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03/10/2013

(K-Drama / Pilote) The Suspicious Housekeeper : une étrange gouvernante au sein d'une famille endeuillée


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Il vous avait manqué, le revoilà, le rendez-vous asiatique... du jeudi, pour cette semaine. Aujourd'hui, je vous propose de prendre la direction de la Corée du Sud pour un drama un peu particulier. Si vous me lisez régulièrement, vous connaissez mes réticences vis-à-vis des remakes : cela peut aller de la réaction épidermique à la franche mauvaise foi suivant la qualité de l'adaptation et de l'originale. Cependant, parallèlement, je reste une sériephile curieuse. Et quand la télévision sud-coréenne adapte le grand succès japonais de 2011, Kaseifu no Mita, je ne peux résister à l'envie d'y jeter un oeil. 

The Suspicious Housekeeper a débuté sur SBS le 23 septembre 2013, diffusée les lundi et mardi soirs. Elle est annoncée pour une durée de 20 épisodes, donc bien plus longue que l'originale qui comptait seulement 11 épisodes, lesquels étaient en plus beaucoup plus courts que le format sud-coréen d'épisodes dépassant 1h. Le scénario a été confié à Baek Woon Chul, et la réalisation à Kim Hyung Shik. Pour tout vous dire, même si je ne me suis pas installée devant ma télévision à reculons, je ne vous cache pas que j'étais assez sceptique de voir porter à l'écran un telle adaptation. Ces premiers épisodes n'ont pas balayé toutes mes réserves.

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The Suspicious Housekeeper s'ouvre sur des funérailles : celle d'une mère de famille laissant derrière elle quatre enfants sans repères, ainsi qu'un mari dépassé par le rôle de père et les responsabilités qui lui sont soudain confiées, lui qui préfèrerait se consacrer à sa carrière et à sa maîtresse. Ce dernier décide de louer les services d'une gouvernante pour remettre de l'ordre dans la maison et assurer les tâches du quotidien. L'agence à laquelle il s'adresse lui envoie une employée très particulière : Park Bok Nyeo. Appliquée et consciencieuse, elle est incapable de sourire et reste invariablement impassible. Elle exécute aussi tous les ordres - quels qu'ils soient - sans broncher. Sa supérieur conseille d'ailleurs de faire attention : si on lui donnait l'ordre de tuer quelqu'un, il se pourrait bien qu'elle l'exécute...

Malgré son étrangeté, Park Bok Nyeo s'intègre au sein de la famille brisée et dysfonctionnelle qui l'emploie, provoquant des réactions qui permettent à chacun d'exprimer ce qu'il a sur le coeur. Cependant, la maisonnée frôle l'implosion lorsque la vérité sur le drame qui les a durement touchés est révélée. Outre le récit d'une famille en ruines et à reconstruire, le drama invite le téléspectateur à s'interroger : qui est vraiment cette gouvernante ? Quels secrets passés dissimule-t-elle ?

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Au cours de ses deux premiers épisodes, la trame de The Suspicious Housekeeper suit un schéma relativement fidèle au drama d'origine. La série respecte les deux grandes sphères narratives qui avaient fait la force de Kaseifu no Mita : le mystère du personnage de Park Bok Nyeo et le difficile travail de deuil au sein de la famille Eun. Concernant le premier point, nul doute que la gouvernante intrigue. Sa froide impassibilité, combinée à l'excellence de ses compétences - de ses qualités de cuisinière à ses capacités de mathématicienne -, interpelle. Ses non-réactions et la manière abrupte dont elle peut prendre congé de conversations très importantes vont à rebours de toute convention sociale. Souvent, l'étalage de ses connaissances tient du spectacle, mais, dès qu'une pointe plus inquiétante se fait jour, The Suspicious Housekeeper prend son envol : la scène finale du premier épisode fait office d'électrochoc, à la suite de l'avertissement sur les dangers de l'obéissance aux ordres de Bok Nyeo. Deux problématiques sont ainsi à exploiter : en plus de se demander jusqu'où la gouvernante peut aller et quels actes elle peut commettre dans le cadre de ses fonctions, elle s'impose comme une énigme. Pourquoi est-elle ainsi ?

Si tous les ingrédients sont posés pour susciter le mystère, il faut cependant avouer que les débuts de cette version sud-coréenne fonctionnent moins bien que ceux de Kaseifu no Mita qui capitalisait sur une dimension inquiétante plus prononcée. La faute peut-être à une narration dont la tonalité se disperse trop facilement. De plus, l'écriture verse dans quelques excès dispensables, manquant de la subtilité attendue devant à certaines situations. Car, parallèlement aux questions provoquées par Bok Nyeo, c'est dans une famille en train d'imploser que The Suspicious Housekeeper nous plonge. Le drama évoque la douleur de ces enfants privés de leur mère, mais aussi la faillite complète de ce père et de ce mari. Des ajustements restent à opérer : certains enfants sont vite crispants, et le père est encore trop renfermé pour que le téléspectateur dépasse l'antipathie instinctive générée par ses actions. L'équilibre était plus immédiat dans Kaseifu no Mita. Cependant, au sein de ce tableau de famille désagrégée, et dans les déchirures qui se poursuivent au gré des révélations - s'accélérant efficacement durant le second épisode -, se perçoit un vrai potentiel narratif, lequel ne demande qu'à être mis en valeur par une écriture plus fine.

