écrit que cette semaine serait placée sous le signe du voyage temporel ! En ce mercredi asiatique, c'est d'une série à la saveur très particulière dont il va être queston, avec une review promise il y a longtemps que j'ai (enfin) pris le temps de rédiger sur un des plus marquants (et incontournables) dramas japonais de ces dernières années : Jin. Car avant de me lancer dans le remake sud-coréen Dr. Jin, actuellement en cours de diffusion au pays du Matin Calme, ces dernières semaines, je m'y suis préparée en revisionnant la version japonaise. Principalement parce que je ne pouvais imaginer évoquer le k-drama sans avoir écrit une critique complète sur le j-drama.

A l'origine de ces séries, se trouve un manga populaire de Murakami Motoka (dont l'édition est en cours en France, 16 tomes étant à ce jour disponibles). La série japonaise compte - c'est assez rare pour être souligné - deux saisons, de 11 épisodes chacune. Diffusée le dimanche soir sur TBS, la première l'a été du 11 octobre au 20 décembre 2009, tandis que la seconde le sera du 17 avril au 26 juin 2011, rencontrant un succès public non démenti. Pour des raisons "pratiques" (histoire de vous proposer un article à longueur... humaine), ce billet portera sur la première saison uniquement, en s'arrêtant sur les grandes caractéristiques de Jin. Un autre article suivra pour évoquer les spécificités de la seconde, et l'évolution que connaîtra la série. De qualité constante, chaque saison a des orientations qui lui sont propres, justifiant cette distinction.

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Minakata Jin est un chirurgien, exerçant de nos jours dans un grand hôpital de Tokyo. Il a longtemps semblé promis à une grande carrière, mais depuis qu'il a échoué dans une opération chirurgicale incertaine sur sa fiancée, Miki, la laissant dans un coma végétatif, il n'est plus le même, ayant perdu confiance en lui. Une nuit, alors qu'il est de garde, il opère un mystérieux patient atteint d'une tumeur au cerveau. Plus tard, son malade tente de s'enfuir de l'hôpital avec une trousse de survie. Dérapant dans les escaliers alors qu'il le poursuit, Jin chute... dans une faille temporelle. Lorsqu'il réouvre les yeux, l'instant d'après, il est désormais allongé dans l'herbe. Dans des bois qu'il ne reconnaît pas, il tombe alors sur une rixe entre... samourais, dont il est sauvé par le jeune Tachibana Kyotaro.

Incrédule, le médecin découvre qu'il a voyagé dans le temps pour se retrouver au XIXe siècle : il découvre l'époque d'Edo (ancien nom de Tokyo) dans les dernières années du shogunat Tokugawa. A une période où la médecine occidentale commence tout juste à parvenir jusqu'au Japon, où les épidémies de choléra font toujours des ravages, où bien des maladies ne peuvent être guéries, Jin découvre que ses connaissances médicales sont en mesure de jouer un rôle important. Mais sauver des vies peut avoir un prix : de quelle marge de manoeuvre dispose-t-il ? Peut-il vraiment changer et re-écrire l'Histoire alors qu'il sait quelle période troublée s'annonce et qu'il rencontre plusieurs grandes figures historiques ? Tandis qu'il s'interroge sur les raisons de son arrivée dans le passé, Jin s'inquiète aussi pour son futur : pourra-t-il retourner dans le présent ?

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Fiction d'une richesse rare, la grande réussite de Jin sera d'être capable d'exploiter pleinement le potentiel impressionnant de son concept de départ, qui lui permet d'aborder de multiples thématiques. Se situant ainsi à la croisée de différents genres (médical, historique, science-fiction même) qu'il est rare de voir mélangés de manière si homogène, le drama marque en premier lieu par sa profonde humanité. C'est en effet une série à l'émotivité à fleur de peau (ou d'écran) : chaque péripétie se vit et se ressent avec une intensité qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent. Abordant les évènements souvent sous un angle introspectif et personnel, l'écriture traite avec une sincérité à la fois troublante et désarmante des épreuves placées sur la route de nos héros et de leurs réactions, qu'il s'agisse des tragédies éprouvantes contre lesquelles ils resteront impuissants ou des défis qu'ils sauront relever admirablement et dont ils ressortiront plus forts.

De manière générale, Jin s'apparente à un véritable kaléidoscope d'émotions qui se fraye un chemin directement jusqu'au coeur du téléspectateur. Le personnage principal influe ici beaucoup : son éthique professionnelle chevillée au corps et son courage sont certes une source d'inspiration, mais il ne bascule jamais dans le syndrome du héros unidimensionnel. Au contraire, sa sensibilité naturelle, ses doutes constants et sa spontanéité parfois maladroite maintiendront toujours l'image d'un personnage très humain, vulnérable, tiraillé entre des impulsions contradictoires : protéger son futur ou agir sur ce passé. Autour de lui, gravite toute une galerie de personnages très différents. Figures historiques et anonymes plongés dans cette période troublée de la fin du shogunat, ils se nuancent et acquièrent une véritable épaisseur psychologique au fil des épisodes. Au contact d'un Jin qui semble toujours vouloir voir le meilleur dans ses interlocuteurs, chacun apprend sur lui-même, et découvre comment se surpasser. Il y a dans ce drama une dimension initiatique et de prise de conscience qui conduit chacun à agir à son niveau.

