23/06/2013
(CAN) Orphan Black, saison 1 : des clones, beaucoup de questions et un charme certain
Revenons aujourd'hui sur une série dont j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer le pilote il y a quelques mois : Orphan Black, une nouveauté diffusée sur BBC America aux Etats-Unis et sur Space au Canada. Son premier épisode avait été une introduction avec des atouts, sans constituer pour autant une révélation. Un joli buzz printanier plus tard, qu'est donc devenue Orphan Black au cours de sa première saison, dont les seuls dix épisodes paraissaient comme une promesse de récit condensé ?
La série a certainement bénéficié, dans la réception qui l'a entourée, d'un relatif effet de surprise, allié à l'absence d'attentes particulières initiales autour du projet. Pour autant, c'est une première saison prenante qu'elle a proposée, se réappropriant pleinement thématiques de science-fiction (le clonage humain) et girl power revendiqué. En résumé, voici une série qui a su me faire tomber sous son charme.
Pour ceux qui souhaiteraient se rappeler les bases de l'histoire d'Orphan Black, je vous renvoie à mon résumé du pilote lors de ma critique de ce dernier (garantie sans spoiler intempestif) : Orphan Black, des doubles, des secrets et des échanges d'identité. Le billet du jour constitue, lui, un bilan de saison (également sans spoiler).
Si Orphan Black a concrétisé, voire dépassé, les attentes qu'avait esquissé son pilote, c'est que la série a su miser sur des développements extrêmement addictifs. Refusant de s'enfermer dans le moindre acquis, la saison progresse au contraire à un rythme très rapide, sans jamais s'offrir le moindre ralentissement notoire. Avec son choix assumé d'aller toujours de l'avant, elle passe vite maître dans l'art de multiplier les rebondissements, redistribuant constamment les cartes et les loyautés de chacun au gré des révélations. Elle fait preuve d'une capacité assez grisante à toujours chercher à jongler avec plus de storylines et de twists qui s'enchaînent sans temps mort. Pour le téléspectateur, nul doute que le spectacle est enthousiasmant : à défaut d'être originale, la série s'avère prenante jusque dans sa façon d'assumer une narration versatile qui, si elle n'entend prendre aucune pause, se ménage des passages dramatiques mais aussi des moments plus légers.
Cette approche narrative directe permet à Orphan Black d'exploiter pleinement son format de 10 épisodes, avec une construction entièrement feuilletonnante dans laquelle le téléspectateur va s'investir. Cependant la série trouve pourtant là ce qui est aussi une de ses limites : à risquer de trop vouloir en faire, elle frôle parfois la sortie de route de la cohérence. Et même si la surenchère reste dans l'ensemble dosée, la façon dont les scénaristes calibrent les évènements et les réactions de chacun, en fonction des rebondissements vers lesquels la série tend, finit par donner un arrière-goût de simple artifice à certains passages. Au cours de la saison 1, cette dérive reste cependant assez circonscrite, et la dynamique d'ensemble la masque le plus souvent. Reste qu'en reposant tellement sur cette escalade de confrontations, de trahisons et de révélations, la série se construit sur des fondations fragiles, à surveiller.
Pour autant le charme d'Orphan Black ne tient pas seulement à l'engrenage dans lequel la série happe le téléspectateur. La clé d'entrée dans son univers reste les personnages. Il y a tout d'abord la gestion du thème du clonage qui fonctionne très bien à l'écran. Afin de s'assurer d'avoir des individus semblables en apparence, tout en étant toujours bien identifiables, les scénaristes ont choisi de mobiliser des stéréotypes de la fiction américaine : une soccer mom des banlieues et une geek (biologiste), auxquelles s'ajoutent des figures plus ambiguës : Helena, élevée dans le fanatisme religieux, est certainement celle qui fascinera le plus, plongée dans l'instabilité, brisée aux frontières de la folie. Isolés, ces personnages auraient risqué de tourner à vide, manquant de consistance, mais c'est justement dans la mise en scène des dynamiques qui vont se créer entre les clones, avec tous les contrastes qui les accompagnent, que Orphan Black trouve sa force.
L'attrait de la série repose alors dans la manière dont on observe ces personnalités réagir aux évènements, avec leurs préconceptions, leurs caractères et leurs propres histoires. Le récit expose leurs différences, insiste et joue avec elles, pour créer des confrontations, mais aussi un lien unique entre ces jeunes femmes qui ne sont pas les simples déclinaisons d'un même génome : ce sont des personnes à part entière. La protagoniste principale restera toujours Sarah, celle par qui le téléspectateur a été introduit dans ce monde. La jeune femme a une particularité par rapport aux autres : une fille biologique qui représente sans nul doute un enjeu à elle-seule. Par son aplomb et son caractère, Sarah s'impose comme une héroïne solide auprès de laquelle il est aisé de s'investir. Mieux, elle s'humanise grâce à sa relation avec son frère adoptif, Felix, qui aura au fil du récit su apporter une touche plus décalée, voire humoristique à certains passages, tout en s'imposant comme un pendant nécessaire à Sarah.
Au fond, le secret du charme d'Orphan Black tient à cela : une histoire de clones, de personnages en apparence semblables, mais dont les postures, les expressions et le langage n'ont rien de commun. C'est dans cet aspect que la performance de Tatiana Maslany (World without end) est déterminante. Ses interprétations de ses différents rôles sont impressionnantes justement parce qu'elle leur donne à tous une vie et une présence qui leur sont propres. Elle peut interprétér 3 ou 4 personnages différents à la suite, à aucun moment le téléspectateur n'a l'impression d'être devant le même : il sait toujours qui est qui. Mieux, lorsqu'un des clones se fait passer pour un autre, le téléspectateur a toujours conscience de celui qui ne fait que tenter de jouer un rôle qui n'est pas le sien : dans les mimiques, les quelques réflexes qu'il conserve, on perçoit toujours qu'il n'est pas celui dont il a pris la place. Il y a quelque chose de grisant à suivre ainsi cette performance d'acteur enthousiasmante sur laquelle repose les fondations mêmes de la série. Aux côtés de Tatiana Maslany, ces co-acteurs ont des rôles plus conventionnels. Jordan Gavaris (Unnatural History), qui interprète Felix, est certainement celui qui délivre l'interprétation la plus intéressante. D'autres sont plus limités, à l'image Dylan Bruce (The Bay). Mais la série peut quand même également compter sur la présence de Maria Doyle Kennedy (The Tudors, Titanic), dont le personnage a encore probablement beaucoup à révéler.
Bilan : Série très plaisante à suivre, Orphan Black aura signé une première saison dense qui, après des premiers épisodes d'installation, trouve un rythme de croisière extrêmement addictif et prenant, bénéficiant de ce format pas trop long de dix épisodes. La thématique du clonage n'est pas exploitée sous un angle original, mais elle a le mérite de parfaitement réussir à happer le téléspectateur dans une escalade paranoïaque de rebondissements et de révélations. De plus, l'attrait de la série de la série repose aussi sur les intéractions et dynamiques qui se créent entre ces jeunes femmes, à la fois si dissemblables à l'ADN similaire. Orphan Black est donc une intéressante fiction printanière : pas exempte de limites, mais certainement enthousiasmante. Avis aux amateurs de SF et de girl power !
La saison 2 réservera son lot de défis, à commencer par s'assurer que la série puisse maintenir un tel rythme sur un plus long terme, avec des storylines qu'il va falloir continuer de faire évoluer. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la suite.
NOTE : 7,25/10
La bande-annonce de la série :
Le générique de la série :
14:30 Publié dans (Séries canadiennes) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : orphan black, bbc america, space, tatania maslany, jordan gavaris, dylan bruce, maria doyle kennedy, kevin hanchard | Facebook |