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03/07/2013

(K-Drama) The End of the World : un magistral thriller pandémique

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Du point de vue du téléspectateur occidental, le fonctionnement du petit écran sud-coréen semblerait avoir au moins un avantage, celui de proposer des séries complètes, sans risquer de voir une fiction s'échouer tristement sur l'écueil de son non-renouvellement nous abandonnant devant un cliffhanger frustrant. Cependant la logique économique et le règne des audiences y sont tout aussi tranchants. Passons les cas des allongements impromptus où l'on va ajouter quelques épisodes à un drama en cours de diffusion, en raison de son succès, voire parce que la production de celui censé lui succéder a pris du retard. Il arrive aussi que les chiffres soient trop bas pour laisser à la série le nombre d'épisodes initialement commandés. C'est ce qui est arrivé ce printemps à The End of the World. Sauf que ce drama mériterait d'être connu pour bien d'autres raisons que la relative indifférence du public sud-coréen.

The End of the World a été diffusé sur la chaîne jTBC, du 16 mars au 5 mai 2013. Il devait initialement compter 20 épisodes, nombre qui a été ramené à 12 du fait de la faiblesse de ses audiences. S'inscrivant dans le genre classique du thriller pandémique, comme une autre série de ce printemps, The Virus, il s'agit d'une adaptation d'un roman de Bae Young Ik (au titre anglophone "Infectious Disease"). On retrouve à la réalisation, Ahn Pan Seok, qui a fait les beaux jours de jTBC l'an dernier avec la superbe A Wife's Credentials, tandis que le scénario a été confié à Park Hye Ryeon. Malgré son brutal raccourcissement, The End of the World reste une série vraiment intéressante : déjouant consciencieusement les mille et un clichés qui parsèment le petit écran sud-coréen, elle délivre une histoire solide et intense, sobre et cohérente, qui est à saluer.

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The End of the World débute sur des bases très proches de l'autre drama printanier du genre, The Virus. Un virus inconnu fait plusieurs victimes, alertant le centre de lutte épidémiologique du pays. Ne figurant sur aucune des bases de données internationales et ne répondant à aucun des traitements existants, cette maladie atteint un taux de mortalité de 100% : aucun des patients n'en réchappe une fois que les symptômes se sont manifestés. Pire, si elle n'affecte que les êtres humains, elle est extrêmement contagieuse. Le risque de pandémie est d'autant plus important que la source de cette épidémie semble être un homme porteur du virus, mais dont le système immunitaire est parvenu à lui résister. Or, toujours contagieux et bouleversé par ce qui lui arrive, il fuit les autorités, refusant l'isolement qui lui est promis.

The End of the World, c'est donc l'histoire de plusieurs courses contre-la-montre. Les enjeux mis en scène sont d'envergure : il s'agit d'éviter que ne se propage une terrible pandémie. Non seulement il importe d'organiser l'isolement de tous les malades et d'établir des zones de quarantaine, mais c'est aussi sur le plan de la recherche d'un traitement que la course est engagée. Pour nous faire vivre ces storylines qui s'entrecroisent, le drama met en scène différents protagonistes, des membres d'une équipe d'intervention sur le terrain jusqu'aux dirigeants du centre de lutte épidémiologique, en passant par les scientifiques qui tentent de mettre au point un médicament. Les évènements mettront à rude épreuve l'éthique professionnelle, les loyautés et les principes de chacun.

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Sur le papier, The End of the World a tout du traditionnel et familier thriller pandémique, avec la double tension sous-jacente reposant d'une part sur la propagation du virus, et d'autre part sur la mise au point d'un traitement médical. Ce qui permet au drama de se démarquer, ce n'est pas une originalité, mais le style choisi pour aborder un tel sujet. On y retrouve un souci de réalisme pointilleux et rigoureux : nulle surenchère, nulle hystérie, le scénario déjoue méticuleusement toute tentation d'artifice (le contraste avec The Virus est saisissant). L'objectif est de dérouler une histoire solide et cohérente. Le rythme est volontairement lent, faisant preuve d'un sens du détail très appréciable. La tension se construit peu à peu, permettant d'entrapercevoir une gestion de crise qui se veut authentique : cette dernière ne passe pas seulement par des interventions sur le terrain, c'est aussi tout un appareil administratif qu'il faut mobiliser. Ce sont donc des conciliabules, des compromis de hiérarchie, mais aussi de personnes... Il faut du temps pour que ces officiels prennent pleinement la mesure de ce qui est en train d'échapper à leur contrôle, et la série décrit avec rigueur tout le processus suivi.

Car la situation est bel et bien très grave : le titre du drama ("la fin du monde") n'est pas usurpé. Seulement, avant d'arriver à ce pic annoncé de la crise pandémique, The End of the World fait preuve d'une belle maîtrise d'ensemble pour poser un à un ses jalons narratifs. C'est sur ce plan que la réduction de 20 à 12 épisodes laisse bien des regrets. En entrant dans le dernier quart (au moment où le raccourcissement a été connu), le rythme se fait soudain plus rapide, avec un temps d'exposition et de mise en contexte réduit au minimum. Cependant, l'équipe créative parvient à préserver la cohérence de l'histoire. Elle est aussi capable de rester fidèle à l'arc prévu, en extrayant les éléments les plus importants. Le drama atteint dans ses derniers épisodes une intensité durablement marquante. Non seulement la pandémie entre dans un seuil critique, mais surtout la mutation du virus rend les malades doublement dangereux : la maladie agit sur leur personnalité, et la contamination de ceux qui sont censés les soigner devient un de leurs buts. Les raisonnements se font alors de plus en plus glaçants, les plans envisagés de plus en plus désespérés... Les déchirements et les deuils s'enchaînent, au cours d'une apothéose dramatique au souffle extrêmement puissant.

