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25/11/2011

(Mini-série UK) Hidden : un thriller conspirationniste inachevé

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L'année 2011 aura permis de vérifier combien le thriller conspirationniste demeure un genre particulièrement prisé par la BBC. Après la si fascinante The Shadow Line diffusée sur BBC2 au printemps, cet automne, durant le mois d'octobre, c'était au tour de BBC1 de proposer sa propre incursion dans ce registre, avec une mini-série en quatre parties, Hidden. On retrouve au scénario l'écrivain nord-irlandais Ronan Bennett, dont le nom doit commencer à vous être familier puisqu'il est également à l'origine de Top Boy, dont j'ai reviewé la première saison la semaine dernière.

Si Hidden reste loin de ses glorieuses aînées, de la culte The Edge of Darkness à la plus récente, ayant remis au goût du jour ce genre, State of Play, elle se révèle néanmoins très prenante, tout en nous laissant malgré tout sur une impression d'inachevé un brin frustrante lors de sa conclusion. En résumé, Hidden avait beaucoup de bonnes idées, mais elle n'aura pas su pleinement en prendre la mesure. Elle reste cependant très intéressante.

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Harry Venn est un solicitor (la transposition du système juridique anglais en français étant impossible, disons qu'il s'agit d'une sorte d'avocat qui ne plaide pas). Il traite de petites affaires, avec un unique assistant, tout en ayant une vie familiale très chaotique. Non seulement ses relations sont délétères avec son adolescent de fils, mais il est également fâché avec son père depuis la mort de son frère aîné dans des circonstances troubles, deux décennies auparavant. Cependant sa vie va vraiment basculer lorsqu'il est contacté par une consoeur, Gina Hawkes.

Cette dernière cherche apparemment à vérifier l'alibi d'un de ses clients, mais ce sont surtout de nouvelles questions sur les évènements tragiques s'étant déroulés il y a 20 ans qu'elle fait ressurgir. Les investigations de Harry l'entraînent alors sur une piste bien dangereuse au terme de laquelle se trouve peut-être les réponses tant espérées sur la mort de son frère, mais aussi une conspiration prenant racine au coeur du système politique anglais et qui pourrait bien sceller la fin de la démocratie.

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Représentante d'une tradition éprouvée de polars conspirationnistes qui savent tenir le téléspectateur en haleine jusqu'à l'ultime scène, Hidden s'approprie une recette bien connue, sans manquer d'ambitions propres. Exploitant une toile de fond constituées par des tragédies passées, demeurées inexpliquées, et qui pèsent toujours sur ses protagonistes principaux, elle entraîne ces derniers dans une quête de vérité particulièrement dangereuse. Derrière ces drames personnels, se dessine peu à peu une conspiration médiatico-politico-militaire autrement plus déstabilisante qui vient exploiter le thème de la défiance envers les institutions, mettant en scène un pays plongé dans un chaos volontairement entretenu par certains intéressés. 

Préférant suggérer des possibilités plutôt que d'énoncer clairement des faits, soulever de nouvelles questions plutôt que d'apporter des réponses, Hidden intrigue vite le téléspectateur. La mini-série prend un malin plaisir à dévoiler pièce par pièce son puzzle, laissant dévoilant peu à peu ses véritables enjeux. Si elle sait captiver, la fiction le doit non seulement à cette ambiance de thriller paranoïaque qu'elle va mettre place, mais aussi au personnage central de Harry Venn, lequel s'impose comme le digne héritier de ces anti-héros fatigués, entraînés dans des histoires qui les dépassent mais dont il faut bien voir le bout. Ce n'est donc pas un hasard si les passages les plus réussis resteront ces scènes de tension palpable où tueurs et personnages principaux ou secondaires s'entrecroisent, parfois fatalement.  

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Cependant Hidden n'ira pas jusqu'au bout des ambitions affichées. La mini-série laisse en effet une impression assez paradoxale. Passé un premier épisode, un peu incertain mais qui réussit à aiguiser la curiosité du téléspectateur, les épisodes suivants vont suivre une tension allant crescendo : toujours prenants, ils se regardent avec plaisir et ne souffrent d'aucune baisse de rythme. Même les scènes politico-médiatiques, quelque peu parachutées dans le pilote, trouvent ensuite leur place, parenthèses permettant de comprendre ce qui est à l'oeuvre. Seulement Hidden ne va pas réussir à prendre pleinement la mesure d'un potentiel qu'elle laissera juste entre-apercevoir.

