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10/09/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 9 : Night Terrors

"Tick-tock goes the clock even for the Doctor."

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Après un redémarrage de mi-saison des plus enthousiasmants, c'est un épisode de transition que nous propose Doctor Who avec Night Terrors. Écrit par Mark Gatiss, il faut préciser que cette aventure devait initialement figurer dans la première partie de la saison 6, d'où l'impression de nous glisser dans une parenthèse au cours de laquelle la trame mythologique est comme suspendue (pas d'évocation du sort de River, ou des préoccupations vis-à-vis de leur fille d'Amy et Rory). Cette transition, proche du stand-alone, va cependant une nouvelle fois prouver à quel point cette série sait investir en même temps des registres extrêmement différents, se révélant à travers une tonalité versatile qui fait son charme. 

C'est un appel au secours reçu par le Docteur qui va initier l'aventure de Night Terrors. Un petit garçon, quelque part en Angleterre, a très peur. Il est tellement effrayé que sa demande d'aide, pensée si fort, a traversé l'espace et le temps jusqu'au Tardis qui était en train de voyager. Sans hésitation, le Docteur répond instantanément à ce curieux appel de détresse, entraînant ses compagnons sur Terre, dans un grand ensemble urbain qui n'en fait certes pas la destination la plus exotique qui soit. Le Time Lord découvre, à l'origine du message, un garçon de huit ans, George, manifestement très angoissé. Ses parents ne savent plus quoi faire ; le Docteur s'invite alors dans les lieux pour découvrir dans la chambre de l'enfant, enfermé dans le placard, quelque chose d'aussi inconnu qu'effrayant...

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Tout en cultivant une diffuse ambiance sombre et inquiétante, Night Terrors est un épisode à la tonalité plus ambivalente qu'il n'y paraît, semblable à un conte où, une fois les épreuves passées, l'histoire se termine sur une note d'optimisme, laissant l'observateur extérieur ragaillardi et satisfait. A première vue, l'épisode se réapproprie pourtant bien tous les codes classiques d'une mise en scène horrifique soft, restant tout d'abord dans le suggestif, pour ensuite basculer dans une maison des poupées se voulant fort angoissante. Ce sont nos peurs enfantines, celles qui nous prenaient d'assaut, enfant, dès que la lumière de la chambre s'éteignait, qu'il s'attache à réveiller. Cependant, si l'ensemble aiguise la curiosité, retenant l'attention du téléspectateur, il serait exagéré de dire que l'épisode parvient à susciter une réelle inquiétude.

A partir d'un cadre minimaliste, et dans ce décor très particulier, c'est finalement une belle histoire humaine, d'une simplicité assumée, qui va nous être relatée. Si les thèmes abordés peuvent donner une impression de déjà vu, ils ont le mérite de fonctionner : un extraterrestre qui a perdu ses repères, un père et un fils qui doivent se retrouver, ce sont des missions pour le Docteur... La bonne surprise de l'épisode tient à son écriture extrêmement versatile, passant allègrement de l'anxiété dramatique à des scènes plus proches de la comédie, qui frôlent parfois un ridicule inattendu assez savoureux : des (més)aventures traditionnelles d'Amy et Rory à la géniale scène du débat entre le père et le Docteur pour savoir s'il faut ou non ouvrir le placard. On sourit donc plus que prévu devant cet épisode à l'allure presque faussement effrayante, qui reste avant tout une jolie histoire, laquelle séduit par sa simplicité et son humanité.

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Par contraste avec la richesse de l'épisode de la semaine précédente, Night Terrors peut sans doute frustrer. Le téléspectateur nourrit naturellement des envies de flamboyante mythologie, de casse-têtes inénarrables, de timey-wimey inextricables... De telles attentes ne sont pas comblées par ces stand-alones plus intimistes. Est-ce pour autant un défaut et le signe d'une gestion trop aléatoire du fil rouge mythologique ? Pour ma part, je n'y vois pas une inégalité qualitative. Je ne suis pas tombée amoureuse de cette série pour sa mythologie, mais pour son univers, pour ces points de détail d'apparence anecdotique mêlant science-fiction et divertissement familial, pour ce ressenti magique furtivement éprouvé lors du visionnage de certains épisodes. La saveur particulière de Doctor Who réside dans son folklore. Si le schéma narratif global des saisons sous Steven Moffat est assez prévisible, je prends aussi beaucoup de plaisir devant ces épisodes moins déterminants pour la grande Histoire, indéniablement peu marquants, mais où on retrouve l'âme de la série. Cela n'a pas l'intensité de Let's kill Hitler, mais c'est une autre forme de saveur !

De plus, servi par une réalisation de Richard Clark qui joue habilement sur les codes de la terreur portée à l'écran, sans jamais véritablement franchir le dernier pas pour embrasser ce genre, Night Terrors bénéficie d'un casting très appréciable : il accueille parmi ses guest-stars du jour Daniel Mays, resté à mes yeux le traumatisant Keats dans la saison 3 de Ashes to Ashes et qui était en début d'année à l'affiche de Outcasts. Ca m'a fait très plaisir de retrouver cet acteur que j'apprécie beaucoup. Il délivre ici une performance enthousiasmante, s'amusant manifestement beaucoup dans cet épisode où son personnage - le père de George - passe par tous les états, de l'adulte responsable à la panique frôlant le ridicule. Enfin, c'est Jamie Oram qui incarne, avec une touche de sincérité et d'innocente parfaite, le garçon apeuré par qui tout arrive. 

