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30/06/2013

(US) Hannibal, saison 1 : un fin mets policier fascinant

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Dernière déclinaison printanière du thème des serial killers, Hannibal est à mes yeux la plus intéressante des nouveautés des grands networks américains cette saison 2012-2013. Pourtant, assez paradoxalement, si le logo de NBC n'était pas affiché à l'écran durant les épisodes, un téléspectateur peu informé aurait sans doute peine à croire qu'il ne se trouve pas sur une chaîne du câble. Par sa construction narrative, mais aussi par le soin apporté à la forme, la série est allée très loin, se réappropriant son sujet de manière aboutie en s'affranchissant d'un certain nombre des contraintes habituelles imposées par les grands networks. En dépit d'audiences mitigées (même pour NBC), une saison 2 a été commandée : ces 13 premiers épisodes auront donc une suite méritée, et qui sera attendue.

Nul besoin sans doute de présenter la figure de Hannibal Lecter, créée par Thomas Harris, dont les livres ont déjà fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. Pourtant, je me suis installée devant Hannibal avec relativement peu de connaissances en amont : je n'ai lu aucun livre de Thomas Harris, et le seul film que j'ai jamais vu mettant en scène ce serial killer était Le silence des Agneaux, il y a déjà un certain nombre d'années. C'est un genre de fiction que j'apprécie seulement à petites doses. Par conséquent, c'est avec une attente et une curiosité ouverte à toutes les approches que j'ai découvert la version proposée par Hannibal, le nom de Bryan Fuller étant en plus suffisant pour aiguiser à lui-seul mon intérêt.

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La série débute à une époque où Hannibal Lecter est encore une figure respectée de la psychiatrie. Ses services vont être sollicités par Jack Crawford, un responsable du FBI, qui, sur la recommandation du Dr Alana Bloom, souhaite le voir s'occuper de leur meilleur consultant profiler, Will Graham.

Ce dernier dispose d'une empathie hors du commun qui lui permet de se glisser dans la tête des tueurs. Cela lui donne une capacité unique pour reconstituer précisément le déroulement d'un crime et les raisonnements suivis par le meurtrier. Pour Jack Crawford, les dons de Will sont trop précieux pour que son instabilité et la fragilité de son état mental soient un obstacle suffisant à leur utilisation. Lorsqu'il souhaite replacer Will sur le terrain afin de l'assister dans certaines enquêtes difficiles, Alana Bloom recommande de le faire suivre par un professionnel réputé de ses connaissances, Hannibal Lecter. Le psychiatre est vite fasciné par Will. La saison va suivre l'étrange relation qui se développe entre les deux.

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En s'installant devant Hannibal, ce qui marque en premier lieu, c'est l'ambiance à part que la série construit méthodiquement. Multipliant les mises en scène symboliques, telle l'importance que prend le cerf dans les visions de Will, la série glisse le téléspectateur dans une atmosphère onirique qui gagne en intensité à mesure que la saison progresse, et se fait de plus en plus troublante. Logiquement pour une fiction sur un tel thème des serial killers, la mort, ou plutôt les morts, jouent un rôle central. Il faut cependant noter que ce n'est pas tant le fait de tuer, que la manière dont l'acte a lieu et surtout la façon dont il est ensuite exposé au monde qui est ici déterminant. La série ne recule devant aucune surenchère pour montrer ses cadavres. La symbolique, mais aussi une recherche artistique, l'emportent sur tout le reste : des anges ensanglantés au mausolée de corps, ce sont autant de visions qui ont pour finalité de marquer et qui hantent en effet durablement.

De plus, l'ambiance de Hannibal se caractérise par un rapport de plus en plus distendu à la réalité. Si la série nous fait vivre les évènements de plusieurs perspectives, le personnage central dans sa narration est Will. Elle nous place littéralement dans la tête du consultant profiler. Initialement, cela a pour conséquence de faire de nous les témoins du fonctionnement de ses dons, assistant à la reconstitution des crimes. Ce procédé aurait pu être réduit à un simple artifice scénaristique, il n'en est rien car, au fil de la saison, le choix d'être aux côtés de Will trouve toute sa justification. Peu à peu, ses capacités l'entraînent sur une voie dangereuse, où il perd pied avec la réalité. Le téléspectateur se retrouve alors happé dans les hallucinations et les pertes de repères qu'il partage avec lui. La dérive culmine lors du dernier tiers de la saison, notamment au cours des twists particuliers que réserve l'épisode Buffet froid (1.10), empruntant au genre horrifique de bien belle manière.

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Si Hannibal est donc une vraie expérience qui se vit devant son petit écran, la manière dont elle traite ce sujet des serial killers témoigne également de ses ambitions. Initialement, la série semble se rapprocher d'un format procédural, introduisant un tueur par épisode. Mais le feuilletonnant prend progressivement de l'ampleur, notamment parce que le fil rouge introduit dès le premier épisode ne cesse de gagner en importance. Le fantôme de Garret Jacob Hobbs restera en effet omniprésent. Pas seulement parce que les secrets de sa fille, et l'implication de Hannibal et de Will à ses côtés, conservent un rôle jusqu'à la fin de la saison, mais aussi parce que la mise en garde initiale d'Alana Bloom sur l'instabilité de Will résonne aux oreilles du téléspectateur. Le consultant profiler n'a pas seulement abattu ce tueur, il a créé un lien avec lui. Un lien qui peut et qui va être le sentier vers sa propre descente aux enfers, dans tous les sens du terme. Car quelqu'un va exploiter cette faille...

Ce quelqu'un, bien évidemment, c'est Hannibal Lecter. Si Hannibal n'est pas une simple série policière, c'est aussi parce que ce que la saison tourne autour du rapport qui s'établit entre Will et ce psychiatre que le FBI lui assigne. Si Will ignore la véritable nature de son vis-à-vis, le téléspectateur est lui parfaitement informé : le contraste conduit la série à verser dans un suggestif, souvent bien dosé et assez "savoureux", notamment lors de ces repas organisés où le "qui mange-t-on" se substitue au "que mange-t-on" dans notre imaginaire. A mesure que la saison avance, les manipulations de Hannibal, et sa dangerosité derrière le vernis social impeccable, se font de plus en plus pressants et angoissants. L'intérêt qu'il éprouve pour Will est sincère. Revendiquant son "amitié", Hannibal engage avec lui un jeu psychologique dual, fascinant de subtilités et de nuances. Cette relation ambivalente est le socle sur lequel repose la saison. Elle est aussi notre seule clé pour comprendre Hannibal : la caractérisation du serial killer ne pouvait suivre la même approche empathique que celle de Will.

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Par ailleurs, la forme joue également un rôle très important pour construire l'ambiance de la série. Hannibal est une série extrêmement soignée visuellement. Le défi était de taille, notamment pour refléter la dimension onirique de la fiction. Au-delà d'une photographie à la teinte dominante logiquement sombre, la réalisation joue parfaitement sur les symboles, mais aussi sur les références, faisant preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. Tout y est manifestement soigné jusqu'aux moindres détails que sont, par exemple, les interludes gastronomiques offerts par les plats de Hannibal. Cela conduit ainsi à une richesse formelle très appréciable.

Enfin, Hannibal peut s'appuyer sur un casting solide au sein duquel domine le duo principal. Mads Mikkelsen (Rejseholdet) propose un Hannibal Lecter, fin gourmet, amateur et connaisseur des bonnes choses, dont l'interprétation tout en aplomb et en subtilité exerce vite une sorte de fascination-répulsion sur le téléspectateur. C'est progressivement que le personnage acquiert son ampleur, à mesure qu'il démontre l'étendue de ses manipulations. Face à lui, Hugh Dancy (The Big C) est tout aussi impressionnant : délivrant une performance, troublée, sensible et intense, qui correspond parfaitement à Will Graham. A leurs côtés, Laurence Fishburne (CSI) incarne un Jack Crawford qui met un peu de temps à trouver sa place dans l'équilibre ainsi instauré entre Hannibal et Will. Caroline Dhavernas (Wonderfalls) incarne Alana Bloom, dont la relation avec Will permet d'explorer un autre pan du personnage. Enfin, parmi les guests notables, signalons la présence d'une Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, The Fall), toujours aussi fascinante et hypnotique, dans les quelques scènes où, face à Hannibal, elle joue la psychiatre de ce dernier.

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Bilan : Série d'ambiance, Hannibal signe une première saison très intéressante. Centrée sur Will Graham et sa progressive dérive aux confins de la raison et de la santé mentale, elle n'en façonne pas moins en parallèle, de façon suggestive et subtile, le portrait inquiétant de Hannibal Lecter. Analyser la série à travers le seul prisme de la fiction policière conduirait pourtant à lui reconnaître d'incontestables limites, notamment la tendance à une conduite expéditive des enquêtes. Cependant, les enjeux de la série sont ailleurs et conduisent à admettre ces raccourcis, même si des reproches peuvent demeurer.

En résumé, Hannibal propose une déclinaison aboutie de ce thème du serial killer. La suite sera un défi tout aussi difficile à relever, étant donné la redistribution des cartes que marque le dernier épisode. Bryan Fuller a déjà donné quelques pistes. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la saison 2 !


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :


Commentaires

J'ai été absolument fascinée par cette 1ère saison. La relation Will/Hannibal est passionnante.
Je me demande ce que réserve la saison 2 et j'ai hâte de le découvrir bien qu'il va falloir attendre un moment avant de le savoir.

Écrit par : Nac | 30/06/2013

Bravo pour cet article qui est à la fois bien écrit et bien articulé. Un véritable plaisir à lire!
Je vais m'empresser de suivre tes conseils et regarder Hannibal !

Écrit par : Pschitrose | 01/07/2013

Ah, je vais peut-être voir les premiers épisodes alors, j'avoue avoir fait une overdose de policiers et de serial killers, mais ton article (et d'autres échos très positifs) m'intriguent assez pour passer outre mes préjugés...

Écrit par : JainaXF | 03/07/2013

@ Nac : Ce qui est intéressant pour le futur, c'est qu'au vu du final, l'équilibre de la première saison (et la dynamique du duo Will/Hannibal) ne pourra pas se reproduire : les rapports ont irrémédiablement changé. Donc la série va pouvoir continuer d'aller de l'avant, et se construire.

@ Pschitrose : J'espère que la série ne te décevra pas, et que tu y trouveras autant de fascination que moi. ;)

@ JainaXF : Dès le pilote, je pense, tu sauras si cette série peut ou non t'intéresser. Plus que le policier, c'est vraiment un rapport avec un serial killer qui est le noeud de l'intrigue. Entre amitié, rapports professionnels, manipulations... L'enjeu est psychologique.

Écrit par : Livia | 07/07/2013

J'ai terminé cette saison très éprouvante mais au combien intéressante il y a une dizaine de jours. Au fur et à mesure de son visionnage je me suis interrogée avec méfiance sur son ambiguïté, réprouvant les séries complaisantes à l'égard du crime.
Ce qui m'a frappé dans Hannibal c'est la récurrence des crimes qui transforment l'être humain en objet de consommation: engrais, rembourrage de coussins, cordes de violon...
En fait on se rend progressivement compte que Will Graham est lui même transformé, à son corps et à son esprit défendant, en instrument dont l'utilisation plurielle justifie tous les moyens. Il est employé et mis sous pression par Jack, qui préfère ignorer sa fragilité de manière parfaitement cynique, puis manipulé par Hannibal de plusieurs manières différentes et complémentaires...
J'y vois donc personnellement une dénonciation fascinante de la chosification de l'être humain dans la société actuelle.

Écrit par : Camille | 10/08/2013

@ Camille : Intéressant de lire combien la série a pu te marquer, mais aussi te faire réfléchir sur toute la symbolique sur laquelle elle sait admirablement jouer.
Je ne l'avais pas pensé sous cet éclairage plus général de discours de la société, mais ton ressenti prouve vraiment la richesse de cette mise en scène et du récit ainsi proposés.

Écrit par : Livia | 28/08/2013

Je ne sais pas quand est ce que tu auras le temps de rattraper la saison 2, et comme je suis une grande impatiente, je ne peux m'empêcher d'ajouter mon grain de sel pour t'encourager à y courir de ce pas: parce que Dieu que cette saison 2 est fantastique!

(Attention possible spoilers: mention de personnages qui survivent à la fin de la saison 1)

Elle surpasse largement la saison 1, s'offre des guest stars (Amanda Plummer, Jonathan Tucker)campant des personnages vraiment mémorables (et fascinants malgré leur folie) et soigne aux petits oignons ses personnages secondaires (Du Maurier, Chilton, Bella Crawford ont specialement des intrigues très satisfaisantes).

Les rebondissements et retournements de situation s'enchainent à un rythme becaucoup plus rapide qu'en saison 1, sans sacrifier le développement des personnages (à une ou deux exceptions près).

Bryan Fuller a ajouté une bonne dose d'humour noire et des dialogues plus cinglants et percutants, tout en conservant toutes les qualités de la série (réalisation, photographie, soin accordé aux détails des costumes et décors, musique totalement original et adaptée).

Le 7ème épisode de la saison 2 qui vient d'être diffusé clôt un arc complet et pose les bases d'une nouvelle direction que prend la série. La fin de saison promet autant d' excitation que ce qui nous a été montré jusque là. C'est le tour de force de la série que de parvenir à rendre imprévisible et haletant le déroulement d'une histoire dont tout le monde connaît la fin.

Je ne veux tout simplement pas croire que la saison 2 finira un jour.

Écrit par : Titania | 17/04/2014

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