La mini-série échoue en effet à trouver le liant qui lui aurait permis de former un tout cohérent et solide qui aurait offert un véritable climax final et une résolution totalement satisfaisante. C'est par sa construction narrative que la fiction pèche. Non seulement elle fait parfois preuve d'une maladresse dommageable, par exemple en rendant trop prévisible le développement autour du frère de Harry et des mystères qui l'accompagnent, mais surtout, la fiction n'évite pas certains travers du genre conspirationniste. Elle se complaît trop dans un flou volontaire, aimant soulever les questions, créer des connexions, mais étant moins habile quand il s'agit ensuite de relier l'ensemble et de proposer un puzzle pleinement assemblé à la fin. Cependant si Hidden ne parvient pas pleinement à se donner les moyens de ses ambitions, elle n'en demeure pas moins un essai prenant et efficace qui devrait grandement satisfaire les amateurs de ce type de récit.

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A défaut d'être pleinement aboutie sur le fond, Hidden bénéficie d'une forme particulièrement soignée. Privilégiant les plans serrés qui permettent de jouer sur et de faire ressortir une tension palpable grâce à la nervosité de la caméra, la réalisation s'avère parfaitement maîtrisée. Les teintes utilisées pour la photographie, qui donnent aux images des couleurs un peu ôcres, renforce l'ambiance de polar. Quant à la bande-son, la musique est également bien utilisée, servant notamment à accentuer les passages à suspense.

Enfin, un des atouts de Hidden réside indéniablement dans la solidité de son casting. Philip Glenister (Life on Mars, Ashes to Ashes, Mad Dogs), égal à lui-même, impose sa présence charismatique et abrasive ; il est parfait pour incarner ce solicitor pragmatique dont le passé trouble refait soudain surface. La dynamique qui s'installe avec Thekla Reuten (Sleeper Cell) fonctionne également très bien ; tout en gardant chacun une indépendance farouche, les deux se retrouvent forcés de faire front commun face à cette menace dont ils ne cernent pas encore les tenants et les aboutissants. Par ailleurs, on croise également des seconds rôles très convaincants, à commencer par Anna Chancellor (Spooks, The Hour), excellente comme toujours, mais également Michael Winder, Thomas Craig ou encore David Suchet.

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Bilan : Thriller soigné sur la forme, indéniablement prenant sur le fond, reprenant des ingrédients classiques qui fonctionnent, Hidden est une oeuvre intrigante dans laquelle le téléspectateur se laisse facilement prendre au jeu de ce suspense. Cependant, si les épisodes savent retenir l'attention de plus en plus sûrement, la mini-série n'évite pas l'écueil classique des fictions conspirationnistes, celui de la surenchère. Entretenant trop longtemps un flou, avec des réponses qui soulèvent invariablement plus de questions qu'elles ne satisfont notre curiosité, c'est sur une note d'inachevé que se conclut presque trop hâtivement l'histoire. Si Hidden laisse donc quelques regrets et l'impression d'une idée pas complètement exploitée, l'ambiance qu'elle aura su cultiver justifie cependant amplement une découverte avertie. 


NOTE : 6,75/10


Quelques images de la série :

06/11/2011

(UK) Garrow's Law, saison 2 : un enthousiasmant legal drama historique

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Dans une semaine, le dimanche 13 novembre signera le retour de la série que j'attends le plus durant ce mois de novembre : la troisième saison de Garrow's Law. Sitôt la nouvelle officialisée, il y a quelques jours, j'ai été prise d'une brusque envie de revoir la précédente saison. C'était une de ces pulsions sériephiles qui vous happe en dépit du bon sens, alors que vous avez bien trop de choses en retard à regarder, et à laquelle il est impossible de résister.

Quatre épisodes plus tard (l'avantage des pulsions sériephiles anglaises est qu'elles restent souvent "raisonnables" par leur brièveté), la bonne impression que j'en avais gardée n'a été que confirmée par ce nouveau visionnage. En novembre de l'année dernière, j'avais rédigé un article après le premier épisode de la saison 2 sous forme de quasi-playdoyer, mais je n'avais pas pris le temps d'y revenir en fin de saison. Comme tout vient à point qui sait attendre, c'est donc pour introduire la nouvelle saison que je rappelle à votre bon souvenir cette saison 2.

