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21/09/2014

(US) E.R. (Urgences) : petit hommage à une série fondatrice

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Si ce dimanche marque le véritable coup d'envoi de la rentrée des networks américains, la semaine écoulée a été marquée par un autre type de célébration. Une rentrée plus ancienne occupait l'esprit du sériephile enclin à la nostalgie, celle de 1994. Il y a déjà vingt ans (et deux jours), NBC lançait en effet une série qui n'a pas usurpé le qualificatif souvent galvaudé de "générationnelle". Un style, une durée et des personnages qui en ont marqué plus d'un : c'était E.R. (Urgences). Débutée en 1994, elle n'a débarqué qu'à l'été 1996 en France. Elle allait pourtant créer un rituel télévisuel automnal incontournable, allégeant d'autant le retour sur les bancs du collège ou du lycée (pour les premières saisons en ce qui me concerne). Installés devant France 2, nous terminions immanquablement le week-end dans les couloirs du Cook County. Suivant ainsi le chemin défriché par X-Files sur M6, Urgences a contribué à asseoir les séries américaines en prime-time, familiarisant le téléspectateur, dans cette ère sans haut débit, à la temporalité sériephile.

Urgences est un des monuments fondateurs de ma passion pour le petit écran. Elle est sans doute arrivée un peu tôt pour produire le déclic que provoquera cinq ans plus tard A la Maison Blanche, mais elle a construit, avec quelques autres séries de sa décennie, mon éducation sériephile et des réflexes toujours bien présents. Cette série populaire réunit les ingrédients qui représentent encore aujourd'hui, à mes yeux, l'essence même de ce que doit être une œuvre télévisée. Au sein de ce service des urgences de Chicago, ce sont autant d'importants enjeux liés aux services de santé, et de manière générale de grands thèmes de société, qui faisaient irruption dans le sillage des patients se succédant à l'hôpital. Le cadre se prêtait parfaitement à une fiction, permettant de jouer sur une dimension théâtrale et un rythme incertain et changeant, capable de s'emballer comme peu de récits. Pour reprendre l'expression chère à Martin Winckler, Urgences était un véritable "miroir de la vie", reflet réaliste, esquissé sans complaisance, d'une grande ville américaine, de sa population et des problématiques auxquelles elle était confrontée.

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Vingt ans après, demeure le souvenir d'une longue chronique de société, seulement achevée en 2009, au terme de 15 saisons. Le parcours n'a pas été homogène, avec des accidents et une qualité devenue en dents de scie. Par-delà l'importance du discours tenu et des thèmes traités, la force d'Urgences a aussi été de savoir reposer sur un facteur humain déterminant pour l'engagement du téléspectateur. Certes, avec le recul, il me faut constater que c'est l'équipe des premières saisons qui est restée inchangée dans ma mémoire. Les autres personnages, condamnés à n'être que d'éternels nouveaux venus, ont été les greffes d'un renouvellement nécessaire qui, inconsciemment ou non, n'a jamais été totalement enregistré. Pour autant, le lien humain ne fut pas rompu. Une des règles classiques du scénariste, pour immerger le téléspectateur dans les codes d'un univers particulier, est d'utiliser comme clé d'entrée narrative un nouveau. Urgences est de celles qui ont réussi cet exercice au-delà de toutes espérances. Débarqué durant le pilote avec sa blouse blanche immaculée trop bien taillée, Carter a été l'âme de la série. Il a mûri devant nous et est resté notre fil rouge. Je reconnais n'avoir jamais pu regarder que par intermittence les saisons où il a été absent.

Enfin, si Urgences a été une fiction capitale à plus d'un titre, elle n'est pas seulement une œuvre à analyser et à intellectualiser pour y trouver une radiographie de la société américaine d'alors. Elle a légué au téléspectateur bien plus que cela, avec quelques flashbacks à jamais profondément ancrés dans le panthéon du sériephile. Ce sont des scènes qui pincent encore le cœur et humidifient les yeux comme au premier visionnage lorsqu'elles se rejouent dans nos têtes, ou lorsqu'on les recroise au détour d'une rediffusion. Parce que personne n'oubliera jamais Lucy, agonisant dans cette salle des urgences tandis que le service fait la fête à côté, inconscient du drame qui se noue. Parce que la chanson Over the rainbow, à la légèreté entêtante, est restée celle d'un adieu. Urgences a laissé à son téléspectateur une suite de souvenirs empreints d'émotions brutes, intacts après toutes ces années, et que l'on chérit toujours comme autant de parts de ce monument télévisuel protéiforme.

En résumé, Urgences a posé sa marque indélébile, dans des registres bien différents, sur l'univers des séries télévisées. Il faut donc me pardonner cet élan nostalgique, mais ces 20 ans d'anniversaire méritaient bien un billet dominical, un hommage forcément trop court mais une petite célébration nécessaire... le tout avant de se lancer dans la nouvelle saison des networks US.

 

Somewhere over the rainbow...

30/06/2013

(US) Hannibal, saison 1 : un fin mets policier fascinant

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Dernière déclinaison printanière du thème des serial killers, Hannibal est à mes yeux la plus intéressante des nouveautés des grands networks américains cette saison 2012-2013. Pourtant, assez paradoxalement, si le logo de NBC n'était pas affiché à l'écran durant les épisodes, un téléspectateur peu informé aurait sans doute peine à croire qu'il ne se trouve pas sur une chaîne du câble. Par sa construction narrative, mais aussi par le soin apporté à la forme, la série est allée très loin, se réappropriant son sujet de manière aboutie en s'affranchissant d'un certain nombre des contraintes habituelles imposées par les grands networks. En dépit d'audiences mitigées (même pour NBC), une saison 2 a été commandée : ces 13 premiers épisodes auront donc une suite méritée, et qui sera attendue.

Nul besoin sans doute de présenter la figure de Hannibal Lecter, créée par Thomas Harris, dont les livres ont déjà fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. Pourtant, je me suis installée devant Hannibal avec relativement peu de connaissances en amont : je n'ai lu aucun livre de Thomas Harris, et le seul film que j'ai jamais vu mettant en scène ce serial killer était Le silence des Agneaux, il y a déjà un certain nombre d'années. C'est un genre de fiction que j'apprécie seulement à petites doses. Par conséquent, c'est avec une attente et une curiosité ouverte à toutes les approches que j'ai découvert la version proposée par Hannibal, le nom de Bryan Fuller étant en plus suffisant pour aiguiser à lui-seul mon intérêt.

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La série débute à une époque où Hannibal Lecter est encore une figure respectée de la psychiatrie. Ses services vont être sollicités par Jack Crawford, un responsable du FBI, qui, sur la recommandation du Dr Alana Bloom, souhaite le voir s'occuper de leur meilleur consultant profiler, Will Graham.

Ce dernier dispose d'une empathie hors du commun qui lui permet de se glisser dans la tête des tueurs. Cela lui donne une capacité unique pour reconstituer précisément le déroulement d'un crime et les raisonnements suivis par le meurtrier. Pour Jack Crawford, les dons de Will sont trop précieux pour que son instabilité et la fragilité de son état mental soient un obstacle suffisant à leur utilisation. Lorsqu'il souhaite replacer Will sur le terrain afin de l'assister dans certaines enquêtes difficiles, Alana Bloom recommande de le faire suivre par un professionnel réputé de ses connaissances, Hannibal Lecter. Le psychiatre est vite fasciné par Will. La saison va suivre l'étrange relation qui se développe entre les deux.

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En s'installant devant Hannibal, ce qui marque en premier lieu, c'est l'ambiance à part que la série construit méthodiquement. Multipliant les mises en scène symboliques, telle l'importance que prend le cerf dans les visions de Will, la série glisse le téléspectateur dans une atmosphère onirique qui gagne en intensité à mesure que la saison progresse, et se fait de plus en plus troublante. Logiquement pour une fiction sur un tel thème des serial killers, la mort, ou plutôt les morts, jouent un rôle central. Il faut cependant noter que ce n'est pas tant le fait de tuer, que la manière dont l'acte a lieu et surtout la façon dont il est ensuite exposé au monde qui est ici déterminant. La série ne recule devant aucune surenchère pour montrer ses cadavres. La symbolique, mais aussi une recherche artistique, l'emportent sur tout le reste : des anges ensanglantés au mausolée de corps, ce sont autant de visions qui ont pour finalité de marquer et qui hantent en effet durablement.

De plus, l'ambiance de Hannibal se caractérise par un rapport de plus en plus distendu à la réalité. Si la série nous fait vivre les évènements de plusieurs perspectives, le personnage central dans sa narration est Will. Elle nous place littéralement dans la tête du consultant profiler. Initialement, cela a pour conséquence de faire de nous les témoins du fonctionnement de ses dons, assistant à la reconstitution des crimes. Ce procédé aurait pu être réduit à un simple artifice scénaristique, il n'en est rien car, au fil de la saison, le choix d'être aux côtés de Will trouve toute sa justification. Peu à peu, ses capacités l'entraînent sur une voie dangereuse, où il perd pied avec la réalité. Le téléspectateur se retrouve alors happé dans les hallucinations et les pertes de repères qu'il partage avec lui. La dérive culmine lors du dernier tiers de la saison, notamment au cours des twists particuliers que réserve l'épisode Buffet froid (1.10), empruntant au genre horrifique de bien belle manière.

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Si Hannibal est donc une vraie expérience qui se vit devant son petit écran, la manière dont elle traite ce sujet des serial killers témoigne également de ses ambitions. Initialement, la série semble se rapprocher d'un format procédural, introduisant un tueur par épisode. Mais le feuilletonnant prend progressivement de l'ampleur, notamment parce que le fil rouge introduit dès le premier épisode ne cesse de gagner en importance. Le fantôme de Garret Jacob Hobbs restera en effet omniprésent. Pas seulement parce que les secrets de sa fille, et l'implication de Hannibal et de Will à ses côtés, conservent un rôle jusqu'à la fin de la saison, mais aussi parce que la mise en garde initiale d'Alana Bloom sur l'instabilité de Will résonne aux oreilles du téléspectateur. Le consultant profiler n'a pas seulement abattu ce tueur, il a créé un lien avec lui. Un lien qui peut et qui va être le sentier vers sa propre descente aux enfers, dans tous les sens du terme. Car quelqu'un va exploiter cette faille...

Ce quelqu'un, bien évidemment, c'est Hannibal Lecter. Si Hannibal n'est pas une simple série policière, c'est aussi parce que ce que la saison tourne autour du rapport qui s'établit entre Will et ce psychiatre que le FBI lui assigne. Si Will ignore la véritable nature de son vis-à-vis, le téléspectateur est lui parfaitement informé : le contraste conduit la série à verser dans un suggestif, souvent bien dosé et assez "savoureux", notamment lors de ces repas organisés où le "qui mange-t-on" se substitue au "que mange-t-on" dans notre imaginaire. A mesure que la saison avance, les manipulations de Hannibal, et sa dangerosité derrière le vernis social impeccable, se font de plus en plus pressants et angoissants. L'intérêt qu'il éprouve pour Will est sincère. Revendiquant son "amitié", Hannibal engage avec lui un jeu psychologique dual, fascinant de subtilités et de nuances. Cette relation ambivalente est le socle sur lequel repose la saison. Elle est aussi notre seule clé pour comprendre Hannibal : la caractérisation du serial killer ne pouvait suivre la même approche empathique que celle de Will.

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Par ailleurs, la forme joue également un rôle très important pour construire l'ambiance de la série. Hannibal est une série extrêmement soignée visuellement. Le défi était de taille, notamment pour refléter la dimension onirique de la fiction. Au-delà d'une photographie à la teinte dominante logiquement sombre, la réalisation joue parfaitement sur les symboles, mais aussi sur les références, faisant preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. Tout y est manifestement soigné jusqu'aux moindres détails que sont, par exemple, les interludes gastronomiques offerts par les plats de Hannibal. Cela conduit ainsi à une richesse formelle très appréciable.

Enfin, Hannibal peut s'appuyer sur un casting solide au sein duquel domine le duo principal. Mads Mikkelsen (Rejseholdet) propose un Hannibal Lecter, fin gourmet, amateur et connaisseur des bonnes choses, dont l'interprétation tout en aplomb et en subtilité exerce vite une sorte de fascination-répulsion sur le téléspectateur. C'est progressivement que le personnage acquiert son ampleur, à mesure qu'il démontre l'étendue de ses manipulations. Face à lui, Hugh Dancy (The Big C) est tout aussi impressionnant : délivrant une performance, troublée, sensible et intense, qui correspond parfaitement à Will Graham. A leurs côtés, Laurence Fishburne (CSI) incarne un Jack Crawford qui met un peu de temps à trouver sa place dans l'équilibre ainsi instauré entre Hannibal et Will. Caroline Dhavernas (Wonderfalls) incarne Alana Bloom, dont la relation avec Will permet d'explorer un autre pan du personnage. Enfin, parmi les guests notables, signalons la présence d'une Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, The Fall), toujours aussi fascinante et hypnotique, dans les quelques scènes où, face à Hannibal, elle joue la psychiatre de ce dernier.