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Série donc rigoureuse, donnant la priorité à un traitement réaliste de ses storylines, The End of the World paraît au premier abord assez froide. Pourtant, ce n'est pas un drama déshumanisé par ses enjeux. C'est même l'inverse, car, au fil du récit, il devient en plus en plus évident que par-delà le cadre de la lutte pandémique, le coeur de son sujet est en fait l'humanité. Une humanité qui n'est certainement pas placée sous son meilleur jour : elle est justement dépeinte humaine, donc faillible. Elle se fait souvent égoïste, établissant ses priorités en fonction des intérêts et attachements personnels de chacun. L'humanité, c'est cet individu infecté et contagieux qui refuse de se rendre, incapable de digérer le sort injuste qui s'acharne sur lui et d'admettre que ses efforts pour payer ses études ont été vains, tout comme les sacrifices faits sur ce bâteau de malheur. Ce sont aussi ces dirigeants du centre de lutte épidémiologique qui naviguent dans les eaux troubles des jeux politiques et carriéristes, cherchant des compromis pour préserver l'intérêt collectif sans nuire à leurs intérêts propres. De même, ce sont encore ces scienfiques qui cèdent aux querelles des égos et aux machinations alors que la survie de la société est en jeu...

Plus généralement, ce sont tous ces êtres humains frappés personnellement par la maladie, ou bien marqués par celle d'un être cher, et qui se retrouvent capables d'actes que leur raison aurait combattu en toutes autres circonstances. Cela peut les conduire aux pires extrêmités : être prêt à sacrifier les autres pour se donner une chance, ou tout simplement pour se venger de n'avoir déjà plus cette chance. Mais derrière ce tableau sombre, The End of the World éclaire aussi ce que cette humanité a de précieux : la faculté de se dépasser en temps de crise, à l'image du plongeon dans le fleuve de Kang Joo Hun pour sauver celui qui peut être la clé vers un éventuel traitement, et par ricochet pour peut-être sauver la jeune femme dont il s'est pris d'affection. Le développement de la relation entre Joo Hun et Na Hyun est d'ailleurs traité avec beaucoup de justesse, sans jamais compromettre la progression de l'intrigue, tout en offrant une accroche émotionnelle au téléspectateur. Le choix de l'authenticité au niveau du développement de la pandémie se retrouve ainsi dans les portraits dressés, ne négligeant rien des pires ressorts de la nature humaine, mais montrant aussi comment l'assemblage de ces individus, portés par des motivations très différentes, peut permettre de continuer à aller de l'avant et, à terme, préserver l'essentiel malgré tout.

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En plus d'un scénario solide et abouti, c'est aussi grâce au soin porté à la forme que The End of the World se démarque : le drama a une identité visuelle très travaillée. La réalisation est superbe, avec une caméra capable de jouer dans le registre de l'intime, comme dans celui des scènes de crise. Du fait du rythme de narration relativement lent, ce sont les images qui prennent le relais pour immerger le téléspectateur dans l'histoire. Le drama se signale également par sa très bonne gestion de son ambiance musicale. Sur ce point, j'ai tendance à penser que l'on reconnaît un bon k-drama dans ce registre à sa capacité à conserver des plages de silence, à l'inverse de ces (trop nombreuses) fictions où la musique est constamment envahissante. Or The End of the World sait utiliser le silence, alternant également des instrumentaux plus rythmés et des morceaux de musique classique. Signe de cette maîtrise, un des moments presque magiques est celui où Kang Joo Hun entraîne une Lee Na Hyun malade au bord du fleuve et se met à entonner une chanson : c'est juste, touchant comme il faut. Un éphémère instant de grâce, tout simplement.

Enfin, The End of the World a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting qui a parfaitement pris la mesure de la tonalité particulière de la série : le maître-mot du jeu d'acteur est donc la sobriété, misant sur cette proximité naturelle qui s'établit avec des figures qui régissent si normalement jusque dans leurs défauts à la situation extraordinaire à laquelle elles sont confrontées. Le duo de l'équipe d'intervention qui se rapproche au fil du drama, composé de Yoon Je Moon (Tree with Deep Roots) - qui interprète le responsable de l'équipe - et de Jang Kyung Ah (Rock Rock Rock) - une nouvelle arrivante -, est parfaitement représentatif de cette approche. La complicité qui s'établit, et le glissement vers la prise de conscience de sentiments, sont superbement retranscrits, avec une fraîcheur qui va droit au coeur du téléspectateur. Et à leur côté, nul ne dépareille. On croise notamment Jang Hyun Sung (Jejoongwon, A Wife's Credentials), Kim Chang Wan (White Tower), Park Hyuk Kwon (Tree with Deep Roots, A Wife's Credentials) - qui a peut-être le rôle le moins dosé -, Yoon Bok In, Gil Hae Yun, Lee Hwa Ryong, Song Sam Dong, Kim Yong Min ou encore Park In Young.

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Bilan : Parti sur les bases classiques du thriller pandémique, The End of the World est un drama d'ambiance qui fait preuve d'une rigueur et d'une authenticité remarquables tout au long de ses 12 épisodes. Privilégiant cohérence et sobriété à toute dérive artificielle, la série propose un récit soigné et appliqué, jamais précipité, où la tension monte progressivement, à mesure que la situation empire. Au fil de cette gestion de crise ainsi dépeinte, il apparaît vite que l'objet central du drama, ce sont avant tout les hommes. Dans le portrait nuancé mais sans complaisance qu'il dresse, il éclaire leur faillibilité, leur égoïsme, mais aussi cette persévérance et cette force qui leur permettent, malgré tout, de réaliser des miracles.

Par ses thèmes et la manière dont ils sont traités, The End of the World reste indéniablement une rareté dans le petit écran sud-coréen. Comme A Wife's Credentials dans un autre registre, elle est une de ces pépites dont on aimerait qu'elles ouvrent une voie dans laquelle poursuivre pour la création télévisuelle du pays du Matin Calme. En attendant, voici 12 épisodes qui méritent assurément l'investissement.


NOTE : 8,25/10


Une bande-annonce de la série :

30/01/2013

(K-drama / Pilote) A Wife's Credentials : un double portrait, de femme et de société, d'une authenticité rare

 

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Après un mois de janvier à teneur très japonaise, retour en Corée du Sud en ce mercredi asiatique ! La semaine dernière, je projetais de m'intéresser aux nouveautés. Malheureusement ce début d'année n'est pas particulièrement enthousiasmant dans le petit écran du Pays du Matin Calme. Plutôt que de perdre un billet et quelques heures précieuses à vous expliquer en quoi Level 7 Civil Servant est une déception à oublier, je me suis tournée vers les dramas sud-coréens de 2012 que je souhaitais rattraper. A Wife's Credentials figurait en bonne place sur cette liste (différentes reviews publiées en cours de visionnage, mais aussi celle d'Eclair il y a quelques semaines, s'étaient assurées de piquer ma curiosité). Et, incontestablement, les débuts de ce k-drama ont tout pour qu'il devienne mon premier coup de coeur de l'année.

A Wife's Credentials a été diffusé sur la chaîne câblée jTBC, du 29 février au 19 avril 2012, à raison de deux épisodes par semaine les mercredi et jeudi soirs. L'écriture a été confiée au scénariste Jung Sung Joo. La série compte 16 épisodes d'une durée d'une heure environ. On retrouve dans ce drama un naturel et une authenticité rares. Mais en plus de cette justesse, la richesse de A Wife's Credentials tient au fait que la série offre un double niveau de lecture des plus intéressants : tout en parlant de relationnel et d'humain, en dressant un beau portrait femme, elle s'arrête aussi sur la société sud-coréenne actuelle, en traitant notamment de l'enjeu représenté par l'éducation. Un drama qui interpelle donc à plus d'un titre.

[La review qui suit a été écrite après le visionnage des 4 premiers épisodes.]

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Seo Rae est une femme au foyer qui a passé ces dernières années à s'occuper de son fils Gyeol, de santé fragile, assurant son éducation. Son mari, reporter dans une chaîne de télévision, issu d'une famille aisée, avait jusque là soutenu ses efforts. Mais Gyeol va mieux et semble ne plus avoir d'excuse pour ne pas rejoindre les exigences modernes du système éducatif sud-coréen. La pression est d'autant plus forte sur le couple que la belle-famille de Seo Rae les encourage vivement à prendre les choses en main pour le futur de Gyeol. En dépit des réticences de Seo Rae, ils déménagent finalement dans un nouveau quartier, Daechi-dong, où toutes les conditions sont réunies pour lui proposer la meilleure éducation possible - et la plus intensive.

Seo Rae découvre un nouvel environnement auquelle elle doit rapidement s'adapter : la quête de réussite scolaire menée par les parents pour leur progéniture a conduit à une course à l'enseignement privé qui bat son plein à Daechi. La concurrence et la compétition y sont exacerbées. Si Seo Rae avait pu jusqu'à présent préserver Gyeol de toute cette pression, la voilà désormais contrainte d'essayer de lui faire intégrer un des plus recherchés hagwons, qui est censé ouvrir la voie vers des études et un avenir brillants. La mère de famille fait de son mieux, mais peine à assimiler tous ces codes. Un mal de dent de Gyeol la conduit dans un cabinet dentaire, où elle rencontre un dentiste dont la simplicité et la gentillesse détonne dans ce quartier qui lui semble si hostile. Lui apportant un réconfort inattendu, il éveille chez elle des sentiments qu'elle croyait ne plus jamais être améne à ressentir.

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Le premier aspect très intéressant de A Wife's Credentials est la manière dont ses débuts nous introduisent dans la société sud-coréenne d'aujourd'hui, dépeignant un système éducatif qui s'est emballé, repoussant désormais les limites de tous ses acteurs. Dans le domaine de l'enseignement, se sont en effet engagées une course effrénée à l'excellence et une compétition exacerbée auxquelles doivent sacrifier parents et progénitures pour assurer un futur qui passe nécessairement par l'admission dans une université prestigieuse, laquelle vient consacrer des études secondaires aussi brillantes qu'acharnées. Cette course à l'éducation implique des sacrifices importants, mais a aussi un prix. Suivant le lieu habité et l'établissement fréquenté, les élèves ne sont pas égaux. D'autant que la compétition a été portée à un autre niveau avec la généralisation du recours à des instituts d'éducation privés, que l'on appelle les hagwons ("Après l'école, c'est encore l'école" expliquait par exemple ce reportage datant d'il y a 3 ans dans Télérama). Les premiers épisodes de A Wife's Credentials dressent un portrait sans complaisance de la manière dont ce système s'organise et à quel point il est socialement assimilé et perpétué.

Pour mettre toutes les chances du côté de leur fils, Seo-Rae et son mari se rallient, avec un peu de retard, à cette compétition qui démarre désormais dès le plus jeune âge. Le pilote est ici hautement symbolique, puisque la première conséquence de leur décision est la nécessité de déménager. Habitant Séoul, ils franchissent le fleuve Han pour s'installer dans le quartier de Daechi-dong, qui dépend de Gangnam-gu (un nom qui, à moins que vous n'ayez séjourné sur Mars au cours de ces six derniers mois, ne peut vous être inconnu, du fait d'une chanson qui, malgré vous, trotte forcément dans un coin de votre tête). Gangnam est l'arrondissement le plus huppé de la capitale sud-coréenne. En son sein, Daechi-dong est le quartier par excellence où se matérialise cette course à l'éducation, avec la plus forte concentration de hagwons. Pour réussir l'examen d'entrée à une prestigieuse école internationale, le premier objectif que se fixe la famille est de faire en sorte que Gyeol intègre un de ces instituts les plus reconnus. Au cours des diverses péripéties qui vont aboutir à cette admission, A Wife's Credentials prend le temps d'éclairer l'implication des parents - notamment des mères (les "gangnam mothers") - dans l'éducation de leur progéniture, soulignant la pression sociale omniprésente qui s'est installée.

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Dans cet environnement ultra-concurrentiel, où règne un jeu perpétuel des apparences derrière lesquelles, souvent, une situation plus difficile se dissimule, il est logique que Seo Rae étouffe vite. Détonnant dans un quartier aux moeurs bien codifiées, elle doit aussi supporter les remarques blessantes de sa belle-famille et les reproches d'un mari qui s'est désormais totalement désolidarisé des choix qu'ils avaient pu faire pour Gyeol lorsque ce dernier était malade. A Wife's Credentials insiste sur la solitude de cette mère de famile, dont la volonté et la dévotion à son fils forcent l'admiration. S'esquisse avec substilité et pudeur un portrait de femme, touchant et attachant, très humain, auprès de laquelle le téléspectateur s'investit. Le tournant relationnel déterminant que prend le drama suite à sa rencontre avec le dentiste, Tae Oh, achève de compléter et de nuancer le personnage. Ne se réduisant pas à son rôle de mère ou d'épouse, elle s'humanise grâce à l'éveil d'émotions et de sentiments enfouis. La relation qui s'esquisse alors, oscillant entre les soudaines impulsions venant du coeur et les tiraillements de la raison, sonne très juste.

Il faut ici saluer un des grands atouts de ce drama, sur lequel toute la narration peut s'appuyer : son écriture résonne toujours avec une authenticité rare. A Wife's Credentials demeure une fiction ; et elle va user de codes narratifs classiques pour dramatiser et romancer le quotidien de Seo Rae, dans ses heurts avec les mères bien établies de Daechi comme dans son rapprochement avec Tae Oh. Mais les évènements relatés et les coïncidences sur lesquelles la série joue ne lui font jamais perdre l'aura de naturel qui caractérise l'ensemble. Plus encore, le drama a la faculté rare de mettre en scène des instants ordinaires, presque anecdotiques, en étant capable d'en faire ressortir une symbolique ou des émotions fortes. En parfait contraste avec les vexations régulières subies par Seo Rae, les passages où surgit soudain une chaleur humaine inattendue semblent chargés d'une pointe d'émerveillement, qui touche tout particulièrement le téléspectateur. La scène où Tae Oh, encore un inconnu, ramène le vélo volé de Seo Rae, est sans doute la première des scènes de ce genre qui marque durablement. Autre exemple de la palette émotionnelle à disposition du scénariste, le passage où Seo Rae rend visite à sa mère, malade qui ne le reconnaît plus, offre quelques instants profondément touchants qui serrent vraiment le coeur. En résumé, le drama trouve un équilibre à saluer : il romance certes une histoire simple, mais sans jamais paraître artificiel, n'y sacrifier la justesse des réactions et des sentiments dépeints.

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Convaincant sur le fond, A Wife's Credentials est également un drama particulièrement abouti sur la forme. Sa réalisation réussit à merveille à capturer les subtilités de certains instants, ayant compris qu'un simple geste ou un plan un peu éloigné peut être tellement plus parlant que mille mots. La caméra adopte une approche posée, subtile et assurée, qui confère une dimension supplémentaire au récit, avec une photographie également travaillée. Par ailleurs, le drama exploite aussi de manière intéressante un arrière-plan musical très riche : au sein de ce dernier, on trouve principalement des chansons occidentales, qu'il s'agisse de reprises ou d'originales, qui viennent accompagner ou impulser une tonalité vraiment intéressante à l'ensemble. Si certaines musiques accompagnent parfaitement des passages marquants, d'autres jouent à merveille sur un certain décalage. C'est ainsi que vous pourrez vous balader sur le fleuve Han au son d'une cover de "Aux Champs-Elysées", ou encore voir votre coeur s'envoler sur Yesterday Yes A Day de Jane Birkin... Pour un aperçu des chansons présentes, je vous conseille notamment cet article qui en réunit un certain nombre.

Enfin, A Wife's Credentials bénéficie d'un casting solide et homogène qui prend bien la mesure de la tonalité particulière de ce drama, et de son parti d'authenticité. Seo Rae est interprétée, avec justesse et une chaleur humaine qui sait susciter de l'empathie, par Kim Hee Ae (Snow Flower, Midas). Face à elle, Lee Sung Jae (The Lawyers of The Great Republic Korea, Rascal Sons) incarne Tae Oh, ce dentiste investi et sincèrement préoccupé par ceux qui l'entourent, qui ne reste pas non plus indifférent à Seo Rae. Lee Tae Ran (Comrades) joue la directrice du hagwon qui va prendre sous son aile Seo Rae et Gyeol - ce que Seo Rae ne découvre qu'ensuite est qu'elle est aussi la femme de Tae Oh . Et Jang Hyun Sung (Jejoongwon, Vampire prosecutor) est le mari de Seo Rae, devenu le stéréotype du sud-coréen ayant professionnellement réussi et ayant assimilé tous les codes concurrentiels de cette société aisée, entendant voir son fils perpétuer ce succès. On retrouve également Park Hyuk Kwon, Im Je Noh, Lee Jung Gil, Nam Yoon Jung, Choi Eun Kyung, Lee Han Na, Im Sung Min ou encore Nam Neung Mi.

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Bilan : Dotée d'une écriture privilégiant la justesse et l'authenticité, A Wife's Credentials est un drama sobre empreint d'un naturel rafraîchissant, sachant se montrer tour à tour sensible, poignant ou léger. S'il suit une trame très simple, il se démarque cependant par la richesse de son propos et des thèmes abordés. Tout en esquissant avec subtilité un portrait de mère de famille et de femme attachant et nuancé, la série n'en dresse pas moins en arrière-plan le tableau sans complaisance d'une société sud-coréenne engagée dans une course à l'éducation effrenée, source d'une concurrence et d'une pression sociale exacerbées. Ce récit dense bénéficie en plus d'une mise en scène à l'esthétique soignée dont une bande-son riche et diversifiée vient parfaire la tonalité.

A Wife's Credentials signe donc des débuts extrêmement prometteurs. A suivre avec attention.


NOTE : 8/10


Une bande-annonce du drama (avec une chanson de l'OST) :


Une autre bande-annonce du drama (avec une chanson de l'OST) :

04/05/2011

(K-Drama) Conspiracy in the Court (Seoul's Sad Song) : destinées personnelles sur fond de réforme impossible

 
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En ce premier mercredi asiatique de mai, je reviens à mes amours coréano-sériephiles, avec la review d'un sageuk qui m'a longtemps intriguée avant que je ne trouve le temps de m'y lancer. Outre les échos positifs que j'avais pu croiser, le trailer et le synopsis m'évoquaient un peu le parfum d'une autre série historique que je chéris tout particulièrement, Damo. Et c'est vrai que l'on retrouve dans Conspiracy in the Court un parfum particulier qui le rapproche de ce drama plus ancien (d'ailleurs j'aime beaucoup son second titre anglais, qui me semble refléter parfaitement l'âme de cette histoire : Seoul's Sad Song)

Diffusée sur KBS2 au cours du mois de juillet 2007, cette série n'est pas sans évoquer, par sa tonalité et son format, des séries du câble sud-coréen. Non seulement elle diffère des dramas historiques "traditionnels" par sa manière de vouloir nous plonger dans une époque sans prétendre faire le biopic d'un personnage célèbre ayant véritablement existé, mais elle est également très brève (et donc accessible) puisque la version Director's Cut ne comporte que 8 épisodes, dont la durée varie pour chacun entre 1h et 1h15.

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Conspiracy in the Court s'ouvre dans une période troublée, à la toute fin du XVIIIe siècle, sur fond de tension entre la volonté de modernisation d'un souverain, qui forme le projet de déplacer la capitale du royaume afin de refonder une cité plus juste qui offrira du travail et de la nourriture aux plus humbles souffrant de la famine, et des factions politiques qui luttent pour préserver leur pouvoir ou un statu quo précaire qui leur bénéficie. Derrière ces confrontations entre le maintien des traditions et une volonté de rompre avec certaines rigidités héritées du passé, des forces s'agitent dans l'ombre afin de voir leurs vues prévaloir, quelqu'en soit le prix. Au sein même de la population, des troubles grandissent tandis que s'esquisse une timide forme d'aspiration à une justice sociale qui apparaît révolutionnaire dans cette société de tradition confucéenne à l'ordre social rigide.

Dans ce contexte compliqué, la série va suivre le destin de trois jeunes gens, happés dans ce tourbillon létal des luttes d'influence qui s'exercent dans les coulisses du pouvoir. Lee Na Young, fille d'un ministre déchu et exécuté pour trahison, a embrassé avec résolution le chemin de la vengeance. Décidée à faire payer le prix du sang à ceux qui ont détruit sa famille, elle a accepté de suivre un entraînement et assassine désormais sans sourciller. Elle a depuis longtemps perdu de vue son ancien flirt d'adolescence, Park Sang Kyu, le fils illégitime d'un haut dignitaire officiel. N'ayant toujours pas trouvé sa place par rapport à ses origines sociales particulières - sa mère étant esclave -, ce dernier s'est engagé auprès d'un des bureaux de police de la capitale. Enfin, Yang Man Oh, un ancien serviteur de la famille de Lee Na Young, a poursuivi son chemin au service de ses ambitions personnelles, teintées d'aspirations idéalistes pour mettre fin aux problèmes d'approvisionnement en denrées. Il est devenu un marchand influent aspirant à prendre le contrôle du commerce de la ville.

Nos trois personnages principaux vont se retrouver, certains volontairement, d'autres malgré eux, pris dans la toile d'araignée d'une conspiration qui étend son ombre sur la cour, décidée à empêcher toute réforme d'aboutir et à maintenir le système de classes tel qu'il existe jusqu'à présent. Dans cette partie de trahisons et de complots, que vaut une vie face à aux intérêts des puissants ?

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Conspiracy in the Court est un drama historique à part, dont le premier atout va résider dans le style choisi et l'ambiance extrêmement sombre dans laquelle elle nous immerge dès les premières scènes, au cours desquelles le téléspectateur est témoin d'un assassinat. Le ton est immédiatement donné ; la hauteur des intérêts en jeu également. Empruntant ses techniques narratives plutôt aux dramas contemporains qu'aux sageuk, la série nous plonge directement dans l'action : il n'y aura aucun passage d'exposition, les personnages ainsi que leur rôle nous sont introduits au fil du premier épisode, sans ralentir les intrigues que nous prenons en cours.

La complexité du scénario peut déstabiliser un instant, mais la densité narrative et l'ambition scénaristique évidente captent instanément l'attention du téléspectateur. Car c'est une histoire soignée et d'une grande richesse qui est mise en scène, multipliant les protagonistes et les intérêts divergents pour offrir un tableau complexe et nuancé. L'ensemble sonne étonnament authentique, donnant une réelle consistance et crédibilité à un récit qui, même s'il se déroule sur une durée finalement plutôt brève, n'en parvient pas moins à acquérir une intensité marquante, accentuée par ses accents fatalistes caractéristiques.

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Cette impression de rigueur réaliste s'explique également en raison des thématiques traitées. Conspiracy in the Court n'est pas une simple série sur des jeux de pouvoirs létaux. En effet, elle trouve la pointe d'ambivalence attendue pour mêler et confronter intérêts personnels et intérêt supérieur, lequel demeure cette justification ultime invoqué par chacun, avec parfois une forme d'aveuglement troublant. Quoi de plus révélateur, par exemple, que les choix faits par Yang Man Oh, pourtant sans doute le plus clairvoyant du trio principal. Le jeune marchand reprend, presque sans en avoir conscience, la même rhétorique que les usuriers d'hier avec lesquels il entend rompre. Seulement, pour résoudre son problème du moment (l'enjeu du monopole commercial), affamer le peuple de la même manière que ses prédécesseurs semble être la solution légitime sur le long terme. Cela ne l'empêche pas dans le même temps de se proclamer le garant des plus humbles, lesquels sont toujours les premiers sacrifiés de ces luttes entre puissants.

De façon troublante, les attitudes de chacun semblent se nourrir de leurs ambiguïtés. Derrière ces agitations, Conspiracy in the Court, c'est en fait l'histoire d'une idée nouvelle, par encore pleinement formulée, ni vraiment comprise : celle d'une justice sociale que la rigidité de classes rend utopique. Le téléspectateur suit avec une fascination grandissante cet instantané social loin d'être manichéen, qui gagne en complexité à mesure que les ressorts dans l'ombre se dévoilent. Les apparences s'effritent, chaque camp se nuance... Mais à la fin, derrière ce tourbillon politique, c'est à une lutte bien plus simple que tout finit par se réduire : il s'agit avant tout de survivre.

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Au-delà de ces enjeux politiques, si Conspiracy in the Court pose un cadre sombre qui pourrait paraître de prime abord déshumanisé, au fil de la progression de l'histoire, son développement des personnages montre qu'il n'en est rien. La série va en réalité jouer de façon très troublante sur le contraste entre le volet des complots en cours et celui d'une étrange pureté sentimentale, bulle hors d'atteinte dans laquelle les trois personnages principaux sont unis ; les sentiments des deux hommes pour Lee Na Young ne vascillent jamais. De manière originale, c'est d'ailleurs elle, figure féminine que les deux autres révèrent, qui est l'assassin et représente ce qu'il y a de plus noir dans leur trio. Le contexte particulier permet au drama de se détacher des ressorts narratifs stéréotypés des triangles amoureux, préférant opter pour une forme d'idéalisation émotionnelle qui surprend le téléspectateur et tranche considérablement avec la noirceur ambiante. Cette dimension sentimentale que rien ne semble pouvoir atteindre ou ternir, même pas les agissements voire les oppositions de chacun, se révèle très touchante. 

Globalement, Conspiracy in the Court parvient à trouver un équilibre entre, d'une part, des conspirations politiques excessivement noires, et d'autre part, une touche de mélodrama étonnamment pure. Ce contraste des tonalités peut quelque peu déstabiliser à certains moments, mais au fur et à mesure que la série progresse, cette approche prend peu à peu tout son sens. Ce recours a priori presque excessif à une naïveté revendiquée et assumée pour dépeindre les liens unissant ces trois jeunes gens n'est pas un artifice creux pour rallier une plus large audience. Au contraire. L'idée de jouer sur l'antinomie entre le pragmatisme des uns et la force des sentiments des autres apporte une dramatisation qui confère au récit une dimension supplémentaire. Ce qui est mis en exergue, c'est le refus de renier ses aspirations, aussi idéalistes et hors de propos qu'elles puissent paraître dans ce monde impitoyable. Au fond, si Conspiracy in the Court a toutes les caractéristiques d'une tragédie du pouvoir bien huilée, sa dimension humaine demeure son vrai moteur : en cela, elle reste porteur d'un message d'espoir qui tranche avec la noirceur ambiante.

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Forte de sa complexité narrative aboutie, Conspiracy in the Court bénéficie également d'une forme tout particulièrement soignée. Quand je la rapprochais des séries du câble sud-coréen, c'était en partie justement pour la réalisation quasi-cinématographique qu'elle propose. La caméra est nerveuse, l'image jamais figée est loin du théâtralisme un peu rigide des sageuk traditionnels. La teinte restera volontairement sombre, sans jamais sacrifier des couleurs naturelles au sein desquels le rouge sang prédomine, dans les tenues jusque dans les rouges à lèvres de certaines courtisanes. Par ailleurs, la série dispose également d'une superbe OST qu'il convient de saluer. Non seulement elle va imposer quelques chansons récurrentes, souvent poignantes, jamais envahissantes, mais en plus sa bande-son comporte également quelques morceaux instrumentaux plus rythmés parfaits pour faire transparaître la tension ambiante. Il s'agit donc d'un drama pleinement travaillé qui se savoure aussi bien visuellement que musicalement.

Enfin, l'histoire est portée par un casting composée d'acteurs pas forcément très connus, mais qui délivrent ici une solide performance d'ensemble qui crédibilise le récit et sa portée. Le trio principal s'avère particulièrement crédible. Je serais tentée de dire que c'est Lee Chun Hee (Smile, Gloria), en marchand ambitieux et pragmatique, qui arrive le mieux à faire vibrer cette détermination froide couplée d'une fibre émotionnelle touchante. Peut-être est-ce parce que son personnage, d'origine plus modeste, a également plus conscience que les deux autres de ce qu'il y a à sacrifier au bout du chemin. Cependant Jin Yi Han (A Good Day for the Wind to Blow) et Kim Ha Eun (Chuno, Thorn Birds) proposent aussi des performances solides et convaincantes. A leurs côtés, on retrouve également Ahn Nae Sang (Royal Family), en roi réformateur, Jung Ae Ri (Women of the Sun), Kim Young Ae, Sa Hyun Jin, Kim Kyung Ryong, Jang Hyun Sung, Kim Ki Hyun, Jun Il Bum, Han Jung Soo ou encore Park Sun Young.

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Bilan : Drama abouti et assurément ambitieux, Conspiracy in the Court est plus qu'une simple série historique. Elle parvient à fasciner et à retenir l'intérêt du téléspectateur, tant par sa narration complexe et travaillée, que par la richesse de ses thématiques politiques et sociales qu'elle va aborder de manière nuancée en leur donnant un écho universel qui transcende les âges. Bénéficiant de son format court, l'histoire est maîtrisée de bout en bout. Ainsi, derrière son parfum semblable à une pièce shakespearienne, c'est une tragédie du pouvoir et de l'amour qui se joue, à la fois extrêmement sombre et d'une pureté émotionnelle poignante. A découvrir.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :


21/07/2010

(K-Drama / Pilote) Gumiho : Tale of the Fox's Child (Grudge : The Revolt of Gumiho) : immersion soignée dans les légendes des contes coréens

 

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En ce mercredi asiatique, changeons un peu de style. Vous songez à vous ménager une petite pause dans votre dégustation de comédies romantiques (comment ça, Coffee House ne vous a pas séduit ?!) ? Vous vous êtes montrés peu enclin à vous laisser entraîner dans des fictions de guerre (certes, Road Number One n'était pas la meilleure tentative d'incursion dans ce genre) ? Rassurez-vous, la télévision sud-coréenne a d'autres cordes à son arc. KBS2 a ainsi pensé à vous et propose une séduisante alternative qui, avec son esthétique ambitieuse, dévoile des atours chatoyants : Gumiho : Tale of the Fox's Child.

Diffusé les lundi et mardi soirs, depuis le 5 juillet 2010, c'est un drama qui n'hésite pas à mélanger différents genres, pour laisser entrevoir un potentiel des plus intéressants. Car au-delà du fantastique, définitivement à l'honneur cet été en Corée du Sud, à travers la fameuse légende des Gumihos - dont je vous avais déjà parlé il y a quelques semaines pour l'anthologie Hometown Legends (2008) -, il s'agit d'une série historique, où actions et sentiments viennent régenter une quête plus profonde, commune aux différents protagonistes : un récit de survie et de cohabitation.

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Le premier épisode de Gumiho : Tale of the Fox's Child pose une situation, plus qu'il ne donne d'indications concrètes sur la tonalité à venir de la série. Semblant naviguer entre plusieurs genres, c'est grâce à ce mélange original - et, en même temps, intrigant - qu'il retient l'attention d'un téléspectateur qui, s'il n'est pas encore conquis, voit son intérêt irrémédiablement piqué par la richesse des thématiques soulevées au cours d'une première heure laissant entrevoir bien des promesses.

L'histoire en elle-même mérite bien un épisode d'exposition pour que ses tenants et aboutissants soient compris. Derrière l'apparence de jeune femme réservée et séduisante qu'elle renvoie, Goo San Daek est en réalité une créature de légende, une Gumiho. Lorsqu'elle n'apparaît pas sous ses traits argentés, elle ressemble à une humaine normale. Il y a dix ans de cela, un homme s'était rendu jusqu'à son repère et l'avait vue sous sa véritable forme. Elle ne l'avait alors épargné qu'avec la promesse qu'il ne parlerait jamais de cette rencontre. Sur le chemin du retour qu'il emprunta, elle s'était ensuite présentée à lui sous des traits humains, le séduisant sans difficulté.

Pourquoi un tel subterfuge ? Si une Gumiho peut vivre, pendant dix années, comme une épouse modèle aux côtés d'un homme, elle pourra accéder à un trésor plus précieux que sa vie : embrasser cette humanité tant prisée, quasi-inaccessible, et se débarrasser de sa nature de Gumiho. Et, consécration la plus précieuse pour une mère préoccupée par l'avenir de sa descendance, l'enfant qu'elle aurait alors eu à l'occasion cette union deviendrait également humain, échappant à la "malédiction".

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Les années ont passé depuis la rencontre de San Daek avec celui qui est désormais devenu son époux. De leur mariage, est née Yeon Yi. Cette dernière, aujourd'hui âgée de 9 ans, est devenue une fillette éveillée et curieuse. Mais, un soir, peu de temps avant que le fameux cycle décennal ne se soit entièrement écoulé, l'alcool délie la langue du père, trop bavard, qui raconte la rencontre qu'il fit, presque dix ans auparavant, au fond d'une grotte, avec un gumiho. Cette parole inconséquente d'ivrogne brise la promesse faite jadis pour lui épargner la vie, et rompt du même coup le processus enclenché qui aurait permis à San Daek d'accéder à cette humanité qu'elle aura frôlé. En plus de perdre sa femme, c'est également sa fille que l'homme condamne. Yeon Yi ne pourra rester une petite fille comme les autres ; la puberté approchant, elle se transformera en gumiho. 

Le quotidien policé de la modeste famille prend fin cette nuit-là. Le choc de la découverte de la véritable nature de sa femme sera fatale à un mari à l'instabilité mentale accrue par l'absorption d'alcool. Il se suicidera dans la nuit mouvementée suivant la révélation. Laissant son épouse et leur fille, livrées à elles-mêmes, dans un royaume dévasté, en proie à une épidémie semant derrière elle une traînée de cadavres et des villages dépeuplés.

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Parallèlement, le pilote suit un autre fil rouge, qui rejoindra l'histoire principale avant la fin de l'épisode. Il nous introduit ainsi dans la demeure d'une famille noble locale. De santé fragile, l'état de la petite fille du maître de maison s'est aggravé, la laissant aveugle. A court de solution, son père consulte un shaman qui lui livre une solution prophétique particulièrement glaçante. Pour assurer une longue vie à l'enfant, il devra trouver l'enfant qui est née en même temps qu'elle... pour lui prendre son foie, seul remède qui garantirait la survie de sa fille. Le shaman prédit que l'enfant en question viendra naturellement à eux, entraînée par le destin.

Nul besoin de préciser, vous l'avez déjà deviné : la fin de l'épisode nous révèle que la fillette en question, visée par cette prophétie, est Yeon Yi. On retrouve ainsi ici une thématique classique à toute fiction sur les gumihos : la consommation d'organes ayant un effet revivifiant à part. Ici, de manière inversée par rapport au folklore local, qui assimile ces créatures à une parenté démoniaque, les scénaristes ont choisi de faire du gumiho la proie.

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Ainsi exposée, la situation de départ révèle déjà la complexité inhérente à ce drama, la condition de gumiho des deux héroïnes ne venant que précariser un peu plus un sort déjà peu enviable. Il s'agit d'un secret qu'elles ne doivent dévoiler sous aucun prétexte. Or, Yeon Yi ignore pour le moment tout de sa véritable nature, ses pouvoirs ne s'étant pas encore manifestés, puisqu'elle se situait dans un entre-deux, tendant à consacrer son humanité grâce au processus de transformation en cours de sa mère. Encore enfant, immature, innocente et spontanée comme peuvent l'être les fillettes de son âge, elle n'est pas en mesure de se protéger. Ce rôle va devoir être assuré par une mère, dont la méfiance des humains est viscérale.

L'intérêt de ce drama va être de ne pas hésiter à combiner plusieurs problématiques. Au poids de ce secret à préserver vient donc s'ajouter la prophétie du shaman : pour sauver la fille noble, Yeon Yi devra être sacrifiée, le jour de ses 10 ans, soit dans 3 mois. Une sorte de double épée de Damoclès pèse sur sa tête. Le pilote tire ici admirablement bien son épingle du jeu, en réussissant à mêler de façon plutôt habile et inspirée la diversité de ces enjeux, combinant efficacement ces thématiques fantastiques.

Cette originalité dans le paysage des kdramas de la saison 2010 se montre donc d'autant plus attractive, que ce qui frappe lors du visionnage de cet épisode, au-delà d'une homogénéité encore perfectible, c'est sa richesse.

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Cette richesse se manifeste à plusieurs niveaux, à commencer par la diversité de contenu que propose ce pilote.

Si Gumiho : Tale of the Fox's Child est une série dont les personnages principaux sont des héroïnes qui n'ont rien de guerrières, elle ne va pas hésiter à utiliser sa connotation fantastique pour impulser de l'action et mettre en scène des confrontations violentes. Exploitant opportunément le thème de la dualité entre l'animalité, à laquelle renvoie la nature de gumiho, et l'humanité, nous avons ainsi droit à plusieurs scènes de combat, se distinguant par de belles chorégraphies. Parmi ces passages marquants, il y en a notamment un qui symbolise parfaitement tout le potentiel de la série. Il est à la fois atypique - puisqu'il s'agit d'une attaque non par des humains, mais par des tigres - et traditionnel télévisuellement parlant, au sens noble du terme : c'est une course-poursuite à travers une forêt de bambous, digne exercice de voltige, dont le style n'est pas sans évoquer des dramas références comme Damo.

Au final, ce pilote propose un contenu dense, présenté avec beaucoup de rythme et qui alterne les tonalités, tantôt proche du drame personnel classique et intimiste, d'autre fois plus proche des codes scénaristiques de la série historique où viennent se mêler quelques combats. S'il n'y a semble-t-il aucune intrigue de cour à attendre, en revanche, le cadre de la société confucéenne, socialement si rigide et codifiée, de la Corée du Chosun (Joseon) devrait également offrir matière à réflexion sur les rapports entre les différents protagonistes.

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Au-delà de toutes les pistes potentielles qu'ouvre ce premier épisode, qui suffisent à retenir l'attention du téléspectateur, il est impossible d'en rédiger une review complète sans évoquer et louer Gumiho : Tale of the Fox's Child sur sa forme. Car la série se situe incontestablement dans la tranche haute des dramas sud-coréens, en terme de réalisation, sans non plus trop en faire, à la différnece d'un Chuno (Slave hunters). Bénéficiant d'une esthétique soignée, particulièrement aboutie, agrémentée de plans admirablement bien maîtrisés, et - surtout - d'une photo superbe, ce drama est un vrai plaisir pour les yeux du téléspectateur. Les couleurs à l'écran sont belles et chatoyantes, sans être racoleuses. Si bien qu'on ressent l'impression très agréable d'avoir devant soi une production pleinement travaillée jusque dans ses détails formels. Cette apparence est corroborée par le volet musical de la série : la bande-son s'inscrit dans une sobriété toute en retenue, très opportune. Elle joue sur l'ambiance plus ou moins dramatiques de certaines scènes, accentuant le trouble des tonalités et le mélange des genres, sans jamais verser dans la surenchère.

Enfin, le casting ne dépareille pas de ce bel ensemble. Se partagent la tête d'affiche, l'actrice accomplie, Han Eun Jung (Cinderella Man, The Lawyers of the Great Republic Korea), en mère Gumiho protectrice, et la jeune, et pourtant omni-présente dans le petit écran sud-coréen, Kim Yoo Jung (cette année, elle a joué la jeunesse des héroïnes de Dong Yi et de Road Number One). A leurs côtés, on retrouve notamment Jang Hyun Sung (croisé, un peu plus tôt cette saison 2010, dans JeJoongWon), la jeune Seo Shin Ae, Suh Joon Young, ainsi que quelques habitués des seconds rôles de dramas, tels Kim Jung Nan (Creating Destiny), Kim Gyu Chul (Merchant Kim Man Deok) ou encore Im Seo Yeon.

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Bilan : Aussi avare en indications sur l'avenir que soit le pilote de Gumiho : Tale of the Fox's Child, il remplit très efficacement sa première fonction, celle d'aiguiser la curiosité d'un téléspectateur rapidement séduit, tant par l'esthétique, qu'intrigué par ce mélange des genres.

Bénéficiant d'une écriture solide, ce premier épisode, riche en promesses, révèle un potentiel indéniable, en trouvant l'inspiration aussi bien auprès des codes des dramas historiques, sans renier les scènes d'action, qu'auprés de dramas familiaux plus intimistes. Le tout demeure assujetti à une dose de fantastique légendaire, qui permet de suivre une thématique centrale originale, et qui tranche avec les sujets traditionnels des kdramas : une quête de survie, une réflexion sur la différence... Sous-tendant et transcendant les storylines, une question demeure : quels rapports sont possibles entre humains et Gumiho ?

S'il est trop tôt pour émettre un jugement éclairé sur le drama en lui-même, ce pilote a assuré l'essentiel pour moi : il m'a donné envie de découvrir quel sort attend les personnages introduits. Et je suis d'autant plus enthousiaste que, par son sujet, il semble exploré un univers bien différent de ceux que j'ai eus l'occasion de suivre depuis le début de 2010.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :