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30/06/2013

(US) Hannibal, saison 1 : un fin mets policier fascinant

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Dernière déclinaison printanière du thème des serial killers, Hannibal est à mes yeux la plus intéressante des nouveautés des grands networks américains cette saison 2012-2013. Pourtant, assez paradoxalement, si le logo de NBC n'était pas affiché à l'écran durant les épisodes, un téléspectateur peu informé aurait sans doute peine à croire qu'il ne se trouve pas sur une chaîne du câble. Par sa construction narrative, mais aussi par le soin apporté à la forme, la série est allée très loin, se réappropriant son sujet de manière aboutie en s'affranchissant d'un certain nombre des contraintes habituelles imposées par les grands networks. En dépit d'audiences mitigées (même pour NBC), une saison 2 a été commandée : ces 13 premiers épisodes auront donc une suite méritée, et qui sera attendue.

Nul besoin sans doute de présenter la figure de Hannibal Lecter, créée par Thomas Harris, dont les livres ont déjà fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. Pourtant, je me suis installée devant Hannibal avec relativement peu de connaissances en amont : je n'ai lu aucun livre de Thomas Harris, et le seul film que j'ai jamais vu mettant en scène ce serial killer était Le silence des Agneaux, il y a déjà un certain nombre d'années. C'est un genre de fiction que j'apprécie seulement à petites doses. Par conséquent, c'est avec une attente et une curiosité ouverte à toutes les approches que j'ai découvert la version proposée par Hannibal, le nom de Bryan Fuller étant en plus suffisant pour aiguiser à lui-seul mon intérêt.

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La série débute à une époque où Hannibal Lecter est encore une figure respectée de la psychiatrie. Ses services vont être sollicités par Jack Crawford, un responsable du FBI, qui, sur la recommandation du Dr Alana Bloom, souhaite le voir s'occuper de leur meilleur consultant profiler, Will Graham.

Ce dernier dispose d'une empathie hors du commun qui lui permet de se glisser dans la tête des tueurs. Cela lui donne une capacité unique pour reconstituer précisément le déroulement d'un crime et les raisonnements suivis par le meurtrier. Pour Jack Crawford, les dons de Will sont trop précieux pour que son instabilité et la fragilité de son état mental soient un obstacle suffisant à leur utilisation. Lorsqu'il souhaite replacer Will sur le terrain afin de l'assister dans certaines enquêtes difficiles, Alana Bloom recommande de le faire suivre par un professionnel réputé de ses connaissances, Hannibal Lecter. Le psychiatre est vite fasciné par Will. La saison va suivre l'étrange relation qui se développe entre les deux.

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En s'installant devant Hannibal, ce qui marque en premier lieu, c'est l'ambiance à part que la série construit méthodiquement. Multipliant les mises en scène symboliques, telle l'importance que prend le cerf dans les visions de Will, la série glisse le téléspectateur dans une atmosphère onirique qui gagne en intensité à mesure que la saison progresse, et se fait de plus en plus troublante. Logiquement pour une fiction sur un tel thème des serial killers, la mort, ou plutôt les morts, jouent un rôle central. Il faut cependant noter que ce n'est pas tant le fait de tuer, que la manière dont l'acte a lieu et surtout la façon dont il est ensuite exposé au monde qui est ici déterminant. La série ne recule devant aucune surenchère pour montrer ses cadavres. La symbolique, mais aussi une recherche artistique, l'emportent sur tout le reste : des anges ensanglantés au mausolée de corps, ce sont autant de visions qui ont pour finalité de marquer et qui hantent en effet durablement.

De plus, l'ambiance de Hannibal se caractérise par un rapport de plus en plus distendu à la réalité. Si la série nous fait vivre les évènements de plusieurs perspectives, le personnage central dans sa narration est Will. Elle nous place littéralement dans la tête du consultant profiler. Initialement, cela a pour conséquence de faire de nous les témoins du fonctionnement de ses dons, assistant à la reconstitution des crimes. Ce procédé aurait pu être réduit à un simple artifice scénaristique, il n'en est rien car, au fil de la saison, le choix d'être aux côtés de Will trouve toute sa justification. Peu à peu, ses capacités l'entraînent sur une voie dangereuse, où il perd pied avec la réalité. Le téléspectateur se retrouve alors happé dans les hallucinations et les pertes de repères qu'il partage avec lui. La dérive culmine lors du dernier tiers de la saison, notamment au cours des twists particuliers que réserve l'épisode Buffet froid (1.10), empruntant au genre horrifique de bien belle manière.

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Si Hannibal est donc une vraie expérience qui se vit devant son petit écran, la manière dont elle traite ce sujet des serial killers témoigne également de ses ambitions. Initialement, la série semble se rapprocher d'un format procédural, introduisant un tueur par épisode. Mais le feuilletonnant prend progressivement de l'ampleur, notamment parce que le fil rouge introduit dès le premier épisode ne cesse de gagner en importance. Le fantôme de Garret Jacob Hobbs restera en effet omniprésent. Pas seulement parce que les secrets de sa fille, et l'implication de Hannibal et de Will à ses côtés, conservent un rôle jusqu'à la fin de la saison, mais aussi parce que la mise en garde initiale d'Alana Bloom sur l'instabilité de Will résonne aux oreilles du téléspectateur. Le consultant profiler n'a pas seulement abattu ce tueur, il a créé un lien avec lui. Un lien qui peut et qui va être le sentier vers sa propre descente aux enfers, dans tous les sens du terme. Car quelqu'un va exploiter cette faille...

Ce quelqu'un, bien évidemment, c'est Hannibal Lecter. Si Hannibal n'est pas une simple série policière, c'est aussi parce que ce que la saison tourne autour du rapport qui s'établit entre Will et ce psychiatre que le FBI lui assigne. Si Will ignore la véritable nature de son vis-à-vis, le téléspectateur est lui parfaitement informé : le contraste conduit la série à verser dans un suggestif, souvent bien dosé et assez "savoureux", notamment lors de ces repas organisés où le "qui mange-t-on" se substitue au "que mange-t-on" dans notre imaginaire. A mesure que la saison avance, les manipulations de Hannibal, et sa dangerosité derrière le vernis social impeccable, se font de plus en plus pressants et angoissants. L'intérêt qu'il éprouve pour Will est sincère. Revendiquant son "amitié", Hannibal engage avec lui un jeu psychologique dual, fascinant de subtilités et de nuances. Cette relation ambivalente est le socle sur lequel repose la saison. Elle est aussi notre seule clé pour comprendre Hannibal : la caractérisation du serial killer ne pouvait suivre la même approche empathique que celle de Will.

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Par ailleurs, la forme joue également un rôle très important pour construire l'ambiance de la série. Hannibal est une série extrêmement soignée visuellement. Le défi était de taille, notamment pour refléter la dimension onirique de la fiction. Au-delà d'une photographie à la teinte dominante logiquement sombre, la réalisation joue parfaitement sur les symboles, mais aussi sur les références, faisant preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. Tout y est manifestement soigné jusqu'aux moindres détails que sont, par exemple, les interludes gastronomiques offerts par les plats de Hannibal. Cela conduit ainsi à une richesse formelle très appréciable.

Enfin, Hannibal peut s'appuyer sur un casting solide au sein duquel domine le duo principal. Mads Mikkelsen (Rejseholdet) propose un Hannibal Lecter, fin gourmet, amateur et connaisseur des bonnes choses, dont l'interprétation tout en aplomb et en subtilité exerce vite une sorte de fascination-répulsion sur le téléspectateur. C'est progressivement que le personnage acquiert son ampleur, à mesure qu'il démontre l'étendue de ses manipulations. Face à lui, Hugh Dancy (The Big C) est tout aussi impressionnant : délivrant une performance, troublée, sensible et intense, qui correspond parfaitement à Will Graham. A leurs côtés, Laurence Fishburne (CSI) incarne un Jack Crawford qui met un peu de temps à trouver sa place dans l'équilibre ainsi instauré entre Hannibal et Will. Caroline Dhavernas (Wonderfalls) incarne Alana Bloom, dont la relation avec Will permet d'explorer un autre pan du personnage. Enfin, parmi les guests notables, signalons la présence d'une Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, The Fall), toujours aussi fascinante et hypnotique, dans les quelques scènes où, face à Hannibal, elle joue la psychiatre de ce dernier.

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Bilan : Série d'ambiance, Hannibal signe une première saison très intéressante. Centrée sur Will Graham et sa progressive dérive aux confins de la raison et de la santé mentale, elle n'en façonne pas moins en parallèle, de façon suggestive et subtile, le portrait inquiétant de Hannibal Lecter. Analyser la série à travers le seul prisme de la fiction policière conduirait pourtant à lui reconnaître d'incontestables limites, notamment la tendance à une conduite expéditive des enquêtes. Cependant, les enjeux de la série sont ailleurs et conduisent à admettre ces raccourcis, même si des reproches peuvent demeurer.

En résumé, Hannibal propose une déclinaison aboutie de ce thème du serial killer. La suite sera un défi tout aussi difficile à relever, étant donné la redistribution des cartes que marque le dernier épisode. Bryan Fuller a déjà donné quelques pistes. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la saison 2 !


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :


15/06/2013

(UK) The Fall, saison 1 : when the hunter becomes the hunted

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Le thème du serial killer est très prisé en ce début d'année 2013. Aux Etats-Unis, la Fox avait dégainé la première, tombant dans tous les pièges à éviter, avec un The Following sans crédibilité et encombré de stéréotypes. On aurait pu craindre que les autres fictions ne viennent pareillement s'échouer sur ces écueils. Heureusement, passé ce premier raté, les suivantes ont été d'un tout autre calibre. J'aurais l'occasion de revenir sur Hannibal au terme de sa première saison : sans être exempte de limites, c'est une oeuvre vraiment très intéressante, avec une ambiance soignée comme peu. Cependant ma "série à serial killer" favorite de 2013 est pour le moment britannique, c'est l'objet de mon billet du jour.

The Fall est une fiction créée par Allan Cubitt (The Runaway). Diffusée en Irlande à partir du 12 mai 2013 sur RTÉ One, et en Angleterre sur BBC2 dès le lendemain, sa première saison compte 5 épisodes d'1 heure environ chacun. Tout au long de sa diffusion en Angleterre, elle a bénéficié de très solides audiences, ce qui explique son logique renouvellement pour une seconde saison (qu'il ne faut malheureusement pas attendre avant fin 2014 au moins). Tournée en Irlande du Nord, The Fall nous fait suivre un double quotidien, celui d'un serial killer et celui de la policière qui dirige l'enquête sur ses crimes. Cette mise en scène en parallèle, accompagné d'une écriture très sobre, est à l'origine d'une des belles réussites de cette première moitié de 2013.

[La review qui suit contient des spoilers sur l'ensemble de la saison 1.]

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The Fall se déroule à Belfast. La police locale s'étant révélée incapable de résoudre le meurtre sensible d'une jeune femme, Stella Gibson est envoyée sur place pour évaluer la manière dont l'enquête a été conduite et y déceler d'éventuelles négligences ou fautes. Or la victime n'est pas la seule trentenaire, active professionnellement, à avoir été tuée dans des conditions assez proches. Lorsqu'un nouveau meurtre a lieu, Stella est confortée dans son idée que ces morts sont liées : c'est un seul et même tueur qu'il faut rechercher. Elle va alors prendre la direction de l'investigation.

Le serial killer que la police traque s'appelle Paul Spector. Père de famille marié, conseiller psychologue aidant ses patients à faire leur deuil après la perte d'un être cher, ce trentenaire mène en apparence une vie parfaitement rangée. Il donne le change au quotidien et paraît au-dessus de tout soupçon. C'est pourtant un tueur méthodique qui plannifie chacun de ses meurtres, apprenant d'abord à connaître les habitudes de ses futures victimes avant de frapper. Mais son besoin de tuer se fait de plus en plus pressant et moins contrôlable...

C'est le chassé-croisé de ces deux figures centrales opposées, Stella Gibson et Paul Spector, que The Fall va nous relater.

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The Fall est le récit d'une confrontation à distance de deux figures évoluant en parallèle, sans se croiser, devant la caméra. Sa particularité tient au fait qu'il ne s'agit pas d'un whodunit où l'on rechercherait un meurtrier inconnu. C'est même tout le contraire, car Paul Spector va devenir très familier. En nous faisant partager l'ensemble du quotidien du serial killer, la série s'inscrit dans un registre très personnel, à la sobriété jamais prise en défaut, qui se révèle profondément glaçant et malsain tant le portrait ainsi dépeint apparaît empreint d'une dualité effrayante. Il semble y avoir une telle contradiction à première vue, entre l'horreur de ces crimes et l'image de normalité renvoyée par ce père de famille : la compartimentalisation que Spector est capable d'opérer glace le sang par le naturel et la fausse banalité avec lesquelles elle a lieu. La série joue d'ailleurs habilement sur le contraste offert par ces apparences, notamment avec sa petite fille, incarnation s'il en est de l'innocence, qu'il va jusqu'à utiliser pour traquer ses victimes sans éveiller les soupçons.

L'intimité qui s'installe dans le récit crée un profond malaise, troublant et dérangeant le téléspectateur : The Fall nous place aux côtés de Spector, pas seulement pour l'acte de tuer, mais en nous faisant bien mesurer tout ce que cela représente pour lui de voyeurisme et de réduction à l'état d'objet d'une victime que la série nous aura au préalable fait connaître (le 1er épisode est à ce titre une entrée en matière magistrale). En raison de cette réification de femmes par le serial killer, il fallait trouver face à lui une figure qui apporte un contre-poids nécessaire. Le fait qu'il va s'agir d'une femme, en la personne de Stella Gibson, est déterminant. Fascinante de professionnalisme et de froideur, imperturbable et énigmatique, elle entretient un rapport avec les hommes qu'il va être opportun d'éclairer. La manière dont elle vit sa sexualité tranche en effet avec les schémas misogynes ambiants du commissariat. Retournant les raisonnements que font naturellement ses collègues, une de ses répliques, pleine d'aplomb, résonne durablement : "Man fucks woman. Subject man, verb fucks, object woman. That's OK. Woman fucks man. Woman subject, man object. That's not so comfortable for you, is it ?"

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A partir de ces doubles portraits ainsi esquissés, The Fall adopte un rythme lent, bâtissant une sourde tension psychologique sans jamais rechercher la surenchère. La série se construit une ambiance à part, dépouillé d'artifices, qui sonne très réelle. Il faut souligner qu'elle ne se réduit pas à la seule traque d'un tueur : elle nous immerge pleinement dans l'environnement particulier qu'est Belfast, une ville façonnée par son Histoire, familière avec la violence. Faire se dérouler la série en Irlande du Nord n'est pas anodin, et la fiction va exploiter ce cadre. Elle propose ainsi d'autres intrigues, impliquant des notables locaux ou bien des délinquants, qui viennent s'imbriquer et compléter le tableau. Leur utilité dans le développement de la trame principale reste à être appréciée ; elles servent avant tout à poser un ton et une atmosphère, tout en ayant le mérite de connecter l'enquête avec le lieu où elle se déroule, apportant une dimension sociale qui densifie la série. Si les histoires de serial killer tendent peut-être à se banaliser du fait de leur multiplicité, le cadre de The Fall n'a, lui, rien d'interchangeable.

La noirceur réaliste dans laquelle baigne la série se retrouve également dans la conclusion de ces cinq épisodes, à la brièveté frustrante. Toute fiction tend naturellement vers l'artifice nécessaire de se terminer sur une fin satisfaisante, mais la réalité est plus nuancée, et le happy end rarement de mise : de nombreuses fois, l'incertitude prédominera. Faire le choix de l'irrésolution reste osé, comme le montrent les réactions des téléspectateurs britanniques face au dernier épisode. Il faut cependant nuancer cet impact, puisque The Fall a été renouvelée. Ce qui est intéressant dans la manière dont cette saison 1 s'achève, c'est le fait qu'elle place Stella face à un échec : ne pas avoir réussi à arrêter, ni même à identifier, le serial killer. La confrontation tant attendue avec Spector se réduit finalement à un coup de téléphone. L'échange, par le rapport de force qu'il met en exergue, tient pourtant toutes ses promesses. La fin ouverte appelle une poursuite, et Stella apparaît bien trop marquée pour ne pas continuer sa traque. Elle dispose d'ailleurs d'indices importants, dont l'éventuel témoignage d'une victime. Cependant, la force de ces dernières minutes tient à l'impression que Spector semble avoir encore la main en faisant le choix de partir, même si le téléspectateur doute qu'il puisse cesser de lui-même de tuer. Une fin de saison donc ambivalente, duale... à l'image de la série.

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Ce souci d'un réalisme sobre perceptible dans la narration se retrouve également sur la forme. La réalisation est aussi soignée que posée : la mise en scène reste très dépouillée, ne recourant à aucun effet de style particulier. De même, le récit est accompagné d'une bande-son qui demeure en arrière-plan, construisant progressivement l'ambiance particulière de The Fall sans prendre le pas sur des scènes dont la force et l'intensité n'ont pas besoin d'être soulignées par un artifice musical supplémentaire pour s'exprimer pleinement. 

Aussi solide que soit The Fall sur le fond, si le récit acquiert une telle dimension, il le doit aussi à son casting, et tout particulièrement son duo principal. Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, Great Expectations) délivre une prestation impressionnante dans ce rôle froid, professionnel, qu'elle habite vraiment : l'actrice apporte à l'écran une présence magnétique qui trouble et fascine. Avec son rôle tenu dans Hannibal, elle démontre ces dernières semaines toute sa juste valeur à l'amateur de ce genre. Face à elle, Jamie Dornan (Once Upon A Time) tire aussi très bien son épingle du jeu, exploitant à merveille les différentes facettes de son personnage : outre sa dualité, le contraste entre son apparence et la noirceur des actes qu'il commet convient parfaitement. L'acteur étant originaire de Belfast, l'accent adéquat est une touche qui crédibilise un peu plus la figure qu'il incarne. Côté seconds rôles, l'ensemble est homogène et convaincant : on y croise notamment Bronagh Waugh, Michael McElhatton, Niamh McGrady, Archie Panjabi, John Lynch ou encore Laura Donnelly.

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Bilan : Se réappropriant de manière convaincante ce thème du serial killer qui tend pourtant à être aujourd'hui galvaudé, cette première saison de The Fall est une réussite. Le choix de ne pas relater une investigation unilatérale, mais au contraire de préférer dresser un double portrait en parallèle, du tueur et de l'enquêtrice le traquant, permet une construction du récit glaçante par l'intimité qu'elle occasionne avec Spector, tout en trouvant en Stella Gibson son pendant parfait. La sobriété privilégiée par l'écriture contribue alors à la construction d'une tension sourde, empreinte de malaise, qui fait de la série une fiction aussi prenante que dérangeante. Une très intéressante incursion dans le registre des histoires de tueurs en série, dont j'attendrai avec impatience la saison 2.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

01/01/2012

(Mini-série UK) Great Expectations : l'histoire d'une leçon de vie

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La période des fêtes de fin d'année est toujours riche outre-Manche. Au-delà des épisodes spéciaux de leurs séries habituelles (Doctor Who, Downton Abbey...), les chaînes ont aussi l'habitude de programmer quelques fictions de prestige s'inscrivant dans la tradition des adaptations littéraires qu'affectionnent les Anglais. A ce sujet, si vous en avez l'occasion (et comme je ne suis pas certaine d'avoir le temps de vous en parler), n'hésitez pas à jeter un oeil sur ce beau téléfilm, diffusé lundi dernier, qu'est The Borrowers (avec un casting de choix, Christopher Eccleston, Stephen Fry, Robert Sheehan...).

Puis, toujours la semaine dernière, de mardi à jeudi soir, BBC1 s'est attachée à revisiter un classique, en proposant une nouvelle version de Great Expectations, d'après un roman de Charles Dickens. Mini-série comportant trois épisodes d'une heure chacun, elle rassemble un solide casting, avec notamment une Gillian Anderson fort troublante en Miss Havisham. Si Great Expectations pèche sans doute par un certain excès d'académisme l'empêchant de prendre toute la mesure de l'histoire qu'elle relate, elle n'en demeure pas moins une adaptation plaisante à suivre, à l'esthétique fort soigné.

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Great Expectations se déroule au XIXe siècle. C'est l'histoire d'un jeune orphelin, Pip, recueilli par sa soeur et son mari, un forgeron. Un jour, il croise dans la campagne un prisonnier, Magwitch, qui s'est évadé et tente d'échapper aux soldats qui le poursuivent dans ces marés brumeux. Le fugitif effraie le garçon pour qu'il lui ramène un outil afin qu'il puisse se débarasser de ses fers. Si Pip s'exécute, faisant même du zèle en ramenant à l'affamé une part de tarte, le prisonnier sera malgré tout re-capturé peu après, ramené de force sur le bâteau qui le déporte vers l'Océanie.

Cette même journée est riche en émotions. En effet, leur oncle annonce peu de temps après que la mystérieuse et recluse Miss Havisham, une dame très fortunée, requiert la présence d'un garçon, sans en préciser la raison. La soeur de Pip, espérant une récompense, l'envoie rencontrer cette étrange dame, dont l'apparence tout de blanc vêtue, pieds nus, est presque semblable à un fantôme. L'orphelin fait à cette occasion connaissance avec l'entourage de Miss Havisham, et notamment sa fille, jeune adolescente adoptée par la richissime dame. Pip découvre aussi dans cette maison luxueuse, mais laissée à l'abandon, un autre milieu social et surtout... une certaine ambition : cela pourrait-il être la porte ouverte à une ascension sociale loin de la forge et de son quotidien actuel ? 

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Great Expectations relate la rencontre entre différentes classes sociales qui n'auraient pas dû normalement se croiser. C'est l'histoire d'un orphelin que rien ne prédisposait à s'imaginer au-delà de son coin de campagne, mais auquel les évènements vont offrir des opportunités aux apparences souvent trompeuses. En entrouvrant, pour la première fois sur l'invitation de Miss Havisham, la porte de ce milieu bourgeois favorisé, Pip va soudain se mettre à espérer dépasser sa condition sociale pour gagner un rang de véritable gentleman. D'abord longtemps rêve inaccessible, lorsque cette voie s'ouvre finalement devant lui, cette chance se révèle à double tranchant. Balloté au gré de bienfaiteurs qui taisent leurs motifs, mais aussi pour certains leur identité, Pip s'égare, perdant son sens des priorités. Great Expectations apparaît ainsi comme l'histoire d'une leçon de vie, avec sa part de désillusion et de cruauté face à un destin qui semble toujours finir par reprendre ce qu'il a offert.

Si la mini-série maîtrise globalement bien le thème du choc des milieux sociaux, elle reste inaboutie sur un second plan pourtant tout aussi déterminant à l'histoire : celui lié aux sentiments. En effet, l'ambition de Pip puise sa source dans son amour pour cette beauté glacée qu'est Estella. Great Expectations éclaire en effet à quel point les sentiments peuvent transporter, mais aussi égarer chacun. C'est la passion qui a détruit Miss Havisham, cette dernière hantant désormais sa propre maison, ayant cessé de vivre. En réaction, c'est dans l'absence de tout sentiment qu'a été élevée Estella, instrument d'une obsessionnelle vengeance entre les mains de Miss Havisham : faire souffrir, détruire les hommes sans se blesser soi-même, telle est la tâche pour laquelle sa mère adoptive l'a élevée. Et c'est donc aussi l'amour qui consumme Pip, obscurcit son jugement et, plus que l'attrait pour l'argent, le fait mûrir par les déceptions qu'il occasionne. C'est sans doute ici que Great Expectations fait preuve de ses plus grandes limites : elle reste trop rigide et en retrait, ne parvenant pas à susciter d'empathie, ni à capturer à l'écran les sentiments et contradictions que l'on devine pourtant dans ces personnages.

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Manquant de nuances et d'épaisseur sur le fond, Great Expectations est en revanche à la hauteur des attentes du téléspectateur sur un plan formel. La mini-série s'offre une reconstitution d'époque soignée, avec des décors souvent froids, comme glacés, bien mis en valeur par une esthétique travaillée. En parfait écho au contenu de l'histoire, la teinte dominante est le gris. Et si certains passages, notamment en intérieur, paraissent presque trop sombres, cette photographie contribue à donner une identité de la fiction. Les pièces de la maison de Miss Havisham, représentant un instantané suspendu dans le temps, représentent sans aucun doute une des mises en scène les plus marquantes de la mini-série.

Enfin, Great Expectations bénéficie d'un casting globalement solide. Les acteurs qui entourent Oscar Kennedy, puis Douglas Booth (Les Piliers de la Terre) dans leur rôle de Pip (enfant, puis jeune homme) parviennent vraiment à imposer leur présence à l'écran. Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, The Crimson Petal and the White) notamment délivre une performance vraiment fascinante et troublante pour incarner cette femme brisée qui a développé une rancoeur obsessionnelle envers les hommes. Ray Winstone (Vincent) est également impressionnant en Abel Magwitch, figure ambivalente, à la fois inquiétant et bienfaiteur. A leurs côtés, on retrouve également David Suchet (Agatha Christie's Poirot), Mark Addy (Game of Thrones), Frances Barber, Tom Burke, Vanessa Kirby ou encore Shaun Dooley.

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Bilan : Adaptation presque trop académique d'un classique de la littérature anglaise, Great Expectations est fidèle, sur la forme, au savoir-faire de la BBC, offrant une reconstitution méticuleuse d'une époque et disposant d'une identité visuelle et d'une ambiance intrigantes. Cependant, la mini-série peine à introduire du relief dans son histoire et à impliquer le téléspectateur, ayant trop tendance à aller à l'essentiel sans prendre le temps de retranscrire émotions et nuances. Cette limite tient peut-être à son format trop condensé. En résumé, si elle se suit sans déplaisir, on ne peut s'empêcher de penser que le résultat laisse un arrière-goût d'inachevé et reste perfectible.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la mini-série :