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Bilan : Série d'ambiance, Hannibal signe une première saison très intéressante. Centrée sur Will Graham et sa progressive dérive aux confins de la raison et de la santé mentale, elle n'en façonne pas moins en parallèle, de façon suggestive et subtile, le portrait inquiétant de Hannibal Lecter. Analyser la série à travers le seul prisme de la fiction policière conduirait pourtant à lui reconnaître d'incontestables limites, notamment la tendance à une conduite expéditive des enquêtes. Cependant, les enjeux de la série sont ailleurs et conduisent à admettre ces raccourcis, même si des reproches peuvent demeurer.

En résumé, Hannibal propose une déclinaison aboutie de ce thème du serial killer. La suite sera un défi tout aussi difficile à relever, étant donné la redistribution des cartes que marque le dernier épisode. Bryan Fuller a déjà donné quelques pistes. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la saison 2 !


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :


06/05/2012

(US) The West Wing (A la Maison Blanche) - Election Night (4.07) & Process Stories (4.08)

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Aujourd'hui, j'ai eu envie de marquer la conclusion du cycle "politique" avec une review plus précise qu'à l'accoutumée - pour rester dans l'air du temps. De tous les épisodes de séries mettant en scène une journée électorale, les premiers qui me viennent à l'esprit quand je m'intéresse à ce thème sont ceux de la saison 4 de The West Wing (A la Maison Blanche). Diffusés en novembre 2002, Election Night (4.07) et Process Stories (4.08) figurent toujours parmi mes préférés. Non seulement parce qu'ils sont les représentants parfaits du style premier de la série, celui de l'ère Sorkin, mais aussi car ils sont empreints d'un profond souffle d'idéalisme et d'une tonalité résolument légère qui revigorent le téléspectateur, en laissant flotter dans l'air un optimisme résolument combatif.

Hier soir, en ressortant mes DVD, j'ai sans surprise ri et vibré comme au premier jour devant mon petit écran. Peut-être avec encore plus d'attachement, ou du moins une certaine nostalgie. Dix ans après, ces épisodes ont une dimension particulière. Avec le recul, on sait désormais que nous assistons là à la dernière ligne droite de The West Wing "1.0". Non seulement le style d'écriture changera, mais la saison 4 n'est pas uniquement celle du départ d'Aaron Sorkin, elle est aussi celle de Rob Lowe, c'est-à-dire de Sam Seaborn. Et s'il y a bien une chose que ce double épisode met en exergue, c'est cette fameuse complicité, cette solidarité inaltérable au sein du staff présidentiel. Certes d'autres dynamiques seront introduites par la suite, mais c'est une des dernières fois que l'on a à l'écran cette osmose particulière qu'est l'équilibre d'origine.

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Plus précisément, ces deux épisodes relatent la journée électorale en mettant en parallèle deux élections, la nationale - présidentielle - jouée d'avance, et le facteur d'incertitude qui va venir troubler les prévisions : l'élection locale d'un représentant de Californie (à Orange county). Dès la scène introductive, le ton du récit est immédiatement donné : Toby s'amuse à jouer avec les nerfs déjà à vif de Josh en le faisant accoster à son bureau de vote par des citoyens pro-Bartlet dont les bulletins sont tous nuls ou erronés. Car, s'il semble certain que le président sera réélu (même s'il ne faut pas le dire trop fort), tous les personnages n'en sont pas moins dans un état électoral où l'adrénaline monte, les rendant encore plus survoltés qu'à l'accoutumée. Par-delà les grands enjeux pour le pays, l'épisode s'intéresse avant tout aux intéractions de ces figures familières, leurs échanges venant rythmer cette trop longue journée de travail.

Election Night ne sera ainsi qu'une suite d'anecdotes aussi savoureuses les unes que les autres, couvrant toute la palette des tonalités de la série. Il y aura des moments franchement drôles, comme Sam tentant la chance en criant trop tôt victoire et se retrouvant à devoir exorciser le mauvais sort sous les menaces de Toby, ou encore Josh confronté à la nouvelle secrétaire du président et aux règles qu'elle entend poser pour le briefing quotidien (avec Sam passant au travers du contrôle, car il était juste très en retard à la réunion précédente). Il y aura aussi des passages totalement improbables, Donna découvrant qu'elle a voté malencontreusement pour le candidat républicain et entreprenant de chercher un électeur de Ritchie pour échanger leur vote. Et puis il y aura des scènes plus pédagogiques, propres également à la série, comme Charlie qui s'occupe de l'éducation civique accélérée d'un jeune homme qu'il va conduire jusqu'au bureau de vote.

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Mais en plus, Election Night a l'habilité de contrebalancer ces instantanés de l'aile ouest avec une autre dynamique électorale où le suspense est bien réel, celle qui se déroule en Californie. C'est d'elle que va venir la surprise et ce frisson particulier que suscitent les aléas et l'imprévisibilité de la démocratie en action. Will Bailey se démène pour son candidat pré-décédé, fort de la promesse faite un peu légèrement par Sam de prêter son nom en cas de victoire. Tout en nous offrant une leçon synthétique des pratiques des électeurs et de leurs horaires de vote selon leurs opinions, Will ira jusqu'à conjurer les éléments météorologiques pour précipiter la tempête providentielle, dans cette scène marquante où la pluie se met à tomber lorsqu'il lève les yeux au ciel, parachevant ainsi de créer les circonstances favorables à la victoire inattendue du démocrate. Une touche de folie, idéaliste et touchante, traverse alors l'écran, ne laissant pas indifférente le téléspectateur.

L'annonce des résultats s'opère en deux temps, avec un timing parfaitement géré. Election Night se conclut sur le discours triomphant du président, au son d'une chanson hautement symbolique, The Times Are A-Changing, tandis que Process Stories démarre sur l'annonce des résultats de Californie avec - surtout - le nom de Sam révélé comme potentiel candidat pour le scrutin exceptionnel qui suivra. De cette nuit de festivités démocrates que raconte le second épisode, se dégage une douce euphorie communicative. Tout apparaît à nouveau possible. L'équipe se persuade que Sam doit relever le challenge, de la même manière qu'Andrea entend revendiquer sa grossesse, hors mariage, peu importe ce qu'en dira Toby. Pour autant, le subtil équilibre vers le réel et le dramatique propre à la série se rappelle à notre souvenir avec un coup d'Etat en cours en Amérique du Sud qui nécessite une réunion de crise de l'Etat Major, champagne et petits fours circulant toujours dans les salles de réception.

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Bilan : Election Night & Process Stories sont deux épisodes magistraux. Ils représentent parfaitement les atouts du style Sorkin, cette dimension grisante, ses répliques et personnages virevoltant allégrement dans un habile mélange d'humour et de sérieux. Mais ils sont aussi parcourus par un souffle particulier, celui d'un idéalisme triomphant, communicatif, avec une nuit de victoire où tout semble - un instant - possible. C'est aussi un épisode où de multiples storylines, plus personnelles, sont en cours, alors que s'esquisse le départ de Sam. Toutes ne seront pas gérées parfaitement jusqu'au bout ; cependant, le temps d'un double épisode, tout s'emboîte, se justifie, jusqu'aux paris d'Amy sur les plus résultats d'élections les plus improbables.

Ce début de second mandat était la fin d'une époque, on ne le savait pas encore, mais le revoir fait toujours particulièrement chaud au coeur. Unique.


NOTE : 9/10


La scène d'ouverture d'Election Night (4.07) :

03/02/2012

(Pilote US) Smash : laissez-vous emporter dans les coulisses d'une comédie musicale

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Attention, événement ! Mesurez la portée du billet que vous êtes en train de lire : depuis que ce blog existe, jamais je n'avais consacré un article entier au seul pilote d'une série d'un grand network américain. Les lecteurs habitués des lieux le savent, je n'ai pas forcément une très bonne opinion de ces chaînes et de ce qu'elles ont pu proposer au cours des dernières années. Très souvent, je teste et oublie aussi vite leurs nouveautés. Mais voilà, le week-end dernier, je suis tombée sur une exception : Smash

Cette série débute en fait lundi prochain sur NBC, et la chaîne semble avoir envie d'y croire au vu de l'effort investi dans sa promotion. A priori, si la dimension comédie musicale m'intriguait un peu, c'est surtout l'immersion dans les coulisses d'une production artistique qui avait aiguisé ma curiosité. Certes, autant le dire tout de suite, Smash ne sera pas à la comédie musicale ce que Slings & Arrows a pu être au théâtre. Mais voilà, ce pilote dense, même s'il cède à certaines facilités, dégage quelque chose qui retient l'attention : NBC aurait-elle retrouvé une âme ? 