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Sur la forme, The Suspicious Housekeeper reste plutôt en dedans, avec une réalisation sans prise de risque, extrêmement classique. Si quelques scènes sont assez réussies - la scène dans la rivière du premier épisode, par exemple -, dans l'ensemble, le visuel est très quelconque. Quant à la bande-son, on y retrouve certaines des incertitudes liées à la tonalité du récit, avec le surgissement pas toujours opportun d'une musique soudain légère plus orientée comédie, avec des passages d'une ambiance à l'autre soient toujours bien dosés.

Enfin, côté casting, c'est Choi Ji Woo (Winter Sonata, Can't Lose) qui interprète la mystérieuse gouvernante : l'impassibilité exigée par son rôle rend la performance presque minimale. Ayant logiquement tendance à la comparer avec Matsushima Nanako, j'ai trouvé qu'il lui manquait ce petit quelque chose grâce auquel l'actrice japonaise apportait une aura très particulière à cette figure étrange ; cependant, Choi Ji Woo est pleinement entrée dans son personnage. Au sein de la famille qui l'accueille, Lee Sung Jae (A wife's credentials) incarne ce père dépassé : c'est en faisant ressortir ses failles qu'il saura l'humaniser. Quant aux quatre enfants, les performances sont très diverses : Chae Sang Woo, dans le rôle du fils le plus âgé, vite l'insupportable, tandis que Kim So Hyun sait se montrer plus assurée en tant que fille aînée ; Nam Da Reum et Kang Ji Woo complètent le tableau familial. Il manque peut-être pour l'instant l'homogénéité du drama japonais. Enfin Wang Ji Hye (President, Personal Preference) interprète la maîtresse de Sang Chul.

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Bilan : A mi-chemin entre le drame familial et le mystère intrigant que représentante la gouvernante, The Suspicious Housekeeper se réapproprie assez fidèlement les ingrédients qui avaient fait l'efficacité de la série d'origine. Ce drama entraîne le téléspectateur dans des dynamiques difficiles, mais ambitieuses, face à une famille en cours de désagrégation suite au deuil qui l'a frappé. L'écriture est correcte, mais manque de finesse, notamment avec des changements de tons et des excès pas toujours heureux. L'ensemble intrigue, sans pour autant parvenir à susciter la même aura inquiétante que Kaseifu no Mita.

En résumé, des réglages sont encore nécessaires. Je pense que si je n'avais pas vu et apprécié Kaseifu no Mita, j'aurais donné quelques épisodes de plus à The Suspicious Housekeeper pour s'installer. Je retenterai peut-être un peu plus tard en fonction des échos que je lirai sur le drama. Pour les curieux amateurs de mélange des genres.


NOTE : 6,25/10


Un extrait du premier épisode :


Une chanson de l'OST :


31/08/2011

(K-Drama / Pilote) Protect the Boss : une rom-com dynamique avec du caractère

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En ce dernier mercredi asiatique d'août, c'est l'occasion de vous parler d'un drama qui aura sans doute été ma bonne surprise du mois. Initialement, je n'étais pourtant même pas certaine de donner sa chance à Protect the Boss. Rien ne me prédisposait à tomber sous le charme de cette série : un synopsis en apparence déjà vu et revu, un casting avec des acteurs que je connaissais peu et d'autres que je n'appréciais pas. Mais la magie des rom-com sud-coréennes opère souvent en suivant des voies impénétrables... Après quatre épisodes visionnés, me voilà en effet sous le charme.

Protect the Boss a débuté sur SBS le 3 août 2011. Diffusée les mercredi et jeudi soirs, elle devrait comporter en tout 16 épisodes. Ayant succédé à City Hunter, on peut dire qu'elle a su suivre le chemin de son prédécesseur en se stabilisant autour d'une audience à deux chiffres plutôt bonne. Au fond, si je me suis si bien laissée embarquer par cette histoire, c'est que Protect the Boss a réussi là où peu de séries parviennent : elle a su me faire rire aux éclats dès son premier épisode. Avec un duo principal attachant et un sens du burlesque drôlement bien maîtrisé, je suis conquise.

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Protect the Boss, c'est l'histoire d'une association inattendue. No Eun Seol n'a jusqu'à présent guère eu de chance dans son parcours professionnel. Ne s'étant jamais pleinement consacrée à ses études, diplômée d'une université de seconde zone, la jeune et énergique femme ne manque certainement pas de qualités et d'un sens de la débrouillardise des plus développés, mais son CV suffit à effrayer tous les recruteurs potentiels. Elle échoue donc plus souvent dans des milieux douteux, où son caractère la place en porte-à-faux par rapport à des employeurs peu scrupuleux. Adepte des arts martiaux, elle n'hésite d'ailleurs pas à user de la force physique pour exposer ses vues. C'est dans le contexte d'une rixe qu'elle a provoquée qu'elle va ainsi croiser pour la première fois, de manière incidente, Cha Ji Heon.

Ce dernier est l'héritier d'une famille de chaebol. Aussi immature que caractériel, le jeune homme est très mal considéré au sein de l'entreprise de son père, dont il est pourtant le successeur présomptif, généralement catalogué comme étant un incompétent incapable de gérer la société. Il faut dire que son anxiété, qu'exacerbe tout contact avec une foule, le rend inopérent pour expliquer une simple présentation de projet en petit comité. Sans savoir qu'elle est la jeune femme qui a causé bien des problèmes à la compagnie du fait de la bataille rangée à laquelle elle a mêlé Ji Heon, Eun Sol est cependant embauchée comme secrétaire. Son profil atypique laisse espérer qu'elle réussira à supporter les caprices de Ji Heon et même peut-être à lui inculquer un peu de bon sens !

Les débuts de leur relation professionnelle sont aussi difficiles qu'explosifs. Cependant, à mesure qu'une forme de complémentarité et de compréhension se développent entre eux, d'autres problèmes les obligent à faire front, menaçant leur situation. En effet, tout le monde ne voit pas d'un bon oeil la volonté du patriarche de faire de Ji Heon son successeur, et derrière une apparence affable, le cousin de ce dernier, Cha Moo Won, nourrit des ambitions bien aiguisées par sa mère. Des prétentions que tous les défauts de Ji Heon paraissent presque légitimer...

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Si l'histoire ne présente a priori guère d'originalité, installant les bases et reprenant les confrontations que l'on croise classiquement dans une rom-com sud-coréenne, Protect the Boss dispose de plusieurs atouts qui vont retenir l'attention du téléspectateur. Bénéficiant d'une écriture très vive et d'un rythme de narration qui ne laisse aucun temps mort, elle s'impose tout d'abord avec brio dans le registre de la vraie comédie. Cultivant les réactions les plus inattendues de la part de personnages dont elle s'amuse à brouiller, voire à inverser, les rôles, soignant les chutes inattendues, cédant quand il le faut à un comique de situation allant jusqu'à verser dans un burlesque assumé, le dynamisme et la bonne humeur qui émanent de ce drama, même lorsque les protagonistes broient du noir, collent ainsi un grand sourire au téléspectateur.

Dès le premier épisode, la série démarre de la plus efficace des façons. On y retrouve cette dose d'ambivalence caractéristique et nécessaire à toute bonne rom-com : la tonalité est volontairement versatile, capable de passer naturellement du drôle absurbe à un émotionnel authentique en un clin d'oeil. Le récit se construit en jouant sur une dualité constante qui transcende toute l'histoire : tandis que certaines scènes, par leur caractère improbable où se mêlent un aplomb et une spontanéité rafraîchissante, font franchement rire aux éclats, d'autres dévoilent des facettes intimes des personnages, plus touchantes, qui font prendre un tournant plus pesant, voire doux amer, à ces scènes. Car Protect the Boss est aussi un drama empreint d'une sourde incompréhension : celle d'un père face à un fils, le seul qui lui reste encore en vie et qui semble si loin de ses attentes. Incompréhension toujours pour ce fils, Ji Heon, qui non seulement ne se comprend pas lui-même, frustré de ses réactions, mais qui laisse aussi ses mécanismes de défense se charger de faire le vide autour de lui, comme une forme de fuite en avant permanente. C'est en développant cette dimension humaine que l'attachement du téléspectateur pour cette série va se forger irrémédiablement.

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Au-delà d'une narration vive et efficace, qui cultive l'humour à bon escient, Protect the Boss charme en effet également grâce à ses personnages. C'est sur (et par) leurs ambiguïtés que l'histoire se bâtit de manière très intéressante. En effet, la série sait non seulement exploiter la recette classique découlant de la rencontre d'un jeune héritier chaebol arrogant et d'une employée spontanée venant bousculer l'ordonnancement de son monde, mais elle va aussi rapidement aller au-delà de cette trop simple caractérisation. No Eun Seol a beau ne pas être diplômée d'une université prestigieuse et ne pas avoir intégré tous les codes sociaux du milieu dans lequel son poste de secrétaire la propulse, elle conserve toujours une assurance inébranlable. A l'opposé, Cha Ji Heon a beau tout avoir sur le papier et être promis à un poste important, il a fini par se juger comme chacun le perçoit, un incapable paralysé par ses peurs et sa certitude d'échouer. Ses crises d'anxiété en public ne font qu'accentuer cette absence de confiance, mal dissimulée derrière des réflexes puérils d'un autre âge.

C'est dans l'association de ces deux êtres très différents que réside le coeur de la série. Confrontés aux exigences d'un quotidien professionnel avec sa dose d'adversité, les rapports de subordination et de dépendance s'inversent peu à peu. Si l'équilibre est tout d'abord très vacillant, un surprenant, presque hésitant, lien de confiance, mais aussi de compréhension, se noue entre Eun Seol, qui n'a jamais froid aux yeux, et Ji Heon, entravé par son naturel excessivement craintif. De plus, pour bien forcer les traits, à cette opposition de caractère, se sur-ajoute aussi un aspect tangible plus physique : tandis que Ji Heon blêmit dès qu'on lève simplement la main sur lui, Eun Sol pratique les arts martiaux et ne manque pas de répondant. La réussite de Protect the Boss va être ainsi de savoir insuffler une ambiguïté aussi bien dans ses personnages, à l'image de l'arrogance teintée de vulnérabilité de Ji Heon, que dans les situations auxquelles elle va les confronter.

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Sur la forme, Protect the Boss est une de ces comédies colorées qui s'épanouit avec une photographie agrémentée de couleurs chatoyantes. La réalisation épouse et accompagne le dynamisme d'ensemble qui parcourt ce drama, la caméra restant plutôt nerveuse, sans jamais en faire trop. Pour accentuer les décalages humoristiques, mais aussi les passages plus émotionnels, la série fait très bon usage de sa bande-son musicale. Plus que les chansons qui sont assez plaisantes, ce sont ses interludes extrêmement rythmées, uniquement instrumentales (utilisant notamment le violon) qui se détachent : elles concluent une scène ou soulignent l'importance d'une confrontation avec un sens de la narration vraiment bien maîtrisé.

