19/01/2011
(K-Drama / Pilote) Sign : un medical investigation drama jouant (trop?) sur tous les tableaux
L'évènement téléphagique du week-end sud-coréen était assurément le final de Secret Garden (un coup de coeur personnel qui aura dépassé toutes mes attentes). Mais comme il me faudra un peu de temps pour prendre du recul et jeter un regard rétrospectif rationnel sur ce drama, aujourd'hui sera le premier mercredi asiatique du blog à traiter d'un k-drama de 2011.
Je vous l'avais déjà confié, rien ne me tentait vraiment a priori parmi les nouveautés. Mais je suis téléphage, donc curieuse, par conséquent cela n'était pas un synopsis peu affriolant qui allait m'arrêter. Et c'est finalement sur Sign que mon choix s'est porté. Un peu par défaut, mais aussi en raison du genre plus policier que la série souhaitait investir. Si sa trame principale lui permet de progressivement gagner en intérêt, j'avoue que ses deux premiers épisodes ne m'ont ni vraiment marqué, ni vraiment convaincu que ce drama mérite de s'y investir davantage. Cependant, pour ceux qui veulent se changer les idées hors des comédies romantiques, Sign peut être une solution...
Cette série est officiellement présenté comme un "medical investigation drama", c'est-à-dire qu'elle se propose d'aborder des enquêtes policières sous une perspective plus vraiment originale de nos jours, mais qui reste quand même particulière, celle de la science, à travers le travail de la police scientifique et des médecins légistes. C'est donc une série dont les ressorts narratifs vont être basés sur les indices qui vont pouvoir être collectés et exploités d'une scène de crime, ou sur l'art de faire parler le cadavre d'une victime au cours d'une autopsie. Prompt à exploiter les possibilités qu'offre ce concept en terme d'environnement, Sign nous entraîne en terrain connu dès ses débuts, puisqu'elle s'ouvre sur la mort très suspecte d'une star de la chanson, le leader d'un groupe de k-pop : l'idée de l'homicide fait rapidement son chemin, mais la résolution de l'énigme apparaît rapidement ne pas être la priorité pour tous les protagonistes.
En effet, l'enquête, complexifiée par la sur-médiatisation du cas, va réveiller les tensions inter-services et voir s'affronter différents responsables qui vont avoir tendance à laisser prévaloir leurs ambitions personnelles sur la bonne conduite de l'enquête. Le seul à rester focaliser uniquement sur l'investigation est sans doute Yoon Ji Hoon, médecin légiste au NFS, un institut public chargé notamment de procéder aux autopsies pour la police. Brillant tout en étant doté d'un sens du relationnel proche du néant, ce dernier s'attache à faire son job avec une abnégation louable, mais qui ne tient pas toujours compte de la réalité des rapports de force présents. C'est ainsi que sur cette affaire, il va se heurter de plein fouet à un de ses concurrents de toujours, professeur renommé qui ne partage pas son refus de toute compromission, Lee Myung Han.
Cependant, derrière cette apparente bataille d'égos se cache une affaire plus complexe qu'il n'y paraît. Et si conclure le plus rapidement et en faisant le moins de vague possible paraît être la préocupation première de tous les responsables, c'est peut-être aussi parce qu'en arrière-plan, d'autres jeux d'influence, bien plus puissants, sont à l'oeuvre. La vérité peut-elle -et doit-elle- toujours triompher ?
Le premier élément scénaristique marquant la découverte de Sign tient assurément à son concept, ou plus précisément à l'approche finalement assez paradoxale qu'elle en fait. C'est amusant de voir la façon dont la série revendique ostensiblement ses influences sans pour autant réellement les embrasser. Certes, depuis une décennie, il suffit de placer au coeur de l'intrigue des scientifiques - policier ou médecin légiste -, et l'esprit du téléspectateur se tournera automatiquement vers la ville de Las Vegas d'où est parti ce phénomène. Et Sign entend pleinement capitaliser sur cet effet de mode. Sans d'ailleurs s'en cacher le moins du monde, au vu du nombre de références directes faites aux Experts dont l'épisode regorge. La fascination pour la série américaine a ainsi forgé la vocation de l'héroïne, tout autant qu'elle suscite la méfiance des plus anciens qui n'ont manifestement pas la même vision de leur métier.
Sauf que... demander à une série sud-coréenne de faire du CSI relève du mimétisme illusoire. Là où sa consoeur américaine déclinera de manière calibrée et huilée un formula show qui s'attachera à une méthode d'investigation rigoureuse, Sign ne va en rien renier le canevas habituel qui forge les bases des k-dramas. Si bien qu'en dépit de cette aspiration à s'inscrire dans un héritage télévisuel particulier, et même si les scénaristes s'efforcent par intermittence de recréer une ambiance scientifique objective, Sign ne va devoir à la série, qu'elle cite pourtant constamment, qu'une poignée de passages qui paraissent au mieux étrangement exotiques dans la narration globale, au pire parfois en rupture avec une tonalité d'ensemble subjectivisant pleinement toutes les situations.
A défaut d'être vraiment maîtrisé, ce qui l'amène à verser trop souvent dans un registre un peu artificiel, disons que, d'un point de vue purement téléphagique, l'expérience est intéressante car la comparaison des influences met vraiment en lumière un certain nombre de ficelles et dynamiques propres à la nationalité de la fiction.
Au-delà de cette quête identitaire un peu hésitante, Sign se présente sous les traits d'une série policière qui va rapidement prendre des accents de vrai thriller. Certes, c'est une mort suspecte qui sert de catalyseur à l'intrigue, avec une victime symptomatique d'une autre dérive k-drama-esque, puisqu'il s'agit du leader d'un groupe phare de k-pop, permettant par la même occasion de nous entraîner derrière les paillettes, dans les coulisses pas forcément très accueillantes de cette industrie. Cependant, sur cette enquête sur-médiatisée mais qui aurait malgré tout pu être presque banale, vont venir se greffer toutes les complications du genre envisageables. Et autant dire que dans ce domaine, Sign n'hésite pas à voir les choses en grand, voire un peu dans la démesure. Luttes d'influence, abus de pouvoir, impunité des puissants... s'y casent toutes les grandes thématiques familières du petit écran sud-coréen.
D'autant plus que si Sign ne peut pas être un CSI-like, c'est aussi parce que le drama va naturellement personnaliser, presque à outrance, tous ses enjeux. En quelques minutes, il transforme ainsi une simple (en théorie, du moins) autopsie en affrontement jusqu'au-boutiste entre deux rivaux de toujours, allant jusqu'à en faire son premier cliffhanger. Non seulement les égos et ambitions personnelles prennent rapidement le pas sur une enquête qui reste déterminante sans être l'enjeu central, mais la série introduit également l'autre versant confrontationnel par excellence, celui des déceptions amoureuses, en ajoutant à la situation déjà explosive le ressentiment d'un ex-petite amie en colère, qui exerce désormais des responsabilités au bureau du procureur.
En résumé, Sign ne craint pas d'en faire trop. La série ne cherche d'ailleurs pas à faire dans le réalisme, mais plutôt à positionner ses protagonistes les uns par rapport aux autres, tout en sur-dramatisant les oppositions potentielles. C'est sans doute là où le bât blesse. Si l'intrigue globale finit par retenir l'attention, les personnages apparaissent eux enfermés dans des stéréotypes trop déshumanisés. La distribution des rôles est classique, de la jeune apprentie pleine de bonne volonté au génie arrogant/narcissique/asocial, mais peine à trouver un équilibre crédible. On garde une sensation d'artifice et la dynamique ne prend pas au sein de cette galerie de personnages (du moins au cours des deux premiers épisodes). Mon plus grand souci réside d'ailleurs dans la figure centrale, excessivement antipathique et cariturale, malheureusement présentée sans la moindre prise de distance. Si bien qu'au final, il est vraiment difficile de s'attacher à qui que ce soit.
Sur la forme, Sign propose une réalisation maîtrisée. Certes, elle ne résiste pas à quelques effets de style, notamment pour mettre en scène la victime ou bien la personne suspecte le soir du crime, mais cela reste globalement assez sobre. Certains montages ou découpages particuliers de l'écran dénotent une réelle volonté d'essayer d'insuffler une forme de dynamisme à l'ensemble - sans forcément toujours y réussir -, doublé d'un effet "high tech" qui se traduit par la mise en valeur du recours à la science. Pour accompagner ses choix, le drama est efficacement servi par une bande-son rythmée, mêlant les styles musicaux. Le rendu musical n'est pas inintéressant.
Enfin, un dernier mot sur le casting qui, là-aussi, manque peut-être d'argument pour me convaincre de donner une chance supplémentaire à la série. Il y a beaucoup de sur-jeu, notamment dans les interprétations des deux acteurs principaux. J'avoue que Park Shin Yang (The Painter of the Wind) m'a plutôt agacé - mais cela tient beaucoup à l'écriture très unidimensionnelle de son personnage. A ses côtés, dans les figures fémines, Kim Ah Joong joue sans surprise la partition prévisible de l'apprentie au fort caractère mais qui a encore tant à apprendre. tandis qu'Uhm Ji Won (The woman who still wants to marry) trouve progressivement sa place à mesure que son personnage peut dévoiler d'autres facettes. Jun Kwang Ryu (Jumong, Baker King) s'impose sans souci dans le registre du rival du héros. Enfin Jung Gyu Woon étant charmant ayant d'autres atouts que son jeu d'acteur (et mes souvenirs de Doctor Champ étant encore frais dans ma mémoire), je me contenterai donc de dire que, pour le rôle de policier impulsif qui lui est dévolu, je suis certaine qu'il conviendra parfaitement.
Bilan : Série d'inspiration policière qui souhaite jouer sur tous les tableaux thématiques, Sign assume un mélange des genres fourni sans craindre d'en faire trop. Tour à tour enquête scientifique sur laquelle les rivalités personnelles prennent le pas, mais aussi thriller n'oubliant pas une pointe de romance désillusionnée, le drama multiplie les sources d'inspiration, tout en peinant un peu à dégager une identité précise au cours de ces deux premiers épisodes. L'intrigue principale s'assure de retenir l'attention d'un téléspectateur dont la curiosité est attisée par la dimension démesurée qu'elle acquiert. Mais si les personnages sont placés au coeur de la dynamique de la série, ils s'enferment pour le moment dans des registres excessivement prévisibles qui les rendent trop artificiels pour que leur sort importe au téléspectateur.
Pour trouver un équilibre, il reste à Sign à tirer toutes les conséquences au plan humain de la personnalisation des enjeux de ses enquêtes. Si elle y parvient, ceux qui souhaitent s'offrir une petite parenthèse sans comédie romantique y trouveront peut-être leur compte.
NOTE : 5/10
La bande-annonce (images du deuxième épisode) :
Le générique :
Une chanson de l'OST :
07:20 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : k-drama, sbs, sign, park shin yang, kim ah joong, uhm ji won, jun kwang ryu, jung gyu woon | Facebook |
16/01/2011
(Mini-série UK) The Lost Prince : un portrait intimiste au coeur des tourbillons de l'Histoire
The story of the prince that history forgot.
L'actualité du petit écran a beau avoir été très riche ces derniers jours, c'est finalement vers des explorations téléphagiques plus anciennes que je me suis tournée. Non seulement parce qu'il faut bien que je me plonge de temps en temps dans ma (haute) pile de DVD à voir, mais aussi parce que les découvertes que j'y fais sont bien trop captivantes pour que je songe à leur préfèrer des pilotes de concept au parfum confusément anachronique, de remake inutile ou d'énième déclinaison d'ersatz Shonda Rhimes-iens exotiques, proposés en ce début de mois de janvier aux Etats-Unis. Pourtant j'ai bien tenté de jeter un oeil à tout cela ; mais que voulez-vous, la fiction qui a retenu mon attention cette semaine date de 2003. Elle s'intitule The Lost Prince ; et elle, elle a le mérite de me rappeler pourquoi je suis téléphage.
Saluée et récompensée jusqu'aux Etats-Unis où elle a remporté en 2005 l'Emmy Award de la meilleure mini-série, il s'agit d'une fiction d'une durée totale de 3 heures, composée de deux parties d'une heure et demie chacune. Son visionnage s'inscrit dans le cycle de découvertes des oeuvres de Stephen Poliakoff entamé depuis quelques mois, et au cours duquel j'ai déjà eu l'occasion de vous parler de Perfect Strangers, puis dernièrement de Shooting the Past. J'avoue que ma fascination grandissante pour le style qui marque ces fictions a encore pris une autre dimension en regardant The Lost Prince.
The Lost Prince couvre une décennie de bouleversements politiques européens, s'ouvrant durant le Noël 1908 et se terminant en 1919 dans les ruines d'une Première Guerre Mondiale qui aura redessiné géopolitiquement et constitutionnellement une Europe où le temps n'est plus aux monarchies. Marquant la fin d'une époque, elle nous relate ces évènements de la perspective d'une famille royale britannique au sein de laquelle se joue un autre drame, plus personnel.
Car The Lost Prince s'appelle John. Il est le plus jeune fils du roi George V et de la reine Mary. Atteint d'épilepsie depuis son plus jeune âge et ayant eu une enfance marquée par des violentes crises soigneusement dissimulées par sa famille, sa santé précaire a également empêché le garçon de s'épanouir normalement, souffrant d'un léger retard dans ses capacités mentales. Devant l'inéluctabilité d'une situation de plus en plus difficile, souhaitant évacuer artificiellement cette douleur et le soustraire à tout regard extérieur, ses parents organiseront son éloignement, le tenant à l'écart de la cour et des mondanité où il ne pouvait être qu'une source d'embarras. D'abord reclus dans une maison attenante, il finira par être envoyé dans une ferme loin de tout à la campagne.
C'est cette courte vie aux accents tragiques que la mini-série nous relate, explorant les relations du prince avec son entourage. Au centre de son univers, il y a Lalla, sa fidèle nourrice, qui restera jusqu'au bout son plus précieux soutien. Mais sa famille demeurera également une constante. Si John n'entretiendra que des rapports excessivement distendus avec des parents peu enclins naturellement à exprimer des sentiments mais qui souffrent profondément de leur impuissance face à son état, il conservera toujours une relation pleine de complicité avec un de ses frères, George, à peine plus âgé que lui, égaré lui-aussi dans ce jeu des apparences où ce qui est socialement attendu de lui ne lui correspond absolument pas.
John mourut finalement à l'âge de 13 ans, en 1919, d'une crise d'épilepsie plus violente que les autres, concluant une mini-série assurément poignante à plus d'un titre.
Dense et théâtrale, bénéficiant d'une narration admirablement maîtrisée de bout en bout, The Lost Prince est une mini-série aboutie qui s'inscrit dans les thématiques chères à Poliakoff - la famille, l'Histoire - tout en y apportant un souffle supplémentaire par rapport aux autres mini-séries dont j'ai déjà pu vous parler (Perfect Strangers comme Shooting the Past) : ici, l'Histoire ne se re-découvre pas dans les images d'archives, elle s'écrit sous nos yeux, ajoutant une dimension émotionnelle encore plus intense.
The Lost Prince, c'est tout d'abord une histoire familiale. C'est un drame humain pudique qui ne verse jamais dans le larmoyant facile. C'est un portrait plein de vie d'un garçon, puis d'un adolescent dynamique, dont la mini-série va s'attacher à suivre le quotidien. Si son handicap est traité avec beaucoup justesse, mais aussi de pudeur, c'est également parce qu'il confère à John l'insouciance de ceux dont l'état leur permet de ne pas être astreint à l'étiquette sociale rigide de leur statut, pouvant ainsi énoncer sans sourciller des vérités crues que personne n'oserait formuler à voix haute dans ce monde d'apparences. Une liberté mise en exergue tout au long du récit que lui envie son frère George, insupporté par la pensée de la carrière militaire déjà régentée qui l'attend. Les destinées parallèles, toutes aussi peu enviables, des deux frères, constituent un fil rouge narratif des plus opportuns. L'intensité des rapports fraternels que les deux garçons partagent, par contraste à la distance que maintient le reste de la famille, est aussi très émouvante, apportant à John une chaleur humaine dont il a besoin même s'il n'en a pas toujours conscience. C'est dans cette optique qu'il faut aussi saluer le rôle que joua Lalla, nourrice tellement attentionnée et obstinée qu'elle se substitua en bien des points à une mère dont le statut empêchait qu'elle remplisse cette fonction.
The Lost Prince apparaît donc à la fois comme un portrait intime, mais aussi comme une immersion dans un certain microcosme monarchique, qui va lui permettre de relier naturellement ces histoires personnelles à des évènements d'une toute autre dimension, tout aussi déstabilisant pour la famille royale.
The Lost Prince, c'est aussi en arrière-plan des pages d'Histoire troublée qui se tournent sans complaisance. C'est le récit d'une décennie de redistribution des cartes en Europe que la monarchie britannique va s'efforcer de traverser en dépit d'une hostilité grandissante à son égard. Comme toujours, la narration de Poliakoff fonctionne pleinement, avec une intensité fascinante, par le biais des symboles et des mises en scène. A travers les leçons du précepteur de John, matérialisées par ces présences de personnalités décorées et imposantes lors de l'enterrement d'Edouard VII, nous entrevoyons l'étendue de toute cette parenté royale, de degré plus ou moins proche, qui règne aux quatre coins de l'Europe. La Première Guerre Mondiale va venir bouleverser cet échiquier politique, faisant perdre leurs derniers repères à un couple royal qui subit même la méfiance de son propre peuple, allant jusqu'à devoir abandonner le nom aux consonances germanophones que la famille porte.
Les cousins, proches d'hier, se transforment en ennemis. Emportés par les chaos de l'Histoire, certains abdiquent, d'autres sont renversés. Parmi ces monarques déchus aux destinées incertaines, c'est sur le sort d'une famille particulière, celle à la fin la plus tragique, que la mini-série va s'arrêter : les Romanov, à travers deux moments clés. C'est tout d'abord en un temps d'insouciance que nous les rencontrons quand, en cousin de George V, Nicolas II rendit visite à ce dernier, accompagné de toute sa famille, notamment de ses quatre filles tout de blanc vêtues qui fascinèrent tant le jeune John. Une famille qui, à la différence de sa consoeur anglaise, vit encore dans une conception d'absolutisme, sans avoir l'habitude des compromis, comme le souligne l'attitude adoptée par la Tsarine, accentuée par les tergiversations sans fin de Nicolas II. Nous ne reverrons ensuite la famille du Tsar que dans l'imagination de John. Pour sauver sa position fragilisée, alors que partout en Europe les monarchies disparaissent, George V fera pression pour que l'Angleterre n'accueille pas ces souverains russes déchus si impopulaires auprès de son opinion publique. Dans un style propre à Poliakoff, celui d'un récit indirect distant, le téléspectateur assistera à leur exécution, qui entérinera définitivement la fin d'une époque.
Fascinante par le traitement qu'elle propose de cette multiplicité des thématiques abordées, The Lost Prince est également une mini-série pleinement aboutie sur la forme. Elle porte ici la marque caractéristique de son auteur. Sa réalisation, soignée, trouve en effet une inspiration théâtrale dans laquelle elle s'épanouit. Certains mises en scène versent dans une symbolique soigneusement étudiée, où le poids et la force des images se veulent bien plus parlant que des dialogues qui sont parfois absents de ces passages. A ce titre, je pense que la scène qui m'a le plus marqué se situe au début de la deuxième partie. Alors que l'Europe est en ébulition, suspendue à la réaction russe et allemande suite à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, on y voit le Tsar Nicolas II s'adonner insouciant à sa passion pour la natation sous les yeux de sa famille rassemblée. Sur le côté, les militaires attendent son ordre de mobilisation, tandis que la devanture dans laquelle la famille tsariste est confortablement installée, d'une couleur rouge sombre, se reflète dans l'eau jusqu'à la forme allongée de Nicolas II, lequel porte également un costume de la même couleur. Cette ombre rouge qui s'étend, c'est celle du sang. C'est le destin de cette famille qui bascule par la décision alors prise et l'engrenage qui s'enclenche. Ce passage est un vrai modèle du genre.
De plus, The Lost Prince porte également la marque musicale de Poliakoff, avec une utilisation fréquente, résolument intégrés au récit, de morceaux de musique classique qui retranscrivent à merveille la tonalité des scènes qu'ils accompagnent. Elle sublime certains passages, et son apogée se trouve sans doute dans le récital final délivré par John, poignant d'une intensité émotionnelle où percent tant de regrets qu'elle en bouleverse la famille royale comme le téléspectateur.
Enfin, The Lost Prince ne serait sans doute pas cette oeuvre magistrale sans la performance d'ensemble que délivre son superbe casting. Il faut tout d'abord saluer les plus jeunes qui remplissent admirablement leur rôle, Daniel Williams (Frankenstein), puis Matthew James Thomas (Britannia High) incarnant tour à tour un prince John touchant, à la fois fragile et plein de vie. Brock Everitt-Elwick (Bonkers), puis Rollo Weeks leur offriront un pendant parfait, dans le rôle de son frère George.
Du côté des adultes, on retrouve des acteurs confirmés qui trouvent ici l'occasion de nous rappeller tout le bien que l'on pense d'eux : Gina McKee (The Forsyte Saga, The Silence) est une Lalla dévouée, Tom Hollander (Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics, Rev, Any Human Heart) un roi George V navigant à vue en ces temps si troublés, Miranda Richardson (Rubicon) une reine Mary tout en retenue et en dignité dont la sensibilité perce à l'occasion l'apparence froide qu'elle s'est construite. Enfin Bill Nighy (State of Play) est, comme toujours, excellent. Parmi les autres acteurs, signalons la présence de Michael Gambon en Edward VII vieillissant, la reine Alexandra étant interprétée par une émouvante Bibi Anderson.
Bilan : Bénéficiant d'une écriture aboutie, maniant avec habileté l'art de la mise en scène et des symboles, The Lost Prince est une mini-série touchante, profondément humaine, qui propose un portrait attachant et sensible de ce prince oublié. A travers sa brève vie, elle nous immerge dans le milieu codifié et rigide d'une monarchie à la légitimité vacillante, au centre duquel on trouve une famille royale britannique luttant pour sa survie face à l'Histoire qui est en marche, perdant ses repères et isolée dans la guerre comme face aux révolutions qui ont lieu sur le continent européen.
Rejoignant certaines thématiques chères à Poliakoff comme la famille et l'Histoire, The Lost Prince mérite sa place au sein de ces incontournables oeuvres qui ont donné ses lettres de noblesse au petit écran. Indispensable.
NOTE : 9,25/10
Un extrait - la scène (qui me fait fondre en larmes) du récital à la fin :
Le thème musical :
14:45 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bbc, the lost prince, stephen poliakoff, miranda richardson, gina mckee, michael gambon, bill nighy, daniel williams, matthew james thomas, brock everitt-elwick, rollo weeks, bibi anderson | Facebook |
15/01/2011
[TV Meme] Day 20. Favorite kiss
On entame aujourd'hui le virage romantique de ce TV Meme avec, pour commencer, une question qui peut légitimer mille et une réponses différentes toute aussi justifiées : celle du baiser préféré. J'écris souvent que je ne suis pas quelqu'un de fleur bleue par nature, que les romances ont plus souvent suscité chez moi un profond ennui qu'une éphémère émotion... Mais derrière ce faux coeur de pierre, en y réfléchissant, je me surprends finalement à découvrir qu'il y a quand même une logique et une certaine sensibilité dans la manière dont je perçois ce type de passages romantiques.
Il faut dire que les baisers, il y en a de toutes sortes. Les passionnels qui nous font frémir, les attendus qui nous font fondre, les hésitants qui en deviennent touchants, les ratés qui nous font sourire, et même des involontaires qui donneraient plus envie de s'arracher les cheveux. Cependant, l'impact dudit baiser tient souvent bien plus au contexte dans lequel il s'inscrit, aux personnages qu'il implique, qu'à la scène elle-même qui va se dérouler sous nos yeux. Fatalement, celui qu'échangera un couple auquel on s'est attaché, pour lequel on a milité ("shippé") plus ou moins consciemment pendant des mois, voire des années, ne saurait nous laisser indifférent. La mise en scène a certes son importance, mais elle sera plus la cerise sur le gâteau que réellement déterminante dans nos souvenirs.
J'avoue que je n'avais jusqu'à présent jamais vraiment réfléchi sur mes rapports aux romances, et plus précisément à ces scènes de consécration amoureuse. Sans surprise, il y a tout d'abord un premier constat à faire : les baisers ne font pas partie des scènes qui me marquent traditionnellement et resteront associés à une série. La plupart du temps, elles figurent dans la colonne des images oubliées. Je me souviendrais que le baiser a eu lieu comme d'un fait, une avancée dans l'histoire, mais les images du passage auront disparu. (Quand je vous disais que je suis une grande romantique.)
En raison de cet obstacle mémoriel, si je remonte dans l'histoire de ma sériephilie, il y en a finalement assez peu qui sortent du lot. Ce qu'il fait qu'ils sont si particuliers, ce qui les rend différents, plus fondamentaux que les autres, c'est qu'ils ont laissé une empreinte émotionnelle, et c'est à ça que se raccrochent mes souvenirs. En laissant volontairement de côté un couple sur lequel je reviendrai la semaine prochaine, dans les instantanés qui défilent sous mes yeux, un trio se détache :
_ Celui qui constitue mon premier souvenir : C'était un baiser qui remonte à une époque où je n'étais que sériephile en devenir ("en formation"), où toutes ces implications - le feuilletonnant, l'attachement aux personnages, l'attente - étaient encore tellement nouvelles. C'était aussi une ère où je n'avais pas d'accès internet, ni les moyens de savoir si mes rêves d'apprentie-shipper seraient concrétisés par les scénaristes. C'est donc en quelque sorte une première fois dans ma téléphagie : avoir espéré le baiser et l'avoir vu se réaliser. Il s'agit du baiser de la réconciliation échangé entre Carol et Doug à la fin de la saison 3 d'Urgences.
_ Puis, il y a eu celui qui a marqué mon adolescence : Le premier baiser échangé entre Rory et Jess, dans la saison 2 de Gilmore Girls. Parce que, quoiqu'on en dise, pour moi, ces deux-là resteront toujours la paire qui aurait dû être, celle qui était la plus naturelle, la plus intéressante et la plus complémentaire. Ne me parlez pas de Dean ou de Logan. Je suppose que j'étais moi-aussi à l'époque dans une période où l'on se sent prête à fondre pour les bad boy.
_ Enfin, celui que j'ai le plus attendu : Sept longues saisons...! Oui, je vais vous parler d'A la Maison Blanche (The West Wing). Ce n'est pas une série qui a jamais centré son récit sur les relations amoureuses. Et quand elle s'y est risquée à l'occasion, cela a donné des résultats très contrastés. Mais elle ne pouvait pas se conclure sans offrir ce que tout téléspectateur savait et attendait : Josh et Donna consacrant (enfin) leurs sentiments dans l'euphorie d'une victoire électorale :
Cependant, ce n'est pas vers le petit écran occidental que je vais m'arrêter aujourd'hui (il fallait bien que cela arrive à un moment de ce TV Meme). Comme je vous l'ai dit, à mes yeux, c'est la dimension émotionnelle qui prime sur tout le reste pour faire du baiser un moment vraiment marquant qui restera graver dans ma mémoire. Et ce bref instant où j'ai l'impression de redécouvrir une fibre fleur bleue oubliée, au cours des deux dernières années, je l'ai trouvé sur un autre continent : l'Asie.
Oh, j'en conviens, vous y trouverez rarement des étreintes passionnées (et je peux comprendre, dans certains cas, les réserves de Tite Souris sur ce point). Cependant, quand je pense à un "baiser", je ne fais pas non plus référence à la rencontre incertaine et excessivement figée de deux lèvres qui s'effleurent par la magie de l'angle d'une caméra qui donne l'impression qu'elles se touchent. Je laisse aussi de côté tous ces baisers "accidentels" rattachés aux lois de la gravité, au ressort comique incertain. Je vous parle de ces scènes naturelles, impulsives ou non, souvent relativement chastes ou du moins en retenue, qui viennent consacrer et souligner un aspect sentimental qui est son coeur et sa raison d'être. Un baiser, c'est quelque chose qui n'est jamais banalisé dans ces séries. Un évènement qui ne peut pas être anodin. En investissant le registre de l'émotionnel avec la forme d'innocence propre à son écriture, elle en décuple finalement le ressenti du téléspectateur. Voilà pourquoi, dernièrement, ce sont ces baisers qui savent me toucher plus, ou du moins plus profondément.
Le dernier baiser à m'avoir ainsi marqué date de cet été 2010. Je vous en ai déjà parlé dans un bilan précédent, il nous vient de Corée du Sud : il se trouve dans l'épisode 8 de Coffee House. (Désolée pour la qualité de la vidéo avec le logo de la chaîne flouté, il a fallu que j'aille jusque sur le web chinois pour vous la trouver.)
Ce passage vient conclure un épisode extrêment pimenté, où Jin Soo et Eun Young auront joué à l'excès sur des mises en scène et des manipulations volontaires à destination de leurs entourages respectifs, qui auront fait monter la tension entre eux durant toute l'heure. Dans sa représentation, il y a tous les classiques formels du baiser k-drama-esque : un certain degré d'inévitabilité couplé d'une impulsion soudaine d'un des deux personnages, une mise en scène théâtrale avec la caméra qui s'écarte pour nous présenter l'instant sous tous les angles, le lancement de la musique de l'OST associée aux moments romantiques. Outre le fait que ce couple m'a fait passer par tous les états au cours du drama, ce qui lui donne aussi sa force, c'est qu'elle s'inscrit parfaitement dans la narration globale. Bref, sur le moment, sans que je puisse vraiment vous l'expliquer de façon rationnelle, elle m'a juste complètement fait défaillir devant mon petit écran. Une illustration parfaite que c'est bien la dimension émotionnelle qui prime et l'emporte sur tout le reste à mes yeux. (Le pire étant que cette scène me procure toujours autant de frissons même au trentième revisionnage de ce seul passage.)
Pour autant, en 2010, c'est un autre baiser, qui s'inscrit dans un registre différent, mais tout aussi intense, se trouvant dans un drama coréen datant de 2009 qui a pour moi frôlé la perfection à tous les points de vue : il se trouve dans City Hall.
Ici aussi, peut-être encore plus que dans Coffee House où la mise en scène avait son importance, c'est dans une forme de portée symbolique que se trouve la force de cette scène. A priori, si vous ne connaissez pas le drama, elle pourrait vous sembler banale. Mais c'est bien tout le contraire. Elle marque à plus d'un titre. Parce qu'il s'en dégage une assurance - ou un aplomb - pleine d'une douceur et d'une matûrité presque inattendues. Elle pose pour la première fois une rupture nette dans la dynamique de confrontation classiquement à l'oeuvre au sein de ce couple, à laquelle succède durant cette brève scène une tendresse jusqu'alors jamais consacrée. Ce contraste est d'autant plus frappant que le baiser est d'ailleurs opportunément précédé d'un échange plein de teasing, où Jo Gook teste les limites de Mi Rae, lui annonçant avec sa diffuse arrogance habituelle qu'il va lui donner une bonne raison de le gifler. Et pourtant, par cette scène, on perçoit bien que les deux franchissent en conscience une nouvelle étape dans leur relation.
C'est donc ce baiser échangé entre Jo Gook et Mi Rae, dans l'épisode 14 de City Hall qui constitue mon "favorite kiss".
14:15 Publié dans (TV Meme) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : tv meme, best kiss, city hall, coffee house, gilmore girls, urgences | Facebook |
12/01/2011
(K-Drama / Pilote) Yacha (Yaksha) : impitoyables luttes de pouvoir sur fond de trahisons
Je crois que je suis d'humeur nostalgique. Je traîne un peu à passer en 2011 ; Secret Garden se termine et 2010 aura été une année si riche et diversifiée que j'ai du mal à refermer le chapitre. Voilà pourquoi je poursuis l'air de rien mes découvertes des nouveautés du mois dernier. Vous connaissez mon penchant inconditionnel, malheureusement chronophage et donc quelque peu déraisonnable, pour les sageuk. J'essaie par conséquent de ruser. Si les kdramas historiques des grandes chaînes sud-coréennes effraient par leur nombre d'épisodes, en revanche, le câble a l'avantage d'héberger des séries plus courtes. C'est ainsi le cas de Yacha (ou Yashka), diffusée sur OCN depuis le 10 décembre 2010, au rythme d'un épisode par semaine et qui en comportera un total de seulement 12.
Outre sa relative brièveté, l'autre atout du câble, c'est qu'il peut s'affranchir d'un certain nombre de limites ou de cadres imposés aux kdramas diffusés sur les grands chaînes. Si vous avez déjà jeté un oeil à certains, vous avez pu constater que le contenu n'a pas forcément la même tonalité, même si l'on y croise des ingrédients narratifs immuables au pays du Matin Calme. Yacha étant diffusé à minuit, avec la signalétique interdit aux moins de 18 ans, le téléspectateur était prévenu. Encore que... Car la violence et le sexe, c'est une chose ; des effets spéciaux ultra-gores dans les combats, c'en est une autre ! Si la trame qui se construit progressivement au cours des premiers épisodes m'a convaincu d'aller jusqu'au bout d'un drama dont l'histoire a des atouts, j'avoue que ces effets spéciaux dispensables auront quand même bien failli me faire fuir avant même la fin du pilote.
Bref, soyez quand même prévenu, Yacha n'est pas une série devant laquelle vous dînerez.
Se déroulant dans une époque particulièrement troublée, non précisément située chronologiquement (Chosun ?), Yacha nous plonge dans un royaume où la pauvreté s'étend peu à peu. Le pouvoir central tombe en déliquescence, les révoltes populaires grondent, tandis que la royauté affaiblie s'efforce de conserver jalousement ses quelques parcelles d'autorité face à des ministres avides de puissance. Si un redressement n'est pas rapidement opéré, c'est dans une anarchie complète que le pays risque de sombrer au détriment de sa population. Dans ce contexte si tourmenté, le jeune roi peut compter sur une force de frappe de l'ombre, la confrérie militaire des "Black Cloud Swords" dirigée par un ami d'enfance qui lui a juré fidélité et en qui il peut donc placer toute sa confiance, Lee Baek Rok.
Ce dernier, combattant hors pair, n'a jamais eu une vie facile, prompt à se sacrifier pour des proches qui n'éprouveront pas forcément un besoin réciproque. Il nourrit ainsi une relation très conflictuelle avec un frère qui l'a plus ou moins renié, des rapports teintés de jalousie déplacée et d'ambitions mal dissimulées. A l'origine de leurs problèmes se trouvait la belle Jung Yeon qui avait fait tourner le coeur des deux frères quand ils étaient encore jeunes, mais qui n'avait d'yeux que pour Baek Rok. Ce dernier s'effacera cependant au profit d'un frère, dont l'ambition dévorante le conduira finalement à jeter son dévolu sur la fille d'un ministre, plus apte à lui offrir la position sociale à laquelle il aspire.
Emporté dans les tourbillons des luttes de pouvoir qui déchirent le pays, c'est celui qui semblait être le seul soutien indéfectible de Baek Rok qui va provoquer sa perte. Tandis que les intrigues létales se poursuivent à la cour, ce dernier ayant miraculeusement survécu au massacre de sa troupe va tout faire pour revenir dans son pays afin de se venger... même s'il ignore encore l'étendue de la trahison qui a eu lieu.
Yacha est une série historique qui reprend à son compte tous les ingrédients classiques du genre et qui, du côté occidental, trouve ses parallèles dans des histoires comme celle de Gladiator. Baignant dans une atmosphère résolument sombre où tous les coups et toutes les trahisons sont permis, ni les liens du sang, ni l'amitié ne préservant des retournements d'allégeance, elle trouve progressivement ses marques après un premier épisode qui sert surtout à poser une ambiance plutôt que des enjeux précis. Poursuivant dans cette tonalité volontairement impitoyable, la série nous plonge ensuite dans les coulisses létales d'un pouvoir semblable à un échiquier (ou au plateau d'un jeu de Go, si on veut faire plus couleur locale) sur lequel évoluent des protagonistes, réduits à l'état de pions à la merci des puissances à l'oeuvre. Chacun sait s'appuyer sur ses forces et ses atouts pour agir dans l'ombre, ou bien de façon plus directe, afin de servir ses ambitions pour les uns, voire un supposé intérêt général pour les plus nobles. Par principe, tout est sacrifiable au nom de cet objectif de pouvoir. Du politicien expérimenté au monarque légitime, en passant par l'intellectuel empreint de confucianisme, les rapports de force se révèleront plus flous que l'on aurait pu le penser aux premiers abords.
Le portrait de cette atmosphère impitoyable constitue l'atout majeur de Yacha et c'est ce qui va retenir l'attention du téléspectateur. Car, à côté, les personnages peinent, eux, à véritablement s'imposer. Restant un peu en retrait, ils servent l'histoire, mais peinent à vraiment peser sur elle. C'est en quelque sorte lorsque les choses sérieuses commencent, lorsque les manoeuvres se révèlent au grand jour, qu'ils vont commencer à trouver leurs marques. Autant Baek Rok reste une figure manichéenne assez prévisible dans son rôle de guerrier sans doute trop honorable pour les temps qui courrent, les autres se révèlent en revanche dans l'adversité, sachant surprendre et s'écarter de certains carcans. Si la dimension humaine n'est assurément pas le point fort de ce drama pour le moment, dans certaines scènes, on perçoit un vrai potentiel qui sera peut-être exploité par la suite, lorsque certains devront véritablement choisir leur camp.
En résumé, Yacha dispose d'une intrigue forte sur laquelle elle réussit progressivement à capitaliser, mais où il manque pour le moment un aspect plus émotionnel traditionnellement attendu dans un k-drama. Les tragédies à l'oeuvre et autres vengeances devraient cependant permettre à la série d'investir un registre dramatique qui lui donnera les moyens de mieux explorer cette humanité (ou son absence).
Prenant et ne demandant pas un investissement excessif en temps, Yacha s'impose comme un drama très sombre, dont le visuel entend souligner cette tonalité. J'aime beaucoup l'esthétique cinématographique qu'elle investit et que l'on retrouvait déjà cet automne dans Joseon X-Files. Cela tranche avec les sageuks des grandes chaînes. D'autant que, précisons bien : qui dit "câble" ne signifie pas budget moindre. Au contraire. Yacha a en effet des moyens financiers tout à fait appréciable, qui se perçoivent dans sa réalisation et les images qu'elle propose. Malheureusement, à vouloir si bien soigner ses effets de style, la série tombe dans l'excès inverse : elle en fait trop. Car il est impossible de ne pas évoquer un autre élément formel qui marque, mais pas forcément dans le bon sens du terme : il s'agit de ses effets spéciaux.
Si c'est très bien d'avoir un budget confortable, les instances dirigeantes ont malheureusement dû confier leur trésor de guerre à un technicien qui a découvert émerveillé, à cette occasion, de nouveaux logiciels aux possibilités encore inexplorées (dont vous avez un aperçu sobre dans la screen-capture ci-dessous). Les efforts pour introduire une identité visuelle sont manifestes. Mais surtout Yacha n'entend pas se contenter de modestes chorégraphies de combat : elle souhaite bel et bien investir un registre d'action musclée qu'elle revendique haut et fort dès ses premières minutes. Sauf que si l'intention peut paraître louable a priori, ses combats vont naviguer quelque part entre un visuel de jeu vidéo ultra-violent et le film gore. Et j'avoue qu'au bout du quinzième membre tranché, de la quatrième tête qui valdingue par terre et des jets de sang continuels qui parsèment l'écran jusqu'à rester sur la caméra pendant quelques secondes, j'ai fini parfois par détourner les yeux. C'est vraiment donner dans de l'ultra-violent clinquant et gratuit dont les excès ne se justifient pas forcément narrativement parlant, même si cela séduira peut-être les amateurs du genre.
Si la série en fait donc trop, reconnaissons qu'elle a quand même soigné sa forme jusque dans sa bande-son qui va, elle, prudemment rejoindre les grandes recettes classiques des kdramas, et ce, de façon plutôt efficace. Yacha bénéficie en effet de plusieurs thèmes musicaux qui reflètent avec justesse l'ambiance à la fois épique et tragique pesant sur l'histoire, tout en proposant également une chanson thématique parfaite pour illustrer l'affrontement fraternel sous-jacent au récit. Rien de très original, mais cela fonctionne.
Enfin, quelques mots sur son casting où l'on ne retrouve pas de grandes têtes d'affiche, mais des acteurs qui vont remplir efficacement et sobrement leur rôle. Les personnages n'étant pas forcément la dimension la plus aboutie de Yacha pour le moment, ils restent modérément solicités. Le héros est incarné par Jo Dong Hyuk (Snow in August) à qui on demande avant tout d'être un guerrier. A ses côtés, pour jouer cette partie d'échecs létale, on retrouve Seo Do Young (Invicible Lee Pyung Kang), Jun Hye Bin (The King and I), Son Byung Ho, Suh Tae Hwa (Alone in Love), Park Won Sang (Joseon Police, saison 2) ou encore Seo Yeong (Dal Ja's Spring).
Bilan : Drama historique résolument sombre, au parfum impitoyable que renforce une violence que l'on retrouve jusque dans l'identité visuelle de la série, Yacha propose une histoire de lutte de pouvoir relativement classique dans ses ressorts narratifs qui, en brisant ainsi la vie du héros, va fonder une vengeance qui sera tout autant fatale. Au rythme des trahisons qui s'enchaînent, elle esquisse des accents de tragédie qui lui permettra peut-être d'exploiter pleinement un potentiel qu'elle ne laisse pour le moment qu'entre-apercevoir par intermittence. En dépit de certains effets esthétiques outranciers dispensables, ses premiers épisodes construisent un cadre intrigant qui a piqué mon intérêt.
Même si elle s'adresse sans doute à un public averti, Yacha me semble donc mériter un investissement pour les 12 épisodes qui vont la composer. Elle devrait s'achever le 25 février prochain.
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce :
Une chanson de l'OST (avec des images du début du drama) :
20:10 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : k-drama, yaksha, yacha, ocn, jo dong hyuk, seo do young, jun hye bin, son byung ho, suh tae hwa, park won sang, seo yeong | Facebook |
11/01/2011
(Mini-série UK / ALL) The Sinking of the Laconia : une parenthèse d'humanité dans une guerre totale
En fin de semaine dernière, BBC2 consacrait ses soirées de jeudi et vendredi (les 6 et 7 janvier 2011) à une mini-série inspirée d'une histoire survenue durant la Seconde Guerre Mondiale qui a marqué les codes de l'affrontement maritime : le naufrage du Laconia. Mettant en scène un sujet aux thématiques humaines fortes qui pouvaient difficilement laisser indifférent, cette co-production britannico-allemande (ce qui est aussi une de ses forces) était également l'occasion d'un retour au petit écran du scénariste Alan Bleasdale après plus d'une décennie d'absence.
Se découpant en deux parties d'une heure et demie, couvrant donc une durée de trois heures, The Sinking of the Laconia aura, après des débuts un peu lents, progressivement gagné en intensité, portée par un casting vraiment excellent (Ken Duken, Andrew Buchan, Lindsay Duncan...). Certes, on peut penser rétrospectivement que cette mini-série avait les moyens d'atteindre une dimension supplémentaire et qu'elle n'a sans doute pas exploité tout le potentiel que l'histoire de départ lui offrait, mais elle sera cependant aller bien au-delà du simple récit d'un fait de guerre atypique pour proposer une fiction qui, par la force de son sujet et des thématiques qu'elle esquisse, mérite assurément le détour. Elle m'a en tout cas permis de passer une vraie bonne soirée téléphagique comme je les aime.
Septembre 1942. Le RMS Laconia s'apprête à quitter le port de Cape Town, avec à son bord plus de 2000 passagers, parmi lesquels des civils et soldats anglais et polonais, ainsi que 1800 prisonniers de guerre italiens. S'éloignant des côtes sud-africaines pour gagner l'Angleterre, le navire ne reverra plus jamais la terre ferme. Car la Seconde Guerre Mondiale se joue aussi en mer. Ou plutôt sous les océans qui sont le terrain de chasse des sous-marins allemands, les fameux U-Boat. La fumée noir du mauvais carburant brûlé par les moteurs du Laconia attirera l'attention de l'un d'eux, faisant du navire ayant une capacité suffisante pour potentiellement transporter des troupes alliées une proie facile. Les torpilles du sous-marin l'enverront irrémédiablement par le fond, laissant les passagers survivants se débattre parmi les débris, les plus chanceux ayant pu gagner les canaux de sauvetage.
Mais là où l'histoire diffère d'un autre fait divers de guerre, c'est que le U-Boat ne quitta pas immédiatement les lieux une fois sa mission accomplie. Découvrant sur place la tragédie des prisonniers de guerre italiens, mais aussi la présence de civils, femmes et enfants, se débattant dans l'eau, bien trop loin des côtes et sans message de détresse envoyé à temps pour espérer survivre, le capitaine allemand du sous-marin, Werner Hartenstein, prit alors une décision inattendue, qui se reférait à un autre code de conduite, un honneur maritime non écrit. Il ordonna l'organisation du sauvetage des survivants du navire qu'il venait juste de couler, accueillant à bord du U-Boat ces naufragés et signalant l'opération en cours au QG allemand afin qu'il envoie du renfort.
Arborant une croix rouge et transportant désormais des civils en attendant l'arrivée d'un navire français envoyé par Vichy, le sous-marin sera ensuite pris pour cible par un bombardier américain, obligeant Hartenstein à retransférer dans les canaux de sauvetage les Anglais qui restaient à bord. Suite à ces évènements, l'amiral Donitz prendra le "Laconia order" qui interdira à l'armée allemande de procéder au moindre sauvetage à l'avenir. Les bâteaux français récupèreront un peu plus de 1000 survivants. Quant à l'U-Boat de Harstenstein, il sera coulé par les forces alliées quelques mois plus tard sans survivant parmi l'équipage.
Si The Sinking of the Laconia est une mini-série qui gagne progressivement en intensité, ses débuts comportent quelques longueurs sur lesquelles il ne faut pas se formaliser. Elle prend en effet son temps pour nous présenter les derniers jours du Laconia, choisissant de nous replonger dans l'atmosphère et les préoccupations d'une époque en guerre tout en mettant en scène un quotidien relativement prévisible. Cela lui permet d'esquisser les individualités de personnages clés qui, sans forcément s'imposer instantanément, vont constituer des repères pour le téléspectateur. Qu'il s'agisse de l'officier Mortimer, rattrapé cruellement par les bombardements se déroulant sur le sol anglais, d'Hilda, figure en fuite anglo-allemande à une période où cela n'était plus possible, ou encore de l'aristocrate Lady Elisabeth, c'est une galerie bigarrée de protagonistes ayant chacun une histoire très différente qui est ainsi présentée.
La première demi-heure apparaît donc comme un passage narratif obligé pour donner un sens au tournant du récit et au drame sur le point de se produire, sans apporter de réelle valeur ajoutée par rapport aux classiques du genre. Après ce début relativement lent mais toujours très appliqué et rigoureux, la mini-série acquiert peu à peu toute sa dimension dramatique pour délivrer deux derniers tiers autrement plus prenants, proposant quelques scènes magistrales d'une grande intensité humaine. Car si le naufrage apporte logiquement ses premières tragédies, l'intérêt de la mini-série réside dans cet autre regard qu'elle va introduire dans ces évènements, celui des Allemands, et du dilemme irréductible qui se pose à eux.
En raison des faits particuliers qu'elle relate, The Sinking of the Laconia n'est pas une mini-série de guerre ordinaire. Lors du second épisode, plusieurs soldats font naturellement référence à une autre trêve mythique, celle qui intervint spontanément à Noël 1914 dans les tranchées. Le parallèle est pertinent en ce sens où ces deux évènements mettent lumière une valeur qui transcende tous ces conflits, lumière vacillante mais toujours présente : une humanité partagée. Pourtant The Sinking of the Laconia jette un éclairage autrement plus ambigü sur la guerre, conduisant à une confrontation de valeurs et de devoirs qui renvoient presque à deux réalités.
La responsabilité de l'U-Boat dans la tragédie que vivent les passagers est entière mais, comme le dit d'ailleurs sans arrière-pensée un soldat ne sachant comment calmer la douleur du deuil d'une rescapée, cette attaque obéissait à une simple et froide vérité : celle de la guerre. En procédant ensuite à l'organisation du sauvetage, Hartenstein se situe sur un autre plan, autrement plus universel : celui de l'humanité. Entre les deux, existe une antinomie profonde dans laquelle réside justement toute la force de ce récit qui ne peut laisser indifférent. D'autant que, sans occulter la dimension dramatique, le scénario va avoir l'habileté d'opter pour une neutralité opportune, ne portant pas le moindre jugement sur les faits qu'il raconte.
C'est dans cette tonalité aux accents très authentiques que se trouve un des atouts majeurs de cette mini-série. Se détachant de tout manichéisme, The Sinking of the Laconia tranche avec les clichés traditionnels que véhiculent bien des fictions traitant de la Seconde Guerre Mondiale. Finalement, son incontestable et grande réussite va résider dans le portrait nuancé et très humain que la mini-série dresse des sous-mariniers allemands. Ils incarnent à eux-seuls toute l'ambivalence des différentes valeurs représentées, ainsi que toute la fascination que peut exercer cette histoire atypique.
Sous la mer, il n'y a pas vraiment place pour l'idéologie ; le nazisme n'est d'ailleurs évoqué que de manière incidente, surtout par le biais du personnage de Hilda, qui justifie ici toute son utilité narrative en s'imposant comme une figure à la croisée des camps. En revanche, à l'image de Rostau, les soldats allemands vont se retrouver dans deux valeurs identitaires, qui se révèle comme un dénominateur plus universel qu'il n'y paraîtrait a priori : il y a d'une part un nationalisme renforcé en ces temps troubés et d'autre part cette fierté d'être marin, propre à ceux qui répondent à l'appel du large. En leur sein, celui qui s'impose comme la figure centrale absolument incontournable de ce récit, dépeint avec une justesse et une retenue vraiment bien inspirées, est le capitaine Hartenstein. Le téléspectateur ressent, jusque dans ses silences, les arbitrages et compromis constants et difficiles qu'il doit opérer entre ses différentes obligations.
Sur la forme, The Sinking of the Laconia propose une mise en scène globalement soignée, avec une réalisation parfois assez agitée notamment pour retranscrire les mouvements du sous-marin en plongée. Certains passages à bord du Laconia ont fatalement un goût de sous-Titanic ou autre récit du genre, mais l'enjeu réel est de toute façon ailleurs. En dehors de quelques thèmes musicaux récurrents, l'ensemble reste formellement très sobre. On perçoit une volonté de ne pas trop en faire pour appuyer sur une forme d'authenticité, à laquelle contribue grandement un réalisme linguistique à souligner. Pas de faux accent traînant : les sous-mariniers sont bien joués par des acteurs allemands et une bonne partie de la mini-série se déroule donc dans la langue de Goethe sous-titrée en anglais. Cela renforce ainsi une impression de réalisme.
Ce choix apparaît d'autant plus opportun que la mini-série bénéficie d'un excellent casting dont il convient de saluer la performance. Il va réussir à jouer tant sur l'empathie que sur l'ambiguïté des protagonistes mis en scène. Si je n'avais aucun doute quant aux acteurs anglais, parmi lesquels on retrouve un toujours aussi inspiré Andrew Buchan (The Fixer, Garrow's Law), qui est partout en ce moment (mais ce n'est pas moi qui m'en plaindrais), ou encore une superbe et fidèle à elle-même Lindsay Duncan (Shooting the Past, Rome), la révélation de ces trois heures est vraiment venue du côté allemand. Au-delà de Franka Potente (plus connue sur grand écran, dans La mémoire dans la peau notamment), qui se tient entre les deux, au sein de la galerie d'acteurs très convaincants qui compose l'équipage du sous-marin (Thomas Kretschmann, Jacob Matschenz...), c'est Ken Duken (La fuite des innocents, Guerre & Paix) qui capte toute l'attention. Avec beaucoup de maîtrise, tout en sobriété teintée d'ambivalence, il incarne ce capitaine allemand confronté à des responsabilités qu'il n'hésitera pas à prendre.
Bilan : Parenthèse déroutante d'humanité dans une guerre où nulle concession n'était envisageable, c'est par son empathie étonnante et l'éclairage particulier qu'elle propose de ce sous-marin allemand et de son équipage, que The Sinking of the Laconia s'impose comme une fiction de guerre à part. Tout n'est certes pas parfait dans un récit qui aurait gagné à être plus homogène : au-delà de son démarrage lent, il est difficile de ne pas être quelque peu frustré à sa conclusion, sentant confusément qu'elle a seulement laissé entrevoir par éclipse un potentiel qu'elle aurait peut-être pu exploiter avec plus de densité et prendre ainsi une dimension supplémentaire. Mais, outre son histoire qui mérite d'être connue, sa force reste d'être parvenu à relater avec justesse et beaucoup d'authenticité un fait de guerre qui soulève bien des problématiques ne laissant pas insensible le téléspectateur. Pour toutes ces raisons, cette mini-série mérite vraiment d'être vue.
NOTE : 7,5/10
La bande-annonce (de la seconde partie) :
18:06 Publié dans (Mini-séries UK), (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : angleterre, allemagne, bbc, the sinking of the laconia, andrew buchan, ken duken, lindsay duncan, franka potente, thomas kretschmann, jacob matschenz | Facebook |