17/12/2011
(UK) Garrow's Law, saison 3 : un legal drama toujours aussi passionnant
Parmi les rendez-vous sériephiles auxquels je tiens tout particulièrement devant le petit écran anglais, pour accompagner les fins d'automne, Garrow's Law s'est peu à peu taillée une place de choix. Certes le mélange de legal et de period drama a trouvé en moi une téléspectatrice pré-conquise à ce cocktail des genres. Mais il faut également saluer le soin avec lequel les scénaristes ont entrepris d'exploiter ce récit romancé de la vie d'un juriste anglais de la fin du XVIIIe siècle. Par ailleurs, les saisons de Garrow's Law ont également pour elles d'être toujours très courtes : quatre épisodes, ce qui permet d'aller à l'essentiel et de ne jamais risquer de lasser le téléspectateur. Suivant le même schéma que les précédentes, BBC1 a donc diffusé les dimanche soirs, du 13 novembre au 4 décembre 2011, la troisième saison de cette toujours intéressante série.
La grande force de Garrow's Law, sa marque de fabrique, reste de savoir habilement mêler le drame judiciaire et des enjeux plus personnels. Le premier volet donne à la série l'occasion d'exploiter pleinement son cadre historique : les affaires traitées par William Garrow entendent toujours représenter une époque, avec ses moeurs et sa justice. Dans ce registre, la saison 3 s'inscrit dans la droite lignée des précédentes, abordant une nouvelle fois des sujets très diversifiés : certains sont lointains, comme les abus d'autorité et des dérives dans des lointaines colonies, d'autres touchent plus directement Londres et l'évolution du pays.
Je demeure toujours admirative devant la façon dont la série parvient à connecter ses cas d'espèce très particuliers à des problématiques plus générales du temps, offrant plusieurs niveaux de lecture. Ainsi, la tentative d'assassinat sur le roi sera une occasion de s'interroger sur la définition de l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental. De même, une presque banale affaire de meurtre permettra de nous plonger dans les coulisses létales de la politique, de ses oppositions, et la manière brutale dont les élections pouvaient être menées. Autant de thèmes très différents qui permettent d'affiner et de préciser ce tableau dense et riche, toujours passionnant, de l'Angleterrre de cette fin du XVIIIe siècle.
Parallèlement, Garrow's Law est aussi une série qui cherche à nous investir émotionnellement aux côtés de ses personnages. La saison 3 s'inscrit dans la continuité de la précédente, toujours centrée sur les rapports tumultueux de Lady Sarah et de son époux, alors même que la jeune femme s'est désormais officiellement installée chez William Garrow. Réussir à échapper à une condamnation infamante à des dommages et intérêts qui auraient été exorbitants n'a cependant pas apporté le bonheur au jeune couple : en effet, le fils de Sarah, Samuel, reste entre les mains de son mari.
Si la saison 2 avait déjà permis d'établir le déséquilibre des droits existant au sein d'un couple, cette fois-ci, c'est en adoptant le point de vue d'une mère dévastée par cette perte que la série explore un peu plus le droit de la famille de l'époque. Arthur Hill, toujours piqué dans son honneur, s'enferme dans cette caricature de vilain, trop manichéenne pour être pleinement crédible, que seul l'ultime twist final permettra de nuancer opportunément. Si la détresse de Sarah aura été bien traitée, il est à souhaiter que l'alliance concluant la saison aura définitivement scellée la fin de la vendetta obsessionnelle d'Arthur Hill. C'est une page qui aura peut-être mis un peu trop de temps à se tourner, mais qui doit désormais l'être (si saison 4 il y a).
Au-delà des combats de William Garrow, des épreuves de Lady Sarah, c'est une autre lutte, plus intime, qui aura marqué cette saison 3 : celle que va mener Southouse contre la maladie qui le condamne inexorablement. Plus que jamais, ce dernier se sera imposé auprès de ses jeunes amis comme la figure du mentor et du conseiller bienveillant, les soutenant autant qu'il pouvait dans leurs démarches, jusqu'à apporter à Sarah une aide financière importante.
L'épisode de sa mort, le troisième de la saison, est sans conteste le plus déchirant et triste proposé par la série depuis ses débuts. Southouse aura connu une fin à la hauteur de son personnage, avec une lente déchéance physique éprouvante qui aura fait souffrir le coeur du téléspectateur. Tout en saluant son rôle, cela permet dans le même temps à la série de faire évoluer la dynamique de travail de William Garrow. Privé de la figure tutélaire qui l'a guidé depuis ses débuts, c'est avec un nouvel associé qu'il aborde le dernier cas : le neveu de Southouse, un jeune homme certes très débrouillard mais qui n'a pas l'influence que pouvait avoir son oncle sur l'avocat.
Bilan : Toujours très plaisante à suivre, bénéficiant d'une richesse dans les thématiques abordées qui demeure inchangée, Garrow's Law aura proposé une troisième saison à la hauteur des attentes, conservant son équilibre aussi fragile que précieux entre legal et period drama. Pour autant, si une saison 4 devait voir le jour, il pourrait être opportun de voir la série évoluer, cette saison ayant d'ailleurs posé des bases intéressantes pour l'avenir, au-delà même de la perte de Southouse, en introduisant dans son quatrième épisode des enjeux politiques très concrets qui dépassent le seul cadre du tribunal... Pourquoi ne pas poursuivre ainsi la route du biopic de William Garrow au-delà de sa seule carrière de barrister ? A suivre donc (en croisant les doigts).
NOTE : 7,75/10
Le générique :
Une bande-annonce de la saison 3 :
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06/11/2011
(UK) Garrow's Law, saison 2 : un enthousiasmant legal drama historique
Dans une semaine, le dimanche 13 novembre signera le retour de la série que j'attends le plus durant ce mois de novembre : la troisième saison de Garrow's Law. Sitôt la nouvelle officialisée, il y a quelques jours, j'ai été prise d'une brusque envie de revoir la précédente saison. C'était une de ces pulsions sériephiles qui vous happe en dépit du bon sens, alors que vous avez bien trop de choses en retard à regarder, et à laquelle il est impossible de résister.
Quatre épisodes plus tard (l'avantage des pulsions sériephiles anglaises est qu'elles restent souvent "raisonnables" par leur brièveté), la bonne impression que j'en avais gardée n'a été que confirmée par ce nouveau visionnage. En novembre de l'année dernière, j'avais rédigé un article après le premier épisode de la saison 2 sous forme de quasi-playdoyer, mais je n'avais pas pris le temps d'y revenir en fin de saison. Comme tout vient à point qui sait attendre, c'est donc pour introduire la nouvelle saison que je rappelle à votre bon souvenir cette saison 2.
Après une première saison qui avait permis à Garrow's Law de trouver progressivement ses marques dans l'entre-deux genres que la série ambitionnait d'investir, mêlant legal drama et period drama, cette deuxième saison lui a permis de pleinement exploiter le potentiel entrevu. Non seulement, elle a su faire preuve d'une maîtrise égale pour mettre en scène son volet judiciaire, mais elle l'a complété d'un volet humain souvent touchant, en explorant plus avant les personnages. Elle a ainsi proposé une suite de quatre épisodes particulièrement aboutie, où aux affaires jugées à Old Bailey s'est greffé un fil rouge plus personnel impliquant les principaux protagonistes. De qualité constante, elle a su profiter de son format court qui, non seulement lui permet d'éviter l'écueil de toute répétition ou lassitude, mais justifie aussi le soin particulier accordé à chacune des histoires traitées.
Dans la continuité de ce qui faisait la force de sa première saison, il est tout d'abord un point sur lequel Garrow's Law est restée fidèle à elle-même : c'est la rigueur avec laquelle elle traite de ses affaires judiciaires. S'inspirant des archives du tribunal de Old Bailey, elle a toujours apporté un réel soin à la reconstitution historique des procès dans lesquels William Garrow intervient. Nous plongeant dans cette cour, où la publicité des instances les transforment souvent en un théâtre d'expression de l'opinion publique, la série capture à merveille l'atmosphère fébrile et tendue qui y règne. Les cas évoqués sont toujours très diversifiés, comme le montre une nouvelle la saison 2 (vol, qualité de l'esclave, corruption au sein de la marine, adultère, sodomie), ce qui permet de balayer de manière complète le droit de l'époque, mais aussi d'apporter un éclairage passionnant sur les moeurs sociales et judiciaires.
Ces jugements restent en effet le reflet de la société londonienne du XVIIIe siècle. Non seulement, ils soulèvent des questions propres à l'époque, notamment l'inégalité d'une justice prompte à juger en fonction du statut social, mais ils éclairent également les rouages d'un système judiciaire encore bien éloigné des principes aujourd'hui consacrés - au moins théoriquement. Comment ne pas être frappé par la disproportion ou par l'absence d'individualisation de certaines peines infligées, qui ne prennent en compte ni les circonstances, ni la personne de l'accusé ? Garrow's Law est une rareté au sein des séries judiciaires actuelles : elle a le mérite de revenir à une époque de genèse de notre droit - notamment pénal - moderne, permettant de prendre conscience du chemin parcouru. Le combat de William Garrow, notamment pour affirmer les droits de la défense avec son utilisation du contre-interrogatoire, représente des balbutiements qui tendent vers un changement plus profond. En formulant distinctement des problématiques judiciaires fondamentales, la série rappelle que ce système reste le fruit d'un constant mouvement de balancier, arbitrage fragile entre les droits individuels des parties, mais aussi l'intérêt collectif de la société, et replace ainsi au coeur des enjeux les acteurs mêmes du procès.
Au-delà de cette approche propre à un legal drama se déroulant au XVIIIe siècle qui fait la particularité de Garrow's Law, la réelle valeur ajoutée de cette deuxième saison aura été le développement de la dimension humaine de la série. Si la première avait su par intermittence amorcer l'exploration de certains des personnages, ces quatre épisodes auront permis un approfondissement des relations qu'ils ont nouées. Les portraits des différents protagonistes y gagnent en nuances, et en épaisseur. Ainsi, au sein même du tribunal, les rapports professionnels, conflictuels ou concurrentiels, que William Garrow peut entretenir avec son rival de toujours, Silvester, ou encore avec le juge Buller, laisseront place, lorsque cela sera nécessaire, à une forme de solidarité, mue par le respect réciproque que peuvent nourrir ces juristes qui n'en demeurent pas moins des hommes avec des principes, derrière le masque qu'ils arborent durant les procès.
Cependant la relation au centre de cette saison, celle qui va constituer le fil rouge à la fois personnel et judiciaire, reste bien entendu celle de Lady Sarah et de William Garrow. Si la storyline se développe au détriment de Sir Arthur, lequel s'enferme dans une jalousie paranoïaque excessive, elle a l'indéniable mérite de permettre d'éclairer la nature, mais aussi la force, des sentiments qui unissent les deux jeunes gens. Les épreuves que ces derniers doivent affronter au fil de la saison, devant faire face à une menace de ruine morale et financière, servent de révélateur pour chacun d'eux. Le refus de transiger de Sarah, qui n'acceptera pas de sacrifier William pour la possibilité de revoir son fils, sera une décision particulièrement forte. Quant à la lente descente aux enfers de l'avocat, prenant peu à peu conscience de la fragilité de sa situation et de ce qu'il risque, elle jette un autre éclairage sur un personnage jusqu'alors redresseur de torts inflexible et souvent trop sûr de son bon droit. La remise en cause qu'entraîne le procès atypique qui conclut la saison humanise considérablement William Garrow, et fortifie l'attachement que peut éprouver le téléspectateur à l'égard de la série.
Bilan : De qualité constante, construite de manière plus ambitieuse et aboutie, la saison 2 de Garrow's Law aura été une double réussite. Non seulement la série a su confirmer son admirable maîtrise dans son volet judiciaire et historique toujours particulièrement passionnant, mais elle a également pris le temps d'approfondir une assise humaine permettant d'impliquer émotionnellement le téléspectateur aux côtés des différents protagonistes, et plus particulièrement de William Garrow. Cette saison 2 a donc été un ensemble très consistant que j'ai suivi avec beaucoup de plaisir.
Rendez-vous la semaine prochaine pour la saison 3 !
NOTE : 8/10
Le générique de la série :
Une des scènes marquantes de la saison (épisode 4) :
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28/11/2010
(UK) Garrow's Law, series 2 : un passionnant legal drama au XVIIIe siècle
Ce mois de novembre était synonyme de retour pour plusieurs séries que j'avais pris plaisir à suivre l'an dernier. Si je partage plus souvent sur ce blog mes réactions au sujet des dernières nouveautés téléphagiques, il faut y voir plus l'excitation de la découverte (et un arbitrage brise-coeur pour choisir les sujets des critiques) qu'un désintérêt pour ces séries entamant leur deuxième, voire plus avancée, saison. A la télévision britannique, ce sont les inédits de deux fictions extrêmement différentes que j'attendais avec une relative impatience ; l'ambiance inimitable, vaguement déglinguée, des héros de Misfits et l'atmosphère embrumée des prétoires du XVIIIe siècle, théâtres des passes d'armes initiées par William Garrow, avec Garrow's Law.
On parle pas mal de la première sur les réseaux sociaux que je fréquente, beaucoup moins de la seconde, ce qui m'attriste bien. En ce qui me concerne, je ne vous cache pas que j'avais actuellement sans doute plus besoin d'un solide legal drama dans lequel m'investir. C'est donc l'occasion ou jamais de rappeler la série à notre bon souvenir. D'autant plus que, quoi de plus opportun que de mettre le XVIIIe siècle à l'honneur cette semaine ? Car vendredi prochain marque le retour d'une des séries françaises que j'attends et aime à savourer toujours avec beaucoup de plaisir : Nicolas le Floch.
Au cours des dernières semaines, j'ai pu lire ou assister, voire prendre part, à certains débats sur l'opportunité des reconstitutions historiques télévisées (notamment au sujet de Boardwalk Empire). Je ne vous cache pas que je reste dans une certaine incompréhension face aux enjeux de cette problématique qui ferait des séries se déroulant dans le passé une sorte de sous-genre, où la valeur-ajoutée scénaristique se réduirait au seul aspect folklorique des décors, subterfuge censé aveugler le sens critique de ses téléspectateurs. A défaut de comprendre tous les arguments, j'ai au moins pu cerner un des reproches adressés à cette catégorie, qui pourrait se schématiser ainsi : faire de l'historique, pour de l'historique, en oubliant de construire une histoire. Face à ces critiques, j'ai envie de simplement revenir sur ce premier épisode de la saison 2 de Garrow's Law, qui a été diffusé le 14 novembre dernier sur BBC1.
Reprenant avec maîtrise son fil narratif, la série réintroduit efficacement chacun de ses personnages dans leur vie personnelle et professionnelle, retrouvant rapidement un équilibre entre ces deux sphères, dans la droite continuité de la saison passée. Tandis que Lady Sarah Hill renoue avec son époux, miné par la gangrène d'une jalousie dévorante qui l'amène à se persuader que l'enfant de Sarah n'est pas le sien, mais le fruit des fidélités de sa femme avec William Garrow, des assureurs de Liverpool contacte ce dernier pour une question de fraude à l'assurance touchant un commerce particulier : la traite d'esclaves. Un navire s'est en effet débarrassé de 133 esclaves, les jetant à la mer, après avoir risqué d'être à court d'eau potable. Mais cette perte financière, indemnisée initialement et conséquence d'un voyage plus long que prévu, serait due à la faute du capitaine, non aux intempéries maritimes.
S'il est une chose qu'il faut saluer dans Garrow's Law, ce n'est pas seulement la rigueur avec laquelle elle s'attache à faire revivre le parfum des prétoires du londonien Old Bailey, mais c'est aussi la manière dont elle réussit à nous dépeindre l'esprit d'une époque et les raisonnements qui y ont cours. Le tribunal s'apparente à une scène de théâtre, où les acteurs judiciaires présentent un spectacle dans lequel le public, omniprésent par ses réactions, occupe également une place centrale. Dans cette optique, tout en nous dépeignant des procès, dont certains s'assimileraient plus à une parodie amère de justice, la série s'est toujours beaucoup attachée à nous relater les rouages d'un système judiciaire, socialement discriminatoire, où la défense est le plus souvent privée de tous droits.
Par ce fait qu'elle va mettre en lumière un autre équilibre entre les acteurs judiciaires, où les différences procédurales par rapport aux legal dramas contemporains sauteront aux yeux du téléspectateur, Garrow's Law trouve une résonnance particulière, bien plus moderne que les pourfendeurs des séries historiques ne pourraient l'imaginer. Qu'est-ce que le droit, si ce n'est un mouvement de balancier permanent, symptomatique d'arbitrages incessants et de recherches d'équilibres entre des intérêts divergents. En relatant cette genèse de la prise en compte de nouvelles figures sur la scène judiciaire, en assistant à l'introduction de préoccupations jusqu'alors inexistantes, la série nous invite certes à découvrir un processus historique que les réflexions du tourbillonnant XVIIIe siècle ont amorcé. Mais elle permet aussi, par contraste, de révéler des enjeux fondamentaux, inhérents à tout système judiciaire ; des bases sur lesquelles les séries modernes ne prennent pas forcément le temps d'insister, tout simplement parce qu'elles les considérent, à tort ou à raison, comme de simples acquis anecdotiques.
Garrow's Law n'est pas seulement une reconstitution historique, c'est une déconstruction et mise au grand jour des rouages de la justice ; un apport intemporel, bien loin de ces idées "folklores télévisés costumés" dans lesquels certains tendent à réduire ces fameuses séries historiques.
A ce titre, ce premier épisode de la saison 2 propose un retour solide, en offrant un éclairage, non pas tant sur des questions de procédure, que sur le statut de l'esclave. Le gouffre entre l'atrocité des faits commis et l'angle juridique proposé dans l'affaire du jour jette incontestablement un voile moral trouble sur l'affaire, William Garrow étant mandaté pour plaider une simple fraude à l'assurance, qualification juridique profondément déshumanisée qui laisse le téléspectateur glacé, alors que ce sont 133 êtres humains qui ont été jetés, sans arrière-pensée, à la mer. Ces morts ne sont prises en compte que sur un plan strictement patrimonial, tandis que viennent se greffer, en toile de fond, des enjeux commerciaux et géopolitiques qui amènent des personnalités politiques à intervenir. Comme attendu, le procès prend une tournure particulière à partir du moment où Garrow essaye de replacer dans les débats cette notion d'humanité obstinément exclue par le droit. Mais la conclusion sera à l'image de cette première affaire à l'arrière-goût désagréable.
Si la thématique du jour se révèle pesante, tout en étant traitée de manière rythmée et très convaincante, ne laissant aucun répit à un téléspectateur dont l'attention ne faiblit jamais, la force de Garrow's Law, c'est aussi le fait de ne pas oublier d'apporter une touche humaine à ce tableau de la justice anglaise du XVIIIe siècle, en s'intéressant à la vie personnelle de ses personnages. Non qu'il y ait une réelle originalité dans le traitement des relations qu'elle met en scène, mais cela a le mérite d'offrir un pendant au judiciaire, permettant des parenthèses bienvenues. Cependant, dans l'épisode du jour, l'atmosphère y est tout aussi lourde, abordant peut-être un point de non-retour dans les chaotiques aspirations amoureuses de William Garrow. Car voilà Lady Hill en fâcheuse posture, possiblement ruinée financièrement et socialement, si son mari poursuit la procédure de séparation particulière qu'il semble avoir choisie. Ce volet de la narration risque de ne pas être très reposant non plus dans les prochains épisodes.
Si le fond est solide, bénéficiant d'un sujet passionnant, la forme ne dépareille pas. La photographie, soignée mais dont les couleurs restent d'une sobriété travaillée, est à l'image, un peu grise, vaguement terne, de cette justice ambivalente ainsi mise en scène. La réalisation est travaillée, proposant des plans intéressants. Sans avoir pour objectif d'être un de ces costume drama censés éblouir, Garrow's Law offre une immersion qui sonne juste et une reconstitution sérieuse à saluer.
Enfin, le dernier atout fondamental de la série réside incontestablement dans son casting, à commencer, surtout, par son acteur principal, Andrew Buchan (Party Animals, Cranford, The Fixer), que ce rôle aura vraiment consacré à mes yeux. Son interprétation de cet avocat qui, au-delà de ses idéaux, n'hésite pas à s'investir pleinement et à se battre judiciairement pour ce en quoi il croit, est vraiment très convaincante. A ses côtés, on retrouve d'autres têtes familières du petit écran britannique, comme Alun Armstrong (Bleak House, Little Dorrit), Lyndsey Marshal (Rome, Being Human), Rupert Graves (Midnight Man, Sherlock, Single Father), Aidan McArde (All about George, Beautiful People) ou encore Michael Culkin (Perfect Strangers).
Bilan : Garrow's Law dispose de tous les attributs qualitatifs d'un solide legal drama, son atout supplémentaire - et par là même, sa pointe d'originalité - étant que la série se déroule au XVIIIe siècle. Sans opérer de révolution narrative particulière, elle s'attache avec beaucoup de soin à dépeindre une époque judiciaire particulière, sujette à des mutations fondamentales, et où de nouvelles préoccupations apparaissent, reflet des tourbillonnements idéologiques de cette période.
Au final, si elle ne peut sans doute pas être qualifiée d'incontournable, elle remplit de façon convaincante les objectifs non démesurés qu'elle s'était fixée : une reconstitution déconstruisant, avec une résonnance à la fois historique et intemporelle, les rouages d'un système judiciaire. C'est amplement suffisant pour mériter le détour.
NOTE : 7,5/10
Le générique de la série :
(Merci à Critictoo)
La bande-annonce de la saison 1 :
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27/08/2010
(Mini-série UK) Perfect Strangers : une fascinante introspection familiale et personnelle
Parmi mes achats DVD "from England" de l'été (si jamais la Beeb envisage d'expatrier un de ses stores par chez moi, je lui signale la candidature de mon appartement qui peut d'ores et déjà faire office d'antenne, au vu de tous les coffrets "BBC DVD" qui s'y empilent), j'ai commandé plusieurs productions signées Stephen Poliakoff. Si j'avais souvent entendu parler de ses fictions, je dois dire que je n'avais pas eu l'occasion d'en voir beaucoup jusqu'à présent. Histoire de corriger cette inculture tragique, j'ai donc fait quelques investissements.
La première production dans laquelle je me suis lancée est une mini-série, composée de 3 épisodes, datant de 2001 : Perfect Strangers. Certes, outre les échos positifs glanés ça et là, pour ne rien vous cacher, les noms du casting m'avaient un peu attiré l'oeil, à commencer par la perspective d'y retrouver Matthew Macfadyen (on ne se refait pas). Mais au-delà des performances d'acteurs à souligner, j'ai vraiment été fascinée par le style et l'ambiance qui se dégagent de Perfect Strangers. Une belle immersion intemporelle et universelle dans des rouages familiaux pour un très solide Poliakoff.
Perfect Strangers, c'est une fascinante introspection familiale, d'une richesse et d'une justesse qui méritent vraiment d'être soulignées. L'histoire débute par la volonté du patriarche d'une grande famille, les Symon qui étaient autrefois très fortunés, de réunir les siens lors d'un week-end où explorations des arbres généalogiques et retrouvailles avec de vieilles images d'archives seront au programme. Raymond Symon a depuis des années coupé les ponts avec cette branche clinquante de sa famille, vivant désormais en "exil" du côté de Hillingdon. Cependant, il reçoit lui-aussi la fameuse invitation au week-end. Après bien des tergiversations, il se laisse convaincre d'accepter par sa femme et son fils unique, Daniel. C'est à travers les yeux de ce dernier que vont nous être relatés les différents évènements de ces vastes retrouvailles familiales qui offriront à ses participants une forme de retour aux sources parfois douloureux, mais, en un sens, regénérateur.
Le téléspectateur se retrouve progressivement immergé dans ce monde inconnu aux côtés d'un Daniel aussi perdu. Derrière l'apparence luxueuse, aux allures si policées qui est proposée aux premiers abords, c'est le portrait d'une famille bien vivante et entière qui va être dressé, avec ses codes, ses non-dits et ses blessures passées ; avec ses paradoxes, ses vitalités et ses secrets... Daniel se lie notamment, d'une façon étrangement naturelle quasi-instantanée, avec deux cousins éloignés, dont l'histoire personnelle est marquée par un drame qu'ils n'ont jamais dépassé. Stimulé par les trouvailles étonnantes de Stephen, l'archiviste auto-proclamé de la famille, chacun entreprend un voyage en lui-même, dans ses souvenirs effacés ou les quelques bribes qu'il lui reste encore, découvrant ainsi des pans oubliés, secrets de famille ou anecdotes rarement évoquées, qui résonnent de façon particulière en chacun d'eux. Plus qu'une réunion, Perfect Strangers est une invitation à se découvrir soi-même en découvrant sa famille.
Cette introspection familiale, sous ses ressorts classiques, se révèle captivante à plus d'un titre, en partie parce que ce sont des parcours finalement très personnels que nous allons suivre sous couvert de ce mouvement collectif. L'enjeu ne réside pas dans les routes tortueuses empruntées qui vont conduire au récit d'anecdotes symboliques, mais dans la façon dont l'expérience va directement toucher les personnages. La portée métaphorique des souvenirs est pleinement exploitée. A mesure que la vision des uns et des autres évoluent sur ceux qui les entourent, c'est sur eux-mêmes qu'ils changent également de perspective. Il est assez troublant d'assister à cette réflexion quasi-identitaire, initiée avec une sobriété très intimiste qui sonne souvent tellement juste.
Très solide sur le fond, Perfect Strangers l'est également sur la forme, bénéficiant sur ce point d'une très grande maîtrise, dans la droite lignée des BBC dramas de haut standing. Sa réalisation est certes classique, mais elle sait admirablement bien mettre en valeur et jouer sur le décor luxueux dans lequel les protagonistes évoluent, sans tomber dans un clinquant excessif. C'est classe, sans être prétentieux. L'ambiance un peu indéfinissable, entre nostalgie et mélancolie, est accentuée par le choix et l'utilisation des thèmes musicaux. Ces derniers s'inscrivent en parfaite adéquation avec la tonalité de la série, notamment la musique récurrente au piano qui donne vraiment une marque à ce beau drama, contribuant à une certaine impression d'intemporalité et d'universalité des thèmes abordés. C'est ainsi très plaisant de voir la forme, non seulement venir en soutien du contenu, mais surtout finir par ne faire qu'un avec lui, complément naturel, sans jamais trop en faire.
Enfin, parachevant l'ensemble, il est difficile de trouver qualificatifs suffisamment louangeurs pour évoquer les performances du casting. J'ai déjà mentionné la présence de Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorrit, The Pillars of the Earth), qui trouve ici le juste équilibre entre l'assurance naturelle de son personnage et les hésitations légitimes d'une jeunesse inexpérimentée face à un milieu et surtout des gens dont il ignore tout. Si c'est à travers ses yeux que le téléspectateur suit l'histoire, il est loin d'être le seul à avoir l'opportunité d'y briller. Michael Gambon (Wives and Daughters, Emma) offre une prestation bluffante, en vieil homme sarcastique, un brin aigri, que ces retrouvailles douloureuses vont marquer plus qu'il aurait pu le penser. Son discours bouleversant lors du "karaoké familial" improvisé restera comme une des scènes les plus marquantes de la mini-série. Lindsay Duncan (Rome) est, elle-aussi, absolument magistrale, dévoilant toute la classe inhérente à cette actrice vraiment fascinante. On retrouve également à leurs côtés Claire Skinner (Life begins, Trinity), Toby Stephens (Cambridge Spies, Jane Eyre, Vexed), Timothy Spall (The Street) et encore Michael Culkin (Garrow's Law).
Bilan : Fascinante et troublante introspection, Perfect Strangers explore les ressorts qui régissent et font le coeur de chaque famille, de manière intemporelle. C'est avec une subtilité et une pudeur pleine de tact que cette mini-série souligne les paradoxes et les dynamiques qui se trouvent cachés sous les apparences policées des Symon. En redécouvrant un passé oublié, en se re-saisissant d'un héritage non liquidé, c'est finalement le présent qui est éclairé sous un jour nouveau. Cette réunion et toute la nostalgie passée qu'elle fait remonter va, à terme, servir à chacun pour en apprendre plus sur lui-même.
S'inscrivant dans une ambiance étonnamment envoûtante et vraiment fascinante, Perfect Strangers est une belle mini-série, sur le fond comme sur la forme, tour à tour légère, touchante, émouvante et rafraîchissante, qui ne laissera pas le téléspectateur insensible et que l'on quittera songeur devant son petit écran.
NOTE : 9/10
Les premières minutes du premier épisode :
22:29 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bbc, perfect strangers, stephen poliakoff, matthew macfadyen, michael gambon, lindsey duncan, claire skinner, toby stephens, timothy spall, michael culkin | Facebook |