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En second lieu, Jin va savoir tirer le meilleur parti possible de cette idée de voyage dans le temps impromptu, en l'exploitant non pas dans le registre de la science-fiction, mais plutôt dans celui de l'historique. La reconstitution d'Edo est soignée. La série va très bien jouer sur le dépaysement occasionné pour ce chirurgien moderne : une bonne partie de la première saison évoque ainsi la manière dont il doit s'adapter aux moeurs (notamment par rapport à la jeune Saki, fille d'une famille respectable de samourais), mais aussi aux particularités sociales et politiques de cette période. Sur ce dernier point, l'enjeu est d'importance puisque des bouleversements sont à venir. La saison 1 les évoque encore de manière assez lointaine, mais bien présente cependant : la décennie des années 1860 est en effet celle de la restauration de Meiji. Jin n'est pas historien, mais il sait que des heures sombres se profilent. Le poids de l'Histoire se matérialise plus particulièrement avec l'introduction dans le récit de figures célèbres : l'amitié qui se noue entre Jin et Sakamoto Ryoma sera destinée à jouer un rôle de fil rouge pour nous faire vivre ces évènements.

De plus, l'originalité de la dimension historique tient au fait que Jin reste également une série médicale. Elle adopte certes une approche un peu hybride car, tout en mettant en scène des blessures typiques de l'époque (les entailles faites au sabre) ou des maladies qui font encore des ravages (choléra, syphillis), le chirurgien apporte avec lui des connaissances particulières qui ouvrent de nouveaux horizons aux gens d'Edo. Mais l'approche médicale demeure très rigoureuses. Les opérations chirurgicales sont détaillées, ayant souvent tendance à éclairer l'ingéniosité dont il faut faire preuve pour réussir à réaliser des opérations complexes sans outils modernes. Globalement, l'histoire de cette saison 1 est structurée autour de ces grands enjeux médicaux : avec notamment la conception de médicaments, et notamment la fameuse pénicilline que Jin va rendre accessible plus d'un demi-siècle avant sa découverte "officielle". Ce drama prouve une fois encore, comme le sud-coréen JeJoongWon par exemple, que le "médical historique", lorsqu'il est bien traité, est un sujet passionnant.

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Par ailleurs, Jin est également une belle réussite sur le plan formel. La réalisation est soignée. La caméra sait bien mettre en valeur quelques images symboliques comme cette vue plongeante sur Edo, de cette colline sur laquelle Jin se rend pour s'isoler. Elle jouera aussi sur les filtres de couleur, variant les teintes suivant l'atmosphère des scènes. Mais c'est surtout par son OST, somptueuse, que Jin marque les esprits : l'accompagnement musical, très présent, fait vraiment corps avec le récit, rythmant la narration, sublimant certains passages, sans jamais donner l'impression d'en faire trop. C'est bien simple : l'orchestration musicale est une des plus belles qu'il m'ait été donné d'écouter dans une série japonaise (et elle me hantera longtemps).

Enfin, Jin bénéficie d'un solide casting, au sein duquel Osawa Takao s'impose avec beaucoup de présence. C'est une interprétation très intense et émotionnelle qu'il délivre pour incarner ce chirurgien s'efforçant de faire face à la situation ; il n'est pas pour rien non plus dans l'empathie que le téléspectateur peut éprouver à son égard. Ayase Haruka (Byakuyako, Hotaru no Hikari) apporte la fraîcheur et l'énergie qu'il convient pour le personnage de Saki, à la fois assistante, disciple et confidente. Koide Keisuke (Perfect Report) est son frère qui, lui, cherche encore sa place dans la société de l'époque. C'est Nakatani Miki qui joue la fiancée dans le présent de Jin, et Nokaze, son ancêtre, dans le passé : elle fait preuve d'une grande classe dans la série. Uchino Masaaki (Rinjo) interprète quant à lui Sakamoto Ryoma : il ne trouve pas toujours l'équilibre entre le sur-jeu et le héros historique à l'aura impressionnante mais qui doit encore apprendre à se maîtriser, même si dans l'ensemble, dans cette première saison, le personnage reste ainsi intriguant. Par ailleurs, on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran japonais comme Aso Yumi, Kiritani Kenta, Takeda Tetsuya, Taguchi Hiromasa, Kobayashi Katsuya, Okuda Tatsuhito, Kohinata Fumiyo, Nakamura Atsuo ou encore Hirayama Hiroyuki.

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Bilan : D'une richesse narrative impressionnante, Jin est une perle rare qui allie différents registres que l'on a peu l'occasion de voir aussi bien entremêlés : le médical, l'humain, l'historique, et même la science-fiction en arrière-plan puisque tout débute par cette faille temporelle. Capable d'émouvoir et de faire vibrer le téléspectateur avec une intensité rare, Jin est une belle histoire, initiatique pour ses personnages, mais aussi pour le pays dans lequel elle se déroule et qui se situe à l'aube d'un important bouleversement. Portée par une magnifique OST, une réalisation intéressante et une diversité des thématiques qui maintiennent un rythme narratif sans temps mort, elle délivre un récit qui redonne du baume au coeur. S'il s'avère poignant et tragique à l'occasion, il est en effet animé par un volontarisme plein de vitalité. Une série incontournable.


NOTE : 9/10


Le générique :

Le thème principal de l'OST :


23/05/2012

(J-Drama) Chase : entre thriller financier et drames humains

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique. Je continue de finir les dramas que j'avais en cours depuis le début de l'année, histoire - pour une fois - de prendre le temps de rédiger un bilan pour chacun. Et puis, je me suis aussi replongée dans un drama coup de coeur que j'avais déjà vu, histoire de cette fois-ci écrire cette review que j'ai trop longtemps remise au lendemain (et en lien direct avec l'actualité sud-coréenne de cette fin du mois - je vous laisse deviner de quelle série il s'agit). En attendant, le drama du jour est tout autre ; un mélange des genres intriguant qui m'avait été conseillé par Lynda.

Chase a été diffusé sur NHK du 17 avril au 22 mai 2010, dans la case horaire du samedi soir. Scénarisé par Sakamoto Yuji (à qui l'on doit notamment le marquant Mother), il compte 6 épisodes de 55 minutes environ. Si j'ai eu du mal à écrire ce billet, c'est que j'ai rarement croisé une série dont la lecture de son synopsis laissait si peu entrevoir l'orientation à venir de la fiction. Ayant a priori imaginé une sorte de procedural classique, je me suis retrouvée face à un cocktail feuilletonnant, oscillant entre vengeance, drame personnel et thriller financier.

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Haruma Sosuke est inspecteur des impôts à Tokyo. Zélé et appliqué, il traque les fraudes fiscales, se consacrant corps et âme à son travail. Il est donc souvent absent d'un domicile familial où il néglige son épouse et sa fille adolescente, rentrant tard le soir et prenant rarement du temps pour passer un moment avec elles. Si sa femme ne se plaint pas, sa fille est en revanche plus entreprenante. Elle le convainc de planifier un voyage en couple, espérant permettre à ses parents de se retrouver. Mais du travail surgit au dernier moment, Sosuke ne peut partir ; sa femme décide malgré tout de prendre l'avion prévu. Malheureusement ce dernier s'écrase sans survivant.

Sosuke est anéanti par ce décès ; sa fille le considère en plus responsable. Mais en se replongeant dans ses enquêtes en cours, Sosuke découvre que l'avion avait peut-être été utilisé dans un stratagème permettant une évasion fiscale. Il discerne derrière la main de quelqu'un de suffisamment expert en finances pour orchestrer des fraudes à grande échelle. Par déduction, il vient en effet de déduire le rôle joué par un mystérieux homme d'affaires, Murakumo Shuji. Une confrontation à distance se construit peu à peu au fil du récit, tandis que Shuji entreprend la mise en place d'un plan bien particulier, aux motivations très troubles : quelles blessures se cachent derrière cette froideur apparente ?

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L'intérêt de Chase repose sur le mélange des genres très riche qu'il propose. On assiste à une constante mutation du drama tout au long de ses six épisodes ; et cette durée brève permet à l'histoire d'être concentrée et de se dérouler sans temps mort. La série débute par un premier épisode d'exposition, où le procédural - la particularité étant ici qu'il s'agit d'un inspecteur des impôts, non de la police - se mêle au thriller financier, nous introduisant dans le jargon et les montages complexes qui vont asseoir son propos. Cependant l'écriture feuilletonnante nous entraîne rapidement dans une dimension plus humaine et dramatique, reléguant les chiffres en arrière-plan. L'histoire relatée est en réalité celle de destins qui s'entre-choquent, avec des personnages liés par les circonstances. L'enjeu dépasse la simple volonté d'arrêter l'organisateur des fraudes : le drama se mue en une sorte de quête de rédemption, pour chacun de ces protagonistes qui se perdent et se cherchent sous nos yeux. Cet aspect, plus personnel et assez tragique, est certainement ce qui est le mieux réussi.

Malheureusement, Chase est aussi un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité inégale inhérente à son scénario. La série a en effet des ambitions, mais pas toujours les moyens pour les porter à l'écran de manière homogène. Sa faiblesse tient ici principalement à son volet thriller : les machinations financières, exposées de manière trop didactiques, peinent à générer une véritable tension (on est loin par exemple des jeux de bourse de Story of a man). Le récit manque de souffle, et l'ensemble est trop figé pour réussir à susciter un vrai suspense. Cela explique l'impression que le drama tend parfois à trop se disperser entre les genres, avec une écriture manquant de liant. Pour autant, l'évolution des enjeux au fil des épisodes apporte une profondeur et une intensité émotionnelles qui vont faire sa force. C'est par ces tragédies que Chase saura toucher le téléspectateur. La série gagne alors en complexité à mesure que les personnages se dévoilent, devenant alors beaucoup plus intéressante même si certaines maladresses demeurent.

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Sur la forme, Chase propose une réalisation classique, sans prise de risque, ni initiative notable. La seule spécificité de ce drama tient à sa bande-son, qui adopte une tonalité jazzy, déchirante à l'occasion, qui constitue ce que je qualifierais de "touche expérimentale" de la série. Si l'essai est à noter, j'avoue que j'ai été peu convaincue : même si parfois, on pourrait presque croire que la série souhaiterait exhumer une atmosphère de vieux polar, l'OST échoue à construire une ambiance, restant en décalage par rapport aux attentes et au ton du récit.

Enfin, Chase bénéfice d'un casting correct. Si Eguchi Yosuke campe efficacement cet inspecteur des impôts qui se bat du bon côté de la loi et tente de faire son deuil de son épouse, celui qui s'impose véritablement à l'écran est ARATA, sans doute parce que le rôle de ce dernier permet un jeu tout en ambivalence où il peut vraiment s'exprimer. C'est un acteur que je ne connaissais pas, mais il va bien prendre la mesure de la dimension torturée qui anime ce mystérieux financier de l'ombre qui se dévoile peu à peu sous nos yeux : ma révélation personnelle côté acteurs dans ce drama. A leurs côtés, on retrouve notamment Aso Kumiko, Mikura Tae, Saito Takumi, Nakamura Kazuo, Masuoka Toru, Okuda Eiji, Hirata Mitsuru ou encore Sato Jiro.

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Bilan : Intéressant par la richesse de ses thèmes,Chase est un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité structurelle handicapante. Peu convaincant dans le registre du thriller à suspense, il s'affirme immédiatement dès qu'il bascule dans l'intime de ses personnages et met en scène des storylines plus personnelles. Dans le registre dramatique, lorsqu'il s'agit de capturer des états d'âme, on perçoit le savoir-faire du scénariste. Mais au final, même si le drama expérimente des idées intéressantes, on reste sur sa faim devant cet ensemble certes ambitieux, mais trop dispersé et inégal, alors même que son sujet laissait entrevoir un potentiel certain qui ne demandait qu'à être exploité. 


NOTE : 6,5/10

16/05/2012

(J-Drama / Pilote) Unmei no Hito : le scandale de la rétrocession d'Okinawa

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J'ai beaucoup hésité sur le sujet de ce mercredi asiatique. J'avais d'abord esquissé un bilan de premier visionnage des pilotes des différentes nouveautés printanières japonaise (parce qu'aucune ne m'a marqué suffisamment pour y consacrer un article entier pour le moment). Il y avait aussi ce drama plus ancien que je suis en train de finir. Mais finalement, après avoir déjà failli y consacrer le billet de la semaine dernière, je n'ai pu résister à l'envie de prendre la plume pour vous parler de mon dernier coup de coeur japonais... Entre politique, journalisme, Histoire, il y a tant à dire sur cette série. Et si Unmei no Hito est un drama de la saison hivernale, son sous-titrage a débuté le mois dernier ; pour le moment, les quatre premiers épisodes sont disponibles.

Diffusé sur TBS du 15 janvier au 18 mars 2012, le dimanche soir dans la case horaire de 21h, Unmei no Hito compte 10 épisodes de 45 minutes environ. Il s'agit d'une adaptation d'un roman éponyme de Yamasaki Toyoko, qui s'inspire lui-même d'un évènement réel, le scandale ayant entouré la rétrocession d'Okinawa par les Etats-Unis au Japon dans les années 70. La responsabilité de porter à l'écran cette histoire a été confiée au scénariste Hashimoto Hiroshi (qui a déjà pu démontrer ses talents d'adaptation historique dans Karei Naru Ichizoku par exemple). C'est une fiction très dense qui nous plonge dans les coulisses de la société japonaise, soldant certains comptes avec la Seconde Guerre Mondiale, mais qui parle aussi de démocratie avec une interrogation sur la place de la presse, le tout en mêlant grande et petites Histoires.