Enfin, le casting était sans doute ma plus grande incertitude avant d'entamer le drama. Or il n'y a rien de plus agréable que d'avoir la surprise de tomber complètement sous le charme du duo principal. Ma révélation personnelle, c'est certainement Ji Sung. C'est la première fois que je le croise dans une série qui me plaît (il jouait bien dans Royal Family en début d'année, mais les deux premiers épisodes m'avaient trop peu intéressé pour que je poursuive le visionnage). Dans Protect the Boss, il investit le registre de la comédie avec beaucoup d'aplomb, tellement expressif dans sa façon d'être effrayé d'un rien qu'il vous fera rire spontanément dans les situations les plus improbables. A ses côtés, la sobriété très terre à terre de Choi Kang Hee offre vraiment le pendant parfait, l'actrice trouvant le juste équilibre entre une force intérieure inébranlable et un naturel plus doux. Pour compléter le quatuor principal, on retrouve deux autres acteurs à l'égard desquels je savais que je serais plus mitigée. L'an dernier (certes, en japonais), Hero Jaejoong n'avait pas été très convaincant dans Sunao ni Narenakute, même si l'écriture de son personnage n'y était pas pour rien. Dans Protect the Boss, il est toujours assez limité en terme de jeu d'acteur, manquant singulièrement d'expressivité. Mais la caractérisation de son personnage fait que cela n'est pas rédhibitoire. Quant à Wang Ji Hye (President), elle reste dans son registre habituel, devant pour le moment jouer un personnage qui fait plus office de faire-valoir assez unidimensionnel.

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Bilan : Toujours très dynamique, souvent franchement drôle, à l'occasion aussi désarmante qu'attachante, Protect the Boss est une de ces rom-coms qui fonctionne parfaitement en misant sur la dualité et les ambivalences de ses personnages et des situations auxquelles ils doivent faire face. Le téléspectateur se laisse ainsi charmer par un récit très vif et rythmé qui dispose d'un vrai sens de la comédie, tout en parvenant à rapidement nous impliquer sur le devenir de ses protagonistes. Pour les amateurs du genre.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :


Une chanson de l'OST :

13/04/2011

(K-Drama) President : une quête du pouvoir sans concession

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Après une parenthèse d'une petite semaine, le mercredi asiatique est de retour ! Et pas n'importe comment, puisqu'il nous revient avec une thématique qui m'est chère et qui va succéder au parfum policier de ces dernières semaines : la politique. Plus précisément, aujourd'hui, c'est une review en forme de bilan global que je vous propose à propos d'un drama, diffusé sur KBS2 du 15 décembre 2010 au 24 février 2011, dont je vous avais déjà parlé - à travers des premières impressions positives - en février dernier : President - La bataille pour la Maison-Bleue sera sans pitié.

Vingt épisodes plus tard, je ne regrette pas mon investissement. Et si lui consacrer un second billet me tient tout particulièrement à coeur, c'est autant pour son thème et sa qualité d'ensemble, qu'en raison du peu d'articles que j'ai pu croiser à son sujet. Car j'ai l'impression que President est malheureusement passé complètement relativement inaperçu (les audiences n'ayant pas aidé à infléchir cette tendance) et occupe une place de choix dans la catégorie des séries sous-estimées de cette année 2011. D'où la nécessité d'un peu de prosélytisme bien ordonné : même si ce drama n'est pas parfait et même si j'ai conscience que tous les publics ne se retrouveront sans doute pas dans les jeux de pouvoir fascinants, parfois létaux, qu'il offre, j'ai personnellement passé de bons moments sériephiles devant mon petit écran.

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Tout d'abord, rappelons brièvement l'histoire. Tout en nous immergeant dans les coulisses de la vie politique sud-coréenne fort agitée, President va avant tout se concentrer sur une thématique centrale : la campagne électorale présidentielle. Plus précisément, ses vingt épisodes vont être en grande partie consacrés à la primaire sans concession qui va se dérouler au sein du parti majoritaire sortant, le Parti de la Nouvelle Vague, entre les différents prétendants à l'investiture suprême. Le parcours vers la Maison-Bleue est semé d'embûches et d'obstacles à franchir. De tactiques électorales nourries de faux-semblants en volte-faces permanents, des fragiles alliances de circonstances aux trahisons inévitables, ce sera celui qui saura se montrer le plus rusé, mais aussi le plus déterminé, qui parviendra au bout de ce long et épuisant marathon politicien.

Le protagoniste central de President est assurément taillé dans cette étoffe particulière, où se mêlent ambitions inébranlables et qualités de stratège indéniables. Il faut dire que c'est sur la tombe de son frère, exécuté pour espionnage en 1981, que Jang Il Joon s'est promis de réaliser un jour ce projet rêvé par une victime des soubresauts politiques d'un autre temps. Cela lui confère une force et une motivation qui transcendent tout. Cependant les voies qui conduisent au pouvoir sont de celles où les compromissions deviennent un jour inévitables ; or la route vers l'Enfer est pavée de bonnes intentions. Dans un milieu politique où tous les coups sont permis, où se situe la ligne jaune ? Quelles limites Jang Il Joon est-il prêt à dépasser ? Sa famille survivra-t-elle à ces turbulences, alors qu'il introduit à ses côtés, autant pour se protéger que pour le protéger, un fils caché qu'il n'a jamais reconnu ?

Moeurs, corruptions, rien ne nous sera épargné durant cette campagne où la loyauté est un luxe que personne ne peut se permettre... Jusqu'où aller dans le sacrifice de ses principes comme de ses proches afin de pouvoir toucher au Graal ? Les blessures résultant de ce combat pour le pouvoir sont-elles vraiment de celles que le temps guérit ?

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Choisir de nous faire vivre en priorité les primaires du parti majoritraire, afin de désigner le candidat officiel à l'élection présidentielle à venir, n'est pas une option narrative neutre. Elle va apparaître opportune à plus d'un titre. En effet, au sein du genre politique qu'elle investit, la série délaisse les débats d'idées pour celui de l'affrontement individualisé. Certes, elle esquissera à l'occasion - et de façon parfois plutôt bien inspirée, soulignons-le - des problématiques de société, de la couverture maladie universelle aux fractures générationnelles. Cependant elle demeure avant tout un récit consacré à l'ambition et au pouvoir. Son intérêt premier, c'est de nous faire assister à la lutte intense pour l'investiture, puis à terme à l'ultime bataille afin d'obtenir la consécration que constitue le poste suprême de président. Par conséquent, en privilégiant la narration des affrontements au sein d'un même parti, le drama peut s'éloigner des problématiques de programme politique et légitimement personnaliser les enjeux.

Dans cette perspective, le personnage de Jang Il Joon, figure centrale ambivalente entièrement consacrée vers l'objectif présidentiel qu'il s'est fixé 30 ans auparavant, constitue l'atout majeur d'une série qui repose en partie sur ses épaules. Si la violence du milieu politique est une donnée universelle, le drama effleure ici des spécificités culturelles propres à son cadre. Par l'Histoire même de la République sud-coréenne, à travers les mutations qu'elle a pu connaître à grande vitesse depuis la fin des années 70, il reste de cet apprentissage démocratique une conscience particulière, voire une détermination exacerbée chez les différents protagonistes qui apparaît parfois en pleine lumière. C'est alors une pointe potentiellement plus tragique qui perce, dans la façon dont chacun peut concevoir la politique et dont la deuxième partie de President rend  compte. A mesure que le fantôme du frère de Jang Il Joon revient sur le devant de la scène, l'idée selon laquelle la politique peut se forger dans et par le sang se fait très concrète (pas seulement par cette image symbolique d'une bible utilisée pour écrire un programme avec son sang).

Si bien que, même si le drama reste globalement dans un non-dit consensuel quand il se réfère au passé, il prend cependant un goût particulier durant certains passages où se problématise l'arbitrage des sacrifices et du sacrifiable pour poursuivre cette quête vers la Maison-Bleue.

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Au-delà de cette course à la réalisation des ambitions, President va savoir fidéliser son public grâce à la consistance et à la richesse d'un récit au cours duquel l'intérêt du téléspectateur ne faiblit pas. La réussite de ce drama va justement résider dans sa capacité à maintenir une tension constante, mais aussi à entretenir une ambiguïté jamais démentie. La série évite en effet toute approche manichéenne. Les personnages ne sont pas unidimensionnels (à quelques rares exceptions secondaires). A mesure que tous gagnent en épaisseur psychologique au fil des épisodes, chacun dévoile une part d'ombre et de lumière. Le tout est de faire en sorte que la première n'éclipse pas totalement la seconde, alors qu'ils finissent par radicaliser leurs positions. Car voilà la problématique informulée qui flotte en arrière-plan : la fin justifie-t-elle tous les moyens ? Jang Il Joon incarne sans doute de la manière la plus représentative et symbolique ce questionnement moral. Echappant obstinément à toute catégorisation, il demeure difficile à cerner pour le téléspectateur. Loin d'être un idéaliste, il est présenté comme un homme de principes... qui n'hésitera pourtant pas à les contourner, voire à les piétiner sans sourciller, au nom d'une plus grande cause. Nous sommes ainsi les témoins privilégiés d'un étrange jeu d'équilibrisme, où le prix à payer semble inéluctable même si le montant demeurera longtemps inconnu.

Cependant, tout en développant ces thématiques politiciennes qui lui sont propres, President va aussi s'approprier les codes narratifs plus classiquement attendus d'une série sud-coréenne. Sans jamais masquer, ni empiéter sur des jeux de pouvoir qui conserveront toujours la priorité, le relationnel sera une constante efficacement utilisée pour fluidifier et lier l'ensemble des storylines du drama. L'empathie qu'il sait susciter conserve les attraits d'un investissement émotionnel qui, s'il n'a rien d'une rom-com ou d'un mélodrama, leur emprunte à l'occasion, sans trop en faire, quelques ficelles narratives. Des questionnements sur la réalité de sentiments facilement écartés sur l'autel des ambitions, à la lente construction de relations où le biologique n'est qu'une donnée anecdotique, en passant par des amours impossibles, voire des affirmations personnelles de jeunes gens qui mûrissent, President offre une forme de cocktail bigarré du savoir-faire sud-coréen dans cette dimension humaine qui lui est chère.

Cela permet de donner une consistance supplémentaire au récit et récompense l'intérêt du téléspectateur qui trouve ici un juste équilibre entre le traitement du politique et un volet qui mettra en valeur un aspect plus émotionnel.

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Sur la forme, President est un k-drama classique, relativement abouti. S'il y a peu de choses à dire (ou à redire) sur une réalisation qui correspond au cahier des charges traditionnel de ce type de série, la bande-son a en su revanche apporter une valeur ajoutée appréciable. Plusieurs chansons de l'OST ont des tonalités qui correspondent avec justesse à certaines des thématiques abordées. Sans être omniprésente, la musique - qu'elle se décline par des morceaux instrumentaux ou par quelques chansons - est fréquemment utilisée comme outil de narration, tel que cela est légitimement attendu d'une série sud-coréenne. L'ensemble est donc satisfaisant.

Enfin, si je me serais attachée à la quasi-totalité du casting, il convient vraiment de saluer la performance de Choi Soo Jong (Emperor of the Sea, Comrades). Imposant une présence forte à l'écran, il aura su incarner avec une ambiguïté prenante et une intensité souvent troublante ce personnage très intrigant. C'est d'ailleurs sans doute dans les rares passages où Jang Il Joon apparaît faillible, que l'acteur démontre pleinement tout son investissement dans ce rôle. A ses côtés, Ha Hee Ra (Catch a Kang Nam Mother, Give me food) a trouvé le ton juste pour incarner l'épouse avec toutes les facettes qui l'accompagnent : de la femme à l'égo bafoué par l'arrivée de l'enfant illégitime de son mari à l'alliée solide qui sait prendre ses propres initiatives. Du côté des jeunes adultes, Wang Ji Hye (Personal Preference) n'aura pas dépareillée, sans forcément marquer. Sung Min (du groupe Super Junior) aura eu relativement peu de scènes ; je serais tentée de dire "heureusement", car il ne s'en est pas toujours très bien sorti. Quant à Jay Kim (du groupe Trax), je garderai un souvenir positif de sa performance. Enfin, dans les rôles des conseillers gravitant autour de cette famille, chacun aura pleinement rempli son rôle. On y croisait notamment Kang Shin Il (Call of the country), Im Ji Eun (The Painter of the wind), Lee Doo Il (Chosun Police 3) ou encore Kim Heung Soo (Invicible Lee Pyung Kang).

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Bilan : President est un drama solide et consistant, investissant une thématique un peu particulière dans le petit écran sud-coréen : la politique, sans la décliner en rom-com (comme avait pu le proposer par exemple City Hall). C'est une série entièrement dédiée à cette quête du pouvoir, assez fascinante par sa façon de mettre en scène l'ambivalence de la partie d'échecs électorale qu'elle relate : atteindre la Maison-Bleue nécessite des sacrifices, mais jusqu'où la compromission peut-elle aller, et surtout conduire ?

Globalement maîtrisée, la narration parvient à exploiter de manière équilibrée et homogène son format de 20 épisodes. Le seul regret viendra peut-être d'une résolution finale un peu abrupte après s'être si bien attaché à décrire le cheminement pour parvenir aux portes de la Maison-Bleue. En fait, c'est un peu le type de drama où on se dit qu'une saison 2 pourrait être pertinente, car il y aurait encore beaucoup de choses à explorer. Mais cette conclusion perfectible n'occulte en rien les atouts d'une série à découvrir !


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du drama (VOST) :

 

Une des chansons de l'OST (4MEN - 독고다이) :


23/02/2011

(K-Drama / Pilote) President : la bataille pour la Maison-Bleue sera sans pitié


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Il ne sera pas dit que l'on peut passer tout un mois sur My Télé is Rich ! sans retourner en Corée du Sud, et c'est donc au pays du Matin Calme que nous entraîne ce dernier mercredi asiatique de février. Après plusieurs semaines désertiques, enfin, il y a eu une étincelle dans mes programmes sud-coréens ! Ou plutôt, une satisfaction personnelle tout d'abord : j'ai mis la main sur des sous-titres anglais de qualité pour apprécier les premiers épisodes d'un drama sur lequel je voulais jeter un oeil depuis plusieurs mois et que j'avais presque fini par oublier : President. Et cerise sur le gâteau : j'ai aimé (la série) !

Diffusé sur KBS2 depuis le 15 décembre 2010, ce drama s'achèvera demain soir en Corée du Sud, au terme de 20 épisodes, dans une relative confidentialité. Car parmi les séries politiques de ces derniers mois, c'est la calibrée Daemul qui s'est envolée vers les sommets, tandis que President n'a jamais pu ne serait-ce que frôler des taux d'audience à deux chiffres. Sauf qu'il m'avait fallu trois fois pour parvenir laborieusement au bout du pilote excessivement brouillon de Daemul, et qu'on a beau depuis m'en vanter les supposés mérites par la suite, honnêtement, je n'ai pas trouvé la motivation pour poursuivre cette expérience peu concluante. A l'opposé, ce week-end, une fois le premier épisode de President lancé, je n'ai plus pu décoller de mon petit écran avant d'avoir fini le... troisième épisode.

Certes les amateurs de romances ou encore de comédies légères passeront sans doute leur chemin sans regret, mais pour le moment, ce cocktail accrocheur et pimenté entre dynamiques politique et familial se révèle franchement très addictif.

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President (프레지던트) nous plonge dans les tumultes d'une vie politique sud-coréenne qui s'agite à l'approche de la future élection présidentielle. [Parenthèse constitutionnelle : La Corée du Sud un régime présidentiel, dans lequel le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans non renouvelable.] Au sein du parti au pouvoir (The New Wave Party), les ambitions de chacun s'affirment. De l'héritier présomptif, Premier Ministre à l'image policée, au jeune parlementaire ambitieux qui entend bien ne pas patienter et est prêt à brûler les étapes pour arriver au sommet, les primaires vont déjà offrir une première manche d'opposition très musclée, d'où un seul prétendant pourra émerger. Après avoir un temps hésité, appuyé par une épouse tout autant ambitieuse, Jang Il Joon décide de se lancer dans la bataille électorale, à quelques mois de la date fatidique des primaires, dans l'espoir d'obtenir l'investiture du Parti de la Nouvelle Vague.

Parallèlement, le jour-même de son annonce de candidature, dans une petite île éloignée de toutes ces préoccupations, une explosion de gaz, a priori accidentelle, dans une vieille maison, tue son habitante, tandis que son fils en réchappe de peu. Ce dernier, Yoo Min Ki, est un jeune réalisateur de documentaire travaillant à Séoul. Quelques jours après, encore sous le choc, alors qu'il reprend difficilement le travail, il est sollicité directement par l'équipe de campagne de Jang Il Joon : lui est offerte la possibilité de venir filmer un documentaire sur les coulisses de la campagne, avec des conditions d'accès particulièrement avantageuses. Peu politisé et guère intéressé par ces sujets, Min Ki reste un temps sceptique devant cette proposition dorée, n'en comprenant pas la raison.

Mais sa première rencontre avec Jang Il Joon va l'éclairer de la plus surprenante des manières et lui donner la clé manquante : ayant appris le décès de sa mère, le politicien lui révèle être ce père biologique absent dont elle avait toujours tu le nom, emportant son secret dans sa tombe. Peu disposé à l'égard de cette soudaine figure paternelle imposée dont il doute des réelles motivations, Min Ki va cependant essayer d'apprendre à le connaître, rapidement conscient de la puissance de nuisance dont il dispose. La révélation de l'existence d'un fils illégitime causerait en effet un scandale suffisant pour anéantir toute chance électorale. Mais quel est donc le degré de sincérité de Jang Il Joon ? Qui manipule qui dans ces jeux politiciens où les pions sont si facilement sacrifiables et sacrifiés ?

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L'attrait de President réside tout d'abord dans sa capacité à mêler et alterner habilement les deux grandes thématiques que la série investit, entre tumultes politiques et soubresauts familiaux. Deux thèmes au sein desquels le drama va introduire un même parfum de compromis et d'ambiguïté qui se révèle très accrocheur.

Le récit débute chronologiquement avec l'annonce par Jang Il Joon de son intention de briguer l'investiture de son parti, ouvrant la première étape de cette quête vers la Maison-Bleue : les primaires. Si la série se montre naturellement plus versée dans l'éclairage des rouages des basses oeuvres de la politique politicienne que dans le débat d'idées, un des aspects à mettre à son crédit sera incontestablement sa capacité à installer une tonalité chargée d'ambivalences. Portée par des protagonistes aux priorités équivoques, par rapport auxquels il est parfois difficile de se positionner pour le téléspectateur, la série n'est absolument pas manichéenne. Tout en dressant un portrait de ce milieu éloigné de tout idéalisme, elle ne tombe pourtant pas dans un excès désillusionné inverse. Notons que c'est faire preuve d'une maturité narrative à saluer que de savoir éviter cet écueil sur lequel tant d'autres séries politiques se sont échouées : President ne propose pas le récit de l'ascension d'une figure soi-disant providentielle. Conservant une distance opportune avec son sujet, c'est avant tout à une prenante quête du pouvoir que ce drama nous convie.

En effet, President apparaît surtout comme une série sur l'ambition. L'idée principale qui semble guider les scénaristes reste celle-ci : la politique est un combat, de conceptions du pouvoir autant que de personnes. C'est sur cette dimension que le drama appuie en s'attachant à dévoiler, sans complaisance aucune, la mécanique impitoyable de ces jeux de politique politicienne. Jang Il Joon aura beau se draper dans un étendard de probité qu'il porte haut, et qu'il respecte sur certains points par la grâce d'une morale à géométrie variable, le téléspectateur ne se départira jamais d'une certaine réserve à son égard, se demandant surtout si l'éthique à vraiment quelque chose à voir avec son refus de certaines compromissions. N'est-ce pas plutôt un prudent instinct de survie qui lui fera chercher à préserver le futur de ses ambitions ? Car quand les portes de la salle de stratégie se referment, face à la réalité des sondages, la fin justifiera toujours les moyens. Et il n'aura pas d'hésitation à user de toutes les armes dont il dispose... 

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Au-delà de son immersion dans ce cambouis politique, President va ainsi capter l'attention du téléspectateur par la complexité de ses personnages, transposant cette sourde ambiguïté jusque dans leurs rapports, même familiaux. Cette dimension humaine, que le drama n'oublie pas de soigner, permet de ne jamais dépersonnaliser ou déshumaniser ces jeux de pouvoir, offrant ainsi un pendant concret aux problématiques politiques. Cela permet de s'assurer de la fidélité d'un téléspectateur qui, sans forcément aimer instantanément les personnages, se sent rapidement impliqué dans le sort de chacun. Si President ne renie pas une influence proche parfois de la dynamique de certains soaps, elle évite pour le moment habilement d'en faire trop, tout en se ménageant des possibilités d'évolution familières (la fille aînée opportunément "adoptée", par exemple). Dans le même temps, la série intrigue par des protagonistes dont les personnalités semblent continuellement se complexifier.

