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28/06/2013

(Pilote UK) The White Queen : la guerre des Deux-Roses du point de vue des femmes

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Avec la fin du printemps, se sont s'achevées les saisons 3 de Game of Thrones sur HBO, et de The Borgias sur Showtime qui, elle, ne reviendra pas l'année prochaine. Vers quel petit écran allait donc se tourner le sériephile amateur de ces récits moyen-âgeux consacrés aux luttes de pouvoir ? Logiquement, il jetait un regard curieux vers une nouveauté annoncée sur BBC1, programmée également le dimanche soir, à partir du 16 juin 2013 : The White Queen. Constituée de 10 épisodes d'1 heure environ, il s'agit d'une adaptation de la saga littéraire de Philippa Gregory, The Cousin's War.

Destinée à trois chaînes, BBC1 pour l'Angleterre, Starz pour les Etats-Unis et VRT pour la Belgique, la série avait déjà fait parler d'elle avant même sa diffusion lorsqu'avait été révélée l'existence de plusieurs montages différents, Starz n'ayant pas les mêmes quotas et rapports aux scènes de sexe que sa consoeur anglaise. Les téléspectateurs qui souhaiteraient une version moins éditée auront toujours la possibilité d'attendre la diffusion américaine qui interviendra dans le courant de l'été, à partir du 10 août 2013. Malheureusement, ce ne sont pas quelques scènes plus explicites qui effaceront la déception qu'est The White Queen. 

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The White Queen nous plonge dans l'Angleterre de la deuxième partie du XVe siècle, mettant en scène une période troublée connue sous le nom de la Guerre des Deux-Roses. La série débute en 1464 : le conflit entre la Maison d'York et celle de Lancastre a précipité le royaume dans la guerre civile depuis plusieurs années déjà, marqué par la victoire du premier camp. Edouard d'York est devenu Edouard IV, couronné roi grâce aux manoeuvres et au soutien de Lord Warwick (Richard Neville). Ce dernier nourrit de hautes ambitions, mais ses plans vont se heurter à celle qu'Edouard va choisir, sans concertation, pour épouse.

En effet, le jeune roi tombe éperdument amoureux d'Elizabeth Woodville, la veuve d'un partisan Lancastrien, venue obtenir l'héritage dû à ses deux fils issus de ce premier mariage. De manière précipitée, avant de partir au combat, Edouard l'épouse en secret. Une fois le trône définitivement acquis, il confirme publiquement l'existence du mariage, et place Elizabeth en tant que reine à ses côtés. Si cette union est peu appréciée par la famille royale, notamment par la reine mère, l'opposition la plus forte est celle de Lord Warwick qui voit les projets personnels d'alliance qu'il avait envisagés rendus caducs.

The White Queen nous entraîne dans les jeux de pouvoir de la cour d'Angleterre, où les vaincus d'hier n'ont pas dit leur dernier mot et où les loyautés changent au gré des intérêts fluctuants de chacun. Elizabeth a beau pouvoir s'appuyer sur l'amour royal et un sens des alliances maritales très poussé, ce sont des épreuves difficiles qu'elle aura à affronter...

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Sur le papier, le potentiel de The White Queen reposait sur ce mélange pimenté des sentiments et des luttes pour le pouvoir qu'elle se proposait de mettre en scène, avec pour cadre l'Angleterre de la fin du XVe siècle (le tournage ayant cependant eu lieu en Belgique). Malheureusement, à aucun moment au cours de ses deux premiers épisodes, la série ne va faire un instant illusion. Sa mauvaise gestion du point de départ de l'histoire, le coup de foudre entre un roi que d'aucuns qualifient d'usurpateur et une veuve qui n'est pas de haute naissance, est représentative de bien des limites. Le pilote est extrêmement précipité : en moins d'une heure, et quelques brèves rencontres, le téléspectateur voit l'antagonisme politique initial (la famille d'Elizabeth est liée aux Lancastriens) qui les opposait se changer en amour, pour finir par l'union officielle.

Si le mariage a lieu si rapidement, en secret, c'est qu'Edouard ne peut tout simplement pas attendre de coucher avec Elizabeth. Mais cette dernière n'entend pas n'être qu'une énième maîtresse dont ce roi charmeur aurait souillé l'honneur : après avoir manqué d'être violée par ce dernier, elle accepte de bonne grâce de l'épouser. Il y aurait sans doute eu là matière à cultiver une intéressante ambiguïté, entre pouvoir, pragmatisme et sentiments, mais le récit de The White Queen semble prendre un malin plaisir à déjouer tous les espoirs, s'enfermant dans une platitude frustrante. Les producteurs de la série ont eu à se justifier sur l'enchaînement sans transition d'une violence sexuelle à une cérémonie religieuse, expliquant schématiquement, dans The Guardian, "différente époque, différentes moeurs". Seulement, ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que le manque de crédibilité de leur récit tient avant tout à la manière artificielle dont tout se déroule : la série est incapable de faire ni ressentir, ni comprendre le lien qui s'est créé entre Edouard et Elizabeth et le choix lourd de conséquence que fera ce dernier en se mariant.

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Suite à ce pilote raté dans la mise en scène du jeu des sentiments, une fois le mariage officialisé, on pouvait cependant se demander si The White Queen allait parvenir à sortir des maladresses de sa phase d'exposition et commencer à exploiter le potentiel de son concept. C'est la raison pour laquelle j'ai regardé le deuxième épisode. Mal m'en a pris. Certes, après l'amour, ce sont bien les confrontations politiques qui se retrouvent au premier plan, avec des complots de cour qui prennent vite forme... Mais l'approche narrative demeure inchangée : tout est pareillement précipité, les années défilant à vive allure sans prendre le temps de construire la moindre tension et ambivalence. Les intrigues suivent des ficelles trop grossières pour être engageantes, finissant par caricaturer ces rapports de pouvoir qui sont pourtant le coeur de l'histoire.

Plus frustrant encore, la série se complaît dans un manichéisme vite agaçant du fait de la simplicité naïve avec laquelle sont traitées des situations pourtant complexes, qui offraient matière à de belles confrontations. La famille d'Elizabeth, quoiqu'en pense cette dernière, n'est pas la dernière à manoeuvrer pour asseoir ses intérêts et son pouvoir. Or le récit est excessivement biaisé, et la candeur initiale d'Elizabeth trop en décalage avec les évènements dépeints, pour que les oppositions entre les différents camps acquièrent une réelle consistance. Les dialogues sonnent creux, et la fin du deuxième épisode achève de confirmer l'incapacité de la série à susciter la moindre émotion, y compris dans la tragédie. Et ce ne sont pas quelques rare scènes rendues assez jubilatoires par la mère d'Elizabeth qui sauveront l'ensemble du marasme fade dans lequel la série s'est embourbée.

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De plus, ce n'est pas sur la forme que la série se rattrapera : le premier adjectif qui m'est venu en tête devant le pilote de The White Queen était "propret". Tout semble sonner faux dans cette mise en scène aux teintes artificielles ; on peine à croire que l'action se déroule au XVe siècle. Certes, la série n'est pas la première à opter pour ce genre d'approche, puisque The Tudors ou The Borgias ont, ces dernière années, misé sur les costumes colorés et les reconstitutions folkloriques, mais cela n'avait pas d'incidence sur l'ambiance générale de la série qui savait happer le téléspectateur. En revanche, The White Queen pousse, elle, la logique à son extrême, obtenant un résultat peu en prise avec le souffle historique attendu.

Enfin, The White Queen bénéficie d'un casting correct, mais où la fadeur des personnages tend à éclipser des acteurs qui ne déméritent pourtant pas. Le couple principal est interprété par Max Irons (The Runaway) et la suédoise Rebecca Ferguson qui apporte une fraîcheur appréciable à l'écran. On retrouve aussi quelques habitués des fictions costumées, à l'image de James Frain (The Tudors), David Oakes (The Borgias), voire Amanda Hale (The Crimson Petal and the White, Ripper Street). Parmi la riche galerie d'acteurs, on croise également Aneurin Barnard, Faye Marsay, Tom McKay (Hatfields & McCoys), Ben Lamb, Eleanor Tomlinson, Caroline Goodall (Mrs Biggs), Juliet Aubrey (Primeval) et Rupert Graves (Single Father, Garrow's Law, Sherlock). Dans ces deux premiers épisodes, celle qui tire le mieux son épingle du jeu, bénéficiant de quelques répliques bien senties, est sans conteste Janet McTeer (The Governor, Five Days, Damages, Parade's End).

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Bilan : En dépit d'un concept initial prometteur, The White Queen s'apparente à une sorte de livre dont les pages en papier glacé seraient tournées trop rapidement pour pouvoir construire un récit solide, cohérent et engageant. En dehors de quelques trop rares fulgurances, tout sonne creux et artificiel dans cette narration où les intrigues suivent des ficelles souvent grossières. Forçant les traits, coupable d'une simplification baclée de ses enjeux, la série flirte avec la caricature sans épaisseur des jeux de pouvoir moyen-âgeux. Loin des ambitions affichées, The White Queen échoue ainsi dans les ressorts les plus basiques des fresques historiques. Le téléspectateur reste à la porte, observateur distant, vite ennuyé...


NOTE : 5/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la série :


06/10/2012

(Mini-série UK) Parade's End : la fin des parades

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Figurant en bonne place parmi les period dramas de la rentrée, Parade's End, diffusée sur BBC2 à partir de la fin du mois d'août (elle compte 5 épisodes), laissait entrevoir d'intéressantes promesses sur le papier. Adaptée d'une oeuvre écrite par Ford Madox Ford, scénarisée par Tom Stoppard, cette co-production BBC/HBO/VRT bénéficiait d'un sujet fort, mêlant amour et Grande Guerre, avec pour tableau de fond les mutations de la haute société anglaise. Elle rassemblait aussi un casting qui retenait l'attention, emmené par Benedict Cumberbatch. Malheureusement, après des débuts quelque peu maladroits, elle n'aura jamais su dépasser sa froideur initiale, offrant un beau visuel peinant à capturer l'intensité des émotions pourtant entrevues.

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Parade's End disposait pourtant d'une histoire qui n'aurait pas dû pouvoir laisser indifférent. Elle met en scène le développement d'un triangle amoureux dans la haute société britannique du début du XXe siècle, en proie à bien des mutations. Sylvia Satterthwaite et Christopher Tietjens, un aristocrate, se rencontrent dans un train, au cours d'un trajet qui finit en ébats amoureux passionés. Peu de temps après, Sylvia annonce qu'elle est enceinte, même si elle ne peut être certaine que Christopher est le père. En homme de principes, respectable et responsable, ce dernier accepte cependant de l'épouser.

Leur mariage n'est pas heureux, tant leurs tempéraments diffèrent. Sylvia se montre de plus en plus provocatrice, au point de le tromper, et même de partir avec un autre homme. Campant sur ses positions vis-à-vis de sa femme, Christopher fait cependant la rencontre d'une jeune suffragette, Valentine, auprès de laquelle il semble être lui-même. S'il ressent quelque chose de fort, il ne peut concevoir d'être infidèle, ni de divorcer. Mais parallèlement, d'autres évènements plus graves s'annoncent en Europe qui vont venir remettre un peu plus cause ses certitudes : la Première Guerre Mondiale s'apprête à éclater.

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Parade's End est, sur fond d'histoire d'amour impossible, un récit sentimental initiatique parlant de passions réprimées et de la douleur de ne pouvoir les assouvir. C'est aussi le portrait des bouleversements et des traumatismes provoqués par la Grande Guerre, notamment au sein d'une société aristocratique arrivée à un tournant. La richesse des thématiques abordées est indéniable. Mais en cherchant à relater le poids des conventions sociales sur l'autel desquelles sont sacrifiées tant d'émotions, la mini-série tombe dans le propre piège qu'elle devait raconter. Elle délivre un récit d'une froideur presque hautaine, avec des personnages enfermés dans leur rôle et peinant à susciter la moindre empathie. Parade's End a voulu relater la distance avec laquelle un certain milieu percevait le monde, elle aura appliqué cette même distance à sa tonalité ambiante. Le récit en devient peu accessible, souffrant en plus de maladresses de construction et de longueurs dommageables - particulièrement durant les premiers épisodes.

Cette histoire a pourtant une intensité sous-jacente qui se perçoit par intermittence. Elle entreprend de nous raconter comment, par quelles épreuves, Christopher va progressivement parvenir à s'affranchir de toutes ses préconceptions de classe pour accepter ses sentiments. Malheureusement l'ensemble du récit semble ployer sous une chape de plomb, figeant et ayant du mal à retranscrire avec justesse les réactions des personnages. Les seules étincelles d'humanité proviennent de Sylvia, dont les éclats et la flamboyance insolente en deviennent savoureux, correspondant aux rares moments où Parade's End s'anime et retrouve de la vie. L'ascendant pris par la jeune femme contribue à déséquilibrer le triangle amoureux esquissé, tant la fadeur de Valentine contraste, à des années-lumières des fortes individualités de la brillance - très différente - de Sylvia et de Christopher. La suffragette n'a ni la complexité, ni l'ambivalence des deux autres, et reste une figure trop unidimensionnelle, en retrait. Ces déséquilibres expliquent en partie pourquoi l'histoire peine à convaincre, peu aidée par un rythme trop lent : Parade's End est en fait une fiction inconstante, qui a ses fulgurances, mais manque d'homogénéité et de cohésion.

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Si elle peut être critiquée sur le fond, Parade's End est en revanche une belle réussite visuelle. La réalisation est particulièrement soignée, avec une photographie travaillée qui sublime un certain nombre de larges plans nous plongeant dans la campagne aristocratique anglaise. Cette esthétique que l'on pourrait qualifier de cinématographique confère ainsi une assise bienvenue au récit de la mini-série, même si elle ne permet pas d'occulter les problèmes liés à la construction de la narration. D'ailleurs, ce period drama donne parfois presque l'impression de privilégier une superbe reconstitution et les effets de caméra au détriment du soin à apporter au fond. Au moins les yeux du téléspectateur ne s'en plaignent-ils pas.

Enfin, le casting de Parade's End souffre également d'un manque d'homogénéité qui pèse sur la crédibilité du triangle amoureux mis en scène. Au cours de ces 5 épisodes, la lumière sera venue de l'interprétation de Rebecca Hall, magnifique dans un personnage de Sylvia qui reste impossible à clairement cerner. Ennuyée des convenances, provocatrice, amoureuse, elle apporte à ses scènes une vitalité qui tranche agréablement avec la plate froideur qui domine le reste du récit. Face à elle, Benedict Cumberbatch (Sherlock) fait un travail très correct dans un registre qui lui est familier, et dans un rôle qui convient à son jeu. Malheureusement Adelaide Clemens peine, elle, à offrir un contre-poids à ces deux fortes présences. Le script ne lui donne peut-être aussi pas suffisamment de matière. A leurs côtés, on retrouve notamment Rupert Everett, Stephen Graham, Miranda Richardson, Anne-Marie Duff, Roger Allam, Janet McTeer, Freddie Fox, Jack Huston ou encore Tom Mison.

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Bilan : Magnifique visuellement, inaboutie sur le fond tout en s'offrant quelques fulgurances et scènes marquantes, Parade's End est une oeuvre froide et distante qui laisse une impression d'inachevée. Elle s'apprécie sur la forme, mais frustre sur le fond (qui semble parfois être un prétexte pour permettre une telle mise en scène). Son histoire avait un potentiel certain, mais elle n'aura pas su l'exploiter de manière cohérente et convaincante. C'est une mini-série qui se laisse suivre mais dans laquelle le téléspectateur peine à s'investir. Apparaissant décevante par rapport aux ambitions affichées et aux moyens mis en oeuvre, elle est à réserver aux amateurs de period drama, et à ceux que son approche un peu glacée ne décontenancera pas.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la mini-série :