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Unmei no Hito s'ouvre dans le Japon du début des années 70. Ce drama va suivre sur une décennie le destin d'un journaliste, Yuminari Ryota, qui est alors en pleine ascension professionnelle. En charge du service politique du grand quotidien qui l'emploie, l'ambitieux reporter a ses entrées dans les cercles gouvernementaux du pouvoir. Il a dans le même temps une idée claire de son métier : dans sa quête de scoops et de vérité, il n'hésite cependant ni à poser les questions qui fâchent, ni à se montrer entreprenant et tacticien pour obtenir des informations. Avec ses quelques soutiens de l'ombre et son travail rigoureux, il semblerait que rien ne puisse venir entraver une carrière qui s'annonce très prometteuse.

Mais, 1971, c'est aussi la date de la signature d'un traité entre le Japon et les Etats-Unis, organisant la rétrocession d'Okinawa, et précisant notamment le sort des bases militaires américaines et le paiement d'indemnités. Lors des négociations diplomatiques qui eurent lieu, le gouvernement américain exigea certaines contre-parties stratégiques et financières de la part du gouvernement japonais que ce dernier ne pouvait, politiquement, rendre publiques. Or grâce à une de ses sources au ministre des affaires étrangères, Ryota met la main sur des documents confidentiels évoquant un accord secret qui prévoit le versement de plusieurs millions de dollars aux Etats-Unis. Le journal publie l'information sans pouvoir directement dévoiler le document, ce qui risquerait de compromettre leur source.

Mais devant les démentis fermes du gouvernement et l'indifférence à laquelle il se heurte, Ryota s'indigne et va tenter de faire bouger les choses... au risque de se brûler face au pouvoir.

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Unmei no Hito marque tout d'abord par sa richesse et la densité de son propos. La série aborde des thématiques multiples, certaines très personnelles aux protagonistes, d'autres dignes des fictions politiques les plus abouties. C'est ce second aspect que mettent d'abord en valeur les premiers épisodes. Bénéficiant d'une écriture solide qui permet de prendre la mesure de la complexité de ce milieu, le drama nous introduit dans les coulisses du pouvoir de l'époque, à travers une problématique particulière, très intéressante, celle des rapports entre la presse et la classe dirigeante. Plus que certains cas de compromission ou de corruption, ce qui frappe dans le portrait ainsi dressé, c'est la connivence régnante dictée par les usages et les moeurs journalistiques de l'époque. La liberté de la presse semble tenir au mieux à un équilibre aussi fragile que précaire, au pire n'être qu'une chimère tant les reporters les plus influents apparaissent comme des pions à part entière sur l'échiquier du pouvoir ; beaucoup courtisent plus qu'ils ne songent au droit d'informer. La course aux scoops est une compétition encadrée, au sein de laquelle c'est le pouvoir qui dicte les limites et pose les bornes infranchissables. Des discussions de couloir aux déjeuners symboliques, la série nous fait ainsi assister à la montée des uns et à la chute des autres au gré des faveurs et des rapports de force.

Ce qui rend cette approche si passionnante, c'est qu'en plus de cette dimension politico-médiatique, Unmei no Hito, c'est aussi de l'Histoire. Elle revient sur les conditions de la rétrocession d'Okinawa, sur ses zones d'ombre, sur ce que le Japon a réellement accepté et ce que le gouvernement d'alors a officialisé. Le sujet est complexe pour qui (comme moi) connaît peu ces problématiques, mais si certaines subtilités peuvent au départ échapper au téléspectateur profane, la réussite de la série est de parvenir à rendre accessible les grands enjeux. L'intérêt du drama est ici double. Il permet de parler du Japon et de sa démocratie en éclairant la gestion gouvernementale de l'affaire ; mais il s'arrête aussi sur une problématique de géopolitique internationale, avec les relations entre le Japon et les Etats-Unis. Et moi qui n'aime rien tant que pouvoir apprendre grâce aux séries, autant dire que j'ai été particulièrement servie. J'ignorais tout de ces questions avant de débuter le drama, mais les informations existent en anglais pour bien les replacer dans leur contexte - attention cependant aux spoilers, cliquer à vos risques et périls ! - avec des articles tels que Okinawa-Gate : The Unknown Scandal, ou encore une interview du journaliste par qui le scandale est arrivé (de son vrai nom, Takichi Nishiyama). Unmei no Hito s'inscrit donc pour ces débuts dans la lignée des dramas capable de jouer sur la grande et les petites histoires, à la fois très enrichissant par ce qu'il évoque du Japon, mais qui en même temps ne perd pas de vue ses personnages, car ce sont eux qui en sont l'essence.

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Unmei no Hito va en effet s'intéresser aux destinées que la fuite de l'accord secret passé avec les Etats-Unis bouleverse, et à toutes les conséquences d'un scandale qui, d'une affaire d'Etat, finira par toucher la part la plus intime de ses protagonistes. Le flashforward des premières minutes donne immédiatement le ton : c'est au récit d'une déchéance que l'on va assister. Au début du drama, Yuminari Ryota est un professionnel à qui tout réussit, au point de s'imaginer peser sur ces cercles de pouvoir qu'il fréquente. Trop arrogant et sûr de ses forces, il pourrait être antipathique s'il n'était pas animé d'une passion sincère pour son métier, qu'accompagne une certaine éthique. Il est en effet prêt à beaucoup pour décrocher un scoop, mais tout ne se réduit pas à une simple compétition avec la concurrence. Le sort d'Okinawa, problématique particulièrement sensible au Japon, va être révélateur des limites de la connivence qu'il peut accepter. Lorsqu'il découvre le contenu réel du traité, Ryota cherche à prendre à témoin l'opinion publique pour le remettre en cause. Ce qui est le motive ici, ce n'est pas seulement la liberté d'informer ou l'exigence de transparence du gouvernement, c'est aussi la conscience du citoyen. D'où ses erreurs d'appréciation. Le drama touche ici à une thématique assez universelle en démontrant à quel point capter l'opinion publique est un jeu complexe ; et à l'époque, le pouvoir le maîtrise tout aussi bien.

De manière générale, ces premiers épisodes de Unmei no Hito permettent d'asseoir une galerie de personnages forts, dont on perçoit la complexité et les ambivalences. Outre le personnage central de Ryota, on y trouve notamment deux figures féminines au potentiel intéressant. Avec leurs forces et leurs faiblesses, elles sont en bien des points représentatives de la condition de la femme au Japon dans les années 70. Yuriko est l'épouse au foyer modèle, supportant et défendant son mari, même contre ceux qui comprennent mal ce qu'elle peut trouver à ce professionnel trop froid qui fait toujours passer son métier avant sa famille. On devine que les épreuves à venir vont la forcer à reconsidérer sa place et ses choix. Travaillant au ministère des affaires étrangères, Miko Akiko, elle, a déjà dû évoluer : son mari incapable de travailler, c'est elle qui doit subvenir aux besoins du foyer. Loin d'être une forme d'émancipation, cela pèse lourdement sur son couple. Elle subit en effet les brimades d'un époux ne supportant pas cette inversion des rôles. C'est justement cette tension intenable qui explique qu'elle va se tourner vers Ryota, devenant sa fameuse source.

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Sur la forme, Unmei no Hito est une série soignée. La réalisation est maîtrisée, d'une sobriété travaillée, en sachant également mettre en valeur le cadre et les symboles qui peuvent accompagner la mise en scène. Beaucoup de choix judicieux sont faits : ainsi, le premier épisode qui s'ouvre sur un flashforward à Okinawa, nous fait découvrir un océan bleuté d'une beauté à couper le souffle qui souligne parfaitement l'importance des enjeux qu'elle va concentrer. De plus, le drama bénéficie également d'une bande-son riche et très intéressante qui pose bien la tonalité ambiante ; elle est signée Sato Naoki, un habitué des OST dont le dernier travail notable était sur Ryomaden, mais que j'avais déjà beaucoup apprécié dans Hagetaka.

Enfin, Unmei no Hito dispose d'un casting dans l'ensemble solide et convaincant. Motoki Masahiro (Saka no ue no kumo, 87%) incarne bien la rigidité et l'aplomb sans faille du carriériste qui a réussi, mais en conservant des failles qui ne vont que croître à mesure que la situation va lui échapper. C'est Matsu Takako (Hero, Saka no ue no kumo) qui interprète son épouse, tandis que Maki Yoko (Loss Time Life) est sa source au ministère. Sinon, cela m'a fait plaisir de retrouver Omori Nao (Prisoner, Ryomaden), un acteur qui garde une place à part pour moi depuis Hagetaka. On croise également d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Kitaoji Kinya (Karei Naru Ichizoku), Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Last Money ~Ai no Nedan~), Hasegawa Hiroki (Second Virgin, Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita), Ishibashi Ryo (Gaiji Keisatsu), Harada Taizo (Kurumi no Heya) ou encore Emoto Akira (Karei naru Spy).

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, Unmei no Hito délivre un récit dense et complexe parcouru par une tension très prenante. Tout en ayant un parfum prononcé de fiction politique (et historique) par l'éclairage qu'elle offre sur la démocratie japonaise du début des années 70, et sur les rapports qu'entretiennent alors la presse et le pouvoir, la série va tout particulièrement s'intéresser à des destinées personnelles auprès desquelles le téléspectateur est prêt à s'investir. L'équilibre est rapidement trouvé entre toutes les composantes de cette histoire ; le résultat est intéressant et consistant. A suivre !


NOTE : 8,5/10

09/05/2012

(J-Drama) Suzuki Sensei : un high school drama consistant et attachant

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique ! Je voudrais revenir aujourd'hui sur un drama dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises depuis l'automne dernier : Suzuki Sensei. Les sous-titres anglais avaient été placés en hiatus pendant un temps, mais ils ont finalement été complétés et j'ai donc pu reprendre mon visionnage (je tenais à avoir tout vu avant d'en rédiger une critique). Il faut dire que ce drama aura été une belle surprise, dans laquelle je me suis lancée initialement pour une raison qui vous fera sans doute sourire : son affiche bigarrée et colorée m'interpellait. Je suis habituellement peu versée dans les high school dramas, mais voilà bien l'exception qui confirme la règle.

Suzuki Sensei a été diffusé sur TV Tokyo du 25 avril au 27 juin 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un manga éponyme de Taketomi Kenzi. D'une durée de dix épisodes de 45 minutes environ, il sera complété par un film qui a été depuis annoncé - en dépit d'audiences pour le moins assez faibles. Outre le fait d'avoir réussi à me passionner pour une série ayant pour cadre un lycée, Suzuki Sensei aura aussi marqué ma première rencontre - juste avant Kaseifu no Mita - avec son acteur principal, Hasegawa Hiroki (que, sans y prendre garde, je ne quitte plus depuis - il a même un rôle secondaire dans mon actuel second coup de coeur japonais de 2012 qu'est Unmei no Hito).

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La lecture du synopsis de Suzuki Sensei ne laissait pas entrevoir la particularité de ce drama. En effet, il est présenté comme une série entendant s'intéresser tout particulièrement aux dynamiques parcourant une classe de lycéens, non seulement du point de vue des élèves, mais surtout en s'arrêtant sur leur professeur principal, Suzuki Akira. Ce dernier est un enseignant extrêmement dynamique, dont les méthodes atypiques et parfois provocantes ne font pas l'unanimité du corps professoral, mais lui permettent de jouir d'une solide popularité auprès de ses élèves.

En effet, il n'hésite pas à responsabiliser ces derniers, cherchant toujours à provoquer une réflexion chez ces adolescents en quête de repères. Loin de vouloir leur imposer une discipline rigide, il encourage au contraire les confrontations orales au sein de sa classe, orchestrant des échanges très animés permettant de crever les abcès de tension et de créer une dynamique de groupe agréable pour travailler. Essayant de développer leur sens critique, persuadé que c'est en faisant des erreurs que l'on apprend, il oblige ses élèves à se dévoiler et à se révéler, construisant peu à peu une vraie solidarité entre eux.

Les méthodes ne sont pas orthodoxes, mais le fil conducteur du drama dans lequel un professeur tente d'apporter des solutions aux problèmes d'adolescents reste familier. Outre la touche personnelle de l'enseignant, Suzuki Sensei aborde de front, sans tabou, des sujets qu'on a peu l'habitude de voir traiter aussi crûment et directement (notamment la question de l'éducation sexuelle), prenant parfois des positions loin de faire l'unanimité. Initiant le débat, c'est un drama qui retient l'attention.

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La réussite de Suzuki Sensei, au-delà de sa qualité de l'écriture et du soin apporté à la mise en scène, tient en premier lieu à l'empathie que la série va être capable de susciter auprès du téléspectateur. En s'efforçant de prendre le pouls d'une classe, mais aussi du métier d'enseignant, elle développe un versant émotionnel fort qui ne laisse pas indifférent. Ayant tendance à surligner les états d'âme des élèves comme de leur professeur, le drama semble parfois excessif dans les réactions qu'il dépeint. Pourtant, il se montre toujours touchant et, surtout, vivant. Car son grand atout est le travail réalisé sur la personnalité de chaque personnage. Adolescents comme adultes, leur caractérisation est dense et aboutie. Aucun n'est unidimensionnel, ni ne sert de faire-valoir. Chacun gagne en complexité et en profondeur tout au long de la saison, avec quelques scènes - notamment de discussions collectives - qui sont de vrais bijoux en terme d'échanges spontanés.

Cette dimension humaine très affinée explique le fort attachement que j'ai pu éprouver devant ce drama : c'est une suite de portraits que Suzuki Sensei dresse et affine au fil de ses épisodes. Ses protagonistes, avec leurs contradictions, leurs doutes et leurs certitudes, apparaissent entiers et authentiques. Les lycéens, ayant encore tant à apprendre sur la vie, se brûlent souvent les ailes pour apprendre certaines réalités ; mais ils le font avec l'intransigeance et l'aplomb de l'adolescence. La force de la série est également de ne pas se contenter de s'intéresser à quelques individualités, mais de montrer un intérêt sincère pour la vie d'un collectif. J'ai rarement assisté à une telle mise en scène réussie d'une ambiance de groupe, amenée avec une construction narrative cohérente et un final habile qui conclut tous les arcs ouverts et tire les conclusions - parfois même les plus difficiles - du semestre écoulé.

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Si Suzuki Sensei est capable d'interpeller le téléspectateur, il le doit aussi à son personnage principal. Suzuki Akira a a priori tous les traits classiques du professeur atypique si cher aux high school drama. S'exprimant avec une assurance communicative, il est charismatique et n'hésite pas à sortir des sentiers battus. Cependant il n'en demeure pas moins humain, avec les limites inhérentes à cette nature. En choisissant de nous faire partager certaines de ses pensées ou assister à ses rêves, la série éclaire toutes les facettes les plus ambivalentes du personnage. Certes il est sincèrement passionné par son métier, veut le bien pour ses élèves, mais il reste faillible. Non seulement, en se laissant emporter par ses convictions, il commet des erreurs relationnelles - vis-à-vis de collègues, mais aussi d'élèves - qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. Mais de plus, il reste un homme, ne contrôlant pas ses réactions : ses fantasmes sur une de ses étudiantes et le trouble qu'il mettra longtemps à contenir face à elle éclairent un versant plus sombre, bien éloigné du professeur idéalisé par ses élèves.

C'est cette part d'ambiguïté qui est la caractéristique marquante et l'apport de Suzuki Sensei. Les méthodes d'enseignement particulières de Suzuki encouragent les confrontations de points de vue, et permettent d'esquisser des débats de fond. En laissant la parole aux élèves, elles aboutissent à de sacrées introspections. Ce parti pris d'une réflexion collective peut paraître utopique - et la matûrité dont font preuve certains élèves peut surprendre -, mais il confère au drama une légitimité pour parler sans détour de problèmes et de questionnements d'adolescence, avec une triple problématique centrale : l'amour, le sexe et la morale. Le drama n'hésite pas à investir des sujets sensibles et à donner des réponses controversées. On ne partage pas forcément les vues de l'enseignant, mais la dynamique tranche avec toute approche manichéenne et consensuelle (évitant justement certains jugements). Mon principal regret, ici, est de connaître insuffisamment le Japon et sa société pour pouvoir recontextualiser la série (la place de l'éducation sexuelle, les débats qui existent sur le sujet...). Cependant, avec ses moyens, Suzuki Sensei offre un instantané nourri de paradoxes et de prises de position sujettes à discussion. Il essaie d'initier des questionnements ; et même s'il n'ira pas au bout de sa réflexion, la démarche est intéressante.

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Intrigante sur le fond, Suzuki Sensei m'a également agréablement surprise sur la forme. La réalisation est maîtrisée, bénéficiant de plans aboutis appréciables. Et, surtout, elle use habilement de filtres qui influent sur l'atmosphère de la série : l'image est en effet très travaillée, avec des couleurs saturées aux teintes sombres. C'est une identité visuelle que l'on n'aurait pas forcément associé à un high school drama, mais qui se justifie pleinement. Elle fonctionne d'autant mieux que la série bénéfice d'une excellente bande-son : la chanson rock du générique de début (cf. la vidéo en fin de billet) et celle plus dramatique qui vient conclure les épisodes sont extrêmement bien choisies ; et les instrumentaux qui accompagnent ont souvent quelque chose de déchirant, simples bruitages par moment, qui contribuent à construire la tonalité ambivalente du drama.

Enfin, Suzuki Sensei bénéficie d'un convaincant casting. Comme je l'ai déjà évoqué, le personnage principal est interprété par Hiroki Hasegawa (Second Virgin, Kaseifu no Mita, Seinaru Kaibutsutachi). Cela reste sans doute le meilleur rôle dans lequel j'ai pu voir l'acteur : énergique et charismatique, il parvient bien à capturer les ambiguïtés d'un professeur passionné qui n'en a pas moins d'importantes failles, et auquel on s'attache justement pour ces limites. Du côté des adultes, Usuda Asami (Kurumi no Heya) incarne sa petite amie, tandis que Tomita Yasuko joue une enseignante avec qui la concurrence va s'exacerber. Cependant, la grande réussite de ce drama vient tout particulièrement des jeunes acteurs (Tsuchiya Tao, Fujiwara Kaoru, Miki Honoka, Nishii Yukito...) interprétant les élèves : avec une spontanéité rafraîchissante, ils délivrent des performances sincères qui sonnent juste. L'homogénéité et l'authenticité qui émanent de cette galerie de lycéens renforcent la crédibilité et l'attachement que l'on peut porter à ce drama. 

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, abordant sans détour les sujets difficiles qui agitent l'adolescence en ayant l'habileté de présenter de manière consistante tant les points de vue du professeur que des élèves, Suzuki Sensei est un drama qui interpelle et ne laisse pas indifférent. Le téléspectateur s'attache à cette galerie de protagonistes dont les états d'âme, exacerbés, sonnent terriblement humains. C'est une oeuvre qui recherche et assume une intensité émotionnelle assez fascinante. Au-delà des prises de position à débattre, la mise en scène des dialogues et des questionnements rend ce high school drama particulièrement vivant et authentique. Une intéressante surprise.


NOTE : 8/10


Le générique :