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20/03/2011

(UK) Being Human, saison 3 : la fin des illusions

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La saison 3 de Being Human s'est terminée dimanche dernier sur BBC3. D'ores et déjà renouvelée pour une saison 4, elle s'est clôturée sur un épisode aussi éprouvant nerveusement qu'émotionnellement, conclusion logique des différents arcs qui auront formé ces 8 épisodes. Mais si j'ai toujours eu beaucoup d'affection pour cette série que j'ai souvent défendue, au terme de cette troisième saison, pour la première fois peut-être, je m'interroge sur son avenir. 

Comme d'habitude serais-je tentée de dire, Being Human aura su alterner le bon, le prometteur et le plus brouillon, parvenant toujours  à rappeler et à exploiter l'affectif que le téléspectateur a noué avec ces personnages à la faillibilité tellement humaine. Mais au cours du glissement progressif de cette saison 3 vers une atmosphère plus sombre que les précédentes, c'est en partie son concept de départ que la série a remis en cause. En entérinant l'échec que la dernière saison avait mis en scène, ce sont les frontières de cette quête d'humanité initiale qui ont été redéfinies. Par là-même, la question laissée en suspens demeure celle-ci : en perdant définitivement toute innocence, dans cette spirale de désillusion, Being Human pourra-t-elle se réinventer ? Saura-t-elle éviter les écueils que la dernière scène pose sur sa route pour la suite ?

[SPOILERS WARNING : La suite du billet contient des informations sur des évènements de la saison 3. A lire à vos risques & périls.]

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Cette saison 3 n'aura ménagé que peu de répit au téléspectateur comme aux différents protagonistes. Mais en bien des points, elle se situe dans la parfaite continuité de l'évolution amorcée durant la saison 2. Consciente de la précarité intenable de la situation de notre quatuor, la série ne va pas tergiverser. Les évènements passés ont laissé une trace indélébile et ce sont ses conséquences qui vont être traitées. Pour cela, la répartition des tonalités demeure inchangée, les loup-garous représentant cette parenthèse d'espoir possible, se permettant à l'occasion d'offrir des passages plus légers, tandis que les vampires concentrent les drames et s'imposent comme les adversaires. La seule nuance à ce tableau relativement manichéen, désormais bien installé, viendra du deuxième épisode de la saison.

Représentant l'avenir, George et Nina poursuivent leur relation grâce à l'équilibre désormais trouvé. Ils demeurent plus que jamais l'embryon de normalité dans l'univers de Being Human. C'est vers le futur qu'ils se tournent en franchissant une étape supplémentaire : avoir un enfant. Si la grossesse n'est pas programmée, elle a le mérite de permettre à la série de poursuivre l'exploration de ses thématiques fétiches, entremêlant surnaturel et vie humaine. Si les incertitudes liées à leur état de loup-garou sont bien traitées, leurs états d'âme liés à leurs rapports avec leurs parents cèderont à quelques clichés, sans remettre en cause cette humanisation d'un couple solide, dont la dynamique sonne juste.

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 Parallèlement, comme un écho opposé à cet espoir incarné par les deux loup-garous, Mitchell va poursuivre une lente, mais inéluctable, descente aux enfers. On se situe ici dans la suite immédiate de la saison passée, au cours de laquelle le vampire paraissait avoir définitivement franchi le point de non retour avec le terrible massacre du train. Cet évènement va d'ailleurs rester un des fils rouges les plus imperturbables de la saison 3. Dès le départ, le téléspectateur le sait avec certitude : Mitchell ne peut, ne saurait, se remettre des évènements. Sauver Annie du purgatoire ne va faire que repousser une échéance que chacun pressent inéluctable.

Pour arriver jusqu'à la fin de cette intrigue, les scénaristes conservent ce style volontairement sans éclat propre à la série. C'est ainsi que Being Human va jouer, tout au long de la saison, avec les codes narratifs d'une construction mythologique et les attentes du téléspectateur, sans jamais pour autant abandonner la sobre rationnalité qui la sous-tend. En effet, à la manière de la découverte finale de l'amateurisme et des limites de la mystérieuse organisation de la saison passée, la prophétie de Lia ne sera qu'illusoire poudre aux yeux, tout en servant pourtant pareillement de catalyseur déterminant à l'issue finalement choisie.

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Car la promesse de Lia, faisant office d'épée de Damoclès, biaise forcément notre analyse de la situation, tandis que l'inquiétude de Mitchell grandit. Dans cette perspective, c'est bien toute la saison qui va servir à exacerber les tensions entre vampires et loup-garous. Très feuilletonnante, elle en profite pour faire intervenir de nouveaux protagonistes, mais aussi pour faire revenir d'anciennes figures clés. Si cette gestion du surnaturel demeure intéressante, avec des passages très émotionnels, elle laisse aussi parfois un arrière-goût d'inachevé un peu frustrant.

De manière générale, il faut saluer le fait que Being Human a incontestablement gagné en maturité pour traiter de cas auxquels seul un épisode va être consacré. Le vampire adolescent de l'épisode 2 ou encore la "zombie" de l'épisode 3 rappelleront au téléspectateur le parfum encore un peu innocent des débuts de la série, abordant avec tact et nuance ces destinées précaires. Si les histoires brèves seront donc plutôt bien maîtrisées, en revanche, c'est encore une fois dans la gestion globale de ces arcs que Being Human pèche. La série n'hésite pas à céder à certaines facilités un peu dommageables, comme la façon dont sont traitées les différentes étapes du retour de Herrick. Dans l'ensemble, si on perçoit bien la recherche fréquente de symbolique, on n'échappe pas toujours à un sentiment de mise en scène un peu artificielle.

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La qualité globale de la saison fut fluctuante. Mais la fin pose surtout question sur la suite de la série, et la pérennité de ce concept de départ porté par cette idée un brin utopique de quête d'humanité. Jusqu'à présent, l'équilibre avait reposé sur ce trio rassemblant trois types de créatures surnaturelles. Certes Mitchell avait amplement démontré à quel point cet objectif initial paraissait inaccessible à ceux de son espèce, mais on continuait de le suivre dans ces tentatives, même vouées à mal finir. Sauf que, dans cette saison 3 plus que dans aucune autre, la césure vampires/reste des créatures surnaturelles semble définitivement consacrée. Et au fil de ce glissement, ce sont les bases mêmes de la série qui ont évolué. La quête de l'humanité est devenue presque secondaire face à une réalité surnaturelle à laquelle on ne peut désormais plus échapper, et qui s'oriente cette fois vers un Bien vs Mal dans lequel la série devra faire attention de ne pas perdre sa spécificité.

L'échec de Mitchell, ce n'est pas le massacre du train de la saison 2. Son échec, c'est sa reconnaissance symbolique de son impossibilité, du fait de sa nature de vampire, d'envisager cette humanité à laquelle il aspirait. Ce constat scelle l'échec de l'utopie initiale résumée dans le titre de la série. La scène finale, avec la mort de Mitchell, en présence de cet ancien vampire qui nourrit les illusions de grandeur commun à sa race, opère sous nos yeux un re-équilibrage qui laisse songeur sur la suite de la série. Le nouveau trio (Nina, George, Annie) faisant front commun avec l'ennemi, est-ce la dynamique désormais centrale ? Est-ce que la rupture définitive avec les vampires est ainsi entérinée, la suite se construisant dans une opposition officialisée ? Ce tableau manichéen avait jusqu'à présent toujours été nuancé par la présence de Mitchell, aussi fluctuante qu'elle ait pu être. La série saura-t-elle se réinventer sur ces bases, ou bien le début de la saison 4 opèrera-t-il un retour à un équilibre plus classique ?

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Bilan : Avec cette saison 3, Being Human aura entériné la fin des rêves d'humanité qui avaient fondé la série. Plus sombre que les précédentes, elle a perdu ses derniers pans d'innocence, permettant ainsi de tourner la page de certaines illusions que l'on percevait sans doute de plus en plus intenables. Maîtrisée et toujours très humaine et pleine de tact dans les histoires plus anecdotiques qui entourent ses grands arcs, elle aura encore une fois eu recours à des raccourcis narratifs et à des chutes parfois un peu frustrantes en ce qui concerne ses grands fils rouges, affaiblissant une force symbolique pourtant perceptible et indéniable. Désormais, à elle de savoir se réinventer. L'évolution suivie s'est toujours inscrite dans une logique cohérente, mais cela ne réduit en rien les difficultés qui vont se poser pour la saison 4. Wait & see.


NOTE : 6,5/10

10/03/2011

(Mini-série UK) South Riding : chronique vivante et touchante d'une bourgade des années 30

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En ce début d'année 2011, les amoureux du petit écran britannique peuvent tout particulièrement savourer leur passion. Les mini-séries intéressantes, couvrant tous les goûts et tous les genres, se succèdent. Parmi elles, South Riding s'inscrit dans la tradition la plus classique du period drama que l'on croise outre-Manche : l'adaptation littéraire. Nous plongeant dans la campagne anglaise du milieu des années 30, il s'agit de la seconde transposition à l'écran du roman de Winifred Holtby, publié en 1936, après une première proposée par ITV en 1974.

Cette mini-série, composée de 3 épisodes d'1 heure chacun, a été diffusée trois dimanche soir successifs du 20 février dernier au 6 mars 2011, sur BBC1. On y retrouve tout le savoir-faire britannique en la matière, porté par un excellent casting, pour une photographie prenante de l'Angleterre changeante des années 30, loin de la capitale londonienne. Trois heures plaisantes à suivre qui méritent le détour.

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South Riding s'ouvre en 1934 dans une petite ville côtière éponyme du Yorkshire, située dans le nord de l'Angleterre. Sarah Burton rentre dans sa bourgade natale après des années à avoir mené une carrière d'enseignante tout en voyant le monde. Elle arrive de Londres pour postuler à la fonction de directrice de l'école municipale de filles, avec des idées de modernisation plein la tête et de hautes ambitions éducatives pour offrir à ces élèves les clés d'une société complexe, où la crise économique précipite les mutations. Si son enthousiasme déstabilise quelque peu le conseil d'administration, la jeune femme emporte cependant l'agrément de la majorité des directeurs, séduits par ce vent de modernité qui semble l'accompagner.

Très vite, Sarah trouve ses marques dans cette petite ville marquée par la Grande Dépression, apprenant à rester fidèle à ses convictions tout en sachant parfois verser dans l'art du compromis, pour assurer la bonne gestion de son école. Elle se découvre des alliés, comme le progressiste Mr Joe Astell, mais aussi des adversaires que ses idées dérangent à l'image de Mr Carne, un conservateur aux conceptions sans doute révolues, mais dont Sarah va peu à peu se rapprocher. Elle va aussi s'investir auprès de ses élèves, prenant sous son aile une boursière très douée, Lydia, ou encore Midge, la fille de Mr Carne.

Avec un quotidien rythmé par les difficultés sociales et les oppositions politiques, c'est dans une chronique ordinaire d'une petite bourgade, typique mais très attachante, que South Riding nous plonge.

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L'attrait de la mini-série  tient tout d'abord au cadre qu'elle investit : celui d'une chronique profondément humaine, mais aussi sociale, d'une époque difficile. Elle offre un instantané vivant et bigarré d'une bourgade anglaise et des préoccupations et autres enjeux très concrets qui agitent ce petit microcosme. Cette reconstitution de l'ambiance des années 30 se révèle particulièrement réussie. South Riding propose en effet un portrait nuancé d'une vie locale marquée par la récession économique, sur fond de tensions irréductibles entre tradition et modernité, tandis que les séquelles de la Première Guerre Mondiale hantent encore les esprits et que se profile à l'horizon le spectre d'autres bouleversements à venir. Ces mises en scène résonnent de manière authentique et juste à l'écran, leur retenue et leur sobriété trouvant un écho particulier auprès du téléspectateur.

De manière générale, il émane de South Riding un charme simple qui séduit et retient l'attention, la reconstitution historique se complétant d'une dimension humaine qui ne laisse pas indifférent. Car la mini-série dispose d'une galerie de personnages qui savent se fondre parfaitement dans le récit, tout en y apportant un relief et une nuance qui permettent de s'y attacher. Si tous n'échappent pas aux stéréotypes, la dynamique d'ensemble fonctionne. On se laisse ainsi emporter par le dynamisme communicatif de Sarah, par ses ambitions pour son école comme par son investissement envers ses élèves. De même, à mesure que l'on apprend à connaître Mr Barnes, ses tourments personnels tempèrent l'a priori excessivement rigoriste qu'avait laissé sa première scène. Ces personnalités s'imposent donc de manière convaincante.

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Cependant, l'atout - et l'originalité - de South Riding va sans doute résider dans sa capacité à chroniquer, de manière vivante et finalement étonnamment prenante, un quotidien qui, présenté autrement, paraîtrait vraiment anecdotique. Optant pour un réalisme sobre qui transcende tout son récit, c'est ainsi sans misérabilisme que la mini-série aborde les conséquences de la crise économique. De même, les personnages suivent des destinées toutes aussi nuancées, marquées par les blessures du passé, les tergiversations et incertitudes du présent, mais aussi une fidélité à des principes qu'ils ne pourront jamais renier. Ce sont des instantanés de vies ordinaires, sans romanesque excessif, ni réalisation démesurée, que propose South Riding. Et si on peut peut-être reprocher à la mini-série de ne pas avoir pleinement exploité certains personnages qui auraient mérité des développements plus conséquents, ses choix narratifs demeurent cohérents.

Sa spécificité restera sans doute la tonalité douce-amère qui s'en dégage, une atmosphère où la volonté de poursuivre, toujours tournée vers l'avenir, se mêle aux regrets sur lesquels on ne peut tirer un trait. Cette chronique quelque peu désillusionnée s'offrira ainsi une conclusion à son image parfaite, même si elle cède à certaines facilités et à quelques raccourcis. La vie est faite de choix, mais aussi 'd'aléas inattendus plus ou moins douloureux ; s'il n'est pas possible de s'immuniser contre les erreurs ou les blessures que le temps apporte, ce sont aussi ces expériences qui nous façonnent. A chacun, ensuite, de prendre sa destinée en main.

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Sur la forme, South Riding témoigne d'un savoir-faire que la BBC n'a plus à prouver. C'est un beau period drama, esthétiquement soigné et doté d'une réalisation qui sied particulièrement à l'ambiance qui y règne. L'image est travaillée, les teintes y sont plutôt sombres, en écho à cet instantané d'une époque troublée, où l'espoir se dispute à une douce amertume. Pour accompagner la narration, la mini-série dispose également d'une bande-son composée de quelques morceaux de musique classique bien choisis, avec une mention toute particulière aux morceaux utilisés dans le dernier épisode, poignants et forts comme il le fallait.

Enfin, South Riding bénéficie d'un dernier atout majeur, et non des moindres : un casting cinq étoiles savoureux et extrêmement solide, qui achève d'installer et de donner toute leur dimension aux différents protagonistes, comme au récit lui-même. Anna Maxwell Martin (Bleak House), avec un dynamisme communicatif et beaucoup d'authenticité, incarne à merveille cette institutrice pleine d'entrain, dont la sacerdoce éducatif lui permet d'oublier une vie bouleversée trop tôt par la perte d'un fiancé durant la Première Guerre Mondiale. Pour lui donner la réplique, David Morrissey (State of Play, Meadowlands, Blackpool, Thorne) est parfait pour jouer ce conservateur tourmenté par une vie personnelle bien compliquée qu'est Mr Carne. A leurs côtés, on retrouve notamment le toujours excellent Peter Firth (Spooks), Douglas Henshall (Primeval, The Silence) et son accent écossais incontournable, Penelope Wilton (Downton Abbey), toute aussi impeccable, mais encore John Henshaw, Shaun Dooley, Jennifer Hennessy ou Janine Mellor

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Bilan : Chronique ordinaire d'une bourgade anglaise des années 30, South Riding a le parfum doux-amer de l'instantané d'une époque troublée, où la reconstitution historique des enjeux politiques et sociaux représentatifs de leurs temps se mêle à l'incertitude des destins personnels. C'est un portrait vivant et nuancé, à la fois plein d'émotions et d'espoirs, mais aussi chargé de désillusions douloureuses et poignantes, qui est proposé. Si le téléspectateur s'attache presque instantanément à l'ambiance qui y règne , c'est que la mini-série parvient à séduire autant par sa simplicité maîtrisée que par l'authenticité des portraits qu'elle met en scène. En résumé, South Riding offre un retour aux fondamentaux de la fiction rafraîchissant et plaisant à suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :

27/02/2011

(Pilote UK) Silk : un legal drama académique à humaniser

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Vous ai-je déjà dit combien j'aimais les legal drama ? C'est un genre à part, mais qui m'a toujours fasciné. J'en consomme sans doute moins qu'il y a quelques années. Je n'ai toujours pas jeté un oeil à Harry's Law, la dernière née américaine du maître en la matière, David E. Kelley. Mais cela reste une thématique que j'aime tout particulièrement voir abordée par la fiction, notamment pour l'éclairage sociétal inhérent à toute chronique du judiciaire.

Par conséquent, la première fois que j'ai entendu parler d'un tel projet écrit par Peter Moffat, lui-même ancien barrister et dont le nom reste notamment associé ces dernières années à la très intéressante Criminal Justice (déjà diffusée sur BBC1), j'étais assez impatiente de découvrir le résultat. D'autant plus que le casting conduit par Maxime Peake s'annonçait sympathique, avec également Rupert Penry-Jones à l'affiche. C'est donc avec beaucoup de curiosité que je me suis installée devant le pilote de Silk, qui a débuté ce mardi 22 février 2011, sur BBC1.

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Si Silk paraît immédiatement familière au téléspectateur, c'est qu'elle s'empare d'un sujet bien connu : relater le quotidien de jeunes barristers, cadencé par les audiences et les nuits blanches qui se succèdent pour tenir un rythme effréné qui leur permettra peut-être d'atteindre leurs hautes ambitions. Car, comme son titre l'indique, c'est sous couvert de la quête d'une ascension professionnelle particulière que la série nous plonge dans ce milieu où les civilités policées usuellement en vigueur cachent mal une concurrence exacerbée, qui se joue parfois au détriment du client et qui confine aussi à l'occasion à un machisme d'un autre âge. Car "taking Silk", c'est-à-dire réussir à être nommé Queen's Consel, a beau être l'objectif ultime de ces praticiens du droit , le nombre de femmes à avoir obtenu ce rang particulier est loin de refléter la relative féminisation de la profession. L'héroïne de la série, Martha Costello, n'entend toutefois pas se laisser intimider par ces considérations statistiques.

Ce pilote nous présente la jeune femme en l'introduisant dans ce que l'on pourrait qualifier de suite de "journées-types" : de l'enchaînement des audiences aux difficultés pour tenir professionnellement un tel rythme, rien ne sera épargné à Martha pour ce premier épisode. Si elle bénéficie du soutien sans faille de Billy Lamb, gestionnaire de la chamber dans laquelle elle travaille, elle doit également composer avec la rivalité directe de Clive Reader, un collègue qui entend bien être le prochain à devenir Queen's Consel. La chamber ne pouvant probablement espérer qu'une seule promotion, Martha et Clive se retrouvent donc en concurrence directe. L'arrivée de nouveaux assistants, Nick Slade et Niamh Cranitch, ne va faire qu'exacerber les tensions tandis que chacun des deux barristers accueille un de ces pupils sous sa direction.

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Sur le papier, Silk semble a priori réunir tous les ingrédients nécessaires à la création d'un attrayant legal drama. Un fil rouge assuré par cette ambition de devenir Queen's Consel, des protagonistes aux personnalités affirmées conduits à s'opposer, une pression permettant de maintenir une cadence soutenue qui évitera tout ennui possible, et des intrigues judiciaires qui constituent autant de challenges professionnels prompts à susciter des dilemmes éthiques insolubles pour les barristers. Parfaitement huilé, ce pilote s'efforce d'ailleurs de nous introduire ces éléments, déclinant sous forme de récital mécanique tous les enjeux que la série abordera.

Tout aussi classiquement, c'est par le regard des nouveaux assistants que le téléspectateur découvre ce milieu :  à travers les explications et rapides décryptages sur les moeurs judiciaires faites à l'attention de Nick, c'est à l'observateur extérieur devant son petit écran que le scénariste s'adresse. La distribution des fonctions au sein du système judiciaire nécessitera sans doute un temps de découverte au téléspectateur (non britannique) qui n'y serait pas familier. Dans cette optique, l'épisode dresse un tableau aux finalités surtout pédagogiques, esquissant notamment les rapports entre les solicitors et les barristers, mais aussi éclairant la procédure permettant de devenir Queen's Consel. Si cela semble une étape nécessaire, l'ensemble n'échappe cependant pas à l'écueil de l'exposé scolaire.

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Aussi appliqué soit-elle, c'est peut-être justement cet excès d'académisme qui empêche Silk de vraiment imposer sa marque dès ce pilote. En effet, si ce cocktail attrayant de quotidien judiciaire chroniqué laisse entrevoir les bases d'un potentiel incontestable, on sent confusément qu'il manque pour le moment quelque chose. A trop vouloir remplir le cahier des charges supposé du genre, l'épisode manque de spontanéité. La prévisibilité de sa construction narrative va plutôt lui donner l'allure d'une énième déclinaison d'un concept certes intéressant, mais auquel il est impératif de donner plus de relief pour s'investir sur le long terme.

En fait, tout s'emboîte trop parfaitement dans ce pilote. Plus que les storylines judiciaires dont le classicisme ne remet pas en cause l'efficacité et qui rejoignent cette tonalité scolaire liée à un premier épisode, c'est en priorité sa dimension humaine que Silk devra travailler. En effet, les personnages, pour le moment très unidimensionnels, sont trop facilement catégorisés dans des stéréotypes qu'il faudra nuancer à l'avenir. Pour autant, si Silk doit encore gagner en épaisseur, le pilote laisse entrevoir un potentiel, en témoigne la force des contre-interrogatoires par Martha du vieil homme agressé. La série dispose du cadre pour devenir un legal drama complet, à défaut de ré-inventer le genre.

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Sur la forme, Silk est une oeuvre soignée, dont la réalisation maîtrisée s'inscrit dans la lignée des fictions proposées en prime-time sur BBC1. L'image est travaillée, tout en restant dans un classique de circonstances. Signalons également l'effort réalisé pour les images d'un générique superbe, dont l'esthétique rappelle, par exemple, celui de l'élégante série policière Luther. Les deux sont une création de la compagnie Momoco, à laquelle on devait également dernièrement celui de Zen.

Enfin, Silk bénéficie d'un casting globalement homogène et assurément solide qui  conduit à être optimiste pour la suite. Derrière une Maxine Peake (Shameless, The Devil's Whore, Little Dorrit, Criminal Justice) fidèle à elle-même, aux interprétations toujours parfaitement maîtrisées, on retrouve à ses côtés Neil Stuke (Trust, Monday Monday, Reggie Perrin) en soutien indéfectible et Rupert Penry-Jones (Spooks, Whitechapel) en rival prêt à tout. Tom Hughes (Trinity) et Natalie Dormer (The Tudors) incarnent ces jeunes assistants qui vont rapidement comprendre les règles du jeu au sein de la chambers. Et Nina Sosanya (Meadowlands/Cape Wrath, Five Days) et John MacMillan complètent ce casting convaincant.

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Bilan : Derrière ses atours excessivement académiques, Silk laisse entrevoir au cours de ce pilote un potentiel indéniable dont il lui reste encore à prendre la mesure. Apparaissant surtout comme un épisode d'exposition pour servir d'introduction dans cet univers et en comprendre les codes, l'épisode souffre d'un déroulement prévisible qui manque de relief. Cependant, les bases étant désormais toutes posées, les protagonistes installés, les enjeux déclarés, la suite devrait permettre à la série de se départir de cette impression scolaire pour se construire une identité. La bande-annonce de l'épisode suivant apparaît en tout cas autrement plus pimenté. A suivre.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce de la série :

10/02/2011

(Pilote UK) Outcasts : une série d'anticipation, entre ambitions initiales et limites réelles

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Il suffit que vous manquiez de temps libre pour que les petits écrans du monde entier croulent sous une vague de nouveautés à vous donner envie de devenir insomniaque pour avoir l'opportunité de les découvrir. Parmi les nombreuses nouvelles séries de la semaine, tâchons d'être méthodique et commençons donc par Outcasts. Cette dernière apparaissait peut-être comme la plus ambitieuse, tout autant que potentiellement la plus glissante. J'ai beau apprécier la qualité globale des fictions de cette chaîne, soyons honnête, de la Sci-Fi high concept, sur BBC1, cela ne s'accueille jamais sans une prudente réserve au vu du bilan de la chaîne dans ce registre au cours des dernières années.

Et ce n'est pas ce pilote qui va corriger cette impression. Soigné sur la forme - comment ne pas aimer les paysages sud-africains qui semblent être à la mode actuellement ? -, tombant tristement à plat sur le fond, ce premier épisode paraît surtout confirmer un diagnostic : le  fait que BBC1 a encore du chemin à faire pour maîtriser ce type de fiction. Sauf que pour le coup, même le pilote de Survivors fut plus convaincant en son temps (et vu ce qu'a donné la suite de la série...). Reste à espérer que Outcasts connaisse un développement qualitatif inverse.

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Outcasts est une série d'anticipation se déroulant dans un futur proche, au mileu du XXIe siècle. Les conditions de vie sur la planète Terre s'étant considérablement dégradées, son évacuation progressive est en cours, les humains se tournant vers de nouvelles planètes découvertes habitables à coloniser. Carpathia fait partie de ces dernières. L'arrivée des premiers colons, qui durent faire face à des conditions très difficiles, date de déjà dix années. Une ville s'est peu à peu construite, celle de Forthaven, dirigée par un président, Richard Tate. Mais ses habitants demeurent coupés du reste de la galaxie. Leurs seules nouvelles de la Terre proviennent des rares vaisseaux d'évacuation qui parviennent jusqu'à eux, mais les conditions de colonisation de Carpathia sont d'autant plus compliquées que son atmosphère rend les attérissages de vaisseaux très dangereux.

L'épisode s'ouvre pourtant sur l'arrivée d'un nouveau vaisseau d'évacuation en provenance de leur planète mère, après cinq années durant lesquelles les colons ont été coupés de tout. Endommagé par un long voyage, il lui reste encore à franchir le plus difficile et létal obstacle, celui de l'entrée dans l'atmosphère. Si l'évènement est important, la colonie a d'autres soucis internes à régler dans l'immédiat. La sédition menace. Un de ses explorateurs les plus chevronnés, Mitchell Hoban, entend en effet repartir sur de nouvelles bases, loin du cadre sécurisé et sécuritaire de Forthaven, ce que le président Tate ne peut accepter. Mais jusqu'où peut-on aller et que faut-il être prêt à sacrifier pour bâtir une nouvelle civilisation ? Les colons maîtrisent-ils et connaissent-ils leur nouvelle planète autant qu'ils le devraient ? L'arrivée de nouveaux venus peut-elle perturber le fragile équilibre qui s'y est instauré ? 

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Je serais tentée de dire que le pilote d'Outcasts démontre une nouvelle (énième) fois qu'il ne suffit pas d'un concept de départ fort pour bâtir une série. C'est presque un cas d'école : avoir un potentiel intéressant, c'est bien, encore faut-il ensuite se donner les moyens de ses ambitions. Or c'est une introduction sonnant bien creux qui nous proposée. Si on descelle une volonté avant tout d'exposition, destinée à introduire les grands enjeux, notamment éthiques, de la série, ces derniers ne sont pas mis en valeur, noyés dans une alternance frustrante entre le franchement pesant et le confusément maladroit. L'épisode ne parvient jamais à capter l'intérêt d'un téléspectateur rapidement gagné par la léthargie ambiante dans laquelle s'enfonce inexorablement l'épisode. Pire, ces débuts ne sont pas loin de réussir le tour de force de réduire presque à néant tout l'intérêt que pourraient susciter a priori ces thèmes de survie et de reconstruction d'une civilisation - certes, thématique ô combien prompte à glisser vers des caricatures indigestes sous la plume de scénaristes peu inspirés, mais qui conserve cependant un attrait lui étant normalement inhérent.

Comment peut-on s'attacher à démystifier mécaniquement et à lever le voile si rapidement sur tous les recoins d'un nouvel univers qui ne demande qu'à se construire sous nos yeux ? L'écriture ne pèche assurément pas par un excès de subtilité, l'ensemble ronronnant avec une prévisibilité tout juste troublée par quelques trop rares étincelles. Toujours est-il que l'épisode ne va jamais réussir à dépasser ses évidents défauts de conception. Plombé par des dialogues aux répliques donnant l'impression d'être interminables, versant facilement dans un pompeux assez lourd, tout semble y manquer d'épaisseur comme d'identité. Les personnages sont rapidement catégorisés, répondant à un cahier des charges policé d'une complémentarité toute artificielle. Et le seul protagoniste laissant entrevoir un certain potentiel pouvant remettre en cause cette distribution des rôles sans saveur est celui qui se fait abattre à la fin du pilote, ce qui ne présage rien de très enthousiasmant pour la direction future de la série.

En résumé, beaucoup de frustration et un sentiment de faux départ, voici ce qui prédomine après cette première heure de visionnage.

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A défaut d'avoir réussi à exploiter son concept sur le fond, Outcasts sauve quelques meubles du naufrage sur la forme : elle a au moins le mérite de faire ressortir le superbe décor que lui offre son cadre dépaysant. D'ailleurs j'en profite pour glisser que j'adhère pleinement à cette mode actuelle de tournages sud-africains. On y croise de beaux paysages, pour peu que le réalisateur les accompagne d'une photographie soignée et sache les mettre en valeur par quelques plans inspirés. De manière générale, l'épisode fait preuve d'une ambition esthétique louable, qui va malheureusement trouver ses limites dans les scènes d'action et les scènes tournées en intérieur. Ces dernières apparaissent contaminées par le même mal qui ronge toute la série, une lourdeur lancinante et constante.

Si j'impute la responsabilité de cette relative léthargie au scénario, c'est que les dialogues eux-mêmes souffrent de ce problème, influant également sur la performance d'un casting où les acteurs ne sont pas encore tous vraiment rentrés dans leurs personnages. Pourtant, a priori, on y croise plutôt des valeurs sûres qui ont su se montrer convaincantes sous d'autres latitudes, comme Hermione Norris (La Fureur dans le sang, Spooks), Liam Cunningham ou Daniel Mays (Ashes to Ashes). Celle que j'ai trouvée la plus en porte-à-faux est sans doute Amy Manson (Being Human). Reste que l'ensemble sonne tout au long de ce pilote singulièrement faux ; et vu que celui qui s'en tire le mieux est à mes yeux Jamie Bamber (Battlestar Galactica, Law & Order UK) qui joue dans ce premier épisode un rôle autodestructeur énergique, c'est assez révélateur de la faiblesse globale. Tout ça en attendant l'arrivée d'Eric Mabius (Ugly Betty), ce qui ne contribue pas franchement à me rassurer. De toute façon, tant que les soucis de fond ne seront pas réglés, je ne pense pas que les acteurs puissent vraiment influer sur la série. 

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Bilan : Outcasts, c'est donc joli esthétiquement. L'emballage est celui d'une série d'anticipation ambitieuse, avec des thématiques éthiques et civilisationnelles fortes qu'on aurait vraiment envie d'apprécier. Mais le produit final a le goût d'une entrée en matière ratée, avec un pilote d'exposition sans relief qui esquisse de manière excessivement académique et prévisible des enjeux, certes intéressants, mais peu mis en valeur. Une aussi peu convaincante exploitation d'un tel concept, c'est quand même frustrant. Bref, peut doit mieux faire.


NOTE : 4,5/10


Le trailer de la série :

30/01/2011

(Mini-série UK) Orgueil & Préjugés (Pride & Prejudice) : period drama culte, entre portrait historique et initiation sentimentale



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Attention, objet téléphagique culte aujourd'hui ! Le discours d'un roi sortant ce mercredi dans les salles cinématographiques françaises (et comme je ne vais pas revenir sur le contexte historique du 1er XXe siècle anglais qui doit être maîtrisé par tout lecteur régulier de ce blog, au vu du nombre de fictions croisées sur le sujet au cours des derniers mois), c'est l'occasion d'évoquer une mini-série dont le nom d'un des personnages restera sans doute encore pour longtemps associé à Colin Firth. Car cette semaine, j'ai retrouvé dans ma DVDthèque un classique parmi les classiques, indémodable par excellence : Pride & Prejudice (Orgueil & Préjugés).

C'est que je vous parle de séries anglaises depuis presque un an et demi maintenant. Nous avons exploré ensemble les années 90, et même des productions antérieures. Et, tout en vous confiant mon amour pour les costume dramas, je n'avais encore jamais pris le temps de m'arrêter sur cet incontournable bijou du petit écran britannique. Cette mini-série marquante à laquelle notre esprit revient comme un réflexe lorsque sont prononcés les mots magiques "period drama". Il était donc grand temps de réparer cet oubli.

S'attaquer à un classique, c'est toujours un peu intimidant. J'avoue que ce n'est pas sans une certaine appréhension que je me suis lancée dans la rédaction de cette critique. Mais je vais quand même essayer de vous expliquer pourquoi, à mes yeux de modeste téléphage, Pride & Prejudice représente et incarne tout le savoir-faire anglais des adaptations littéraires, et bien plus encore...Une série intemporelle qui fait partie de ces quelques productions télévisées dont tout anglophile se doit d'avoir le coffret dans sa DVDthèque.

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L'histoire est connue, que l'on en ait vu au moins une adaptation ou que l'on ait croisé des références dans d'autres oeuvres télévisées ou littéraires, à défaut d'avoir lu le livre original, un classique de la littérature anglaise de Jane Austen, rédigé à la fin du XVIIIe / début du XIXe siècle. Disposant de six épisodes pour reprendre et s'approprier les grandes trames du livre, cette mini-série, diffusée en 1995 par la BBC, reste sans doute l'adaptation la plus fidèle à l'esprit et au récit d'origine. Rappelons cependant les quelques bases de cette fiction...

Pride & Prejudice débute à Longbourn, un petit bourg du Hertfordshire perdu dans la campagne anglaise, sous le règne du roi George III. Elle nous introduit auprès de la famille Bennet, qui vit dans un relatif confort et goûte à une vie rythmée par les bals au sein de la bonne société provinciale. Mais Mr et Mrs Bennet  n'ont eu que des filles, ce qui compromet leur avenir, la demeure familiale étant destinée par dispositions testamentaires à un héritier mâle. Mrs Bennet n'entend cependant pas laisser leur situation patrimoniale se dégrader sans rien faire et elle veut tout faire pour assurer l'avenir de ses cinq filles, toutes très différentes, le sérieux des aînées tranchant avec l'insouciance inconsciente des benjamines. C'est donc par le mariage que leur mère veut faire passer leur salut.

C'est pourquoi le jour où Mrs Bennet apprend que le domaine de Netherfield a été loué par un riche jeune homme célibataire, elle s'active pour organiser une rencontre, espérant qu'une de ses filles pourrait séduire ce parti très intéressant. Mais si Mr Bingley se révèle être un gentleman charmant et courtois, qui n'est d'ailleurs pas indifférent à Jane, ses soeurs s'avèrent bien plus hostiles, tandis son meilleur ami, Mr Darcy, certes immensément riche, adopte une attitude hautaine et dédaigneuse face à la société provinciale locale qui déplaît fortement.  

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Si Pride & Prejudice conserve une aura toujours aussi fascinante sur le téléspectateur, c'est qu'elle va parvenir à pleinement s'approprier la diversité des thématiques abordées par ce récit. Car avant d'être une histoire sentimentale universelle, cette fiction s'impose d'abord par sa portée historique et sociologique. En effet, la mini-série s'attache à refléter fidèlement l'esprit d'une époque et d'un milieu tel qu'avait su parfaitement le capturer et le retranscrire Jane Austen. On ne peut qu'être frappé par le soin avec lequel est ainsi ciselé le portrait, vivant et nuancé, de cette société provinciale. Les détails et anecdotes ont ce parfum d'authenticité propre au vécu romancé qu'un auteur va réussir à mettre en scène ; parvenir à le transposer à l'écran sans lui faire perdre cette richesse est une belle réussite. Ainsi, la force de cet instantané social va être de souligner, avec finesse et précision, sans complaisance, mais sans non plus se départir d'une certaine distance où se glissent les accents plus légers de la comédie, les caractéristiques, tout autant que les travers et les ridigidités, d'une époque. 

La fascination qu'exerce cette reconstitution minutieuse s'explique en partie par la vitalité rare qui émane de l'ensemble. En effet, Pride & Prejudice excelle dans l'art d'alterner et de manier des tonalités différentes qui se marient parfaitement entre elles. Le caractère solennel, voire pesant, de certains passages, portés par l'intensité des confrontations ou l'attitude proprement odieuse de certains protagonistes, ne l'empêchera pas de verser également dans une dynamique rafraîchissante, durant laquelle la narration adopte des accents plus malicieux, voire pétillants. Le récit nous immerge dans les préoccupations et les règles de ce milieu, tout en conservant toujours un certain recul par rapport à son sujet. Le personnage d'Elizabeth, dont l'indépendance et la liberté d'esprit marquent, permet de prendre une distance par rapport à ces mises en scène symboliques d'une époque. Oscillant entre critique subtile et tendre caractérisation, perce alors dans ce récit un humour parcimonieusement distillé à travers quelques scènes absolument jubilatoires. Cela donne à la mini-série  une saveur toute particulière à apprécier.

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Mais si Pride & Prejudice demeure une histoire qui conserve une place à part dans le coeur de bien des anglophiles, c'est aussi parce qu'elle ne se résume pas seulement à ces aspects sociologiques et historiques : elle doit sa pérennité à sa dimension humaine et sentimentale. C'est une oeuvre d'accomplissement personnel qui sonne juste, dans laquelle on suit, au milieu d'une galerie bigarrée de personnages, deux protagonistes majeurs : Elizabeth et Mr Darcy. S'il est aisé de se prendre d'affection pour Elizabeth et de s'identifier, encore deux siècles après, aux préoccupations et à la vivacité d'esprit de la jeune femme, Mr Darcy conserve lui une part d'ambiguïté qui en fait tout le charme. On est naturellement enclin à partager avec l'héroïne l'antipathie que suscite son comportement orgueilleux. Mais la force du récit va être de ne jamais verser dans des portraits unidimensionnels. Car, nous avons là une invitation à aller au-delà des premières impressions. Son ambivalence confère à Mr Darcy une épaisseur et une consistance que la mini-série va pleinement réussir à retranscrire avec subtilité, trouvant le juste équilibre entre l'image initialement renvoyée et la progressive ouverture du personnage : il finit par intriguer autant que fasciner.

Au-delà de ses personnages marquants, Pride & Prejudice est une histoire d'amour, ou plus précisément une initiation sentimentale. Si ce récit passé fait aussi intensément vibrer une fibre émotionnelle particulière dans le coeur des téléspectateurs modernes, c'est parce que son authenticité trouve toujours une résonnance de nos jours. Pride & Prejudice, ce n'est pas l'utopie d'un coup de foudre ou la superficialité d'élans amoureux versatiles. C'est au contraire le récit crédible de la construction progressive d'une relation : une évolution des sentiments qui se justifie par le fait que chacun apprend peu à peu à connaître l'autre. C'est une histoire presque initiatique, celle d'une réalisation sentimentale, encadrée par des convenances sociales qui lui permettent de se concentrer sur l'essentiel et de pleinement exploiter la tension qui s'installe entre Elizabeth et Mr Darcy. Les lois du coeur ont leurs secrets, et les deux protagonistes principaux n'en sont pas maître.

Devant ce récit dépourvu de tout artifice ou de toute mièvrerie inutile, on a avant tout la sensation de voire mis à nus l'insaisissable mécanique des sentiments. Si la mini-série fascine et touche aussi profondément, c'est tout simplement en raison de la crédibilité rare dont bénéficie l'ensemble par sa retenue et sa justesse. Il y a quelque chose d'universel, d'intemporel, dans l'histoire ainsi mise en scène, qui fait que l'on ne peut y rester insensible.

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Sur la forme, Pride & Prejudice bénéficie d'un accompagnement musical classique des plus appropriés, avec un thème introductif que l'on identifie rapidement à la mini-série. Adoptant une photographie d'image toujours très claire, la caméra est assez vive, n'hésitant pas à multiplier les angles durant une même scène. Certes la réalisation est datée, la fiction ayant été diffusée au milieu des années 90 : elle n'éblouira pas un téléspectateur moderne habitué de ce genre de production. Pour autant, par la sobriété adéquate qu'elle avait opportunément adopté à l'époque, tout en ayant su parfaitement exploiter le paysage de la campagne anglaise dès qu'elle en avait l'occasion, Pride & Prejudice demeure une oeuvre pleinement aboutie sur un plan formel, n'ayant aucun mal à accrocher un regard moderne.

Enfin, la mini-série n'aurait sans doute pas atteint la dimension qui est la sienne sans le casting solide et convaincant qui l'a portée. Jennifer Ehle apporte une vitalité, mêlant malice et sérieux, à un personnage d'Elizabeth Bennet que l'on apprécie instantanément. Ayant un rôle plus complexe, Colin Firth se révèle parfait pour incarner ce Mr Darcy si fier, surpris par l'amour et la force des sentiments. Il propose une interprétation très inspirée qui se nuance peu à peu. Il faut souligner que les deux acteurs ont une réelle alchimie entre eux, et leurs scènes, pourtant toujours toutes en retenue, laissent transparaître une intensité émotionnelle troublante qui ne peut que toucher le téléspectateur. A côté de ce couple central, on retrouve toute une galerie d'acteurs tous aussi impliqués et convaincants, parmi lesquels Susannah Harker (House of Cards, Ultraviolet), Julia Sawalha (Absolutely Fabulous, Cranford, Lark rise to Candleford), Alison Steadman (Gavin & Stacey), Benjamin Whitrow (Chancer), Crispin Bonham-Carter, Polly Maberly, Lucy Briers, Anna Chancellor (Suburban Shoutout, Spooks), Lucy Robinson (Suburban Shoutout), Adrian Lukis (The Bill), David Bamber (Collision) ou encore Lucy Scott.

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Bilan : Entre oeuvre sociologique et initiation sentimentale, entre reconstitution historique et histoire d'amour, Pride & Prejudice est un récit universel et intemporel qui ne peut laisser insensible et dont cette adaptation parvient à mettre parfaitement en valeur l'intensité et la force de ses dimensions tant humaine qu'émotionnelle. De ce portrait vivant et détaillé, on retiendra la facilité avec laquelle la mini-série réussit à alterner les tonalités, capable de mettre en scène avant autant de brio les tensions comme les passages plus légers, où pointe, derrière ce diffus parfum caractéristique de la comédie, une malice savoureuse. Bénéficiant d'une construction homogène répartie sur six épisodes, cette fiction télévisée est fidèle à l'esprit de l'oeuvre d'origine, tout en y apposant sa marque.

Au final, redécouvrir en 2011 cette adaptation de Pride & Prejudice datant de 1995, c'est constater que cette version mérite assurément le statut qu'elle a acquis dans le coeur de nombreux téléspectateurs. Devenue un classique d'un genre auquel elle a donné justement quelques belles lettres de noblesse, elle demeure un des period drama de référence. Incontournable.


NOTE : 9/10


La bande-annonce :



Extrait - La danse :



Extrait - La scène du lac :