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Après une première saison qui avait permis à Garrow's Law de trouver progressivement ses marques dans l'entre-deux genres que la série ambitionnait d'investir, mêlant legal drama et period drama, cette deuxième saison lui a permis de pleinement exploiter le potentiel entrevu. Non seulement, elle a su faire preuve d'une maîtrise égale pour mettre en scène son volet judiciaire, mais elle l'a complété d'un volet humain souvent touchant, en explorant plus avant les personnages. Elle a ainsi proposé une suite de quatre épisodes particulièrement aboutie, où aux affaires jugées à Old Bailey s'est greffé un fil rouge plus personnel impliquant les principaux protagonistes. De qualité constante, elle a su profiter de son format court qui, non seulement lui permet d'éviter l'écueil de toute répétition ou lassitude, mais justifie aussi le soin particulier accordé à chacune des histoires traitées.

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Dans la continuité de ce qui faisait la force de sa première saison, il est tout d'abord un point sur lequel Garrow's Law est restée fidèle à elle-même : c'est la rigueur avec laquelle elle traite de ses affaires judiciaires. S'inspirant des archives du tribunal de Old Bailey, elle a toujours apporté un réel soin à la reconstitution historique des procès dans lesquels William Garrow intervient. Nous plongeant dans cette cour, où la publicité des instances les transforment souvent en un théâtre d'expression de l'opinion publique, la série capture à merveille l'atmosphère fébrile et tendue qui y règne. Les cas évoqués sont toujours très diversifiés, comme le montre une nouvelle la saison 2 (vol, qualité de l'esclave, corruption au sein de la marine, adultère, sodomie), ce qui permet de balayer de manière complète le droit de l'époque, mais aussi d'apporter un éclairage passionnant sur les moeurs sociales et judiciaires.

Ces jugements restent en effet le reflet de la société londonienne du XVIIIe siècle. Non seulement, ils soulèvent des questions propres à l'époque, notamment l'inégalité d'une justice prompte à juger en fonction du statut social, mais ils éclairent également les rouages d'un système judiciaire encore bien éloigné des principes aujourd'hui consacrés - au moins théoriquement. Comment ne pas être frappé par la disproportion ou par l'absence d'individualisation de certaines peines infligées, qui ne prennent en compte ni les circonstances, ni la personne de l'accusé ? Garrow's Law est une rareté au sein des séries judiciaires actuelles : elle a le mérite de revenir à une époque de genèse de notre droit - notamment pénal - moderne, permettant de prendre conscience du chemin parcouru. Le combat de William Garrow, notamment pour affirmer les droits de la défense avec son utilisation du contre-interrogatoire, représente des balbutiements qui tendent vers un changement plus profond. En formulant distinctement des problématiques judiciaires fondamentales, la série rappelle que ce système reste le fruit d'un constant mouvement de balancier, arbitrage fragile entre les droits individuels des parties, mais aussi l'intérêt collectif de la société, et replace ainsi au coeur des enjeux les acteurs mêmes du procès.

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Au-delà de cette approche propre à un legal drama se déroulant au XVIIIe siècle qui fait la particularité de Garrow's Law, la réelle valeur ajoutée de cette deuxième saison aura été le développement de la dimension humaine de la série. Si la première avait su par intermittence amorcer l'exploration de certains des personnages, ces quatre épisodes auront permis un approfondissement des relations qu'ils ont nouées. Les portraits des différents protagonistes y gagnent en nuances, et en épaisseur. Ainsi, au sein même du tribunal, les rapports professionnels, conflictuels ou concurrentiels, que William Garrow peut entretenir avec son rival de toujours, Silvester, ou encore avec le juge Buller, laisseront place, lorsque cela sera nécessaire, à une forme de solidarité, mue par le respect réciproque que peuvent nourrir ces juristes qui n'en demeurent pas moins des hommes avec des principes, derrière le masque qu'ils arborent durant les procès.

Cependant la relation au centre de cette saison, celle qui va constituer le fil rouge à la fois personnel et judiciaire, reste bien entendu celle de Lady Sarah et de William Garrow. Si la storyline se développe au détriment de Sir Arthur, lequel s'enferme dans une jalousie paranoïaque excessive, elle a l'indéniable mérite de permettre d'éclairer la nature, mais aussi la force, des sentiments qui unissent les deux jeunes gens. Les épreuves que ces derniers doivent affronter au fil de la saison, devant faire face à une menace de ruine morale et financière, servent de révélateur pour chacun d'eux. Le refus de transiger de Sarah, qui n'acceptera pas de sacrifier William pour la possibilité de revoir son fils, sera une décision particulièrement forte. Quant à la lente descente aux enfers de l'avocat, prenant peu à peu conscience de la fragilité de sa situation et de ce qu'il risque, elle jette un autre éclairage sur un personnage jusqu'alors redresseur de torts inflexible et souvent trop sûr de son bon droit. La remise en cause qu'entraîne le procès atypique qui conclut la saison humanise considérablement William Garrow, et fortifie l'attachement que peut éprouver le téléspectateur à l'égard de la série.  

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Bilan : De qualité constante, construite de manière plus ambitieuse et aboutie, la saison 2 de Garrow's Law aura été une double réussite. Non seulement la série a su confirmer son admirable maîtrise dans son volet judiciaire et historique toujours particulièrement passionnant, mais elle a également pris le temps d'approfondir une assise humaine permettant d'impliquer émotionnellement le téléspectateur aux côtés des différents protagonistes, et plus particulièrement de William Garrow. Cette saison 2 a donc été un ensemble très consistant que j'ai suivi avec beaucoup de plaisir.

Rendez-vous la semaine prochaine pour la saison 3 !


NOTE : 8/10


Le générique de la série :


Une des scènes marquantes de la saison (épisode 4) :

05/11/2011

(UK) Spooks (MI-5), saison 10 : une dernière saison fidèle à la série

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Le 23 octobre 2011 s'est achevée sur BBC1 une des séries qui aura le plus marqué ma sériephilie britannique : Spooks (MI-5). Après dix saisons de loyaux services, de morts brutales et de paranoïa intense, il était assurément temps de conclure. Non seulement la série n'avait plus la flamboyance sobre des débuts, mais ses recettes désormais trop bien connues avaient même fini par la rendre prévisible, un paradoxe pour une fiction qui avait pu s'enorgueillir d'avoir tant de fois donner le vertige à ses téléspectateur.

Comme un symbole parfaitement adéquat pour boucler un cycle, c'est avec la Russie que Spooks aura renoué pour sa dernière saison. Et si tout au long de ces six épisodes, elle se sera efforcée de proposer une redistribution des cartes, où la Russie ne serait plus ennemie, mais bien l'alliée, c'est pourtant sous le signe de la Guerre Froide, et d'un passé parfois douloureux qu'il faut assumer, qu'elle aura été placée.

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Devant cette toile de fond russe, la saison a emprunté un schéma narratif assez proche de celui des précédentes : la construction d'un fil rouge prédominant qui conditionne l'ensemble, auquel se greffent quelques intrigues plus pressantes le temps d'un épisode. La série aura été globalement efficace dans ces deux domaines. Du côté de ces storylines indépendantes, elle aura proposé des intrigues toujours prenantes, globalement solides, dont le principal bémol fut un certain syndrome de déjà-vu. En effet, le parti pris dit "réaliste" ou du moins pessimiste qui fait la marque de fabrique de Spooks donne souvent au téléspectateur toutes les clés pour connaître la voie vers laquelle chacune de ces histoires s'oriente. Cependant, l'arrière goût teinté d'amertume que laissent certaines des conclusions les plus poignantes - le dénouement à Trafalgar Square par exemple - demeure une signature indélibile qui perpétue l'identité de la série.

Parallèlement, marquée par ce turn-over constant de son personnel, cette saison aura également diversement permis de mettre en valeur les personnages entourant le duo principal que forment Harry et Ruth. Comme une sorte d'hommage - volontaire ou non -, leurs histoires ne vont pas être sans réveiller des souvenirs du passé. La nouvelle chef de la section D, Erin Watts, n'aura pas démérité, sans que les scénaristes puissent explorer avec une réelle subtilité la question du carriérisme et du lien avec sa fille ; cette problématique n'étant pas sans rappeler la saison 3 et l'arrivée du couple Adam et Fiona. De son côté, Dimitri aura aussi eu droit à son épisode, avec un dilemme moral qui apparaît comme le faible écho des thèmes du mensonge et du relationnel centraux dans les premières saisons, notamment avec Tom. Pourtant, assez paradoxalement, ce sont ceux que les scénaristes n'auront pas véritablement cherché à faire briller qui s'en tireront le mieux. Présenté de manière excessivement antipathique, Callum aura été un des personnages qui se sera le plus efficacement détaché du carcan de "déjà vu" pour imposer son style au sein de la section D. Mais logiquement, c'est aussi par ses fins tragiques que cette saison 10 aura marqué. Dans une telle série, n'est-ce pas une sorte de consécration que de connaître cette mort brutale, "spooksienne" pourrait-on dire, qui laisse le téléspectateur sans voix ? Avant même le final, Spooks m'aura, une dernière fois, bluffé et fait frémir devant mon petit écran, avec la mort soudaine de Tariq.

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Cependant, c'est l'exploration d'un autre personnage qui aura été au coeur de la saison : celle de Harry. La résurgence de lourds secrets de la Guerre Froide offre un nouvel éclairage sur cette figure de l'espion aux facettes multiples, qui est devenue au fil de la série l'âme de Spooks. Cette fois-ci, ce n'est pas aux secrets ou à la raison d'Etat que touche l'histoire, mais bien à l'intime du personnage. Plus que les sacrifices et la culpabilité inhérente qui y est rattachée, je dois avouer que c'est la résolution offerte par le dernier épisode, riche en révélations, qui permet à cette storyline d'acquérir sa vraie dimension. Abandonnant ses accents faussement soap pour révéler un jeu de manipulation insoupçonné, la chute finale est, en dépit d'une mise en scène un peu artificielle, celle qui a posteriori apporte une nouvelle perspective autrement plus intrigante à l'ensemble de la saison. C'est dans un pur parfum Spooks-ien que la série se referme donc, avec un ultime retournement digne de ses grandes heures.

Ce ressenti est d'autant plus fort que tout en concluant le fil rouge, ce dernier épisode nous offre également son lot de drame qui prend au dépourvu, paraissant à la fois évitable et presque logique. Je l'ai dit pour Tariq, et je le redis pour Ruth, mais il est des sorties qui, dans Spooks, sont presque inhérentes à l'esprit de la série. Tout au long de la saison, les scénaristes auront éclairé ce lien, particulier, qui existe entre Ruth et Harry. Entre jeux d'espion et échanges tout en retenue, absorbés par leur job, ils seront restés là l'un pour l'autre jusqu'au bout. Si la fidélité de Ruth à Harry, en dépit de son nouveau travail loin de la section D, lui aura été fatale, elle correspond pleinement au personnage. Le rêve d'une vie ensemble, à la campagne, loin de ces préoccupations géopolitiques, était inaccessible. Si inconsciemment, le téléspectateur pouvait espérer que cette porte de sortie ne se referme pas, alors que chacun semblait désormais prêt à l'emprunter, la relation de Ruth et de Harry était trop intimement liée à ce qu'ils sont, à leur travail, pour envisager cette utopie.

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Après quinze jours, il m'est toujours difficile d'apprécier cette dernière saison avec suffisamment de recul. Spooks aura vécu pleinement ses dix années au cours desquelles je ne regrette pas un seul instant de l'avoir accompagné. Elle a considérablement évolué et muté depuis ses débuts, en 2002, jusqu'à cette conclusion en 2011, suivant, en un sens, le cycle de ses protagonistes principaux. Il y a d'abord eu Tom, le mensonge et les rapports difficiles entre vie privée et vie professionnelle ; Adam, d'une arrivée à la James Bond jusqu'à l'abîme de la dépression ; Ros, son flegme, son humour froid, et cette volonté chevillée au corps ; enfin, Lucas et cette douloureuse réadaptation au quotidien après tant d'années dans les geôles russes. A posteriori, à mes yeux nostalgiques, Tom Quinn restera sans aucun doute celui qui personnifiera toujours cette série (son apparition cameo à la fin du dernier épisode étant à ce titre parfaite), et cela autant pour son interprète, que pour l'état d'esprit qui marqua ces premières saisons. Mais une des forces de Spooks aura été de savoir toujours nous impliquer au côté de personnages qu'elle n'aura jamais ménagés. 

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Bilan : C'est avec beaucoup de soulagement que je peux écrire que Spooks aura été fidèle à elle-même jusqu'au bout. C'est par un épisode de haute volée, concluant avec une justesse presque inattendue, la saison comme la série, qu'elle a tiré sa révérence. Il a offert tout ce que l'on pouvait légitimement attendre. Un ultime retournement de situation, avec une manipulation d'une ampleur insoupçonnée qui éclaire sous un nouveau jour tant de choses. Un drame dans la lignée de l'esprit de la série. Et, surtout des dernières minutes parfaites. Un au revoir d'une sobriété bienvenue qui représente parfaitement la série, tandis que s'égrène sous les yeux de Harry et du téléspectateur tous ces noms d'agents trop tôt disparus. Le quotidien de la section D se poursuit malgré tout, inébranlable...

Au terme de cette dernière review, j'ai juste envie de remercier Spooks, pour ce thriller prenant qu'elle nous aura proposé, pour toutes ces émotions si intenses qu'elle nous aura fait vivre. Chapeau donc pour l'ensemble de son oeuvre, elle restera pour moi, et pour longtemps je pense, l'incarnation de la série moderne d'espionnage !


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison :

31/10/2011

(UK) The Fades, saison 1 : They came. It was inevitable (et prenant).

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Cet automne, BBC3 aura poursuivi son exploration dans le fantastique avec un divertissement qui se sera révélé prenant et plaisant à suivre : The Fades. Fin septembre, dans la review que je lui avais consacrée, je vous avais déjà confié combien le pilote et ses bases mythologiques aussi classiques qu'un peu brouillonnes avait su m'intriguer... La première saison s'étant achevée mercredi dernier (26 octobre) en Angleterre, au terme de six épisodes, il est donc temps de dresser un bilan de cette intéressante incursion - toujours bienvenue - dans le surnaturel. Et quoi de plus approprié que d'évoquer cette série en cette soirée de Halloween ?

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Les êtres auxquels le titre de la série fait référence, ces Fades, sont en quelque sorte les fantômes ou les âmes d'êtres humains décédés, mais pour lesquels le processus de l'Ascension s'est bloqué. Ils n'ont pas pu quitter la Terre et errent donc sans but sur la planète, ne pouvant avoir la moindre intéraction avec le monde des vivants. Mais l'un d'entre eux a découvert que le sang humain est capable de les sortir de cette isolation qui équivaut à une lente agonie. A terme, ce processus peut même les ramener à la vie. Parallèlement, des êtres aux pouvoirs très particuliers, les Angelics, s'efforcent de contenir des Fades devenues de plus en plus nombreux et menaçants.

Si le projet de faire revenir à la vie tous ces morts aboutit, ce sera la fin de l'humanité telle que nous la connaissons. Or les Angelics sont de plus en plus débordés et subissent des pertes importantes. Leur solution tient peut-être dans un jeune lycéen, Paul. Ce dernier, lui-même Angelic, dispose de facultés insoupçonnées. Il a notamment de terribles visions récurrentes d'un monde en cendres parvenu à sa fin. A mesure que la situation se détériore, chacun va peu à peu prendre conscience des enjeux de la lutte qui se joue et va devoir faire des choix parfois extrêmes. Aidé par ses quelques amis proches, entouré par sa famille, Paul peut-il être le sauveur espéré ?

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Navigant entre teen-show et fantastique, The Fades emprunte à ces différents genres, semblant en quête permanente d'un équilibre, souvent fragile, entre ces deux influences. Pourtant, s'il n'est pas exempte de certaines maladresses, l'humanité de ce mélange séduit. La série parvient ainsi sans peine à impliquer le téléspectateur dans le devenir de ses différents protagonistes. Les adultes voient leurs personnalités se nuancer et gagner en ambivalence au fil de la saison, à l'exception peut-être du professeur qui restera toujours trop à l'écart. Cependant, ce sont les adolescents qui restent au coeur du récit. S'ils sont tous les représentations de certains stéréotypes, la dynamique qui s'installe entre eux, ne manquant pas de répartie, les rend instinctivement sympathiques. On s'attache facilement à cette bande informelle, entre amitié, famille et amour.

A dessein, la série s'attache dans un premier temps à dépeindre le portrait le plus classique qui soit de son versant lycéen. Elle esquisse des histoires typiques, presque anecdotiques de premier abord. Cela lui sert en fait de caution narrative pour maintenir le plus longtemps possible un semblant de normalité dans l'univers qu'elle a créé. Une normalité dont on va assister à la lente, mais inéluctable, désagrégation dans le tourbillon d'étrangetés, puis de drames, qui s'enchaînent par la suite. Le volet teen-show de The Fades sert donc avant tout à poser les repères initiaux du téléspectateur... L'intérêt étant de les lui retirer peu à peu à mesure que la série bascule pleinement dans le fantastique et développe sa mythologie.

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Après avoir fait prévaloir un parfum de teen-show, c'est dans la seconde moitié de la saison que The Fades prend pleinement la mesure du potentiel mythologique de l'affrontement qu'elle relate, entre Fades et Angelics. Elle va habilement savoir faire ressortir toutes les ambiguïtés de cette confrontation. De manière inéxorable, l'atmosphère, déjà relativement sombre à l'origine, ne cesse de s'obscurcir. A mesure que la frontière qui sépare les Fades du monde des vivants s'amenuise, les enjeux se complexifient. Ce ne sont pas les Fades en tant que tels qui représentent le problème, mais bien l'Ascension qui ne fonctionne plus comme elle le devrait. La série perd alors son apparence manichéenne, bouscule les certitudes du téléspectateur, et embrasse véritablement des accents de fantastique apocalyptique des plus exaltants.