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Bilan : Stand-alone quasi-indépendant de la mythologie de cette saison 6, la chanson résonnant à la fin étant le seul lien avec la trame principale, Night Terrors est un huis clos qui joue d'abord sur la projection de nos cauchemars nocturnes. Si l'angoisse engendrée par cette atmosphère reste une toile de fond appréciable, l'histoire, simple, se révèle en revanche étonamment touchante dans un registre plus émotionnel et humain, nous offrant une jolie conclusion. Bien rythmé par une écriture à la tonalité changeante, sans marquer, l'épisode fait donc passer un bon moment devant son petit écran.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de l'épisode :

04/09/2011

(Mini-série UK) The Field of Blood : une sordide affaire dans le Glasgow des années 80

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Cette semaine, j'ai regagné la maison familiale pour quelques jours avec un thème central : l'Ecosse. Ma soeur décollait pour Edimbourg hier. Par conséquent, en plus de m'être amusée à défier les lois de la physique en l'aidant à remplir stratégiquement sa valise, j'ai apporté ma contribution dans un domaine que je maîtrise, à savoir une présentation de l'Ecosse... à travers les séries. Parmi les plus récentes, j'ai donc ressorti Case Histories de mes cartons (ça se passe à Edimbourg, ça tombe bien), et puis nous sommes aussi allées à Glasgow pour Lip Service.

Pour couronner le tout, BBC1 a parfaitement joué le jeu puisqu'elle a proposé lundi dernier la première partie (la suite est programmée demain) d'une mini-série déjà diffusée sur BBC Scotland en mai dernier : The Field of Blood. Cette mini-série, comportant deux épisodes d'environ 55 minutes chacun, est une adaptation d'un roman de l'écrivaine écossaise, Denise Mina. The Field of Blood (Le champ du sang en VF) est ainsi la première aventure mettant en scène le personnage de Paddy (Patricia) Meehan, une aspirante journaliste.

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The Field of Flood débute à Glasgow en 1982. Paddy Meehan est une jeune femme, passionnée et ambitieuse, qui rêve de devenir journaliste. Pour le moment, elle n'est cependant qu'une simple "copy boy" (employé à tout faire) dans un quotidien local, le Daily News. Sa mère, tout particulièrement, voit d'un mauvais oeil les aspirations professionnelles de Paddy, tandis que son fiancé, amour d'enfance, rêve plutôt d'une épouse traditionnelle. Si Paddy s'efforce de concilier ces deux pans de sa vie, sa famille va devoir affronter une période très difficile.

La disparition d'un garçon de deux ans, Brian Wilcox, met la population en émoi. Mais quelques jours plus tard, son cadavre est retrouvé dans le canal. La police s'oriente rapidement vers un suspect d'une dizaine d'années, identifié par un témoin. Alors que Paddy participe, à force de persuasion, à sa première recherche de scoop pour le journal, elle déchante vite en découvrant la photographie de l'enfant arrêté : il s'agit de son jeune cousin. Persuadée qu'il n'a pu commettre un tel acte, voyant que la police ne semble guère prête à douter du scénario qu'elle a établi, elle décide alors d'enquêter de son côté, troublée par les étranges parallèles avec une précédente affaire aussi tragique.

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Polar sombre, démarrant sur le crime particulièrement sordide du meurtre d'un enfant et marqué par quelques scènes assez violentes, The Field of Blood n'est cependant pas une fiction d'enquête policière classique. En effet, ce ne sont pas des policiers qu'elle met en scène : elle va nous faire suivre l'investigation menée par une apprentie journaliste. Elle profite d'ailleurs opportunément de l'occasion pour nous glisser dans les coulisses abrasives et machistes du quotidien local, le Daily News. La limite de ce choix est sans doute de cantonner l'enquête officielle de la police à une simple toile de fond presque en arrière-plan, en passant parfois très vite sur certains détails et avancées, nous informant par des ouïe-dire et autres échanges entre les journalistes. C'est un peu lointain, mais l'ensemble n'en demeure pas moins efficace et prenant. Car pour maintenir une tension et un rythme sans temps mort tout au long de ces deux heures, la mini-série va mettre à profit l'empathie suscitée par la jeune héroïne, dont les dilemmes et l'obstination inébranlable sauront impliquer le téléspectateur ; puisque la mise en accusation de son cousin fait prendre une tournure beaucoup plus personnelle à l'affaire.

L'intrigue va suivre un développement linéaire qui a les qualités, mais aussi les limites, de ce style d'écriture académique. L'enquête est à la fois très bien huilée - on se laisse entraîner dans la tension et la noirceur ambiantes - mais aussi très prévisible, de telle façon que les recoupements et les soupçons se font naturellement, le téléspectateur prenant à l'occasion de l'avance sur les protagonistes de l'histoire. Cependant The Field of Blood est une de ces fictions qui retiennent l'attention, non seulement par le savoir-faire calibré des scénaristes, mais aussi - et peut-être surtout - par ce grisant parfum de polar un peu daté, qui est relaté du point de vue d'une héroïne qui tranche singulièrement dans le milieu journalistique cynique et désabusé où elle évolue. Ce sont d'ailleurs les rapports de Paddy avec ses différents collègues du Daily News qui vont insuffler une dimension supplémentaire à la mini-série : qu'il s'agisse de scènes de confrontation ou de passages où certains se comportent plutôt en mentor, ils humanisent considérablement et de manière très appréciable le récit (et certains sont vraiment bien écrits). C'est ainsi que The Field of Blood s'assure la fidélité du téléspectateur peut-être d'avantage par son ambiance que par l'intrigue en elle-même.

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Sur la forme, The Field of Blood dispose d'une réalisation appliquée qui va renforcer l'atmosphère de polar noir. On retrouve dans la photographie, plutôt sombre, comme une teinte d'époque, la caméra cherchant à nous faire remonter le temps en capturant ce parfum du Glasgow du début des années 80. La mini-série y parvient d'autant mieux qu'elle est soutenue par une bande-son très dynamique, rythmée par des morceaux de musique de cette période ; le casque du walkman de Paddy offrant un prétexte parfait pour insérer ces parenthèses musicales.

Enfin, The Field of Blood bénéficie d'un casting pour lequel on se prend rapidement d'affection. L'héroïne est incarnée avec beaucoup de naturel et de spontanéité par une actrice que je ne connaissais pas, Jayd Johnson (River City). Elle est bien épaulée par des seconds rôles très solides, parmi lesquels les plus notables sont Peter Capaldi (The Thick of It), journaliste désillusionné en fin de vie, qui délivrera notamment une scène d'une intensité bouleversante (cf. l'extrait vidéo ci-dessous), et David Morrissey (State of Play, Blackpool, Meadowlands), en patron caractériel plus compréhensif qu'il n'y paraît. On retrouve également à l'affiche Ford Kiernan ou encore Alana Hood.

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Bilan : Polar sombre et efficace, dans lequel le parfum des 80s' reste une garantie de dépaysement appréciable, The Field of Blood doit beaucoup au fait d'avoir choisi, pour bâtir son intrigue, de se placer du point de vue d'une jeune aspirante journaliste. En effet, le dynamisme de Paddy offre un contraste saisissant avec l'atmosphère plus pesante et tellement désabusée du milieu dans lequel elle évolue. Jouant ainsi sur le côté rafraîchissant et donc attachant de la jeune femme afin d'impliquer émotionnellement le téléspectateur, la mini-série saura développer une histoire globalement captivante en dépit des facilités auxquelles le scénario finira par céder ; la durée brève (2 heures) expliquant sans doute certains des raccourcis empruntés. A voir (c'est court) !


NOTE : 7,25/10


Un extrait marquant (Peter Capaldi, "And Death Shall Have no Dominion") :

01/09/2011

(Mini-série UK) Edge of Darkness : entre thriller nucléaire et fable écologique

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J'ai beau aimé vous narrer des voyages téléphagiques exotiques, je n'oublie pas que mon premier amour reste l'Angleterre. S'il s'agit sans doute du pays dont le petit écran m'est le plus familier, tant de séries non vues aiguisent encore ma curiosité ! Cet été 2011 m'aura surtout entraîné dans les années 80, insufflant du suspense à mes fins de soirée : Smiley's People, Edge of Darkness. C'est de cette dernière dont je vais vous parler aujourd'hui. Il faut dire que, d'aussi longtemps que je me souvienne depuis que je m'intéresse au petit écran d'outre-Manche, je l'ai toujours entendue présentée comme LA grande référence en terme de thriller anglais. Ce n'est donc pas sans pression que je l'ai lancée.

Composée de six épisodes d'une cinquante de minutes chacun, cette mini-série a été diffusée sur BBC2 fin 1985. Elle a rencontré un fort succès critique et demeure aujourd'hui considérée comme une des plus abouties oeuvres du petit écran britannique. Un classique dans le premier sens du terme. Comme State of Play, autre référence du genre plus récente, un remake cinématographique américain est d'ailleurs sorti en 2010 (Ne me demandez pas ce que j'en ai pensé, je ne l'ai pas vu). Toujours est-il que si Edge of Darkness a patienté plus d'une année dans ma DVDthèque avant que je ne trouve le temps de la regarder, ce visionnage ne m'aura vraiment pas déçu. C'est assez frappant de constater combien cette mini-série est à la fois marquée par son époque, mais trouve aussi un écho toujours très actuel. Entre le thriller politico-nucléaire et la fable écologique, c'est assurément une oeuvre qui mérite toujours aujourd'hui d'être rédécouverte.

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Ronald Craven est un officier de police, veuf, qui a élevé seul sa fille Emma. Devenue une scientifique engagée politiquement pour des causes environnementales, cette dernière demeure, pour son père, le centre du monde. Un soir pluvieux comme tant d'autres, alors qu'il était allé la chercher à une conférence qu'elle animait, un homme surgit brusquement devant leur maison, criant leur nom de famille. Armé d'un revolver, il abat Emma, qui s'est interposée, à bout portant. La jeune femme, mortellement touchée, décède dans les bras de son père. Sous le choc, ce dernier reçoit le soutien sans faille de ses collègues qui l'invitent à prendre du repos. Craven va cependant vite retrouver ses réflexes professionnels, le travail de deuil passant par l'arrestation de l'assassin.

L'enquête s'oriente tout d'abord vers une possible vengeance dont il était la réelle cible. Durant sa carrière, notamment en Irlande du Nord, il s'est fait un certain nombre d'ennemis mortels qui n'auraient pas hésité à appuyer sur la détente. Cependant Craven, réapprenant à connaître sa fille par les affaires qu'elle a laissé, découvre certains pans jusqu'alors inconnus de la vie d'Emma, notamment l'importance de son engagement pour la cause écologique. Peut-être n'était-elle pas cette innocente victime d'une revanche prise contre lui. Peut-être était-elle bien celle qui était visée. Ayant gagné Londres où le meurtrier quelqu'il soit doit s'être réfugié, Craven voit ses investigations le conduire dans les coulisses bien troublées du pouvoir, des services secrets et des lobbies militaro-industriels, avec un enjeu létal en arrière-plan : le nucléaire.

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Edge of Darkness est une de ces oeuvres particulièrement riches qui propose plusieurs niveaux lectures, investissant successivement différents genres. Elle est tout d'abord une tragédie personnelle, à laquelle se superpose une enquête policière des plus prenantes. C'est un travail de deuil, ou du moins d'acceptation, que nous fait vivre la mini-série, du choc initial à la volonté de se venger, de la réalisation de la perte à l'effondrement nerveux. Car le héros de l'histoire est un homme détruit. Avec beaucoup d'intensité et d'empathie, la mini-série s'impose dans un registre dramatique vraiment fort, nous faisant percevoir et, en un sens, partager la douleur de Craven. Constituant une trame à part entière dans le thriller, elle nous conduit à la frontière d'une folie causée par la détresse. Le policier a ainsi des discussions avec une projection ou un fantôme de sa fille : une apparition qui permet des échanges aussi naturels que surréalistes qui vont préciser les enjeux autant que dévoiler les ressorts les plus intimes de la psychologie des personnages. Cette mise en scène, troublante, se révèle particulièrement touchante.

Cependant, si Craven est un père qui souffre, il est aussi un policier qui veut comprendre, qui veut savoir quelle est sa part de responsabilité éventuelle dans la mort de sa fille. La première partie de la mini-série prend ainsi la forme d'une enquête classique des plus efficaces. Délaissant vite la piste policière d'une simple vengeance, Craven comprend qu'il y a bien plus derrière tout cela. C'est Emma qu'il redécouvre en apprenant plus précisément ses engagements. Mais la piste qu'il suit l'entraîne dans des coulisses à la jonction du politique et de l'industriel, où les rapports de force et jeux de pouvoir qui s'y déroulent lui échappent. La vérité sur la mort d'Emma intéresse beaucoup de monde : des agents secrets travaillant pour le Premier Ministre, des officiers de la CIA... et son enquête en inquiète d'autres, menaçant de le voir se heurter à la puissance tentaculaire et influente de l'industrie nucléaire. L'enjeu de la mini-série n'est cependant pas seulement de découvrir le meurtrier d'Emma : une fois les responsabilités dans ce qu'il s'est passé établies avec certitude par Craven, Edge of Darkness acquiert une autre dimension. Elle va dépasser le cadre de départ d'une enquête sur un crime, pour aborder de front une question plus dérangeante, celle du nucléaire et du danger représenté par les entreprises qui le contrôlent.

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Edge of Darkness est en effet un thriller écologique, par bien des aspects militant, à la fois marqué par son époque, mais abordant pourtant des problématiques qui parlent toujours au téléspectateur d'aujourd'hui. La mini-série a été diffusée en 1985 et peut être perçue comme une réaction au contexte politique d'alors : en Angleterre, c'est le gouvernement de Thatcher ; aux Etats-Unis, Reagan a lancé deux ans plus tôt sa Guerre des étoiles. A mesure que Craven prend conscience des réels enjeux qui se cachent dans l'ombre, à partir du moment où Emma apparaît bien comme la victime d'une autre guerre de l'ombre, celle du nucléaire, le discours de la mini-série se politise. Elle pointe les connivences entre les différents cercles du pouvoir ; elle expose cette obsession du secret qui entoure cette industrie pourtant si dangereuse et la dépendance qui se crée à son égard, puisque par le développement de cette énergie, qui est aussi une arme, ce conglomérat tient entre ses mains le sort de notre civilisation. La tonalité d'ensemble devient de plus en plus désabusée, à l'image du pragmatique mais si instable Jedburgh, dont on ne sait rapidement plus quoi attendre.

Ce qui fait de Edge of Darkness une oeuvre si marquante, c'est sans doute aussi le fait qu'elle n'est pas un simple thriller. En effet, de manière peut-être plus inattendue, elle est aussi une forme de fable écologique qui va manier une symbolique impliquant la nature, aboutissant à la lisière du mystique. Reprenant les hypothèses Gaïa (elle donne d'ailleurs ce nom à l'organisation à laquelle appartient Emma), formulées dans les années 70 par James Lovelock, elle développe notamment la thèse de l'autorégulation de la planète. Aboutissement logique du glissement idéologique progressif de la série, son dernier épisode parachève la prise de conscience de Craven. Il y a les hommes d'un côté, avec le danger du nucléaire et la société future présentée par le pdg de l'entreprise, et la planète de l'autre. Craven embrasse alors une cause environnementale qu'il commence seulement à comprendre grâce à sa fille, apparaissant comme une figure isolée face au cynisme et aux connivences de ses adversaires, mais aussi de ses alliés d'un temps ; puisque les deux camps se seront naturellement retrouvés. Les dernières scènes, entièrement construites en parallèles, usent au maximum de symboles forts.

Sans aller jusqu'à la fin initialement envisagée par le scénariste Troy Kennedy Martin (qui basculait définitivement dans le fantastique), Edge of Darkness se conclut de manière très amère. Son dernier plan, sur ces fleurs noires dont la légende nous a été expliquée par le fantôme d'Emma, est on ne peut plus parlant sur ce qui s'ouvre et est à l'oeuvre si l'homme poursuit la voie qu'il a choisie.

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Solide sur le fond, Edge of Darkness est également particulièrement soignée sur la forme. Si l'image, datant des années 80, a forcément vieilli aujourd'hui, la réalisation demeure très efficace. Cependant, ce qui marque toujours autant en visionnant la mini-série, c'est incontestablement sa bande-son. Composée par Eric Clapton et Michael Kamen, elle distille des morceaux tendant vers le rock, usant souvent de guitares électriques, qui vous font frissonner. Toujours utilisée à bon escient, cette musique fait vraiment partie de l'identité de la mini-série, contribuant à lui donner un ton à la fois fois tendu, mélancolique, voire déchirant, qui ne laisse pas le téléspectateur indifférent.

Enfin, Edge of Darkness bénéficie également d'un casting à la hauteur du scénario qu'il doit porter à l'écran. Bob Peck (Hard Times) propose une interprétation intense et marquante de ce père endeuillé, brisé, mais qui va en quelque sorte poursuivre l'oeuvre de sa fille. Joe Don Baker (Eischied) est très intrigant en agent de la CIA particulièrement versatile, entre désillusion et sens pratique des plus aiguisés. Joanne Whalley (The Borgias) joue une Emma aux apparitions souvent éclairantes, étonnamment complice et toujours très naturelle. A leurs côtés, on retrouve également Charles Kay (Fortunes of War), Ian McNeice - que je n'avais jamais croisé aussi jeune ! - (Dune, Rome, Doc Martin), Hugh Fraser (Agatha Christie's Poirot), John Woodvine ou encore Jack Watson.

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Bilan : A la fois tragédie personnelle intense et déchirante, thriller nucléaire captivant et fable écologique nécessaire, Edge of Darkness est une mini-série extrêmement prenante, dont la tension constante, sans le moindre temps mort, retient l'attention du téléspectateur du début à la fin. Bénéficiant d'une écriture inspirée, souvent habile, son histoire, particulièrement dense et solide, lui confère une richesse, tant dans la caractérisation des personnages qui dans les thématiques abordées, qui lui permet de traverser les décennies en s'appréciant toujours autant. Oeuvre politique marquée par son époque, sa dimension plus mystique lui apporte une aura supplémentaire qui m'a beaucoup fasciné et qui, je pense, ajoute à son intérêt.

En somme, Edge of Darkness est un classique qui n'a pas usurpé sa réputation. Un thriller qui mérite toujours d'être redécouvert et qui m'a passionné et interpellé. 


NOTE : 9/10


Le thème musical principal :


29/08/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 8 : Let's Kill Hitler

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Le mois d'août touche à sa fin, tout comme l'ambiance estivale de vacances... à laquelle va succéder peu à peu un parfum caractéristique de presque-rentrée téléphagique. En Angleterre, un retour en particulier était attendu  ce samedi pour nous aider à clôturer l'été. Il faut dire que, mine de rien, il manque vraiment quelque chose à mes week-ends lorsque Doctor Who déserte sa case du samedi soir sur BBC1. Conséquence du hiatus forcé que le téléspectateur aura subi devant cette saison 6 coupée en deux, que l'on avait abandonnée au printemps, c'est avec un plaisir décuplé que j'ai savouré cette reprise.

Ce huitième épisode portait un titre pour le moins provoquant, "Let's kill Hitler", soulevant bien des interrogations sur la manière dont cette incursion dans l'Allemagne des années 30 pouvait être traitée. Mais c'est finalement un épisode fortement mythologique, emboîtant diverses pièces du puzzle mystérieux de l'univers de la série, qui nous est ici proposé. Écrit par Steven Moffat, le téléspectateur y retrouve non seulement une construction narrative riche en paradoxes temporels, mais aussi et surtout des réponses et beaucoup d'émotions autour du vrai sujet de l'épisode : la genèse de River Song.

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Plusieurs mois se sont écoulés depuis les déchirants évènements de l'épisode précédent qui avaient vu le Docteur impuissant à empêcher l'enlèvement de Melody Pond par ses ennemis les plus résolus. Ils souhaitaient transformer l'enfant, humaine mais ayant aussi des capacités de Time Lord, en arme contre le Docteur. L'ultime twist final, la révélation de l'identité future de Melody, n'avait apporté qu'un réconfort très limité aux parents qu'étaient devenus Amy et Rory. Melody Pond est River Song. Mais entre le bébé qu'ils ont tenu dans leurs bras et la femme adulte et provocatrice qu'ils connaissent, combien de temps, combien d'épreuves, a-t-elle traversé ?

Lassés d'attendre des nouvelles qui ne viennent pas, Amy et Rory appellent le Docteur en traçant son nom dans un champ de blé - ce qui nous offre une des plus hilarantes introduction de pré-générique qui soit. Si les recherches de ce dernier ont pour le moment été infructueuses, leurs retrouvailles sont interrompues par l'arrivée mouvementée d'une amie d'enfance du couple, Mels. Si l'obsession d'Amy pour le Docteur a également grandi chez elle, la jeune femme a des méthodes bien à elle : poursuivie par la police, elle sort un revolver et enjoint le trio à l'embarquer à bord du Tardis. "You've got a time machine, I've got a gun. What the hell - let's kill Hitler."

Le quatuor attérit en catastrophe à Berlin, en 1938... dans le bureau même de Hitler, où nos héros viennent perturber d'autres voyageurs temporels, miniaturisés dans une machine humanoïde investis, d'une mission de justiciers pour envoyer en enfer - au sens propre du terme - les pires criminels de guerre de l'histoire de l'humanité.

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Let's kill Hitler est un de ces épisodes proprement réjouissants où on retrouve l'ambiance dont la série a le secret. Il nous emporte dans un tourbillon de répliques marquantes et/ou cinglantes, nous renvoyant à tout un kaléidoscope d'émotions les plus diverses, passant de l'humour au drame en quelques secondes avec une fluidité et une habilité d'écriture souvent grisantes. S'il suscite cet enthousiasme caractéritisque des bons épisodes de Doctor Who, c'est aussi parce qu'il offre de quoi récompenser la fidélité du téléspectateur : des réponses sur un thème central de la série sous Steven Moffat : la mythologie autour du personnage de River Song. Car après nous avoir fait vivre la naissance à la vie de Melody, cette fois, c'est la réelle naissance de River Song qui nous est racontée. Comment est-elle passée de la jeune femme endoctrinée et entraînée pour assassiner le Docteur à l'aventurière qui nous est devenue familière ? Au coeur des lignes de temps qui s'entrecroisent pour nos héros, c'est sa première rencontre, de sa perspective, avec le Docteur que l'on va vivre.

Si les premières minutes entretiennent volontairement le suspense sur l'orientation de l'épisode, Hitler va rapidement être évacué, enfermé dans le placard, tandis que le véritable enjeu apparaît lorsque Mels, touchée par une balle perdue, se regénère en une figure que nous connaissons bien : River Song. Indirectement, Rory et Amy auront bien d'une certaine manière élevé leur fille... Investissant un registre à la tonalité étonnamment versatile, le premier échange entre la jeune femme et le Docteur, particulièrement brillant, est vraiment jouissif : les réparties fusent et, à la manière d'une partie d'échecs, chacun anticipe les actions de l'autre, River cherchant à accomplir la mission pour laquelle elle a été programmée, le Docteur se contentant de se défendre. C'est l'occasion de découvrir une autre facette de River : une attitude inconséquente, où sont exacerbées l'arrogance et les certitudes de la jeunesse, sans conscience, ni limites. Parce qu'elle le connaît parfaitement, elle va effectivement atteindre son but, empoisonnant le Time Lord, permettant ainsi à l'épisode de basculer dans une seconde partie où, au divertissement intense des débuts, succèdent des passages où l'émotionnel et le psychologique prédominent.

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Car ensuite, ce n'est pas tant pour lui-même que pour l'âme de River - en quelque sorte - que le Docteur mourrant utilise ses dernières forces. La présence des justiciers miniaturisés qui voient désormais en River leur nouvel objectif, surpassant Hitler dans l'ordre de leur priorité, prend ici tout son sens. De la manière la plus symbolique qui soit, ce sont les liens familiaux que le Docteur réactive pour ouvrir le chemin de la rédemption, grâce à Amy et Rory. Ils ne peuvent laisser leur enfant, peu importe ses crimes supposés, être soumis au châtiment que les justiciers temporels veulent lui réserver. Provoquant une réaction en chaîne pour libérer River, c'est eux-mêmes qu'ils mettent en danger, prisonniers au sein de la machine. C'est alors vers celle qui est non seulement leur fille, mais aussi issue et liée au Tardis, que le Docteur, désormais trop faible, se tourne : elle doit sauver ses parents. Ce double sauvetage réciproque éveille quelque chose en River. La construction de l'épisode est à saluer car elle se fait tout en parallèle : en écho inversé à leur première rencontre dans la librairie, le Docteur murmurera quelque chose de déterminant à l'oreille de River. En prenant la décision de le sauver grâce à sa nature de Time Lord, la jeune femme commet un sacrifice qui nous apporte une réponse intéressante : elle utilise toutes ses régénérations pour le ressusciter, c'est pourquoi nous ne la connaîtrons jamais que sous cette apparence. D'où la fameuse dernière scène de la librairie.  

Ainsi, Alex Kingston restera à jamais la seule River. Ce qui n'est pas pour nous déplaire : l'actrice est brillante dans cet épisode où elle investit un registre un peu différent de ce à quoi elle nous avait habitué. Son alchimie avec Matt Smith est parfaite, les deux acteurs nous offrant des confrontations jouissives, aussi bien dans une dynamique de comédie que plus dramatique. L'épisode aura d'ailleurs aussi grandement mis à contribution Matt Smith, avec des scènes poignantes d'agonie qui, même si le téléspectateur sait pertinemment qu'il va y survivre, n'en demeurent pas moins touchantes. Dans l'ensemble, il faut d'ailleurs saluer la première réussite de Let's kill Hitler : être parvenu à nous faire vibrer pour un épisode au dénouement forcément très prévisible, et qui se déroule globalement comme il était légitimement attendu. Le revirement de River peut paraître presque précipité, mais il faut composer avec d'autres impératifs de la série : l'intrigue doit aussi progresser. Il fallait donc emboîter toutes les pièces pour parvenir au résultat logique, recentrant tous les mystères autour du Silence pour la suite de la saison. Remplissant parfaitement cet objectif, ces quarante minutes fonctionnent et s'apprécient ainsi sans arrière-pensée.

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Bilan : Souvent jubilatoire, toujours très dynamique, bien pourvu en répliques sonnantes, ce huitième épisode de la saison est, en dépit d'un titre provocateur mais quelque peu trompeur, avant tout une avancée mythologique qui satisfait en bien des points la fidélité d'un téléspectateur conquis. La magie de Doctor Who reste de savoir nous faire rêver, sans exiger non plus une rigueur excessive dans l'entremêlement caractéristique de toutes les lignes temporelles avec lesquelles la série jongle. En nous offrant des réponses sur la genèse de ce personnage si fascinant qu'est River Song, l'épisode permet donc de faire avancer l'intrigue, tout en laissant ouvertes bien des questions sur la fin de la saison. Un retour qui se savoure !


NOTE : 8,75/10


Le prequel de l'épisode :


[A noter que, par manque de temps, je ne suis pas certaine de pouvoir reviewer toute la fin de saison épisode par épisode. Je verrais comment je m'organiserai au fur et à mesure.]

27/08/2011

(UK) The Hour, saison 1 : journalisme sous tutelle, amours contrariés et guerre froide

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La diffusion de la saison 1 à peine terminée, BBC2 a annoncé hier que The Hour reviendrait bien pour une seconde saison . Si la nouvelle marque, c'est que cela faisait plus d'une décennie que la chaîne n'avait pas renouvelé une de ses séries. D'ores et déjà, on sait qu'elle reprendra 10 mois après les évènements de fin de la saison 1. Au parfum de crise internationale et de guerre froide qu'elle aura cultivé au cours de cet été, succèdera un éclairage particulier sur les relations entre les médias et les célébrités dans le Londres des 50s'.

Ayant réuni une moyenne de 2,1 millions de téléspectateurs, la première saison avait débuté avec un pilote convaincant qui avait su retenir mon attention. Au final, la série aura laissé entrevoir beaucoup de potentiel, mais aussi une certaine inconsistance récurrente. Sans que l'intérêt global du téléspectateur n'en souffre, elle a quelque peu peiné à maintenir le juste équilibre entre les thèmes traités, surfant du thriller d'espionnage au décryptage du milieu du journalisme, en passant par des passages plus romanesques et sentimentaux. Cependant, si cette richesse n'aura pas été toujours été pleinement maîtrisée, elle aura su exercer un attrait constant au cours de la saison 1.

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Nous plongeant dans les coulisses d'une émission venant tout juste d'être lancée par la BBC, The Hour va nous faire vivre les premiers mois agités de ce nouveau programme censé contribuer à moderniser l'information télévisée. Si la série pèche sans doute par excès d'ambition, voulant peut-être trop en faire, aborder trop de sujets, pour finalement avoir du mal à se fixer une direction précise vers laquelle s'orienter, n'embrassant jamais complètement tous les genres qu'elle effleure, elle ne va pas moins sûrement fidéliser son public grâce à deux atouts majeurs. Non seulement elle bénéficie de la dynamique attrayante existant entre ses personnages, mais elle va aussi s'imposer comme une série d'ambiance qui pose et exploite avec soin le cadre 50s' dans lequel elle se déroule.

C'est donc tout d'abord sur un plan humain que The Hour se détache. En plus des différentes perspectives sur le métier de journaliste que chaque protagoniste représente, de l'éthique revendicatrice de Freddie, au carriérisme et aux réseaux d'influence d'Hector, en passant par la volonté de Bel de s'affirmer dans des sphères encore très fermées aux femmes, la série installe progressivement un triangle amoureux, dont les ambivalences vont être le point fort. Si la complicité entre Bel et Freddie offre souvent des scènes aux répliques réjouissantes, c'est paradoxalement peut-être encore plus les rapports entre Hector et Freddie qui retiennent l'attention. Opposés par leur milieu, leurs conceptions du métier, leurs expériences personnelles, leur concurrence professionnelle se double en plus d'une dimension plus personnelle, lorsqu'il devient évident que Bel n'est pas indifférente à son nouveau présentateur. Pourtant, à l'inimitié exacerbée, presque puérile, des débuts, succède peu à peu une certaine compréhension, doublée d'une forme d'estime réciproque, qui donne une consistance supplémentaire à l'équilibre qui se met en place au sein du trio principal.

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Outre cette dimension relationnelle qui renforce l'attachement du téléspectateur aux personnages, l'attrait de The Hour repose sur l'atmosphère caractéristiques des 50s' qu'elle va s'efforcer de capturer et de retranscrire à l'écran. Nous sommes ici face à une série d'ambiance, avec les atouts, mais aussi les limites de ce genre : donnant parfois l'impression de se contenter de survoler les thèmes, elle ne va pas toujours au bout des idées qu'elle laisse entrevoir, ce qui peut frustrer, tout en s'assurant de conserver de manière omniprésente la toile de fond historique. L'émission télévisée va en effet devoir faire face à une actualité des plus riches, mais aussi très sensible.

Nous sommes en 1956. Ce sont les enjeux internationaux qui s'imposent comme un des fils rouges de la série avec la crise du canal de Suez. Cette dernière permet de s'intéresser aux rapportsdu pouvoir et des médias, entre connivences de classes et intérêts divergents, éclairant plus particulièrement les pressions gouvernementales sur la ligne éditoriale de l'émission. A travers la mise en scène de cet arbitrage constant entre intérêt du pays et liberté de la presse, la série traite avec application des efforts d'émancipation du (futur) quatrième pouvoir par rapport à une tutelle étatique omni-présente.

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Parallèlement, The Hour va également utiliser le contexte de la Guerre Froide pour emprunter certaines ficelles narratives propres aux fictions de cette époque. Si l'insurrection de Budapest permet d'introduire le bloc de l'Est dans l'actualité, c'est surtout sous des allures de roman d'espionnage que la série investit ce thème. Flirtant sans jamais pleinement l'embrasser avec le thriller conspirationniste, elle procède à nouveau par petites touches. L'enquête que suit Freddie, en cherchant à comprendre les raisons de l'apparent suicide d'une amie d'enfance, le conduit sur ce terrain mouvant des forces de l'ombre par définition secrète.

A mesure que la saison progresse, une sourde paranoïa s'installe : tandis que les téléphones des studios sont mis sur écoute et que d'étranges filatures vous font constamment jeter un oeil par-dessus votre épaule, des agents du MI-6 s'invitent dans les couloirs de l'émission. Les questions de Freddie dérangent ; sa pugnacité glisse vers l'obsession, entretenant une atmosphère pesante. La présence supposée d'une taupe soviétique à la BBC ne fait que sur-ajouter aux pressions indirectes. Si The Hour échoue à insuffler une tension légitimement attendue, trop contemplative peut-être pour basculer dans un vrai suspense, il n'en demeure pas moins que tous ces éléments construisent une ambiance intrigante et prenante dans laquelle le téléspectateur se laisse entraîner.

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L'exploitation du cadre 50s' est indéniablement un des points forts de The Hour ; le soin accordé à la forme ne fait que souligner davantage ce parti pris. En effet, la série bénéficie d'une réalisation qui est un vrai plaisir pour les yeux. La photographie est superbe. L'esthétique travaillée, qu'il s'agisse des décors ou des costumes, donne vraiment l'impression de plonger dans les 50s'. Par ailleurs, toujours dans ce souci de poser une tonalité particulière, il faut également saluer le générique, minimaliste sur le plan visuel, mais diablement entraînant musicalement parlant, et dont le rythme renvoie parfaitement à cette époque.

Enfin, The Hour aura également bénéficié d'un convaincant casting qui aura offert une performance collective des plus solides. Le trio principal finit par s'équilibrer avec justesse et complémentarité : Ben Wishaw (Criminal Justice) est aussi entraînant que survolté, Romola Garai (Crimson Petal and the White), plus posée, lui sert de pendant naturel, tandis que Dominic West (The Wire, The Devil's Whore), tout en sobriété, campe bien ce personnage ambitieux qui va se révéler plus complexe que la caricature initialement renvoyée. Les figures secondaires s'imposent avec tout autant d'aplomb pour compléter l'ensemble : on retrouve notamment Tim Pigott-Smith, Anna Chancellor, Anton Lesser, Juliet Stevenson, Julian Rhind-Tutt ou encore Oona Chaplin.

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Bilan : La richesse thématique et les pistes narratives multiples de The Hour ont été au cours de cette première saison tout autant un atout indéniable, qu'une limite parfois criticable. Dotée d'un rythme volontairement lent, la série a sans doute manqué d'homogénéité dans son écriture, insuffisamment aboutie sur certains sujets. Pour autant, elle aura aussi su nourrir et préserver l'intérêt du téléspectateur pour des intrigues très fortement ancrées dans leur époque et pour des personnages qui n'auront cessé de se complexifier. Sans être une rigoureuse reconstitution historique, The Hour reste donc une série d'ambiance très attrayante, qui aura cultivé avec soin ce parfum caractéristique des 50s'. Au final, j'aurais suivi cette première saison avec beaucoup de plaisir. Le rendez-vous est donc pris pour la saison 2 !


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :