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05/11/2011

(UK) Spooks (MI-5), saison 10 : une dernière saison fidèle à la série

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Le 23 octobre 2011 s'est achevée sur BBC1 une des séries qui aura le plus marqué ma sériephilie britannique : Spooks (MI-5). Après dix saisons de loyaux services, de morts brutales et de paranoïa intense, il était assurément temps de conclure. Non seulement la série n'avait plus la flamboyance sobre des débuts, mais ses recettes désormais trop bien connues avaient même fini par la rendre prévisible, un paradoxe pour une fiction qui avait pu s'enorgueillir d'avoir tant de fois donner le vertige à ses téléspectateur.

Comme un symbole parfaitement adéquat pour boucler un cycle, c'est avec la Russie que Spooks aura renoué pour sa dernière saison. Et si tout au long de ces six épisodes, elle se sera efforcée de proposer une redistribution des cartes, où la Russie ne serait plus ennemie, mais bien l'alliée, c'est pourtant sous le signe de la Guerre Froide, et d'un passé parfois douloureux qu'il faut assumer, qu'elle aura été placée.

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Devant cette toile de fond russe, la saison a emprunté un schéma narratif assez proche de celui des précédentes : la construction d'un fil rouge prédominant qui conditionne l'ensemble, auquel se greffent quelques intrigues plus pressantes le temps d'un épisode. La série aura été globalement efficace dans ces deux domaines. Du côté de ces storylines indépendantes, elle aura proposé des intrigues toujours prenantes, globalement solides, dont le principal bémol fut un certain syndrome de déjà-vu. En effet, le parti pris dit "réaliste" ou du moins pessimiste qui fait la marque de fabrique de Spooks donne souvent au téléspectateur toutes les clés pour connaître la voie vers laquelle chacune de ces histoires s'oriente. Cependant, l'arrière goût teinté d'amertume que laissent certaines des conclusions les plus poignantes - le dénouement à Trafalgar Square par exemple - demeure une signature indélibile qui perpétue l'identité de la série.

Parallèlement, marquée par ce turn-over constant de son personnel, cette saison aura également diversement permis de mettre en valeur les personnages entourant le duo principal que forment Harry et Ruth. Comme une sorte d'hommage - volontaire ou non -, leurs histoires ne vont pas être sans réveiller des souvenirs du passé. La nouvelle chef de la section D, Erin Watts, n'aura pas démérité, sans que les scénaristes puissent explorer avec une réelle subtilité la question du carriérisme et du lien avec sa fille ; cette problématique n'étant pas sans rappeler la saison 3 et l'arrivée du couple Adam et Fiona. De son côté, Dimitri aura aussi eu droit à son épisode, avec un dilemme moral qui apparaît comme le faible écho des thèmes du mensonge et du relationnel centraux dans les premières saisons, notamment avec Tom. Pourtant, assez paradoxalement, ce sont ceux que les scénaristes n'auront pas véritablement cherché à faire briller qui s'en tireront le mieux. Présenté de manière excessivement antipathique, Callum aura été un des personnages qui se sera le plus efficacement détaché du carcan de "déjà vu" pour imposer son style au sein de la section D. Mais logiquement, c'est aussi par ses fins tragiques que cette saison 10 aura marqué. Dans une telle série, n'est-ce pas une sorte de consécration que de connaître cette mort brutale, "spooksienne" pourrait-on dire, qui laisse le téléspectateur sans voix ? Avant même le final, Spooks m'aura, une dernière fois, bluffé et fait frémir devant mon petit écran, avec la mort soudaine de Tariq.

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Cependant, c'est l'exploration d'un autre personnage qui aura été au coeur de la saison : celle de Harry. La résurgence de lourds secrets de la Guerre Froide offre un nouvel éclairage sur cette figure de l'espion aux facettes multiples, qui est devenue au fil de la série l'âme de Spooks. Cette fois-ci, ce n'est pas aux secrets ou à la raison d'Etat que touche l'histoire, mais bien à l'intime du personnage. Plus que les sacrifices et la culpabilité inhérente qui y est rattachée, je dois avouer que c'est la résolution offerte par le dernier épisode, riche en révélations, qui permet à cette storyline d'acquérir sa vraie dimension. Abandonnant ses accents faussement soap pour révéler un jeu de manipulation insoupçonné, la chute finale est, en dépit d'une mise en scène un peu artificielle, celle qui a posteriori apporte une nouvelle perspective autrement plus intrigante à l'ensemble de la saison. C'est dans un pur parfum Spooks-ien que la série se referme donc, avec un ultime retournement digne de ses grandes heures.

Ce ressenti est d'autant plus fort que tout en concluant le fil rouge, ce dernier épisode nous offre également son lot de drame qui prend au dépourvu, paraissant à la fois évitable et presque logique. Je l'ai dit pour Tariq, et je le redis pour Ruth, mais il est des sorties qui, dans Spooks, sont presque inhérentes à l'esprit de la série. Tout au long de la saison, les scénaristes auront éclairé ce lien, particulier, qui existe entre Ruth et Harry. Entre jeux d'espion et échanges tout en retenue, absorbés par leur job, ils seront restés là l'un pour l'autre jusqu'au bout. Si la fidélité de Ruth à Harry, en dépit de son nouveau travail loin de la section D, lui aura été fatale, elle correspond pleinement au personnage. Le rêve d'une vie ensemble, à la campagne, loin de ces préoccupations géopolitiques, était inaccessible. Si inconsciemment, le téléspectateur pouvait espérer que cette porte de sortie ne se referme pas, alors que chacun semblait désormais prêt à l'emprunter, la relation de Ruth et de Harry était trop intimement liée à ce qu'ils sont, à leur travail, pour envisager cette utopie.

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Après quinze jours, il m'est toujours difficile d'apprécier cette dernière saison avec suffisamment de recul. Spooks aura vécu pleinement ses dix années au cours desquelles je ne regrette pas un seul instant de l'avoir accompagné. Elle a considérablement évolué et muté depuis ses débuts, en 2002, jusqu'à cette conclusion en 2011, suivant, en un sens, le cycle de ses protagonistes principaux. Il y a d'abord eu Tom, le mensonge et les rapports difficiles entre vie privée et vie professionnelle ; Adam, d'une arrivée à la James Bond jusqu'à l'abîme de la dépression ; Ros, son flegme, son humour froid, et cette volonté chevillée au corps ; enfin, Lucas et cette douloureuse réadaptation au quotidien après tant d'années dans les geôles russes. A posteriori, à mes yeux nostalgiques, Tom Quinn restera sans aucun doute celui qui personnifiera toujours cette série (son apparition cameo à la fin du dernier épisode étant à ce titre parfaite), et cela autant pour son interprète, que pour l'état d'esprit qui marqua ces premières saisons. Mais une des forces de Spooks aura été de savoir toujours nous impliquer au côté de personnages qu'elle n'aura jamais ménagés. 

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Bilan : C'est avec beaucoup de soulagement que je peux écrire que Spooks aura été fidèle à elle-même jusqu'au bout. C'est par un épisode de haute volée, concluant avec une justesse presque inattendue, la saison comme la série, qu'elle a tiré sa révérence. Il a offert tout ce que l'on pouvait légitimement attendre. Un ultime retournement de situation, avec une manipulation d'une ampleur insoupçonnée qui éclaire sous un nouveau jour tant de choses. Un drame dans la lignée de l'esprit de la série. Et, surtout des dernières minutes parfaites. Un au revoir d'une sobriété bienvenue qui représente parfaitement la série, tandis que s'égrène sous les yeux de Harry et du téléspectateur tous ces noms d'agents trop tôt disparus. Le quotidien de la section D se poursuit malgré tout, inébranlable...

Au terme de cette dernière review, j'ai juste envie de remercier Spooks, pour ce thriller prenant qu'elle nous aura proposé, pour toutes ces émotions si intenses qu'elle nous aura fait vivre. Chapeau donc pour l'ensemble de son oeuvre, elle restera pour moi, et pour longtemps je pense, l'incarnation de la série moderne d'espionnage !


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison :

18/09/2011

(UK) Spooks (MI-5), saison 10 : this is the end

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C'est durant le mois d'août dernier que la nouvelle est tombée : Kudos, la société de production de Spooks, annonçait que cette saison 10 serait la dernière de la série. On le pressentait : la saison 9 avait paru ne plus savoir se réinventer, arrivant au bout de l'inspiration des scénaristes ; mais il faut cependant noter que ce n'est donc pas la chaîne de diffusion (BBC1) qui aura pris la décision finale.

Ce soir, en Angleterre, débute donc à 21 heures le dernier acte, en six épisodes, d'une oeuvre qui aura marqué le petit écran anglais au cours de la décennie qui s'est écoulée. Une programmation, un dimanche soir sur BBC1, inhabituelle, avec un dernier objectif qui a tous les attributs de la mission impossible : affronter le retour pour une saison 2 du grand succès critique et public d'ITV, Downton Abbey. Mais qu'importe au fond, le jeu des audiences pour une conclusion qui devrait s'intéresser plus particulièrement au seul protagoniste qui demeure du casting d'origine : Harry Pearce, celui qui s'est peu à peu affirmé comme la véritable âme de la série. Je n'ai pas de désirs particuliers sur la manière dont la série doit finir. Qu'il s'agisse des secrets du personnage, ou de sa relation avec Ruth, tout ce que je souhaite c'est, une dernière fois, faire confiance aux scénaristes pour offrir une conclusion à la hauteur de la série.

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Avec la fin de Spooks, c'est un chapitre de la télévision anglaise des années 2000 qui se referme : celui qui a bénéficié du dynamisme inité par Kudos (une boîte de production qui nous aura offert ensuite Hustle, Life on Mars & Ashes to Ashes, ou encore cet été The Hour). Mais si, à l'aube de cette saison 10, il ne reste, dans la série d'aujourd'hui, que des vestiges de la qualité passée et des recettes anciennes de Spooks, les scénaristes ayant exploité toutes les ficelles narratives envisageables du concept de départ, c'est pourtant le coeur très serré que je m'apprête à quitter cet univers. Car, c'est aussi à titre personnel qu'une page se tourne.

En Angleterre, elles sont trois fictions à avoir façonné les bases de ma sériephilie, mais Spooks est la seule avec laquelle j'ai pu développer un réel lien de fidélité à travers les ans (les deux autres sont des mini-séries, Warriors et State of Play). Elle restera la première série anglaise que j'ai suivi en direct de sa diffusion. Et si je ne l'ai pas débutée en 2002, mais seulement quelques années plus tard, elle s'est rapidement imposée comme le repère incontournable de mon automne sériephile. Pour preuve, elle est à ce jour la plus ancienne série en production que je regarde, toutes nationalités confondues : un point fixe dans mes programmes.

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Si elle est si importante à mes yeux, c'est que Spooks a été une de mes clés d'entrée les plus prolifiques dans le petit écran britannique, un véritable fil d'Ariane grâce à laquelle j'ai exploré, au gré des filmographies, cette télévision d'outre-Manche à la fois si proche, mais pourtant si peu familière par rapport aux Etats-Unis. Spooks a sans doute contribué plus que toute autre fiction à ma connaissance des acteurs de la télévision anglaise, que ce soit grâce à son défilé de guest-stars ou par ses changements incessants de casting principal. C'est d'autant plus vrai que, assez paradoxalement pour une série qui n'a jamais été tendre avec ses personnages, elle est une de ces rares fictions vraiment capables de faire aimer du public ses acteurs.

C'est sans doute pour cela que Spooks reste dans ma mémoire rattachée à son casting. Initialement, il y a d'abord eu Matthew Macfadyen, le seul que je connaissais au préalable grâce à Warriors - et qui, soyons franc, avait été ma première raison de découvrir Spooks (outre mon amour démesuré pour les jeux d'espions) : le personnage de Tom Quinn aura définitivement scellé mon affection pour cet acteur, et il restera celui qui m'a le plus marqué. Mais j'ai aussi rencontré, les découvrant ou redécouvrant, toute une galerie d'acteurs dont je suis tombée sous le charme et dont je suis désormais d'un oeil attentif la filmographie : Keeley Hawes, une Zoey à la fraîcheur communicative, ou Rupert Penry-Jones dont le personnage d'Adam Carter aura connu tant d'évolutions, des premières missions à la James Bond jusqu'à la dépression... Et que dire du flegme de Peter Firth ou de la froide détermination de Hermione Norris... J'ai même apprécié Richard Armitage (si on omet la saison 9 dont il n'est pas responsable), en dépit de mes mauvais souvenirs de Robin Hood.

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Spooks demeurera également gravée dans mes souvenirs sériephiles pour toutes ses émotions fortes qu'elle m'aura fait vivre, pour ces ressentis intenses devant une fiction qui avait érigé en règle le fait qu'aucun de ses protagonistes, même les principaux, ne soient à l'abri. Rarement une oeuvre aura tant éprouvé ses personnages, refusant obstinément tout acquis. Rarement aussi aura-t-on démontré une faculté à se réinventer et à poursuivre de l'avant. Combien de séries peuvent se vanter d'avoir autant choqué, autant fait pleurer son public, face à des morts tellement marquantes. Le premier traumatisme, celui de la friteuse, hantera encore longtemps mon esprit, tandis que d'autres scènes auront véritablement déchiré mon coeur : comment oublier l'exécution de Danny, de Ben... ou encore ce dernier regard, tellement bouleversant, tellement parlant, échangé entre Jo et Ros ?