Que penser de la facilité avec laquelle Jang Il Joon décide exposer son fils (légitime) à une humiliation, forme de punition qu'il a certes bien cherché, mais qui surtout permet à son père de récupérer politiquement l'affaire ? Comment interpréter le geste fait à l'égard de Min Ki ? La révélation spontanée laisse le téléspectateur songeur, tout comme l'explication sybilline donnée ("tout fils a droit de connaître son père"). A l'image du jeune homme, le téléspectateur ne peut qu'être troublé devant la coïncidence entre la mort de sa mère et l'annonce de candidature de ce père biologique qui aurait tout à perdre dans ces révélations. Pour autant, c'est bien Jang Il Joon qui a pris lui-même l'initiative de dévoiler la vérité à un fils caché qui ignorait tout. A l'instar des autres personnages, Min Ki prend rapidement la mesure de ce milieu teinté de faux-semblants où les rapports de force semblent la seule vérité. Si bien qu'à son tour, il délaisse sa relative naïveté initiale, se mettant au diapason d'un ensemble assurément très pimenté. 

De façon plus générale, President esquisse des rapports familiaux particulièrement ambivalents, qui vont rester difficiles à cerner. Certes la cellule familiale demeure fondamentale. Mais derrière une apparence faussement unie, chacun semble tiraillé par son propre sens de la grandeur et sa conception personnelle de la famille, à l'image de Jo So Hee, épouse et mère impliquée, décidée à atteindre les sommets tout en protégeant les êtres qui lui sont chers. Héritière d'un grand groupe industriel, c'est pour elle que Jang Il Joon a oublié, le temps d'un séjour en Europe, cette jeune femme simple perdue sur son île, enceinte de ses oeuvres. So Hee n'a pas une fonction de faire-valoir : elle est autant une alliée de poids, qu'un possible point faible, ses actions, moins réfléchies, pouvant se révéler dangereuses. Reste que sa priorité familiale apparaît sincère, face un époux tout à ses rêves présidentiels. Fragilisée par la campagne électorale, l'introduction (pour l'instant secrète) de Min Ki risque bien de déstabiliser un peu plus une famille plus fragile que l'image renvoyée.

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Sur la forme, President s'avère plutôt soigné et assez plaisant. La réalisation est dynamique, à l'image du rythme d'ensemble de la série. On ressent une volonté manifeste de bien faire qui est agréable. Cependant ces efforts n'échappent malheureusement pas à la tentation de trop en faire, notamment relativement à la bande-son. En effet, c'est un recours constant à la musique que propose ce drama, entre divers accompagnements instrumentaux et autre ces petits thèmes au piano - à l'écoute certes plaisante -, qui finit par banaliser cette utilisation. Quasiment aucune scène ne va se dérouler sans une touche musicale, plus ou moins envahissante, en arrière-plan sonore. Comme la série est peu contemplative et jamais figée, on échappe à l'impression clipesque que donnent certains k-dramas. Mais, même si cela ne gêne pas le récit, cette débauche musicale apparaît un peu excessive.

Enfin, le casting laisse une impression d'ensemble globalement satisfaisante, confirmant l'appréciation positive que l'on ressent à l'égard de la galerie de personnages rapidement identifiables. Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), que j'avais déjà trouvé convaincant l'été dernier dans Comrades, incarne à merveille ce politicien charismatique qui, derrière des principes de moralité affichés, ne manque pas d'ambiguïté. Ha Hee Ra (Catch a Kang Nam Mother, Give me food), son épouse à la ville comme à l'écran, offre un pendant parfait pour compléter ce couple ambitieux, collaboratrice active aux projets de son mari. Pour incarner leurs enfants, Wang Ji Hye (Personal Preference), en fille aînée responsable, trouve rapidement ses marques, tandis que Sung Min (du groupe Super Junior) reste pour l'instant cantonné à quelques brèves apparitions. Vous savez que j'ai toujours un peu tendance à me méfier des chanteurs devenant acteurs surtout dans leurs premiers dramas ; mais pour incarner le fils illégitime, j'avoue avoir été agréablement surprise par la prestation de Jay Kim (du groupe Trax). En plus d'être plus que charmant (c'est le moment de vous confesser mon léger crush), j'ai trouvé qu'il délivrait une performance d'ensemble globalement solide. Quant aux rôles secondaires globalement plutôt bien travaillés - ce qui est appréciable -, signalons notamment la présence de Kang Shin Il (Call of the country), Im Ji Eun (The Painter of the wind), Lee Doo Il (Chosun Police 3) ou encore Kim Heung Soo (Invicible Lee Pyung Kang). 

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Bilan : President est un drama rythmé et accrocheur, qui trouve rapidement le juste équilibre entre politique et famille, sachant pleinement exploiter tous les ressorts émotifs et dramatiques, teintés d'un machiavélisme de circonstance, que ces thématiques permettent. Nous plongeant dans une arène politique qu'elle dépeint sans complaisance, la série fait preuve d'une maturité narrative louable pour intéresser le téléspectateur à ces jeux de pouvoir. Elle évite aussi bien la déshumanisation de ce versant aride de politique politicienne que la facilité qu'aurait offerte la mise en scène d'une supposée figure providentielle. Se construisant autour de personnages ambivalents, souvent intriguants, et dont le sort ne nous est pas indifférent, President se révèle un drama efficace, calibré mais atypique par son thème, qui sait donner envie de s'y investir.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :