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28/08/2012

(Pilote US) Copper : un crime drama historique sur la police new yorkaise en 1864

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Il flotte comme un air de rentrée sur les grilles des programmes télé tandis que s'achève ce mois d'août. Parmi les premières séries de la nouvelle saison à arriver sur nos écrans, une de celles dont j'attendais le plus était Copper. Vous me connaissez : un crime drama historique, avec pour décor le New York des années 1860, et avec à la création Tom Fontana et Will Rokos, cela aiguise forcément la curiosité sur le papier. D'autant qu'il s'agit de la première série originale de BBC America.

Copper aurait pu être pour la police new yorkaise ce que City of Vice a été pour les bow street runners londoniens (c'était une mini-série de Channel 4 qui m'avait vraiment fasciné)... Malheureusement, après deux épisodes visionnés, elle s'oriente plutôt vers ma liste des déceptions. Il manque quelque chose au récit pour réussir l'immersion proposée. C'est très frustrant. Et je suppose que tous mes espoirs d'un crime drama du XIXe siècle à apprécier en 2012 reposent désormais sur l'anglaise Ripper Street annoncée d'ici la fin de l'année.

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Copper se déroule dans les années 1860, à New York, alors que la Guerre de Sécession fait rage depuis plusieurs années et est bientôt terminée. Son personnage central, Kevin Corcoran, est un détective de police d'origine irlandaise, officiant dans le quartier populaire de Five Points. Il a été mobilisé et s'est battu au sein de l'armée fédérée. Durant son absence, sa femme a disparu et sa petite fille a été tuée. Cherchant à découvrir ce qu'il s'est passé et ce qu'est devenue son épouse, il a repris ses fonctions de policier. Dans le tourbillon d'une société new yorkaise bigarrée, où les couches sociales s'entrecroisent et où les crimes sont nombreux, Corcoran enquête et apporte son concours au maintien de l'ordre. A une époque violente où la justice est aussi relative qu'inégalitaire, la fin justifie bien des moyens... Le tout étant d'y survivre.

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Dans son pilote, Copper part sur des bases très classiques pour une série policière. Si elle semble d'abord correspondre à un procedural traditionnel, le deuxième épisode apporte une continuité plus feuilletonnante, prouvant que la série entend construire des storylines dans la durée. En dépit d'une exécution très prévisible, l'atout principal de Copper réside avant tout dans la valeur ajoutée que constitue son cadre : elle l'a bien compris et s'efforce donc de capturer une ambiance new yorkaise marquée par la violence, tout particulièrement au sein du quartier pauvre dans lequel évolue notre héros où prospèrent crime et prostitution. Les incursions dans les coins plus riches, notamment cette maison close vers laquelle nous conduit la première enquête, montrent aussi que derrière des apparences plus policées, les excès et les dérives se rencontrent tout autant dès que l'on entrouvre les portes closes. Le choix d'évoquer d'emblée la prostitution et le meurtre d'enfant témoigne des intentions de Copper de nous glisser dans ce XIXe siècle. Mais la série peine à happer le téléspectateur dans ce tourbillon qui reste un arrière-plan distant, avec du potentiel, mais bien loin de la force qu'avait pu avoir l'installation du cadre dans Deadwood par exemple (pour rester dans une même époque).

Le problème de Copper tient à un certain manque d'ambition dans son écriture, laquelle reste dans une zone de confort trop convenue. Il y a pourtant nombre de passionnantes thématiques à exploiter : des enjeux raciaux avec le contexte de la guerre, mais aussi le caractère inégalitaire de la justice ou encore la manière dont les puissants restent ostensiblement impunis et intouchables. La conception du métier de policier à l'époque offre suffisamment de contraste avec l'idéal théorique moderne pour pouvoir proposer quelque chose de sombre, de percutant. Par intermittence, la série tente de s'aventurer de manière superficielle sur ce terrain... Mais elle souffre d'un manque de subtilité chronique, cédant à trop de facilités pour être convaincante. Conséquence immédiate, les personnages ne parviennent pas à s'imposer. Entouré d'une galerie de protagonistes unidimensionnels cantonnés à un rôle paresseux de faire-valoir, le héros apparaît comme le prototype calibré de l'époque mise en scène : un vétéran, avec sa part d'ombre et ses failles, et une histoire personnelle marquée de tragédie. Il démontre vite sa conception de la justice, fidèle à ce que l'on pouvait en attendre. Les scénaristes ont souhaité que la série repose sur les épaules de Corcoran, mais le personnage ne peut la soutenir à lui-seul...

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Sur la forme, Copper fait un travail honnête de reconstitution du New York des années 1860. Abusant parfois un peu d'une image très sombre (durant lesquelles on recherche la chandelle qui permettrait de distinguer les ombres), mais qui correspond bien à l'ambiance recherchée, la série sait poser ses décors. Pour provoquer l'immersion, plus que son visuel, c'est sa bande-son fournie qui est mise à contribution : elle est riche en musiques irlandaises qui donnent un certain rythme au récit. Le générique, très semblable visuellement à celui de Anno 1790 (un crime drama historique suédois se déroulant à la fin du XVIIIe siècle - les anachronismes en moins pour Copper), est soigné et bien représentatif de la tonalité d'ensemble. [Pour comparer, le générique de Copper est la 2e vidéo ci-dessous ; celui d'Anno 1790 est par là.]

Enfin la série rassemble un casting correct, mais qui ne fait pas de miracles au vu des limites qui pèsent sur la série. Tom Weston-Jones (Spooks), qui incarne Corcoran, ne m'a pas pleinement convaincu. Certes les scénaristes n'arrivent pas à faire de son personnage le point d'ancrage qu'il devrait être, mais lui-même échoue à apporter un petit plus en terme de présence qui aurait peut-être pu compenser en partie les déficits d'écriture. A ses côtés, on retrouve notamment Kyle Schmid (Blood Ties), Anastasia Griffith (Damages, Trauma, Royal Pains), Franka Potente (The Sinking of the Laconia), Ato Essandoh, Kevin Ryan, Dylan Taylor (, Tessa Thompson, Ron White, Kiara Glasco, David Keeley et Tanya Fischer.

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Bilan : Empruntant les ficelles classiques et rodées des séries policières pour les transposer dans le cadre dépaysant du New York de 1864, Copper avait du potentiel - même sans révolutionner son genre - mais elle ne parvient pas à l'exploiter, ne nous permettant que de l'entrevoir par intermittence. Trop convenue et calibrée, la série manque de souffle et de subtilité, ses personnages souffrant tout particulièrement d'une écriture pas assez ambitieuse pour marquer.

En résumé, je ressors de ces premiers épisodes avec des regrets : aussi passionnants que soient la période et les thèmes abordés, l'ensemble m'aura laissé malheureusement complètement indifférente. Si vous appréciez son sujet, je vous conseille malgré tout de la tester, mais en ayant des attentes moindres que celles que je pouvais avoir.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :

11/01/2011

(Mini-série UK / ALL) The Sinking of the Laconia : une parenthèse d'humanité dans une guerre totale

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En fin de semaine dernière, BBC2 consacrait ses soirées de jeudi et vendredi (les 6 et 7 janvier 2011) à une mini-série inspirée d'une histoire survenue durant la Seconde Guerre Mondiale qui a marqué les codes de l'affrontement maritime : le naufrage du Laconia. Mettant en scène un sujet aux thématiques humaines fortes qui pouvaient difficilement laisser indifférent, cette co-production britannico-allemande (ce qui est aussi une de ses forces) était également l'occasion d'un retour au petit écran du scénariste Alan Bleasdale après plus d'une décennie d'absence.

Se découpant en deux parties d'une heure et demie, couvrant donc une durée de trois heures, The Sinking of the Laconia aura, après des débuts un peu lents, progressivement gagné en intensité, portée par un casting vraiment excellent (Ken Duken, Andrew Buchan, Lindsay Duncan...). Certes, on peut penser rétrospectivement que cette mini-série avait les moyens d'atteindre une dimension supplémentaire et qu'elle n'a sans doute pas exploité tout le potentiel que l'histoire de départ lui offrait, mais elle sera cependant aller bien au-delà du simple récit d'un fait de guerre atypique pour proposer une fiction qui, par la force de son sujet et des thématiques qu'elle esquisse, mérite assurément le détour. Elle m'a en tout cas permis de passer une vraie bonne soirée téléphagique comme je les aime.

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Septembre 1942. Le RMS Laconia s'apprête à quitter le port de Cape Town, avec à son bord plus de 2000 passagers, parmi lesquels des civils et soldats anglais et polonais, ainsi que 1800 prisonniers de guerre italiens. S'éloignant des côtes sud-africaines pour gagner l'Angleterre, le navire ne reverra plus jamais la terre ferme. Car la Seconde Guerre Mondiale se joue aussi en mer. Ou plutôt sous les océans qui sont le terrain de chasse des sous-marins allemands, les fameux U-Boat. La fumée noir du mauvais carburant brûlé par les moteurs du Laconia attirera l'attention de l'un d'eux, faisant du navire ayant une capacité suffisante pour potentiellement transporter des troupes alliées une proie facile. Les torpilles du sous-marin l'enverront irrémédiablement par le fond, laissant les passagers survivants se débattre parmi les débris, les plus chanceux ayant pu gagner les canaux de sauvetage.

Mais là où l'histoire diffère d'un autre fait divers de guerre, c'est que le U-Boat ne quitta pas immédiatement les lieux une fois sa mission accomplie. Découvrant sur place la tragédie des prisonniers de guerre italiens, mais aussi la présence de civils, femmes et enfants, se débattant dans l'eau, bien trop loin des côtes et sans message de détresse envoyé à temps pour espérer survivre, le capitaine allemand du sous-marin, Werner Hartenstein, prit alors une décision inattendue, qui se reférait à un autre code de conduite, un honneur maritime non écrit. Il ordonna l'organisation du sauvetage des survivants du navire qu'il venait juste de couler, accueillant à bord du U-Boat ces naufragés et signalant l'opération en cours au QG allemand afin qu'il envoie du renfort. 

Arborant une croix rouge et transportant désormais des civils en attendant l'arrivée d'un navire français envoyé par Vichy, le sous-marin sera ensuite pris pour cible par un bombardier américain, obligeant Hartenstein à retransférer dans les canaux de sauvetage les Anglais qui restaient à bord. Suite à ces évènements, l'amiral Donitz prendra le "Laconia order" qui interdira à l'armée allemande de procéder au moindre sauvetage à l'avenir. Les bâteaux français récupèreront un peu plus de 1000 survivants. Quant à l'U-Boat de Harstenstein, il sera coulé par les forces alliées quelques mois plus tard sans survivant parmi l'équipage.

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Si  The Sinking of the Laconia est une mini-série qui gagne progressivement en intensité, ses débuts comportent quelques longueurs sur lesquelles il ne faut pas se formaliser. Elle prend en effet son temps pour nous présenter les derniers jours du Laconia, choisissant de nous replonger dans l'atmosphère et les préoccupations d'une époque en guerre tout en mettant en scène un quotidien relativement prévisible. Cela lui permet d'esquisser les individualités de personnages clés qui, sans forcément s'imposer instantanément, vont constituer des repères pour le téléspectateur. Qu'il s'agisse de l'officier Mortimer, rattrapé cruellement par les bombardements se déroulant sur le sol anglais, d'Hilda, figure en fuite anglo-allemande à une période où cela n'était plus possible, ou encore de l'aristocrate Lady Elisabeth, c'est une galerie bigarrée de protagonistes ayant chacun une histoire très différente qui est ainsi présentée.

La première demi-heure apparaît donc comme un passage narratif obligé pour donner un sens au tournant du récit et au drame sur le point de se produire, sans apporter de réelle valeur ajoutée par rapport aux classiques du genre. Après ce début relativement lent mais toujours très appliqué et rigoureux, la mini-série acquiert peu à peu toute sa dimension dramatique pour délivrer deux derniers tiers autrement plus prenants, proposant quelques scènes magistrales d'une grande intensité humaine. Car si le naufrage apporte logiquement ses premières tragédies, l'intérêt de la mini-série réside dans cet autre regard qu'elle va introduire dans ces évènements, celui des Allemands, et du dilemme irréductible qui se pose à eux.

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En raison des faits particuliers qu'elle relate, The Sinking of the Laconia n'est pas une mini-série de guerre ordinaire. Lors du second épisode, plusieurs soldats font naturellement référence à une autre trêve mythique, celle qui intervint spontanément à Noël 1914 dans les tranchées. Le parallèle est pertinent en ce sens où ces deux évènements mettent lumière une valeur qui transcende tous ces conflits, lumière vacillante mais toujours présente : une humanité partagée. Pourtant The Sinking of the Laconia jette un éclairage autrement plus ambigü sur la guerre, conduisant à une confrontation de valeurs et de devoirs qui renvoient presque à deux réalités.

La responsabilité de l'U-Boat dans la tragédie que vivent les passagers est entière mais, comme le dit d'ailleurs sans arrière-pensée un soldat ne sachant comment calmer la douleur du deuil d'une rescapée, cette attaque obéissait à une simple et froide vérité : celle de la guerre. En procédant ensuite à l'organisation du sauvetage, Hartenstein se situe sur un autre plan, autrement plus universel : celui de l'humanité. Entre les deux, existe une antinomie profonde dans laquelle réside justement toute la force de ce récit qui ne peut laisser indifférent. D'autant que, sans occulter la dimension dramatique, le scénario va avoir l'habileté d'opter pour une neutralité opportune, ne portant pas le moindre jugement sur les faits qu'il raconte.

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C'est dans cette tonalité aux accents très authentiques que se trouve un des atouts majeurs de cette mini-série. Se détachant de tout manichéisme, The Sinking of the Laconia tranche avec les clichés traditionnels que véhiculent bien des fictions traitant de la Seconde Guerre Mondiale. Finalement, son incontestable et grande réussite va résider dans le portrait nuancé et très humain que la mini-série dresse des sous-mariniers allemands. Ils incarnent à eux-seuls toute l'ambivalence des différentes valeurs représentées, ainsi que toute la fascination que peut exercer cette histoire atypique.

Sous la mer, il n'y a pas vraiment place pour l'idéologie ; le nazisme n'est d'ailleurs évoqué que de manière incidente, surtout par le biais du personnage de Hilda, qui justifie ici toute son utilité narrative en s'imposant comme une figure à la croisée des camps. En revanche, à l'image de Rostau, les soldats allemands vont se retrouver dans deux valeurs identitaires, qui se révèle comme un dénominateur plus universel qu'il n'y paraîtrait a priori : il y a d'une part un nationalisme renforcé en ces temps troubés et d'autre part cette fierté d'être marin, propre à ceux qui répondent à l'appel du large. En leur sein, celui qui s'impose comme la figure centrale absolument incontournable de ce récit, dépeint avec une justesse et une retenue vraiment bien inspirées, est le capitaine Hartenstein. Le téléspectateur ressent, jusque dans ses silences, les arbitrages et compromis constants et difficiles qu'il doit opérer entre ses différentes obligations.

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Sur la forme, The Sinking of the Laconia propose une mise en scène globalement soignée, avec une réalisation parfois assez agitée notamment pour retranscrire les mouvements du sous-marin en plongée. Certains passages à bord du Laconia ont fatalement un goût de sous-Titanic ou autre récit du genre, mais l'enjeu réel est de toute façon ailleurs. En dehors de quelques thèmes musicaux récurrents, l'ensemble reste formellement très sobre. On perçoit une volonté de ne pas trop en faire pour appuyer sur une forme d'authenticité, à laquelle contribue grandement un réalisme linguistique à souligner. Pas de faux accent traînant : les sous-mariniers sont bien joués par des acteurs allemands et une bonne partie de la mini-série se déroule donc dans la langue de Goethe sous-titrée en anglais. Cela renforce ainsi une impression de réalisme.

Ce choix apparaît d'autant plus opportun que la mini-série bénéficie d'un excellent casting dont il convient de saluer la performance. Il va réussir à jouer tant sur l'empathie que sur l'ambiguïté des protagonistes mis en scène. Si je n'avais aucun doute quant aux acteurs anglais, parmi lesquels on retrouve un toujours aussi inspiré Andrew Buchan (The Fixer, Garrow's Law), qui est partout en ce moment (mais ce n'est pas moi qui m'en plaindrais), ou encore une superbe et fidèle à elle-même Lindsay Duncan (Shooting the Past,  Rome), la révélation de ces trois heures est vraiment venue du côté allemand. Au-delà de Franka Potente (plus connue sur grand écran, dans La mémoire dans la peau notamment), qui se tient entre les deux, au sein de la galerie d'acteurs très convaincants qui compose l'équipage du sous-marin (Thomas Kretschmann, Jacob Matschenz...), c'est Ken Duken (La fuite des innocents,  Guerre & Paix) qui capte toute l'attention. Avec beaucoup de maîtrise, tout en sobriété teintée d'ambivalence, il incarne ce capitaine allemand confronté à des responsabilités qu'il n'hésitera pas à prendre. 

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Bilan : Parenthèse déroutante d'humanité dans une guerre où nulle concession n'était envisageable, c'est par son empathie étonnante et l'éclairage particulier qu'elle propose de ce sous-marin allemand et de son équipage, que The Sinking of the Laconia s'impose comme une fiction de guerre à part. Tout n'est certes pas parfait dans un récit qui aurait gagné à être plus homogène : au-delà de son démarrage lent, il est difficile de ne pas être quelque peu frustré à sa conclusion, sentant confusément qu'elle a seulement laissé entrevoir par éclipse un potentiel qu'elle aurait peut-être pu exploiter avec plus de densité et prendre ainsi une dimension supplémentaire. Mais, outre son histoire qui mérite d'être connue, sa force reste d'être parvenu à relater avec justesse et beaucoup d'authenticité un fait de guerre qui soulève bien des problématiques ne laissant pas insensible le téléspectateur. Pour toutes ces raisons, cette mini-série mérite vraiment d'être vue.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce (de la seconde partie) :