Reflet de son époque (2002 - 2011), Spooks est aussi une série d'espionnage qui, il faut le rappeler, est née après le 11 septembre. Elle a ainsi mêlé et vu se succéder toutes les dynamiques de ce genre : introduisant les problématiques les plus modernes, mais remontant aussi aux plus anciennes traditions héritées de la Guerre Froide, avec lesquelles elle va semble-t-il renouer cette saison. Elle a offert un cocktail efficace qui, sans conserver la sobriété des débuts, aura su satisfaire un public amateur de ce type de fiction. Comme dans toute relation téléphagique, il y aura eu des hauts et des bas : elle a eu de grands moments, elle a aussi fait subir d'importants ratés. Mais alors que nous sommes au début de la fin, espérons seulement qu'elle saura se conclure d'une manière réussie qu'elle mérite tant.

Un pan de l'histoire télévisuelle anglaise des années 2000 se referme ; un pan fondateur de mon histoire personnelle avec les séries britanniques également.

 

La bande-annonce de la saison 10 :

 

Le générique de la saison 9 (avec ce thème musical tellement Spooks) :

10/03/2011

(Mini-série UK) South Riding : chronique vivante et touchante d'une bourgade des années 30

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En ce début d'année 2011, les amoureux du petit écran britannique peuvent tout particulièrement savourer leur passion. Les mini-séries intéressantes, couvrant tous les goûts et tous les genres, se succèdent. Parmi elles, South Riding s'inscrit dans la tradition la plus classique du period drama que l'on croise outre-Manche : l'adaptation littéraire. Nous plongeant dans la campagne anglaise du milieu des années 30, il s'agit de la seconde transposition à l'écran du roman de Winifred Holtby, publié en 1936, après une première proposée par ITV en 1974.

Cette mini-série, composée de 3 épisodes d'1 heure chacun, a été diffusée trois dimanche soir successifs du 20 février dernier au 6 mars 2011, sur BBC1. On y retrouve tout le savoir-faire britannique en la matière, porté par un excellent casting, pour une photographie prenante de l'Angleterre changeante des années 30, loin de la capitale londonienne. Trois heures plaisantes à suivre qui méritent le détour.

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South Riding s'ouvre en 1934 dans une petite ville côtière éponyme du Yorkshire, située dans le nord de l'Angleterre. Sarah Burton rentre dans sa bourgade natale après des années à avoir mené une carrière d'enseignante tout en voyant le monde. Elle arrive de Londres pour postuler à la fonction de directrice de l'école municipale de filles, avec des idées de modernisation plein la tête et de hautes ambitions éducatives pour offrir à ces élèves les clés d'une société complexe, où la crise économique précipite les mutations. Si son enthousiasme déstabilise quelque peu le conseil d'administration, la jeune femme emporte cependant l'agrément de la majorité des directeurs, séduits par ce vent de modernité qui semble l'accompagner.

Très vite, Sarah trouve ses marques dans cette petite ville marquée par la Grande Dépression, apprenant à rester fidèle à ses convictions tout en sachant parfois verser dans l'art du compromis, pour assurer la bonne gestion de son école. Elle se découvre des alliés, comme le progressiste Mr Joe Astell, mais aussi des adversaires que ses idées dérangent à l'image de Mr Carne, un conservateur aux conceptions sans doute révolues, mais dont Sarah va peu à peu se rapprocher. Elle va aussi s'investir auprès de ses élèves, prenant sous son aile une boursière très douée, Lydia, ou encore Midge, la fille de Mr Carne.

Avec un quotidien rythmé par les difficultés sociales et les oppositions politiques, c'est dans une chronique ordinaire d'une petite bourgade, typique mais très attachante, que South Riding nous plonge.

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L'attrait de la mini-série  tient tout d'abord au cadre qu'elle investit : celui d'une chronique profondément humaine, mais aussi sociale, d'une époque difficile. Elle offre un instantané vivant et bigarré d'une bourgade anglaise et des préoccupations et autres enjeux très concrets qui agitent ce petit microcosme. Cette reconstitution de l'ambiance des années 30 se révèle particulièrement réussie. South Riding propose en effet un portrait nuancé d'une vie locale marquée par la récession économique, sur fond de tensions irréductibles entre tradition et modernité, tandis que les séquelles de la Première Guerre Mondiale hantent encore les esprits et que se profile à l'horizon le spectre d'autres bouleversements à venir. Ces mises en scène résonnent de manière authentique et juste à l'écran, leur retenue et leur sobriété trouvant un écho particulier auprès du téléspectateur.

De manière générale, il émane de South Riding un charme simple qui séduit et retient l'attention, la reconstitution historique se complétant d'une dimension humaine qui ne laisse pas indifférent. Car la mini-série dispose d'une galerie de personnages qui savent se fondre parfaitement dans le récit, tout en y apportant un relief et une nuance qui permettent de s'y attacher. Si tous n'échappent pas aux stéréotypes, la dynamique d'ensemble fonctionne. On se laisse ainsi emporter par le dynamisme communicatif de Sarah, par ses ambitions pour son école comme par son investissement envers ses élèves. De même, à mesure que l'on apprend à connaître Mr Barnes, ses tourments personnels tempèrent l'a priori excessivement rigoriste qu'avait laissé sa première scène. Ces personnalités s'imposent donc de manière convaincante.

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Cependant, l'atout - et l'originalité - de South Riding va sans doute résider dans sa capacité à chroniquer, de manière vivante et finalement étonnamment prenante, un quotidien qui, présenté autrement, paraîtrait vraiment anecdotique. Optant pour un réalisme sobre qui transcende tout son récit, c'est ainsi sans misérabilisme que la mini-série aborde les conséquences de la crise économique. De même, les personnages suivent des destinées toutes aussi nuancées, marquées par les blessures du passé, les tergiversations et incertitudes du présent, mais aussi une fidélité à des principes qu'ils ne pourront jamais renier. Ce sont des instantanés de vies ordinaires, sans romanesque excessif, ni réalisation démesurée, que propose South Riding. Et si on peut peut-être reprocher à la mini-série de ne pas avoir pleinement exploité certains personnages qui auraient mérité des développements plus conséquents, ses choix narratifs demeurent cohérents.

Sa spécificité restera sans doute la tonalité douce-amère qui s'en dégage, une atmosphère où la volonté de poursuivre, toujours tournée vers l'avenir, se mêle aux regrets sur lesquels on ne peut tirer un trait. Cette chronique quelque peu désillusionnée s'offrira ainsi une conclusion à son image parfaite, même si elle cède à certaines facilités et à quelques raccourcis. La vie est faite de choix, mais aussi 'd'aléas inattendus plus ou moins douloureux ; s'il n'est pas possible de s'immuniser contre les erreurs ou les blessures que le temps apporte, ce sont aussi ces expériences qui nous façonnent. A chacun, ensuite, de prendre sa destinée en main.

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Sur la forme, South Riding témoigne d'un savoir-faire que la BBC n'a plus à prouver. C'est un beau period drama, esthétiquement soigné et doté d'une réalisation qui sied particulièrement à l'ambiance qui y règne. L'image est travaillée, les teintes y sont plutôt sombres, en écho à cet instantané d'une époque troublée, où l'espoir se dispute à une douce amertume. Pour accompagner la narration, la mini-série dispose également d'une bande-son composée de quelques morceaux de musique classique bien choisis, avec une mention toute particulière aux morceaux utilisés dans le dernier épisode, poignants et forts comme il le fallait.

Enfin, South Riding bénéficie d'un dernier atout majeur, et non des moindres : un casting cinq étoiles savoureux et extrêmement solide, qui achève d'installer et de donner toute leur dimension aux différents protagonistes, comme au récit lui-même. Anna Maxwell Martin (Bleak House), avec un dynamisme communicatif et beaucoup d'authenticité, incarne à merveille cette institutrice pleine d'entrain, dont la sacerdoce éducatif lui permet d'oublier une vie bouleversée trop tôt par la perte d'un fiancé durant la Première Guerre Mondiale. Pour lui donner la réplique, David Morrissey (State of Play, Meadowlands, Blackpool, Thorne) est parfait pour jouer ce conservateur tourmenté par une vie personnelle bien compliquée qu'est Mr Carne. A leurs côtés, on retrouve notamment le toujours excellent Peter Firth (Spooks), Douglas Henshall (Primeval, The Silence) et son accent écossais incontournable, Penelope Wilton (Downton Abbey), toute aussi impeccable, mais encore John Henshaw, Shaun Dooley, Jennifer Hennessy ou Janine Mellor

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Bilan : Chronique ordinaire d'une bourgade anglaise des années 30, South Riding a le parfum doux-amer de l'instantané d'une époque troublée, où la reconstitution historique des enjeux politiques et sociaux représentatifs de leurs temps se mêle à l'incertitude des destins personnels. C'est un portrait vivant et nuancé, à la fois plein d'émotions et d'espoirs, mais aussi chargé de désillusions douloureuses et poignantes, qui est proposé. Si le téléspectateur s'attache presque instantanément à l'ambiance qui y règne , c'est que la mini-série parvient à séduire autant par sa simplicité maîtrisée que par l'authenticité des portraits qu'elle met en scène. En résumé, South Riding offre un retour aux fondamentaux de la fiction rafraîchissant et plaisant à suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :

12/11/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 8 (Finale) - Bilan

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Cette semaine a vu se clôturer en Angleterre diverses séries qui auront accompagné, bon gré, mal gré, mon automne téléphagique. L'heure est au bilan, contrasté il faut bien le dire. Avant d'essayer de partager tout l'enthousiasme qu'a su générer en moi celle qui fut la meilleure nouveauté anglo-saxonne de la rentrée, Downton Abbey, commençons sans doute par le sujet qui fâche le plus. Parce qu'il est toujours triste d'assister au délitement d'une série que l'on aime sincèrement.

Lundi dernier s'est terminée la neuvième saison de Spooks sur BBC1. Ce dernier épisode n'aura rien sauvé, s'inscrivant dans la droite lignée des faiblesses qui auront lourdement handicapé la série cette année. Si je me suis presque demandée s'il n'existait pas une forme de malédiction pesant sur les saisons correspondant à un chiffre multiple de 3 (les saisons 3 et 6 avaient jusqu'à présent étaient celles que j'avais le moins appréciées), j'ai peur que le diagnostic ne soit plus grave que des signes numérologiques. Si j'aime et aimerai toujours profondément cette série, n'est-elle pas arrivée à un moment où il lui conviendrait de tirer dignement sa révérence, au risque sinon de se perdre définitivement ?

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Le fil rouge de la saison aura, cette fois-ci, été interne au MI-5. Pas de conspiration internationale à stopper, ni de vastes complots à mettre à jour. Seulement la lente et douloureuse implosion, rapidement inéluctable, de la section D. Car cette saison 9 aura été celle de la descente aux enfers pour un des personnages principaux : Lucas North. Ou du moins pour celui que l'on croyait être Lucas North. Le coup de maître des scénaristes de Spooks aura été de réussir à détruire en huit petits épisodes ce qu'ils étaient fragilement et méticuleusement parvenus à construire en introduisant ce personnage. Lorsque ce dernier était arrivé, il y a deux saisons, dire que j'étais sceptique était un euphémisme. Je n'ai jamais caché ne pas être la plus grande fan de Richard Armitage (contrairement à la croyance commune, non, je n'aime pas tous les acteurs britanniques que je croise dans le petit écran) ; et, à la manière de Rupert Penry-Jones en début de saison 3, il venait remplacer un personnage (et un acteur) que j'appréciais beaucoup. Il ne faut jamais sous-estimer le sentimentalisme du téléphage. Pourtant, la solidité de la saison 7 - une des plus abouties que la série nous ait offerte - et l'installation globale de Lucas North m'auront la première agréablement surprise et pleinement convaincue.

C'est donc avec une certaine amertume devant ce spectacle semblable à une trahison scénaristique à retardement, que j'ai assisté à la déconstruction proposée par cette saison 9. Car, paradoxalement, l'intrigue de cette année se sera développée en saccageant minutieusement tout le travail mené au cours des deux dernières saisons. Or, en sacrifiant ainsi volontairement toute cohérence narrative pour céder à l'attrait clinquant et dramaturgique de la construction artificielle d'une pseudo-intrigue détruisant l'image d'un de ses personnages centraux, c'est l'âme de Spooks que les scénaristes ont également égaré en cours de route. J'aurais aimé pouvoir dire avoir ressenti la moindre émotion lors de cette confrontation finale sur le toit. J'aurais souhaité pouvoir comprendre l'empathie de Ruth pour un homme qui s'est finalement révélé être un étranger. J'aurais eu envie d'être touchée, même légèrement, par le conflit interne, auto-destructeur, de Lucas. Il n'en a rien été. De cette sortie sans panache n'est restée que la désagréable impression d'artificialité d'une intrigue qui a toujours sonné trop fictive et creuse pour que l'on y adhère. Il était simplement impossible de s'investir émotionnellement dans une histoire qui n'avait pas de sens ; car, quoiqu'en pensent les scénaristes, ils ne sont pas omnipotents au point de pouvoir faire table rase du passé en entamant la saison 9 d'une série.

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Tout au long de ces huit épisodes, une question m'a taraudé l'esprit : pourquoi avoir pris le risque d'une telle redistribution des cartes a priori contre-nature ? Il ne s'agissait pas d'une trahison pour un idéal ou une somme d'argent. Non, il s'agissait de détruire toutes les fondations d'un personnage. Si on regarde l'évolution passée de Spooks, on constate que la saison 7 a constitué une apogée pour ce qui est de l'exploitation d'un fil rouge représentant une menace internationale. La saison 8 aura tenté, avec plus de maladresses et moins de succès, de reprendre les mêmes ingrédients. Les scénaristes se sont-ils dits que, finalement, l'élément à retenir de la saison 7 pouvait être plutôt l'implosion de la section D avec un de ses membres s'en dissociant ? Mais cette année, outre ce point de départ erroné, l'inconsistance de l'écriture de la série aura achevé de dénaturer l'ensemble. Prenons simplement un des exemples les plus révélateurs de la réflexion inachevée des scénaristes : le rappel de Malcolm, vaguement entrevu le temps d'une poignée de scènes dont je cherche encore l'utilité et la raison, autre que jouer sur une basse fibre nostalgique qui aveuglerait le téléspectateur.

Evoquer Malcolm, avec les souvenirs des "good old days" que cela implique, amène à soulever une autre faiblesse, qui n'est certes pas propre à cette saison spécifiquement : le manque d'esprit de groupe animant la section D. Spooks a toujours su renouveler ses effectifs avec un côté impitoyable qui a pu nous faire nous ronger les sangs plus d'une fois. Sans forcément aspirer à l'ambiance un peu utopique qui régnait aux débuts de la série, il manque désormais à à la série - c'était également le cas l'an passé - une véritable union en son sein qui permettrait d'humaniser ses personnages. En liquidant des figures clés, les saisons 7 et 8 auront atteint des intensités dramatiques fascinantes, mais auront privé Spooks d'une dimension humaine dont elle ne peut faire l'économie. Certes, il y a toujours Harry et Ruth qui auront sauvé bien des scènes cette année mais, même eux finissent par tourner en rond. Parmi les nouveaux introduits en début de saison, le personnage de Beth aura brillé par sa fadeur et son inconsistance. Dimitri aura montré plus de potentiel, mais n'aura pas été suffisamment exploité. Si bien qu'en plus de ne pas être parvenue à proposer une histoire solide sur le fond, cette saison 9 aura confirmé l'incapacité de Spooks à renouer avec l'atmosphère et l'esprit d'équipe qui ont pu constituer un des attraits, peut-être plus implicite, mais tout aussi important, de la section D.   

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Bilan : Cette saison 9 m'a considérablement déroutée et, quelque part, fâchée avec les scénaristes de Spooks. Si la plume de cette review a été trempée dans l'encre amer d'un dépit profond, c'est avant tout parce que j'aime cette série. Certes je reconnais qu'il serait excessif de tout rejeter en bloc dans les épisodes de cette année. Si l'arc d'ensemble est à oublier, certaines histoires auront bien eu ce parfum caractéristique, désormais un peu éventé, qui agit comme un rappel teinté de nostalgie. Cependant c'est désormais vers une conclusion que j'aimerai voir la série s'orienter. Une vraie fin qui renouerait avec l'esprit de Spooks, non cette caricature facile et forcée à laquelle les scénaristes ont trop souvent cédé cette année. Peut-être est-il temps de refermer un chapitre qui restera majeur dans la fiction britannique des années 2000.


NOTE : 5,5/10


Le générique de cette saison 9 :

31/10/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 6

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Certes, j'avais dit que je ne relèverais, de cette saison 9, que les épisodes marquants dans le bon sens du terme, avant de faire un bilan global à la fin. Le cinquième l'était et avait donc eu droit à une review la semaine dernière. Seulement, face à ce sixième épisode, après avoir, au cours de la semaine écoulée, exprimé et partagé mon opinion sur probablement tous les lieux d'échanges internet relatifs à la série, l'intense frustration née de ce visionnage n'était toujours pas apaisée. Il fallait donc que le billet du jour serve d'exutoire...

Car les scénaristes se sont engagés sur une voie qui semble sans retour pour construire le fil rouge de la saison. Façon maladroite, mais expéditive, de soigner la sortie d'un personnage ? Retournement artificiel reflétant un cruel manque d'inspiration ? Je ne sais pas quel diagnostic faire des problèmes dont souffre cette saison 9, mais les symptômes apparaissent désormais avec évidence. Spooks serait américaine, ne serait-on pas loin de dire qu'elle flirte avec le "jump the shark" ?

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En dépit du twist de l'épisode précédent, où Lucas découvrait l'ampleur de la manipulation entreprise à son égard par cette ancienne connaissance qui fait ressortir tous ses fantômes depuis le début de la saison, l'histoire du jour ne commence pas si mal, traitant cette fois de cyber-espionnage/terrorisme et nous entraînant sur un autre front, moins souvent mis en scène, celui qui se joue par le biais des technologies et de l'informatique. Si les enjeux de mise à jour et de protection des codes demeurent un peu abstrait, la crise au siège du MI-5 sera elle se montrer plus tendue et intéressante pour le téléspectateur. Des hackers se sont en effet introduits dans le système informatique des services de sécurité britanniques. Ils ont ainsi accès à toutes les données et surveillent tous les gestes des agents de la section D. Tarik s'en apercevant rapidement, c'est un jeu de faux-semblant que Harry et ses hommes vont jouer avec leurs assaillants.

Ce renversement narratif de redistribution des cartes, en allant porter le danger jusqu'au QG du MI-5, la série l'a déjà utilisé  à plusieurs reprises, de manière généralement efficace. C'est non seulement un angle d'attaque direct qui remet en cause l'intouchabilité théorique - mais combien de fois violée ? - de ce lieu, mais c'est aussi un rappel désagréable qui légitimise toute la paranoïa ambiante naturelle aux services d'espionnage. Au final, ce cadre de huis clos forcé n'a pas été sans m'évoquer le finale de la saison 4 ("Diana"). Si cela peine un peu à décoller, les efforts pour abuser leurs opposants, puis pour s'échapper, des membres de la section se laissent suivre sans déplaisir. Le point positif que j'y ai personnellement trouvé est de poursuivre, dans la continuité du précédent épisode, l'affirmation du personnage de Dimitri, qui trouve beaucoup plus naturellement ses marques au sein de la section et incarne un héritage Spooks-ien qui sonne bien plus juste que Beth, en dépit des multiples chances que cette dernière s'est vue offrir depuis le début de la saison. Ce ne sont que quelques petites prises d'initiatives, mais dans cette saison qui manque cruellement d'humanité (cette dimension ne tenant que grâce à Harry et Ruth), Dimitri est une bouffée d'air frais. En espérant qu'il survive aux évènements à venir.

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En effet, l'explosion finale se prépare (il ne reste que deux épisodes), et les développements du jour paraissent en poser les derniers jalons, Lucas ayant, cette fois, définitivement franchi le Rubicon, basculant désormais hors de contrôle dans une traîtrise aux motivations floues. De manière hautement symbolique, c'est d'ailleurs seul, séparé du reste de l'équipe, qu'il va vivre l'aventure du jour. Cédant au chantage de cette ancienne connaissance qui le harcèle depuis le début de la saison, pour tenter de sauver les beaux yeux d'une dulcinée qu'il avait perdue de vue il y a tant d'années, dans cette "autre vie", le voilà à la recherche d'un dossier top secret. Devant en même temps assurer sa mission, qui est la protection d'une jeune spécialiste informatique américaine, il tente de concilier les deux, mais finit par donner la priorité à cette nouvelle trahison qu'il s'apprête à commettre. Certes, ce n'est pas lui qui tirera la balle fatale à la jeune femme, mais il a en partie provoqué indirectement cette situation, ne serait-ce qu'en semant de manière abusive son escorte de sécurité et en faisant ce fameux détour pour récupérer le dossier...

Consacrant d'ailleurs sa traîtrise, c'est chez une ancienne figure familière du MI-5 que Lucas doit aller chercher ce document : Malcolm. Un face-à-face trompeur et faussement anodin qui entérine, presque publiquement, la hiérarchie des priorités de l'agent. Le téléspectateur en reste perplexe devant son petit écran. Comment expliquer de manière crédible cette transformation survenue en Lucas depuis le début de la saison ? L'évolution semble renier toute continuité avec les deux saisons précédentes qui avaient entrepris de construire et d'explorer un personnage qui apparaît désormais complètement méconnaissable. Tout sonne faux, artificiel, dans ce fil rouge qui ne prend décidément pas. Certes, j'attends la résolution de l'intrigue et la fameuse explication sur cette "double vie" esquissée pour essayer de comprendre ce que les scénaristes ont eu en tête en se lançant sur cette voie, mais il est à mon avis trop tard pour rattraper et légitimer des errements narratifs trop parachutés pour que le téléspectateur puisse y adhérer.

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Bilan : Si l'intrigue du jour a le mérite de souffler sur les braises de cette ambiance paranoïaque dans laquelle Spooks aime à se complaire et a toujours excellé, l'épisode consacre une évolution du personnage de Lucas bien trop incohérente pour crédibiliser ce fil rouge qui n'a toujours pas décollé alors que s'amorce la dernière ligne droite de la saison. Au vu des ingrédients traditionnels actuellement manquant à Spooks, la série doit faire attention à ne pas, elle-aussi, franchir le Rubicon derrière Lucas.


NOTE : 6/10