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26/06/2013

(J-Drama) Tsumi to Batsu : est-il possible de s'arroger le droit de tuer ?

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En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Je vous propose de revenir sur ce qui semble devoir être le thème marquant de mon printemps sériephile : se glisser dans la tête d'un tueur. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas seulement d'être témoin de crimes ou de suivre une enquête, mais bien d'apprendre à connaître au quotidien, tout au long d'une série, un personnage principal ayant commis ou s'apprêtant à commettre un (ou des) meurtre(s). Dexter est passé par là, mais il y aurait sans doute tout un article à écrire (c'est d'ailleurs un de mes projets qui verra peut-être le jour) sur la façon de jouer sur cette intimité pour susciter le malaise. The Fall en Angleterre et Hannibal aux Etats-Unis ont décliné ce thème d'une façon qui leur est propre, c'est également le cas de la série japonaise sur laquelle je vais revenir aujourd'hui.

Tsumi to Batsu : A Falsified Romance est un renzoku de 6 épisodes qui a été diffusé du 29 avril au 3 juin 2012 sur la chaîne câblée WOWOW. 'Tsumi to Batsu' signifie littéralement 'Crime et Châtiment'. Il s'agit d'une adaptation d'un manga éponyme d'Ochiai Naoyuki, lui-même se réappropriant les thèmes d'un classique de la littérature russe, 'Crime et Châtiment' de Fiodor Dostoïevski. Par la noirceur des sujets mis en scène, Tsumi to Batsu s'inscrit dans la droite lignée d'une autre série proposée l'an passé sur WOWOW, Shokuzai (sortie au cinéma en France il y a quelques semaines). Marquante par l'approche directe avec laquelle elle traite ces thématiques, Tsumi to Batsu n'atteint cependant pas le rang d'incontournable de sa prédécesseur. Elle n'en reste pas moins un visionnage recommandé pour plusieurs raisons.

[La critique qui suit contient des spoilers sur le déroulement de l'intrigue.]

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Tachi Miroku est un jeune homme, asocial et renfermé, qui rêve de devenir écrivain. Il a été profondément marqué par le suicide de son père dans sa jeunesse. Sa mère et sa soeur l'ont toujours couvé depuis, nourrissant d'importantes ambitions pour son futur. Mais après avoir été envoyé poursuivre ses études en ville, Miroku cesse rapidement d'assister aux cours de l'université. Il réussit à faire publier une première nouvelle, dont il reste insatisfait : en transposant à l'écrit les principes fantasmés d'un tueur dans son bon droit, c'est une oeuvre déconnectée de la réalité, formellement irréprochable, mais trop artificielle sur le fond pour toucher.

Un jour, Miroku est accosté par une jeune lycéenne, Risa, qui fait du racolage dans la rue. Un peu plus tard, il la recroise à un café. Il découvre alors qu'elle appartient à un groupe de lycéennes se prostituant, géré d'une main de fer par l'une d'entre elles, Baba Hikaru. Cette dernière a des liens avec un groupe de yakuza, leur remettant une partie des sommes gagnées par ces activités. Face à cette adolescente glaçante, Miroku songe à son livre, à l'idéal de tueur qu'il y avait décrit. Il décide de plannifier le meurtre de Hikaru. Mais les évènements ne vont pas se dérouler comme prévu... D'autant qu'une fois l'irréversible commis, le jeune homme peut-il vraiment rester ce tueur détaché qu'il fantasme ?

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La première chose qui marque devant Tsumi to Batsu est l'extrême noirceur ambiante, à la fois troublante et malsaine. La série entraîne le téléspectateur dans les pires recoins de la nature humaine, avec un récit empreint d'un pessimisme pesant dont les manifestations vont être parfois très éprouvantes à visionner. Si l'histoire tourne autour de l'évolution de Miroku et des choix qu'il va faire, le meurtre n'est pas le seul thème glaçant de l'intrigue, puisque seront abordés et mis en scène, au cours des six épisodes, la prostitution, le proxénétisme, le viol ou encore le suicide... Le drama est d'autant plus marquant qu'il ne se limite à du simple suggestif, profitant de sa diffusion sur une chaîne câblée : outre les violences sexuelles filmées, c'est la mise en scène des meurtres de Miroku qui hante durablement le téléspectateur. L'inexpérience et la tension du moment troublent ses actes : la maladresse pleine de détermination avec laquelle le couteau s'abat, méthodiquement, par trois fois, sur l'adolescente qu'est Hikaru, avant qu'elle ne perde conscience, sont des images d'une force brute presque insoutenable. L'irréversible se réalise soudain, difficilement, et la réalité se change en horreur très concrète quittant le champ des seules idées.

Cependant, ce n'est pas juste par ces faits que Tsumi to Batsu marque, c'est aussi par l'approche psychologique  que le drama propose de son personnage central. Il nous glisse dans l'esprit troublé de Miroku, tentant (vainement) d'expliquer l'inexplicable raisonnement qui le conduit à tuer. Emmuré dans une colère irrationnelle face à des proches trop présents qui se sont obstinés à dépeindre en modèle un père qui a pourtant failli en tout auprès de sa famille, le jeune homme est animé d'une rage et d'une volonté d'émancipation qui l'entraînent dans des fantasmes dangereux. Se rêver écrivain, cela lui permet d'apposer sur le papier ses réflexions, de mettre en mots ses obsessions qui sont les reflets de ses propres ambitions : l'idée de séparer les faibles, les nuisibles, des supérieurs qui sont capables de prendre et d'assumer de légitimes décisions qui impliquent prendre une vie. Si bien que, quand il rencontre Hikaru, jeune femme à la cruauté froide et inaccessible, il veut la réduire au silence. Tuer cette lycéenne proxénète, c'est prendre le dessus sur elle, l'écraser et se prouver quelque chose à lui-même dans la logique tourmentée et paradoxale qui est la sienne : Miroku souffre d'un complexe d'infériorité, tout en aspirant à une supériorité, notamment morale, grâce à laquelle il entend se détacher du commun des mortels.

Or, le plan de Miroku dérape quand une autre adolescente surgit sur les lieux où il vient de tuer Hikaru : Risa, innocente égarée et trop confiante, méprend ses motivations et en paiera le prix de sa vie. Suite à ces actes, Tsumi to Batsu s'intéresse à la manière dont ils vont affecter le jeune tueur. Car Miroku découvre après coup qu'il n'est pas ce prédateur fantasmé vers lequel il souhaitait tendre, et la mort de Risa le hante. L'introduction d'un nouveau personnage, Echika, une autre âme écorchée et brisée mais qui s'accroche, va provoquer une évolution. L'étrange relation qui se développe entre les deux est assurément inclassable. Elle aboutit à des échanges contradictoires, ambivalents, d'une rare intensité, esquissant des réflexions sur la dépendance et la solitude, sur le bonheur et le sacrifice fait en conscience pour blesser, sur l'amour et la violence légitime... Dans cette dernière partie, le drama sonne toujours aussi désespéré, mais après la dérive, vient le temps pour Miroku de faire face. La repentance implique d'expier ce qui a été commis. Poussé par Echika, il substitue, à son ancien idéal de supériorité détachée, une quête vers cette humanité qui lui fait tant défaut dans l'esprit troublé qui est le sien. Mesurer cette absence sera sa prise de conscience personnelle des actes qu'il a commis, venant ainsi conclure six épisodes de progressions et d'interrogations très éprouvants.

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Sur la forme, Tsumi to Batsu est un drama au-dessus de la moyenne dans le petit écran japonais : on y retrouve le soin généralement apporté aux séries proposées par WOWOW. La photographie reste dans l'ensemble volontairement froide, avec une réalisation qui est de très correcte facture. La bande-son n'est pas trop envahissante, avec certains passages dans lesquels transparaît musicalement la solennité propre au sujet. Cette ambiance musicale reflète assez bien la tonalité du récit, à l'image de la chanson qui vient conclure les épisodes est 'Mabushii Asa' du groupe Merengue (cf. la vidéo ci-dessous pour une écoute).

Enfin, Tsumi to Batsu bénéficie d'un casting qui saura trouver le ton juste pour porter à l'écran ces personnages et ces thèmes durs et complexes. Le rôle de Tachi Miroku est confié à Kora Kengo (Shotenin Michiru no Mi no Uebanashi), qui semble destiné à devoir incarner ces figures de tueur poussé à bout : souvenez-vous de son rôle dans Marks no Yama également sur WOWOW, dans Tsumi to Batsu, il reste dans un registre finalement pas si éloigné. A ses côtés, on retrouve Mizukawa Asami (Nodame Cantabile, Last Friends, Gou), une jeune femme qui va, par ses propres tragédies, réussir à atteindre Miroku. Baba Hikaru est interprétée par Hashimoto Ai (Hatsukoi). On retrouve également Ibu Masato (Koshonin, Rinjo, Last Money ~Ai no Nedan~), Sometani Shota (Hei no Naka no Chuugakkou, Gou, xxxHOLiC) ou encore Tanaka Tetsushi (Yakou Kanransha).

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Bilan : Fiction extrêmement sombre, Tsumi to Batsu est un drama très dense et éprouvant à visionner, dont la façon brute et directe d'aborder des thèmes difficiles marque durablement. C'est un récit entièrement dédié à son personnage central : il ne s'agit pas seulement d'en suivre les actions, mais aussi de nous glisser dans son esprit. Au fil de ses réflexions et de la progression que Miroku connaît, une confusion ambiante difficile à appréhender ressort, pouvant dérouter le téléspectateur : elle n'est que le reflet des propres troubles du jeune tueur. Faire le choix de privilégier une telle approche psychologique était en soi un défi complexe, et Tsumi to Batsu n'évite pas quelques écueils. La narration manque aussi parfois de consistance dans sa façon de relier ses diverses storylines éclatées autour de sa figure principale. L'ambition n'en reste pas moins manifeste : cette expérience, même si elle n'est pas exempte de limites, mérite le coup d'oeil, et se démarque dans le petit écran japonais.


NOTE : 7,5/10


Le clip de la chanson qui conclut chaque épisode (
'Mabushii Asa', par Merengue) :

13/03/2013

(J-Drama / Pilote) xxxHOLiC : celui qui voyait les esprits et celle qui exauçait les voeux

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique pour s'intéresser à la saison hivernale en cours. C'est l'occasion de se pencher sur un genre que j'ai assez peu exploré ces dernières années dans le petit écran japonais : le fantastique. Parmi les projets notables de l'hiver, figurait en effet l'adaptation live d'un célèbre manga de Clamp, xxxHOLiC. Je ne connais ce dernier que de nom (suivant la fameuse règle qui me fait débuter par une série pour finir dans la version papier d'origine), mais le thème de l'histoire, ainsi que la beauté des images que les premières previews avaient laissée entrevoir, suffisaient à ma curiosité.

Proposé par la chaîne câblée WOWOW, xxxHOLiC sera composé de 8 épisodes, d'une demi-heure chacun. Sa diffusion a débuté le 24 février 2013. Derrière ce travail d'adaptation à destination du petit écran, nous retrouvons au scénario et à la réalisation Tsugita Jun et Toyoshima Keisuke. Après deux épisodes regardés, mes premières impressions sont positives : j'ai apprécié l'incursion proposée, mais aussi l'univers construit (même si je n'ai pas d'autres références avec lesquelles le comparer). Reste au développement mythologique à tenir ses promesses !

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Watanuki Kimihiro est un jeune lycéen qui a toujours eu une faculté particulière : il est capable de voir les esprits et autres fantômes, qu'il semble attirer. Son quotidien est constamment perturbé par ces apparitions impromptues et souvent inquiétantes. Un jour, il découvre par hasard la maison de Ichihara Yuko. Cette dernière est une sorcière tenant une bien étrange boutique, ouverte à tous : elle se propose d'exaucer les voeux de ses clients, en échange d'un paiement équivalent à la valeur que son client accorde au voeu accompli.

Kimihiro voit dans cette rencontre l'opportunité dont il rêvait : la possiblité de se débarasser enfin de ce don qui pèse tant sur sa vie. Yuko accepte sur le principe sa requête, mais elle demande en échange qu'il vienne travailler à mi-temps dans son magasin. Simple aide-ménager, Kimihiro se retrouve ainsi au plus près du commerce très particulier qui s'y déroule. Il va vivre et assister à différentes affaires conclues par Yuko. Or ces dernières sont loin de trouver des résolutions toujours heureuses.

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Le pilote de xxxHOLiC remplit parfaitement son office : il nous glisse efficacement dans un univers fantastique qui a ses codes propres. S'esquisse une mythologie dense où se perçoit un potentiel certain pour grandir et se développer au fur et à mesure que l'histoire progressera. Du fait de la durée relativement courte de ses épisodes, le drama opte pour une narration très directe, qui se contente de l'essentiel sans tergiversation inutile. Il en résulte une construction du récit relativement simple et linéaire, qui retient sans difficulté l'attention. Chaque épisode semble destiné à proposer un double niveau de lecture : d'une part, Kimihiro est le témoin d'une affaire particulière conclue par Yuko dans le cadre de son commerce de voeux (xxxHOLic suit donc une approche procedural) ; d'autre part, le fil rouge repose sur l'exploration plus avant, du point de vue de Kimihiro, des mystères mythologiques introduits dans la série, qu'il s'agisse de ceux propres à sa condition ou bien de ses rapports avec la sorcière.

La limite du format adopté tient à la simplicité d'exécution des affaires que le commerce de Yuko va nous faire suivre. Dans ces deux épisodes, leur déroulement est très calibré et prévisible. La première histoire, extrêmement réduite étant donné que le pilote sert à relater la rencontre entre Kimihiro et Yuko, est une fable moralisatrice sur le mensonge. La seconde, plus développée, suit un schéma identique, traitant cette fois de l'avidité démesurée d'un personnage. Pourtant xxxHOLiC fonctionne bien à l'écran, car le drama repose sur des enjeux qui dépassent ces seuls "cases-of-the-week". Plus que la morale à retenir, c'est la manière dont ces affaires affectent les personnages principaux qui importe. Surtout, le concept permet de voir se dessiner un univers très riche, extrêmement intriguant, dont les mystères font plus qu'aiguiser la curiosité du téléspectateur. A ce titre, la gestion de la dimension fantastique se révèle d'ailleurs convaincante : misant beaucoup sur des effets d'ambiance et sur du suggestif, la série n'a pas besoin d'une débauche d'effets spéciaux pour conférer aux images et à son histoire une tonalité très particulière qui s'assure de notre fidélité pour la suite.

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Si xxxHOLiC réussit l'installation de son cadre, le drama le doit beaucoup au soin apporté à sa forme. La réalisation, appliquée, insuffle une atmosphère fantastique à part, sorte d'énigmatique surnaturel aux passages parfois un peu inquiétants. Elle dose suffisamment bien ses effets, ne donnant jamais l'impression de vouloir trop en faire. De nombreux plans jouent sur des symboliques dans les mises en scène, qui sont riches en détails. Les images ont aussi une teinte travaillée particulière, alternant des dominantes, rouge, verte, très sombre ou encore blanche, suivant les lieux et l'ambiance recherchée. De plus, la bande-son n'est pas en reste pour introduire une pointe de mystérieux. Quant au générique (cf. 1ère vidéo ci-dessous), il se révèle non seulement assez réussi esthétiquement, mais la chanson (Aitai, par Shikao Suga) est également très plaisante à l'écoute. xxxHOLic frôle ainsi le sans-faute au niveau visuel.

Quant au casting, s'il semble un peu s'effacer par moment devant une caméra qui privilégie en premier lieu la construction de son atmosphère, il apparaît dans l'ensemble solide, chacun trouvant assez vite ses marques dans le rôle qui lui est confié. Watanuki Kimihiro est interprété par Sometani Shota (Hei no Naka no Chuugakkou, Gou, Tsumi to Batsu), tandis que Ichihara Yuka l'est par (Watanabe) Anne (JOKER Yurusarezaru Sosakan, Yokai Ningen Bem). Autour de ce duo central autour desquels tout gravite, on croise notamment Higashide Masahiro (Kekkon Shinai) et Miyazaki Karen (Kazoku Hotei).

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Bilan : Doté d'une narration simple et directe, xxxHOLiC propose une introduction efficace dans son univers bien particulier. Fable moralisatrice par sa mise en scène des affaires conclues par Yuko, suivant ainsi un format semi-procedural, le drama se démarque avant tout par l'atmosphère mystérieuse dans laquelle il plonge le téléspectateur, réussissant admirablement à cultiver un surnaturel énigmatique superbement mis en valeur visuellement. L'ensemble intrigue et aiguise ainsi la curiosité. xxxHOLiC est donc une oeuvre soignée qui s'apprécie sur la forme, et interroge sur le fond, le tout bénéficiant d'un concept prometteur.

J'ai conscience que le fait de ne pas connaître le manga est peut-être un atout pour apprécier pleinement cette série. En plus de ne pas avoir la tentation de comparer et d'évaluer le travail d'adaptation, je l'aborde sans a priori, ni certitudes sur l'orientation à venir de l'histoire. Mais en ce qui me concerne, une chose est sûre : je serai au rendez-vous pour la suite.


NOTE : 7/10


Le générique du drama :


Les bande-annonces (en VOSTFR) du drama :