Accordant un soin particulier à son ambiance, The Fades n'est jamais aussi convaincante que lorsqu'elle met en scène des drames. Car au fil de la saison, le danger se fait de plus en plus concret. Le désespoir progresse et, avec lui, une impression pesante d'inéluctabilité et d'urgence pour réagir. Chaque protagoniste va être poussé dans ses derniers retranchements. Si la figure de Paul poursuit son chemin initiatique et reste le repère du téléspectateur, d'autres subissent des évolutions autrement plus radicales. Dans cette optique, le personnage de Neil est sans doute le personnage le plus intéressant. Face à ces circonstances exceptionnelles, il n'hésite pas à faire des choix extrêmes. De rôle de pseudo mentor, nous guidant dans cet univers, il devient de plus en plus inquiétant, perdant le sens des priorités. Contribuant à cette désagrégation de nos repères et plus généralement de la normalité du quotidien, il sera ainsi à l'origine d'une des scènes les plus fortes et marquantes de la saison : l'exécution de sang froid d'une innocente.

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Bilan : Entre teen-show et fantastique apocalyptique, The Fades aura su exploiter de manière très intéressante la mythologie créée, laqelle conserve jusqu'à la fin sa part de mystère (et une suite serait la bienvenue). C'est grâce à son glissement vers une ambiance de plus en plus sombre et ambivalente, à mesure que disparaissent les repères confortables initialement posés, que la série trouve sa pleine dimension. Il s'agit donc d'un essai dans le fantastique qui n'aura pas été sans quelques maladresses, notamment dans la première partie de la saison, mais qui se sera révélé dans l'ensemble très prenant. A découvrir !


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :


Le générique :

22/10/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 13 : The Wedding of River Song

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Trois semaines après la diffusion du season finale de Doctor Who, je m'attelle enfin à l'écriture de sa review. Si j'ai longtemps reporté ce moment, c'est d'abord parce que je suis ressortie de cet épisode initialement assez déroutée. Ne sachant trop comment analyser ce sentiment mitigé, j'ai donc décidé de prendre un peu de recul avant de rédiger mes impressions.

Si bien qu'au cours de ces deux dernières semaines, je me suis donc replongée dans les épisodes clés de la saison 6. J'ai revu ce season finale. Deux fois. Et, surprise, je l'ai de plus en plus apprécié au fil de mes visionnages. Si bien que s'il y a 15 jours, je vous aurais dit que cet épisode ne m'avait pas semblé tenir toutes les promesses de cette saison ; aujourd'hui, j'ai plutôt envie d'écrire qu'au contraire, en bien des points, toutes les pièces du puzzle se sont emboîtées et que c'est vers le futur que la série se tourne désormais.

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Londres, 22 avril 2011. 17h02. Le temps s'est arrêté. Ou plutôt, toutes les ères se sont confondues et tout se déroule en même temps, éternellement bloqué le même jour, à la même heure. Tandis que des voitures-mongolfières parcourent une Londres embouteillée, où l'on croise aussi bien des chars tirés par des chevaux, patientant aux feux de croisement, que des dinosaures qui s'en prennent à des imprudents dans les parcs de la ville.

L'Empereur Winston Churchill gouverne depuis Buckingham, mais il perçoit bien que quelque chose ne va pas. Il demande alors à revoir un homme, considéré comme dérangé, qui affirme savoir ce qu'il se passe... le Docteur. Ce dernier va alors lui raconter les événements qui ont conduit à cette étrange situation. Si l'astronaute et les évènements du lac sont un point fixe dans le temps, cela ne signifie pas qu'il ne s'est pas préparé à la confrontation à venir avec le Silence et ses alliés. Seulement tout ne s'est pas déroulé comme prévu durant le face-à-face tant redouté au cours duquel le Docteur est censé trouver la mort...

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The Wedding of River Song débute à la hauteur des attentes du téléspectateur pour une série qui nous a toujours habitué à se conclure avec un sens de la mise en scène, n'hésitant pas à verser dans la démesure. La reconstitution d'un Londres, où toute l'Histoire de la Terre se déroule simultanément, donne d'emblée le ton d'un épisode qui entend non seulement évoquer, mais aussi véritablement entremêler les grandes thématiques de la saison. Ce mélange donne en décor un arrière-plan impressionnant, parfait pour nous permettre de suivre le récit du Docteur tandis qu'il relate ses préparatifs jusqu'à l'instant fatidique où tout a déraillé. Si le déroulement de l'épisode peut surprendre, c'est que son réel enjeu n'est pas celui annoncé en apparence : la mort du Docteur, voire le moyen qui lui permettra d'esquiver cette funeste destinée, ne semblent déjà plus centraux.

The Wedding of River Song s'attache en réalité à refermer une autre boucle, ouverte bien avant cette saison 6 : il vient consacrer et sceller définitivement la relation du Docteur et de River. Le refus de cette dernière de jouer le rôle qui lui est assigné explique l'effondrement du temps. Au cours de la discussion au sommet de la pyramide, le Docteur va pour la première fois véritablement admettre que River n'est pas un de ses compagnons à l'égard duquel il peut conserver ses secrets, fonctionner en non-dit, voire en manipulation. Elle a une autre dimension : elle s'impose comme son égale, non seulement prête, mais aussi capable de défier le temps. Elle ne lui offrira pas sa coopération aveugle pour un plan dans lequel, lui-seul, conserverait une longueur d'avance. C'est seulement en acceptant l'importance de River et en en tirant toutes les conséquences que le Docteur résoudra le vrai noeud de l'épisode : celui de synchroniser les aspirations et de consacrer l'égalité au sein d'un couple qui peut désormais véritablement se considérer comme tel.

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Avoir affronté cette épreuve, non pas dans la solitude habituelle du Time Lord, mais bien en faisant front commun avec River, constitue le véritable parachèvement de la saison. Je pense que cela explique mon impression mitigée initiale. En effet, alors qu'on aurait pu s'attendre à un final explosif à la manière traditionnelle de Russell T. Davies, dans The Wedding of River Song, nous n'assistons pas à une confrontation avec les ennemis de la saison : Madame Kovarian, de la plus symbolique des façons, apparaît déjà dépassée. C'est aussi pour cela que l'ultime twist qui permet au Docteur d'échapper à la mort, sans pour autant perturber irrémédiablement les lignes temporelles, semble presque anecdotique. On pourrait  lui reprocher une facilité déconcertante au vue de toute la construction de la saison pour en arriver à ce point, mais l'enjeu était ailleurs. Le choix de Steven Moffat a été de ne pas écrire un épisode pour finir en apothéose, mais tout simplement de refermer, sobrement et logiquement, un arc narratif qui a rempli son objectif ; lequel ne concernait que la relation de River et du Docteur.

Par rapport au temps de Russell T. Davies, cela peut dérouter. Mais toute la structure de l'épisode vient justifier et valider ce parti pris narratif. The Wedding of River Song se contente de tirer tous les enseignements de l'évolution de la saison concernant River, tout en se tournant déjà vers le futur. Les ennemis de la saison 6 sont déjà ceux d'hier. D'autres questions demeurent qui retiennent notre attention. Elles touchent bel et bien au coeur et à l'âme de la série, puisqu'elles sont relatives au Docteur. En bien des points, The Wedding of River Song pose avant tout les bases du futur de la série. Il ne s'agit pas de raconter le comment de la résolution d'un arc, mais plutôt d'éclairer son apport en donnant rendez-vous pour la suite. 

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On the fields of Trenzalore,
at the fall of the Eleventh,
when no living creature could speak
falsely, or fail to answer,
a question will be asked.
A question that must never,
ever be answered.

The question that must never be
answered, hidden in plain sight.
The question you've been
running from all your life.

Doctor who?

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Bilan : The Wedding of River Song n'est pas un season finale comme il était de coutume de classiquement les attendre depuis 2005 dans Doctor Who. Loin de s'intéresser à mettre en scène une confrontation finale démesurée face aux ennemis désignés de la saison, il se concentre sur le véritable enjeu de cet arc, bouclant une autre boucle autrement plus importante en consacrant enfin la relation du Docteur avec River, véritablement unis dans l'adversité et rompant ainsi avec la solitude traditionnelle du Time Lord. Ce season finale collecte en fait les conséquences logiques des évènements de la saison écoulée, tout en se tournant résolument vers le futur.

Finalement, une fois le moment de surprise initiale passée et si je reconnais qu'il m'a dérouté, je crois que c'est sans doute avec une consistance bien plus solide qu'initialement perçue lors du premier visionnage, que cette saison 6 se termine.

Rendez-vous à Noël ! 


NOTE : 8/10


La bande-annonce de l'épisode :