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21/09/2014

(US) E.R. (Urgences) : petit hommage à une série fondatrice

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Si ce dimanche marque le véritable coup d'envoi de la rentrée des networks américains, la semaine écoulée a été marquée par un autre type de célébration. Une rentrée plus ancienne occupait l'esprit du sériephile enclin à la nostalgie, celle de 1994. Il y a déjà vingt ans (et deux jours), NBC lançait en effet une série qui n'a pas usurpé le qualificatif souvent galvaudé de "générationnelle". Un style, une durée et des personnages qui en ont marqué plus d'un : c'était E.R. (Urgences). Débutée en 1994, elle n'a débarqué qu'à l'été 1996 en France. Elle allait pourtant créer un rituel télévisuel automnal incontournable, allégeant d'autant le retour sur les bancs du collège ou du lycée (pour les premières saisons en ce qui me concerne). Installés devant France 2, nous terminions immanquablement le week-end dans les couloirs du Cook County. Suivant ainsi le chemin défriché par X-Files sur M6, Urgences a contribué à asseoir les séries américaines en prime-time, familiarisant le téléspectateur, dans cette ère sans haut débit, à la temporalité sériephile.

Urgences est un des monuments fondateurs de ma passion pour le petit écran. Elle est sans doute arrivée un peu tôt pour produire le déclic que provoquera cinq ans plus tard A la Maison Blanche, mais elle a construit, avec quelques autres séries de sa décennie, mon éducation sériephile et des réflexes toujours bien présents. Cette série populaire réunit les ingrédients qui représentent encore aujourd'hui, à mes yeux, l'essence même de ce que doit être une œuvre télévisée. Au sein de ce service des urgences de Chicago, ce sont autant d'importants enjeux liés aux services de santé, et de manière générale de grands thèmes de société, qui faisaient irruption dans le sillage des patients se succédant à l'hôpital. Le cadre se prêtait parfaitement à une fiction, permettant de jouer sur une dimension théâtrale et un rythme incertain et changeant, capable de s'emballer comme peu de récits. Pour reprendre l'expression chère à Martin Winckler, Urgences était un véritable "miroir de la vie", reflet réaliste, esquissé sans complaisance, d'une grande ville américaine, de sa population et des problématiques auxquelles elle était confrontée.

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Vingt ans après, demeure le souvenir d'une longue chronique de société, seulement achevée en 2009, au terme de 15 saisons. Le parcours n'a pas été homogène, avec des accidents et une qualité devenue en dents de scie. Par-delà l'importance du discours tenu et des thèmes traités, la force d'Urgences a aussi été de savoir reposer sur un facteur humain déterminant pour l'engagement du téléspectateur. Certes, avec le recul, il me faut constater que c'est l'équipe des premières saisons qui est restée inchangée dans ma mémoire. Les autres personnages, condamnés à n'être que d'éternels nouveaux venus, ont été les greffes d'un renouvellement nécessaire qui, inconsciemment ou non, n'a jamais été totalement enregistré. Pour autant, le lien humain ne fut pas rompu. Une des règles classiques du scénariste, pour immerger le téléspectateur dans les codes d'un univers particulier, est d'utiliser comme clé d'entrée narrative un nouveau. Urgences est de celles qui ont réussi cet exercice au-delà de toutes espérances. Débarqué durant le pilote avec sa blouse blanche immaculée trop bien taillée, Carter a été l'âme de la série. Il a mûri devant nous et est resté notre fil rouge. Je reconnais n'avoir jamais pu regarder que par intermittence les saisons où il a été absent.

Enfin, si Urgences a été une fiction capitale à plus d'un titre, elle n'est pas seulement une œuvre à analyser et à intellectualiser pour y trouver une radiographie de la société américaine d'alors. Elle a légué au téléspectateur bien plus que cela, avec quelques flashbacks à jamais profondément ancrés dans le panthéon du sériephile. Ce sont des scènes qui pincent encore le cœur et humidifient les yeux comme au premier visionnage lorsqu'elles se rejouent dans nos têtes, ou lorsqu'on les recroise au détour d'une rediffusion. Parce que personne n'oubliera jamais Lucy, agonisant dans cette salle des urgences tandis que le service fait la fête à côté, inconscient du drame qui se noue. Parce que la chanson Over the rainbow, à la légèreté entêtante, est restée celle d'un adieu. Urgences a laissé à son téléspectateur une suite de souvenirs empreints d'émotions brutes, intacts après toutes ces années, et que l'on chérit toujours comme autant de parts de ce monument télévisuel protéiforme.

En résumé, Urgences a posé sa marque indélébile, dans des registres bien différents, sur l'univers des séries télévisées. Il faut donc me pardonner cet élan nostalgique, mais ces 20 ans d'anniversaire méritaient bien un billet dominical, un hommage forcément trop court mais une petite célébration nécessaire... le tout avant de se lancer dans la nouvelle saison des networks US.

 

Somewhere over the rainbow...

22/10/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 13 : The Wedding of River Song

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Trois semaines après la diffusion du season finale de Doctor Who, je m'attelle enfin à l'écriture de sa review. Si j'ai longtemps reporté ce moment, c'est d'abord parce que je suis ressortie de cet épisode initialement assez déroutée. Ne sachant trop comment analyser ce sentiment mitigé, j'ai donc décidé de prendre un peu de recul avant de rédiger mes impressions.

Si bien qu'au cours de ces deux dernières semaines, je me suis donc replongée dans les épisodes clés de la saison 6. J'ai revu ce season finale. Deux fois. Et, surprise, je l'ai de plus en plus apprécié au fil de mes visionnages. Si bien que s'il y a 15 jours, je vous aurais dit que cet épisode ne m'avait pas semblé tenir toutes les promesses de cette saison ; aujourd'hui, j'ai plutôt envie d'écrire qu'au contraire, en bien des points, toutes les pièces du puzzle se sont emboîtées et que c'est vers le futur que la série se tourne désormais.

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Londres, 22 avril 2011. 17h02. Le temps s'est arrêté. Ou plutôt, toutes les ères se sont confondues et tout se déroule en même temps, éternellement bloqué le même jour, à la même heure. Tandis que des voitures-mongolfières parcourent une Londres embouteillée, où l'on croise aussi bien des chars tirés par des chevaux, patientant aux feux de croisement, que des dinosaures qui s'en prennent à des imprudents dans les parcs de la ville.

L'Empereur Winston Churchill gouverne depuis Buckingham, mais il perçoit bien que quelque chose ne va pas. Il demande alors à revoir un homme, considéré comme dérangé, qui affirme savoir ce qu'il se passe... le Docteur. Ce dernier va alors lui raconter les événements qui ont conduit à cette étrange situation. Si l'astronaute et les évènements du lac sont un point fixe dans le temps, cela ne signifie pas qu'il ne s'est pas préparé à la confrontation à venir avec le Silence et ses alliés. Seulement tout ne s'est pas déroulé comme prévu durant le face-à-face tant redouté au cours duquel le Docteur est censé trouver la mort...

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The Wedding of River Song débute à la hauteur des attentes du téléspectateur pour une série qui nous a toujours habitué à se conclure avec un sens de la mise en scène, n'hésitant pas à verser dans la démesure. La reconstitution d'un Londres, où toute l'Histoire de la Terre se déroule simultanément, donne d'emblée le ton d'un épisode qui entend non seulement évoquer, mais aussi véritablement entremêler les grandes thématiques de la saison. Ce mélange donne en décor un arrière-plan impressionnant, parfait pour nous permettre de suivre le récit du Docteur tandis qu'il relate ses préparatifs jusqu'à l'instant fatidique où tout a déraillé. Si le déroulement de l'épisode peut surprendre, c'est que son réel enjeu n'est pas celui annoncé en apparence : la mort du Docteur, voire le moyen qui lui permettra d'esquiver cette funeste destinée, ne semblent déjà plus centraux.

The Wedding of River Song s'attache en réalité à refermer une autre boucle, ouverte bien avant cette saison 6 : il vient consacrer et sceller définitivement la relation du Docteur et de River. Le refus de cette dernière de jouer le rôle qui lui est assigné explique l'effondrement du temps. Au cours de la discussion au sommet de la pyramide, le Docteur va pour la première fois véritablement admettre que River n'est pas un de ses compagnons à l'égard duquel il peut conserver ses secrets, fonctionner en non-dit, voire en manipulation. Elle a une autre dimension : elle s'impose comme son égale, non seulement prête, mais aussi capable de défier le temps. Elle ne lui offrira pas sa coopération aveugle pour un plan dans lequel, lui-seul, conserverait une longueur d'avance. C'est seulement en acceptant l'importance de River et en en tirant toutes les conséquences que le Docteur résoudra le vrai noeud de l'épisode : celui de synchroniser les aspirations et de consacrer l'égalité au sein d'un couple qui peut désormais véritablement se considérer comme tel.

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Avoir affronté cette épreuve, non pas dans la solitude habituelle du Time Lord, mais bien en faisant front commun avec River, constitue le véritable parachèvement de la saison. Je pense que cela explique mon impression mitigée initiale. En effet, alors qu'on aurait pu s'attendre à un final explosif à la manière traditionnelle de Russell T. Davies, dans The Wedding of River Song, nous n'assistons pas à une confrontation avec les ennemis de la saison : Madame Kovarian, de la plus symbolique des façons, apparaît déjà dépassée. C'est aussi pour cela que l'ultime twist qui permet au Docteur d'échapper à la mort, sans pour autant perturber irrémédiablement les lignes temporelles, semble presque anecdotique. On pourrait  lui reprocher une facilité déconcertante au vue de toute la construction de la saison pour en arriver à ce point, mais l'enjeu était ailleurs. Le choix de Steven Moffat a été de ne pas écrire un épisode pour finir en apothéose, mais tout simplement de refermer, sobrement et logiquement, un arc narratif qui a rempli son objectif ; lequel ne concernait que la relation de River et du Docteur.

Par rapport au temps de Russell T. Davies, cela peut dérouter. Mais toute la structure de l'épisode vient justifier et valider ce parti pris narratif. The Wedding of River Song se contente de tirer tous les enseignements de l'évolution de la saison concernant River, tout en se tournant déjà vers le futur. Les ennemis de la saison 6 sont déjà ceux d'hier. D'autres questions demeurent qui retiennent notre attention. Elles touchent bel et bien au coeur et à l'âme de la série, puisqu'elles sont relatives au Docteur. En bien des points, The Wedding of River Song pose avant tout les bases du futur de la série. Il ne s'agit pas de raconter le comment de la résolution d'un arc, mais plutôt d'éclairer son apport en donnant rendez-vous pour la suite. 

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On the fields of Trenzalore,
at the fall of the Eleventh,
when no living creature could speak
falsely, or fail to answer,
a question will be asked.
A question that must never,
ever be answered.

The question that must never be
answered, hidden in plain sight.
The question you've been
running from all your life.

Doctor who?

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Bilan : The Wedding of River Song n'est pas un season finale comme il était de coutume de classiquement les attendre depuis 2005 dans Doctor Who. Loin de s'intéresser à mettre en scène une confrontation finale démesurée face aux ennemis désignés de la saison, il se concentre sur le véritable enjeu de cet arc, bouclant une autre boucle autrement plus importante en consacrant enfin la relation du Docteur avec River, véritablement unis dans l'adversité et rompant ainsi avec la solitude traditionnelle du Time Lord. Ce season finale collecte en fait les conséquences logiques des évènements de la saison écoulée, tout en se tournant résolument vers le futur.

Finalement, une fois le moment de surprise initiale passée et si je reconnais qu'il m'a dérouté, je crois que c'est sans doute avec une consistance bien plus solide qu'initialement perçue lors du premier visionnage, que cette saison 6 se termine.

Rendez-vous à Noël ! 


NOTE : 8/10


La bande-annonce de l'épisode :

29/08/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 8 : Let's Kill Hitler

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Le mois d'août touche à sa fin, tout comme l'ambiance estivale de vacances... à laquelle va succéder peu à peu un parfum caractéristique de presque-rentrée téléphagique. En Angleterre, un retour en particulier était attendu  ce samedi pour nous aider à clôturer l'été. Il faut dire que, mine de rien, il manque vraiment quelque chose à mes week-ends lorsque Doctor Who déserte sa case du samedi soir sur BBC1. Conséquence du hiatus forcé que le téléspectateur aura subi devant cette saison 6 coupée en deux, que l'on avait abandonnée au printemps, c'est avec un plaisir décuplé que j'ai savouré cette reprise.

Ce huitième épisode portait un titre pour le moins provoquant, "Let's kill Hitler", soulevant bien des interrogations sur la manière dont cette incursion dans l'Allemagne des années 30 pouvait être traitée. Mais c'est finalement un épisode fortement mythologique, emboîtant diverses pièces du puzzle mystérieux de l'univers de la série, qui nous est ici proposé. Écrit par Steven Moffat, le téléspectateur y retrouve non seulement une construction narrative riche en paradoxes temporels, mais aussi et surtout des réponses et beaucoup d'émotions autour du vrai sujet de l'épisode : la genèse de River Song.

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Plusieurs mois se sont écoulés depuis les déchirants évènements de l'épisode précédent qui avaient vu le Docteur impuissant à empêcher l'enlèvement de Melody Pond par ses ennemis les plus résolus. Ils souhaitaient transformer l'enfant, humaine mais ayant aussi des capacités de Time Lord, en arme contre le Docteur. L'ultime twist final, la révélation de l'identité future de Melody, n'avait apporté qu'un réconfort très limité aux parents qu'étaient devenus Amy et Rory. Melody Pond est River Song. Mais entre le bébé qu'ils ont tenu dans leurs bras et la femme adulte et provocatrice qu'ils connaissent, combien de temps, combien d'épreuves, a-t-elle traversé ?

Lassés d'attendre des nouvelles qui ne viennent pas, Amy et Rory appellent le Docteur en traçant son nom dans un champ de blé - ce qui nous offre une des plus hilarantes introduction de pré-générique qui soit. Si les recherches de ce dernier ont pour le moment été infructueuses, leurs retrouvailles sont interrompues par l'arrivée mouvementée d'une amie d'enfance du couple, Mels. Si l'obsession d'Amy pour le Docteur a également grandi chez elle, la jeune femme a des méthodes bien à elle : poursuivie par la police, elle sort un revolver et enjoint le trio à l'embarquer à bord du Tardis. "You've got a time machine, I've got a gun. What the hell - let's kill Hitler."

Le quatuor attérit en catastrophe à Berlin, en 1938... dans le bureau même de Hitler, où nos héros viennent perturber d'autres voyageurs temporels, miniaturisés dans une machine humanoïde investis, d'une mission de justiciers pour envoyer en enfer - au sens propre du terme - les pires criminels de guerre de l'histoire de l'humanité.

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Let's kill Hitler est un de ces épisodes proprement réjouissants où on retrouve l'ambiance dont la série a le secret. Il nous emporte dans un tourbillon de répliques marquantes et/ou cinglantes, nous renvoyant à tout un kaléidoscope d'émotions les plus diverses, passant de l'humour au drame en quelques secondes avec une fluidité et une habilité d'écriture souvent grisantes. S'il suscite cet enthousiasme caractéritisque des bons épisodes de Doctor Who, c'est aussi parce qu'il offre de quoi récompenser la fidélité du téléspectateur : des réponses sur un thème central de la série sous Steven Moffat : la mythologie autour du personnage de River Song. Car après nous avoir fait vivre la naissance à la vie de Melody, cette fois, c'est la réelle naissance de River Song qui nous est racontée. Comment est-elle passée de la jeune femme endoctrinée et entraînée pour assassiner le Docteur à l'aventurière qui nous est devenue familière ? Au coeur des lignes de temps qui s'entrecroisent pour nos héros, c'est sa première rencontre, de sa perspective, avec le Docteur que l'on va vivre.

Si les premières minutes entretiennent volontairement le suspense sur l'orientation de l'épisode, Hitler va rapidement être évacué, enfermé dans le placard, tandis que le véritable enjeu apparaît lorsque Mels, touchée par une balle perdue, se regénère en une figure que nous connaissons bien : River Song. Indirectement, Rory et Amy auront bien d'une certaine manière élevé leur fille... Investissant un registre à la tonalité étonnamment versatile, le premier échange entre la jeune femme et le Docteur, particulièrement brillant, est vraiment jouissif : les réparties fusent et, à la manière d'une partie d'échecs, chacun anticipe les actions de l'autre, River cherchant à accomplir la mission pour laquelle elle a été programmée, le Docteur se contentant de se défendre. C'est l'occasion de découvrir une autre facette de River : une attitude inconséquente, où sont exacerbées l'arrogance et les certitudes de la jeunesse, sans conscience, ni limites. Parce qu'elle le connaît parfaitement, elle va effectivement atteindre son but, empoisonnant le Time Lord, permettant ainsi à l'épisode de basculer dans une seconde partie où, au divertissement intense des débuts, succèdent des passages où l'émotionnel et le psychologique prédominent.

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Car ensuite, ce n'est pas tant pour lui-même que pour l'âme de River - en quelque sorte - que le Docteur mourrant utilise ses dernières forces. La présence des justiciers miniaturisés qui voient désormais en River leur nouvel objectif, surpassant Hitler dans l'ordre de leur priorité, prend ici tout son sens. De la manière la plus symbolique qui soit, ce sont les liens familiaux que le Docteur réactive pour ouvrir le chemin de la rédemption, grâce à Amy et Rory. Ils ne peuvent laisser leur enfant, peu importe ses crimes supposés, être soumis au châtiment que les justiciers temporels veulent lui réserver. Provoquant une réaction en chaîne pour libérer River, c'est eux-mêmes qu'ils mettent en danger, prisonniers au sein de la machine. C'est alors vers celle qui est non seulement leur fille, mais aussi issue et liée au Tardis, que le Docteur, désormais trop faible, se tourne : elle doit sauver ses parents. Ce double sauvetage réciproque éveille quelque chose en River. La construction de l'épisode est à saluer car elle se fait tout en parallèle : en écho inversé à leur première rencontre dans la librairie, le Docteur murmurera quelque chose de déterminant à l'oreille de River. En prenant la décision de le sauver grâce à sa nature de Time Lord, la jeune femme commet un sacrifice qui nous apporte une réponse intéressante : elle utilise toutes ses régénérations pour le ressusciter, c'est pourquoi nous ne la connaîtrons jamais que sous cette apparence. D'où la fameuse dernière scène de la librairie.  

Ainsi, Alex Kingston restera à jamais la seule River. Ce qui n'est pas pour nous déplaire : l'actrice est brillante dans cet épisode où elle investit un registre un peu différent de ce à quoi elle nous avait habitué. Son alchimie avec Matt Smith est parfaite, les deux acteurs nous offrant des confrontations jouissives, aussi bien dans une dynamique de comédie que plus dramatique. L'épisode aura d'ailleurs aussi grandement mis à contribution Matt Smith, avec des scènes poignantes d'agonie qui, même si le téléspectateur sait pertinemment qu'il va y survivre, n'en demeurent pas moins touchantes. Dans l'ensemble, il faut d'ailleurs saluer la première réussite de Let's kill Hitler : être parvenu à nous faire vibrer pour un épisode au dénouement forcément très prévisible, et qui se déroule globalement comme il était légitimement attendu. Le revirement de River peut paraître presque précipité, mais il faut composer avec d'autres impératifs de la série : l'intrigue doit aussi progresser. Il fallait donc emboîter toutes les pièces pour parvenir au résultat logique, recentrant tous les mystères autour du Silence pour la suite de la saison. Remplissant parfaitement cet objectif, ces quarante minutes fonctionnent et s'apprécient ainsi sans arrière-pensée.

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Bilan : Souvent jubilatoire, toujours très dynamique, bien pourvu en répliques sonnantes, ce huitième épisode de la saison est, en dépit d'un titre provocateur mais quelque peu trompeur, avant tout une avancée mythologique qui satisfait en bien des points la fidélité d'un téléspectateur conquis. La magie de Doctor Who reste de savoir nous faire rêver, sans exiger non plus une rigueur excessive dans l'entremêlement caractéristique de toutes les lignes temporelles avec lesquelles la série jongle. En nous offrant des réponses sur la genèse de ce personnage si fascinant qu'est River Song, l'épisode permet donc de faire avancer l'intrigue, tout en laissant ouvertes bien des questions sur la fin de la saison. Un retour qui se savoure !


NOTE : 8,75/10


Le prequel de l'épisode :


[A noter que, par manque de temps, je ne suis pas certaine de pouvoir reviewer toute la fin de saison épisode par épisode. Je verrais comment je m'organiserai au fur et à mesure.]

09/07/2011

(Mini-série UK) Lost in Austen : un fantasme littéraire devient réalité

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Parmi les quelques rituels du vendredi soir que j'affectionne tout particulièrement se trouve notamment le plaisir de lancer un period drama anglais pour s'évader et conclure une semaine pesante. Hier, devant ma DVDthèque, j'ai finalement opté pour une mini-série atypique, mélange des genres assez savoureux et pour laquelle j'éprouve une tendresse particulière : Lost in Austen. Composée de 4 épisodes de 45 minutes chacun, elle fut diffusée sur ITV en 2008.

Dotée d'un indéniable charme, cette fiction s'adresse tout aussi naturellement au profane qu'au plus fidèle lecteur de Jane Austen, lequel y trouvera sans aucun doute une saveur particulière. Par sa fraîcheur et l'attrait naturel que cet univers familier exerce sur le téléspectateur, qu'il ait lu le livre d'origine ou vu une adaptation portée à l'écran, Lost in Austen est une de ces mini-séries agréablement dépaysante qui laisse libre court à notre imagination en proposant sa propre version de Pride & Prejudice.

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Amanda Price est une anglaise, moderne, vivant à Hammersmith. Pour tromper son quotidien et s'évader d'un job guère épanouissant et d'un petit ami avec lequel la relation est des plus distendue, elle se plonge dans son livre préféré, qu'elle connaît désormais par coeur : Orgueil & Préjugé. Rêvant de l'univers couché sur le papier par Jane Austen, de cette société galante, mais aussi de cet amour naissant et se fortifiant entre Elizabeth et Darcy, la jeune femme n'hésite pas à s'isoler toute une soirée en tête à tête avec son roman. Or un jour, qu'elle n'est pas sa surprise de tomber nez à nez, dans sa salle de bain, sur Elizabeth Bennet, en chair et en os. Un portail, dissimulé, semble faire le lien entre le monde réel du présent et le passé issu de la littérature.

Incrédule, Amanda franchit cette porte qui paraît lui ouvrir la voie vers ses rêves. Mais le passage se referme derrière elle, laissant Elizabeth à sa place dans le présent, tandis qu'Amanda se retrouve invitée par les Bennet à rester quelques jours, puisque leur autre fille s'est, croient-ils, rendue à Hammersmith (le leur). Piégée dans ce monde qu'elle connaît sur le bout des doigts, Amanda se fixe rapidement pour mission de s'assurer que toutes les rencontres à venir se déroulent fidèlement au livre d'origine dont elle s'apprête à vivre les différents évènements marquants. En effet, le lendemain matin, Mr. Bingley, nouveau voisin, rend visite à la maisonnée, les invitant à une réception chez lui. Malgré elle, Amanda sent son coeur s'emballer à cette perspective : elle s'apprête à rencontre Mr. Darcy.

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Lost in Austen est une mini-série qui entremêle les genres et les tonalités pour proposer un appel à l'évasion des plus attrayant. Une partie du charme réside d'ailleurs dans sa capacité à nous immerger aux côtés de l'héroïne dans ce cadre familier tout droit sorti de la littérature. La narration joue sur les contrastes entre les conventions sociales du début du XIXe siècle et le franc parler plus que direct d'Amanda pour délivrer une sorte de fiction moderne en costume. Le style soigne son anachronisme calculé, proposant un réel décalage lors de certaines scènes qui ne manquent pas de références et de clins d'oeil. Cette absence de rigueur convient d'ailleurs parfaitement à l'ambiance. Ce n'est pas une reconstitution, mais bien une fantaisie qui se vit et qui prend peu à peu un tournant très humain d'où vont naître plus d'émotions que l'on aurait pu imaginer.

En effet, Lost in Austen va parfaitement savoir capitaliser sur son concept : adaptation libre, elle s'offre sa propre re-écriture d'Orgueil & Préjugé. Si les protagonistes sont les mêmes, Amanda vient jouer malgré elle les troubles-fêtes tout en ayant à coeur de permettre à tous les couples "destinés" l'un à l'autre de se former. Si bien que, bientôt, ce n'est plus la version de Jane Austen, mais une voie indépendante que suit le récit. Au plaisir de retrouver ces figures connues, que nous découvrons à travers le regard chargé de préconceptions d'Amanda, se substitue ensuite la saveur tout particulière de découvrir d'autres facettes de ces personnages si emblématiques. Si Mr. Darcy se montre encore plus sec et arrogant que dans notre imaginaire de lecteur, Wickham se révèle sous un jour autrement plus sympathique. C'est d'ailleurs dans cette émancipation, consacrée dans la deuxième partie, que Lost in Austen trouve vraiment son ton juste, provoquant avec aplomb des changements importants.

D'observateur extérieur, Amanda devient peu à peu une participante incontournable de l'histoire, impliquant d'autant plus le téléspectateur dans cet Orgueil & Préjugé qui se reconstruit finalement sous ses yeux, et assumant pleinement ce statut de fantasme littéraire devenant réalité.

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Le dynamisme dont fait preuve Lost in Austen pour s'approprier avec modernité ce récit classique se ressent également sur la forme. Si la réalisation se permet quelques scènes introductives au parfum un peu irréel que l'on a l'impression de voir tout droit sorties du roman ou des fantasmes d'Amanda, dans l'ensemble, la photographie, très claire, offre des images riches en couleurs, où la dualité présent/passé joue pleinement. C'est frais, plaisant pour les yeux et agréable à suivre. Pour compléter l'ensemble, un petit thème musical récurrent prolonge cette ambiance : le but apparaît vraiment de s'approprier les protagonistes de l'oeuvre pour s'offrir avec eux une forme d'évasion.

Enfin, le casting se révèle très sympathique. Parfois versant volontairement dans une forme de sur-jeu, il reste aussi très naturel. Jemima Rooper (Hex) incarne une Amanda Price vive et pragmatique, oscillant entre ses devoirs envers l'histoire d'origine et les passions de son propre coeur. Elliot Cowan (The Fixer, Marchlands) est un Darcy aux traits aristocratiques encore plus affirmés, tandis que Tom Mison joue un Mr. Bingley qui s'égare en s'éloignant de sa destinée. Du côté des Bennet, Alex Kingston (Urgences, Marchlands) et Hugh Bonneville (Downton Abbey) jouent les parents, tandis que Morven Christie (The Sinking of the Laconia), Perdita Weeks (The Promise), Florence Hoath, Ruby Benthal (Lark Rise to Candleford) et Gemma Arterton incarnent leurs filles. Enfin, on retrouve Tom Riley (Monroe) dans le rôle de Whickham.

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Bilan : Faisant vibrer la fibre de l'imaginaire chère à toute personne connaissant l'oeuvre d'origine, Lost in Austen est une adaptation libre qui propose une immersion plaisante et attachante dans cet univers classique parmi les classiques de la littérature anglaise. Mini-série divertissante, appel détourné aux rêves, elle n'est certes pas dépourvue de quelques maladresses, mais c'est sûrement par sa simplicité qu'elle séduit. Son style direct, très franc, lui confère un charme frais par lequel le téléspectateur se laisse entraîner.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

10/06/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 7 : A good man goes to war

"Demons run
when a good man goes to war.
Night will fall and drown the sun
when a good man goes to war.
Friendship dies and true love lies.
Night will fall and the dark will rise
when a good man goes to war."

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Nous voilà arrivés au septième épisode et déjà se referme la première partie de cette saison 6. Une demi-saison qui aura eu ses hauts et ses bas, avec ses instants réussis prompts à susciter jubilation et enthousiasme, mais aussi sa part de frustrations. C'est un euphémisme que d'écrire que cet épisode de clôture printanière était "attendu" ; je l'ai lancé avec une excitation mal contenue, mêlant espoirs et craintes. Et j'en suis ressortie sacrément soulagée : s'il n'est pas parfait, notamment dans sa construction narrative, j'y ai retrouvé une étincelle particulière, cette pointe de magie et de fantastique à laquelle j'associe la série. En résumé, il s'agit d'un épisode mythologique, divertissant, rempli d'émotions et de révélations proposant un cocktail qui fonctionne.

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Sous le choc de la découverte de la substitution d'un ganger à Amy, à la fin de l'épisode précédent, nous avions abandonné la jeune femme en plein accouchement. Elle donne naissance à une petite fille, prénommée Melody Pond, qui représente tout l'enjeu du kidnapping d'Amy. En effet, sa conception, à bord d'un Tardis voyageant dans le vortex espace-temps, aura laissé des conséquences sur l'ADN de ce bébé, que les militaires conçoivent comme une arme potentielle contre le grand guerrier tant craint qu'est le Docteur. En attendant de pouvoir remplir leurs objectifs à plus long terme, conscients que le Time Lord a découvert la supercherie du ganger, les Marines l'attendent de pied ferme, alliés pour l'occasion aux glaçants Seigneurs Sith Moines Sans Tête.

Ils ont d'ailleurs bien raison de craindre l'arrivée prochaine du Docteur, car ce dernier s'active. Rory et lui parcourent la galaxie en rassemblant une véritable armée, sollicitant les faveurs de tous ceux qui ont une dette envers le Time Lord. Mais lorsque Rory vient logiquement chercher l'aide de River Song pour l'organisation du sauvetage, cette dernière se doit de décliner, gravement, l'invitation à se joindre à la bataille à venir. Elle pose l'enjeu de l'épisode tout en révélant de manière sibylline les évènements qui s'annoncent : "The Doctor's darkest hour. He'll rise higher than ever before and then fall so much further. And...I can't be with him till the very end."

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Si le caractère marquant de l'épisode tient surtout à sa dimension mythologique, la pointe de magie mêlée d'épique dans laquelle on se laisse entraîner réside bien dans l'orchestration de cette opération de sauvetage pourtant vouée à l'échec dès le départ. Il faut dire que c'est toujours un plaisir, jamais démenti, que de voir se réunir sous nos yeux tout cet univers bigarré et éparpillé, au doux parfum de pure science-fiction, qui fait l'identité de la série. A mon sens, le premier quart d'heure est un vrai modèle du genre, et peut-être le passage le mieux maîtrisé de l'épisode. En effet, parvenant à jouer pleinement dans un registre plus suggestif (la bataille qu'il annonce), il se concentre sur les préparatifs des deux camps, permettant de bien souligner l'importance du tournant qui s'annonce.

Ce début est d'autant plus déterminant que d'affrontement au sens propre du terme il n'y aura pas, du moins dans un premier temps. En effet, c'est de manière expéditive, et sans verser une seule goutte de sang, que le Docteur et ses alliés prennent le contrôle de la base militaire, suivant un plan millimétré où l'effet de surprise fonctionne. L'ensemble est non seulement agrémenté de quelques face-à-face et autres réparties jubilatoires, mais il n'hésite pas non plus à verser dans un émotionnel de circonstances : Rory découvrant sa fille restera une de ces images qui va droit au coeur. Il y a une vraie empathie qui émane de ces scènes, et le téléspectateur ne saurait y rester insensible.

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Cependant, aussi enthousiasmant que soit la dynamique globale, sacrément galvanisante, qui transcende l'épisode, il convient cependant de nuancer quelque peu ce ressenti. En effet, l'épisode suit un schéma de narration cher à Doctor Who, conséquence de ces time lines qui s'entremêlent : l'annonce prophétique de River, au tout début, nous renseigne sur ce qu'il va se jouer à Demons' run. Seulement si le recours à ce procédé d'un narrateur extérieur, quasi-omniscient par certains côtés, est très fréquent dans la série, il confère ici une trop grande prévisibilité à l'intrigue. Le Docteur va s'élever, pour ensuite descendre plus bas qu'il n'est jamais descendu. La victoire rapide à laquelle on assiste un temps n'est qu'illusoire, le téléspectateur n'en est que trop conscient.

Si bien qu'on ne peut partager ces quelques moments d'insousciance du milieu de l'épisode, se contentant d'attendre patiemment le retour de bâton qui va être si destructeur. Et quand, par un ultime rebondissement, on découvre enfin la réelle étendue de la manipulation, la révélation en tomberait presque à plat, même si ses conséquences nous touchent sur un plan plus émotionnel. Melody n'est pas Melody, mais un ganger. Si la scène où Amy découvre la vérité est absolument déchirante - Karen Gillan est parfaite -, la raison du téléspectateur rechigne malgré tout à admettre l'utilisation de l'exact même procédé que celui qui avait permis d'enlever Amy si longtemps. L'impression qu'il y a une forme de facilité scénaristique à ainsi laisser abuser deux fois le Docteur a un petit arrière-goût un peu frustrant.

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Reste que, plus que l'aventure elle-même, c'est par son apport mythologique que l'épisode s'impose comme un incontournable. Dans cette optique, il s'inscrit dans la directe continuité de la demi-saison, concrétisant ce que l'on percevait ou spéculait.

Tout d'abord, il a le mérite d'initier une réflexion fascinante sur le Docteur. La signification de son nom prend soudain une dimension supplémentaire : le fait que son action influe sur le sens même du mot dans notre langue a quelque chose de vertigineux, absolument fascinant, donnant l'impression de venir véritablement boucler la boucle des rapports entre le Docteur et les Humains. Si l'anecdote retiendra que Steven Moffat y songeait déjà en... 1995 (mémoire du web quand tu nous tiens), le discours de River apportant une lumière toute autre que l'approche traditionnelle de son action intervient à point nommé. En effet, le glissement du Docteur vers un côté plus sombre, plus guerrier, a été perceptible durant toute la saison. Et soudain, le voilà confronté à la portée de ses actes, face à des conséquences qu'il n'avait jamais envisagées. Un grand moment !

Cette fin d'épisode est doublement marquante car elle apporte aussi l'autre "révélation" attendue à cette question qui nous hante depuis sa première apparition durant la saison 4 : qui est River Song ? Si on avait sans doute eu dernièrement plus que des soupçons sur son identité, il restait le plus difficile à mettre en scène : la dernière étape, celle de la révélation. La gestion en deux temps est très opportune. Commencer par une confrontation avec le Docteur se justifie parce que c'est en arrière-plan toute leur relation particulière, avec laquelle nous sommes devenus familiers, qui défile. La façon dont il passe d'une expression extrêmement sombre et menaçante à cette joie presque émerveillée fait vraiment plaisir à voir. Puis, c'est l'autre relation qui va être traitée : celle qui n'avait jusqu'à présent pas été établie, celle avec ses parents. Car River Song est Melody Pond. On retient presque son souffle en espérant que tout sonne juste dans ce face-à-face. Et c'est le cas : River voit sa place consacrée dans la mythologie whonienne de la plus convaincante des manières. 

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Bilan : A good man goes to war conclut de belle façon cette demi-saison qui aura cependant été quelque peu inégale. Il remplit avec brio sa part de promesses mythologiques, tout en laissant suffisamment d'éléments en suspens pour nous promettre trois mois de spéculations intensives (notamment sur les Silence). Les pièces du puzzle ont été éparpillées, et il n'y a rien de plus grisant pour récompenser un téléspectateur fidèle que de les voir se remettre en place. Un seul réel bémol tempèrera un peu mon enthousiasme face à cette conclusion : une prévisibilité dommageable qui modère la portée plus épique de l'épisode, lui ôtant tout réel suspense. Doctor Who nous a habitué à ce type de procédé narratif, mais ici, le scénario peut-être trop loin dans la distance qu'il pose avec les évènements du récit.

Rendez-vous dans quelques mois pour une suite que j'attendrais avec impatience, soulagée d'avoir retrouvé dans ce dernier épisode ce soupçon de magie qui m'a fait tomber amoureuse de cette série. 


NOTE : 8/10


La bande-annonce de l'épisode :