25/11/2011
(Mini-série UK) Hidden : un thriller conspirationniste inachevé
L'année 2011 aura permis de vérifier combien le thriller conspirationniste demeure un genre particulièrement prisé par la BBC. Après la si fascinante The Shadow Line diffusée sur BBC2 au printemps, cet automne, durant le mois d'octobre, c'était au tour de BBC1 de proposer sa propre incursion dans ce registre, avec une mini-série en quatre parties, Hidden. On retrouve au scénario l'écrivain nord-irlandais Ronan Bennett, dont le nom doit commencer à vous être familier puisqu'il est également à l'origine de Top Boy, dont j'ai reviewé la première saison la semaine dernière.
Si Hidden reste loin de ses glorieuses aînées, de la culte The Edge of Darkness à la plus récente, ayant remis au goût du jour ce genre, State of Play, elle se révèle néanmoins très prenante, tout en nous laissant malgré tout sur une impression d'inachevé un brin frustrante lors de sa conclusion. En résumé, Hidden avait beaucoup de bonnes idées, mais elle n'aura pas su pleinement en prendre la mesure. Elle reste cependant très intéressante.
Harry Venn est un solicitor (la transposition du système juridique anglais en français étant impossible, disons qu'il s'agit d'une sorte d'avocat qui ne plaide pas). Il traite de petites affaires, avec un unique assistant, tout en ayant une vie familiale très chaotique. Non seulement ses relations sont délétères avec son adolescent de fils, mais il est également fâché avec son père depuis la mort de son frère aîné dans des circonstances troubles, deux décennies auparavant. Cependant sa vie va vraiment basculer lorsqu'il est contacté par une consoeur, Gina Hawkes.
Cette dernière cherche apparemment à vérifier l'alibi d'un de ses clients, mais ce sont surtout de nouvelles questions sur les évènements tragiques s'étant déroulés il y a 20 ans qu'elle fait ressurgir. Les investigations de Harry l'entraînent alors sur une piste bien dangereuse au terme de laquelle se trouve peut-être les réponses tant espérées sur la mort de son frère, mais aussi une conspiration prenant racine au coeur du système politique anglais et qui pourrait bien sceller la fin de la démocratie.
Représentante d'une tradition éprouvée de polars conspirationnistes qui savent tenir le téléspectateur en haleine jusqu'à l'ultime scène, Hidden s'approprie une recette bien connue, sans manquer d'ambitions propres. Exploitant une toile de fond constituées par des tragédies passées, demeurées inexpliquées, et qui pèsent toujours sur ses protagonistes principaux, elle entraîne ces derniers dans une quête de vérité particulièrement dangereuse. Derrière ces drames personnels, se dessine peu à peu une conspiration médiatico-politico-militaire autrement plus déstabilisante qui vient exploiter le thème de la défiance envers les institutions, mettant en scène un pays plongé dans un chaos volontairement entretenu par certains intéressés.
Préférant suggérer des possibilités plutôt que d'énoncer clairement des faits, soulever de nouvelles questions plutôt que d'apporter des réponses, Hidden intrigue vite le téléspectateur. La mini-série prend un malin plaisir à dévoiler pièce par pièce son puzzle, laissant dévoilant peu à peu ses véritables enjeux. Si elle sait captiver, la fiction le doit non seulement à cette ambiance de thriller paranoïaque qu'elle va mettre place, mais aussi au personnage central de Harry Venn, lequel s'impose comme le digne héritier de ces anti-héros fatigués, entraînés dans des histoires qui les dépassent mais dont il faut bien voir le bout. Ce n'est donc pas un hasard si les passages les plus réussis resteront ces scènes de tension palpable où tueurs et personnages principaux ou secondaires s'entrecroisent, parfois fatalement.
Cependant Hidden n'ira pas jusqu'au bout des ambitions affichées. La mini-série laisse en effet une impression assez paradoxale. Passé un premier épisode, un peu incertain mais qui réussit à aiguiser la curiosité du téléspectateur, les épisodes suivants vont suivre une tension allant crescendo : toujours prenants, ils se regardent avec plaisir et ne souffrent d'aucune baisse de rythme. Même les scènes politico-médiatiques, quelque peu parachutées dans le pilote, trouvent ensuite leur place, parenthèses permettant de comprendre ce qui est à l'oeuvre. Seulement Hidden ne va pas réussir à prendre pleinement la mesure d'un potentiel qu'elle laissera juste entre-apercevoir.
La mini-série échoue en effet à trouver le liant qui lui aurait permis de former un tout cohérent et solide qui aurait offert un véritable climax final et une résolution totalement satisfaisante. C'est par sa construction narrative que la fiction pèche. Non seulement elle fait parfois preuve d'une maladresse dommageable, par exemple en rendant trop prévisible le développement autour du frère de Harry et des mystères qui l'accompagnent, mais surtout, la fiction n'évite pas certains travers du genre conspirationniste. Elle se complaît trop dans un flou volontaire, aimant soulever les questions, créer des connexions, mais étant moins habile quand il s'agit ensuite de relier l'ensemble et de proposer un puzzle pleinement assemblé à la fin. Cependant si Hidden ne parvient pas pleinement à se donner les moyens de ses ambitions, elle n'en demeure pas moins un essai prenant et efficace qui devrait grandement satisfaire les amateurs de ce type de récit.
A défaut d'être pleinement aboutie sur le fond, Hidden bénéficie d'une forme particulièrement soignée. Privilégiant les plans serrés qui permettent de jouer sur et de faire ressortir une tension palpable grâce à la nervosité de la caméra, la réalisation s'avère parfaitement maîtrisée. Les teintes utilisées pour la photographie, qui donnent aux images des couleurs un peu ôcres, renforce l'ambiance de polar. Quant à la bande-son, la musique est également bien utilisée, servant notamment à accentuer les passages à suspense.
Enfin, un des atouts de Hidden réside indéniablement dans la solidité de son casting. Philip Glenister (Life on Mars, Ashes to Ashes, Mad Dogs), égal à lui-même, impose sa présence charismatique et abrasive ; il est parfait pour incarner ce solicitor pragmatique dont le passé trouble refait soudain surface. La dynamique qui s'installe avec Thekla Reuten (Sleeper Cell) fonctionne également très bien ; tout en gardant chacun une indépendance farouche, les deux se retrouvent forcés de faire front commun face à cette menace dont ils ne cernent pas encore les tenants et les aboutissants. Par ailleurs, on croise également des seconds rôles très convaincants, à commencer par Anna Chancellor (Spooks, The Hour), excellente comme toujours, mais également Michael Winder, Thomas Craig ou encore David Suchet.
Bilan : Thriller soigné sur la forme, indéniablement prenant sur le fond, reprenant des ingrédients classiques qui fonctionnent, Hidden est une oeuvre intrigante dans laquelle le téléspectateur se laisse facilement prendre au jeu de ce suspense. Cependant, si les épisodes savent retenir l'attention de plus en plus sûrement, la mini-série n'évite pas l'écueil classique des fictions conspirationnistes, celui de la surenchère. Entretenant trop longtemps un flou, avec des réponses qui soulèvent invariablement plus de questions qu'elles ne satisfont notre curiosité, c'est sur une note d'inachevé que se conclut presque trop hâtivement l'histoire. Si Hidden laisse donc quelques regrets et l'impression d'une idée pas complètement exploitée, l'ambiance qu'elle aura su cultiver justifie cependant amplement une découverte avertie.
NOTE : 6,75/10
Quelques images de la série :
19:46 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hidden, bbc, philip glenister, thekla reuten, anna chancellor, michael winder, thomas craig, david suchet | Facebook |
Commentaires
J'ai donné le même nom à mon bilan. Franchement, c'est un gros WTF à la fin. Les personnages font des trucs assez stupides par moment - tout particulièrement dans le dernier épisode. Il y a des scènes où je cherche encore ce qui a bien pu leur passer par la tête ou quel était le but de la manœuvre. Ils n'achèvent rien, même pas l'histoire du fils qui, sans conclusion, perd tout son intérêt. Le petit miracle est alors que cela se laisse vraiment suivre sans trop de déplaisir (de préférence, le cerveau éteint). D'un côté, c'est le genre de trucs, on suit en se disant que cela prendra sens dans le dernier, et puis, ce n'est juste pas arrivé.
Écrit par : Carole | 26/11/2011
@ Carole : Au fond, ce sont les symptômes typiques d'une fiction où les scénaristes se sont laissés dépassés par leurs idées et leurs ambitions, et n'ont pas réussi à faire quelque chose de cohérent. Mais ce qui est très paradoxal, c'est que si en éteignant ma télé à la fin de chaque épisode, je restais (logiquement perplexe), les épisodes en eux-mêmes se suivaient plutôt bien ! Cerveau allumé ou pas, je ne sais pas, mais ça fonctionnait sur moi !
En fait, Hidden avait l'ambiance et le "petit truc" qui sont nécessaires à un thriller ; il manquait le scénario.
Écrit par : Livia | 04/12/2011
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