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Smash nous plonge dans les coulisses d'un spectacle musical de Broadway, basé sur la vie de Marilyn Monroe, icône parmi les icônes américaines. Son pilote se concentre sur la genèse et les premiers pas du projet. A son origine, on retrouve un duo d'auteurs-compositeurs, censés être en période de pause dans leur carrière, Tom et Julia. Cette dernière est d'ailleurs dans une procédure d'adoption avec son mari. Mais le nouvel assistant de Tom, par une proposition presque anodine, les lance sur l'idée d'une comédie musicale consacrée à Marilyn, sujet difficile à mettre en scène mais qui comporte un tel potentiel.

L'écriture avance rapidement. Une amie de Tom, Ivy, est recrutée pour faire quelques essais vocaux et les premiers enregistrements à partir des chansons déjà écrites. A la suite d'une indiscrétion de l'assistant (décidément décisif) de Tom, ce premier rush se retrouve sur internet, où il suscite un joli buzz positif en faveur du projet. Il n'en fallait plus pour que tout le microcosme de Broadway s'agite. Eileen Rand les contacte pour la production, et leur propose comme chorégraphe, Derek, un des meilleurs dans son domaine, si ce n'est qu'il entretient des relations exécrables avec Tom. Malgré tout, l'équipe se constitue et les premières auditions ont lieu. Si Ivy avait jusque là semblé faite pour le rôle de Marilyn une jeune aspirante artiste attire l'attention, Karen Cartwright. 

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Sans perdre de temps, le pilote de Smash se révèle très efficace pour nous conter de manière expresse les premiers pas d'une comédie musicale. L'objectif est à l'évidence que le téléspectateur se prenne au jeu du processus créatif en marche, emporté par cette dynamique caractéristique qui flotte sur tout l'épisode. L'enthousiasme de la mise en forme du projet, qui pièce par pièce prend corps, se dispute à l'excitation de la nouveauté, provoquée par l'écoute des premières chansons.

Tout est volontairement accéléré, et les raccourcis, comme la diffusion "accidentelle" sur internet du premier enregistrement test, paraissent totalement assumés par les scénaristes. Cela peut certes donner une impression d'artifice devant une telle précipitation, mais l'avantage indéniable est non seulement d'un rythme sans le moindre temps mort, mais aussi de faire que tout soit très vite concret. L'épisode balaie ainsi indistinctement le vaste champ des différents grands thèmes à exploiter dans ce milieu artistique ultra-concurrentiel, posant les antagonismes et exposant les objectifs de tous les protagonistes qui vont prendre part à ce processus créatif.

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En réalité, l'atout de Smash ne réside pas dans une quelconque originalité. Les esquisses d'intrigues de ce premier épisode, aussi bien calibrées qu'elles soient, ne sortent à aucun moment des sentiers battus. La réelle valeur ajoutée va venir d'un ressenti que je n'avais plus éprouvé depuis longtemps pour une série de NBC : son humanité. Le pilote s'impose par sa capacité à installer immédiatement des personnages aux personnalités bien définies, et auxquels le téléspectateur s'attache instinctivement. Peu importe le recours aux stéréotypes, il y a indéniablement quelque chose qui se forme entre eux, et qui nous touche derrière notre écran. Cette sorte d'alchimie confère à la série une rafraîchissante authenticité émotionnelle. 

Certes, tout n'est pas parfait. On peut passer outre les clichés, mais pas forcément suivre les scénaristes dans tous leurs partis pris. Mon principal bémol tient sans doute au rôle de Karen, cendrillon prédestinée à hériter du rôle de Marilyn. Je l'ai trouvée bien fade, trop "innocente et parfaite" si j'ose dire, alors qu'elle se retrouve confrontée à des situations trop convenues. Ivy, sa concurrente, peut-être parce qu'elle est justement moins exploitée, m'a paradoxalement plus intéressé, sans doute parce que nous ignorons encore beaucoup d'elle. L'effort fait par les scénaristes pour braquer les projecteurs sur Karen a donc paradoxalement eu l'effet inverse sur moi. Néanmoins ces affinités personnelles subjectives s'effacent devant la dynamique d'ensemble qui s'impose.

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Sur la forme, Smash est une série soignée. La réalisation est impeccable. C'est l'intégration des passages chantés qui représentait l'enjeu principal. Précisons que ce n'est pas la série en tant que telle qui est une comédie musicale, mais l'on va assister à la naissance de Marilyn. La musique se limite donc d'abord aux scènes d'audition ou de répétition. Les premiers morceaux du projet sont ainsi présentés, et ils s'intègrent naturellement dans le récit, donnant vraiment l'impression d'assister à la naissance de la comédie musicale (l'écriture a été confiée à Marc Shaiman et Scott Wittman). Mais c'est la conclusion, et le montage en parallèle d'Ivy et de Karen se rendant à l'audition décisive, marchant dans la rue, puis arrivant devant leurs juges, qui m'a définitivement conquise, par la force qui se dégage de cette scène.

Enfin le casting apparaît homogène et solide, au diapason de la tonalité de la série. Debra Messing (Will & Grace, The Starter Wife) et Christian Borle incarnent le duo d'auteurs-compositeurs à l'origine de la comédie musicale. Les acteurs trouvent immédiatement une excellente complicité à l'écran. Le mari du personnage de Debra Messing est lui joué par Brian d'Arcy James. Les deux chanteuses sur lesquelles le pilote s'attarde et qu'il place en concurrence pour le rôle de Marilyn sont interprétées respectivement par Katharine McPhee (à noter que son petit ami est joué par Raza Jaffrey (Spooks)) et Megan Hilty. Enfin, l'équipe est complétée par Anjelica Huston (Medium) et Jack Davenport (This Life, Six Sexy, FlashForward).

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Bilan : C'est une introduction réussie que nous propose Smash, avec un pilote dense et efficace qui pose bien tous les thèmes et enjeux de la série, nous entraînant sans attendre dans les coulisses d'un projet de comédie musicale qui se matérialise sous nos yeux au cours de ces premières quarantes minutes. En dépit des raccourcis pris, et des sentiers battus que ce pilote emprunte, il marque par son humanité. Il se crée une proximité immédiate avec cette galerie bigarrée de personnages forts. On s'attache ainsi à cet ensemble et à la dynamique artistique qui le parcourt. Reste à espérer que le public américain se laissera lui-aussi charmé.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

24/10/2011

(Pilotes US) Mini-reviews : Grimm, Once upon a time

Un peu en décalage avec la rentrée, les grands networks US s'offrent en cette fin de mois d'octobre une incursion dans le fantastique en s'appropriant l'univers des contes de fées, par le biais de deux séries : Grimm, qui débutera le vendredi 28 sur NBC, et Once upon a time qui a débuté hier soir sur ABC. S'il était logique que leurs pilotes soient reviewés dans un même billet, leur approche de la fantasy urbaine est cependant très différente.

Dans Grimm, ce sont des cauchemars tout droit sortis des contes qui viennent hanter notre monde moderne qu'il faut défendre ; tandis que dans Once upon a time, c'est un monde féérique qui est projeté malgré lui et devient comme prisonnier de notre présent. Deux façons de concevoir ces éléments issus des livres de notre enfance, et également deux ambitions sans rapport : Grimm est un procedural show où le fantastique est prétexte à se mêler au policier ; Once upon a time, au contraire, offre un univers feuilletonnant, certainement plus ambitieux, mais aussi plus difficile à exploiter avec justesse. Ce sera la seconde qui aura ma préférence.

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Grimm (NBC)

Un détective de police, Nick Burkhardt, voit sa vie bouleversée lorsqu'il hérite de sa tante, mourante, l'étrange don familial. Il apprend qu'il est un des derniers Grimm ; les créatures et histoires décrites par ses ancêtres dans les célèbres contes sont bien réelles. Nick va devoir reprendre le flambeau de sa tante et protéger son monde contre ces mythes fantastiques qui le menaceraient.

S'il emprunte au fantastique ces figures effrayantes des contes qui ont peuplé notre enfance, le pilote de Grimm propose une introduction dans l'univers de son héros, certes correcte mais qui souffre d'un classicisme excessif. Nous sommes face à un épisode à finalité initiatique : le personnage principal, par héritage familial, se découvre soudain une destinée qui va bouleverser son quotidien et lui faire entrevoir des aspects ignorés de son monde. Le pilote impose ainsi Nick dans la figure de "l'élu" qui, seul, peut combattre une menace potentielle particulière. N'oubliant pas qu'un fil rouge aide à fidéliser le téléspectateur, la fin de l'épisode pense à battre en brèche l'idée qu'il s'agirait seulement de croiser des créatures mythologiques isolées, désignant un ennemi plus personnel à Nick.

Si l'on peut s'attendre à revisiter avec Grimm certains mythes, à l'image, dans ce premier épisode, du petit Chaperon rouge, le pilote laisse une impression mitigée. La greffe ne prend pas vraiment entre les codes narratifs convenus d'une série policière qu'on ne pourrait faire plus traditionnelle et cette dimension fantastique, seule réelle tentative de valeur ajoutée. Souhaitant rationaliser le merveilleux au point de le dépouiller de son charme, Grimm propose finalement un hybride trop proche du simple cop show, dans lequel les éléments fantastiques saupoudrés demeurent des ajouts insuffisamment mis en valeur. Plus généralement, le pilote souffre d'une écriture trop formatée qui pèse également sur des personnages, cantonnés à des figures unidimensionnelles et monolithiques si aisément catégorisées. Le téléspectateur peine ainsi à s'investir dans le sort de ce héros.

Procedural show policier calibré, ce pilote de Grimm décline de manière très prévisible une recette de fantasy urbaine où prédomine le parfum d'un cop show suranné. Probablement trop timoré, il atteste surtout du manque d'ambition des scénaristes pour s'approprier leur concept et apporter vraiment quelque chose à ce genre...

Note : 4,75/10

Verdict : Ne poursuivra pas.

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Once upon a time (ABC)

Et si la reine machiavélique avait jeté une dernière malédiction lors du mariage de Blanche Neige et du Prince Charmant pour s'assurer qu'ils soient privés de leur happy end ? C'est ainsi que tous les êtres légendaires peuplant no contes se retrouvent projetés dans notre monde, sans la moindre idée de qui ils sont réellement, contraints de vivre une vie moderne et ses tracas dans une petite ville du nom de Storybrooke. Mais une prophétie affirme que la fille de Blanche Neige et du Prince Charmant, à ses 28 ans, sauvée in extremis lorsque la malédiction s'est abattue, reviendra mener la dernière bataille. Emma Swan, abandonnée à la naissance et ayant vécu une vie peu facile jusqu'à présent, est entraînée en ville par le retour inattendu d'un fils qu'elle a abandonné il y a 10 ans... Pour permettre le vrai happy end ?

A la différence du pilote de Grimm qui semble déjà avoir fait le tour de son idée, celui de Once upon a time est un pur épisode d'exposition se contentant de donner les clés de l'univers, sans permettre de précisément entrevoir à quoi ressemblera la suite de la série. S'attachant à rassembler tout un chacun à Storybrooke pour permettre à l'histoire de véritablement commencer, il n'hésite pas à prendre certains raccourcis narratifs, voire à céder à la facilité. Mais tout en alternant entre les évènements qui se sont produits dans le monde féérique - lequel souffre d'une mise en scène artificielle - et le présent de notre société, le pilote va cependant réussir une synthèse intrigante une fois parvenu à Storybrooke. Car l'idée que notre monde soit comme une prison pour ces personnages féériques, qui perdent à son contact cette magie merveilleuse qui les illuminaient, séduit.

Le téléspectateur se prend au jeu de retrouver transposées en ville toutes ces figures familières de nos histoires d'enfance. Si tout reste encore à développer au niveau des personnages qui ne sont pour le moment qu'esquissés, le potentiel semble là. Once upon a time bénéficie de figures féminines antagonistes qui ont vraiment les moyens de s'imposer par leurs différences. Elles sont en plus incarnées de manière par des actrices que je retrouve toujours avec plaisir. Si Jennifer Morrison (House MD) se révèle très énergique dans le rôle d'Emma, j'aurais une mention toute particulière pour Ginnifer Goodwin (Big Love), avec son portrait d'une Blanche neige comme éteinte à la fin. Le seul bémol viendra sans doute du fils d'Emma, prétexte utile pour précipiter le retour de la fille prodigue, mais dont la place dans les évènements à venir interroge.

En dépit d'une certaine précipitation un peu maladroite dans la manière d'introduire l'histoire et de poser ses enjeux, ce premier épisode réussit à intriguer et à attiser la curiosité d'un téléspectateur qui ne reste pas insensible à l'appel sous-jacent d'un retour au merveilleux dont le monde moderne semble tristement dépouillé. Il y a sans doute plus de promesses, que de réelles concrétisations dans ce pilote, c'est toute la difficulté d'en faire la critique ; mais c'est maintenant aux scénaristes d'exploiter leur concept (si les téléspectateurs leur en laissent le temps).

Note : 6/10

Verdict : J'ai envie de lui laisser une chance.