24/02/2011
(Humeur) La sériephilie sans frontières peut-elle exister ?
Quand Livia met les pieds dans une cinémathèque et se prend à rêver...
Je ne suis pas cinéphile. Cependant, je reste une grande consommatrice de culture. J'essaye de parfaire un peu mes explorations au-delà de mon obsession télévisuelle, de crainte de devenir trop exclusive. C'est ainsi qu'hier soir, je me suis retrouvée à la cinémathèque où le ciné-club local organisait une projection du magistral Château de l'araignée de Kurosawa (et pouvoir apprécier ce film sur grand écran, c'est classe). Dans les discussions qui suivirent, certains intervenants expliquant que le film avait mis de nombreuses années avant de parvenir jusqu'en France par le biais de festivals, la discussion a rapidement porté sur l'étanchéité des frontières à l'époque et les trésors qui pouvaient rester inaccessibles... Pourquoi est-ce que je vous parle de la cinéphilie de la fin des années 50 me direz-vous ? Outre que le fait que cet échange ne m'a pas paru sans faire écho à d'autres discussions sur cet autre média qu'est la télévision, mon cerveau a logiquement dérivé sur, justement, la sériephilie.
Parce que hier soir, j'ai mis les pieds au sein d'une communauté que je connais peu et j'ai pu assister - presque surprise et fascinée - à un quart d'heure d'échanges de vrais passionés comparant les différentes adaptations du MacBeth shakespearien, citant tour à tour Orson Welles, Kurosawa, puis dérivant sur les adaptations soviétiques (!) de Shakespeare. Chacun évoquait les influences qu'il y percevait, les spécificités culturelles, le classicisme de l'un, le théâtralisme de l'autre... Aucune des productions n'était dépréciée. Un vrai dialogue où chaque film était considéré comme recevable. Une fois rentrée chez moi, je n'ai pu m'empêcher de me demander... Et s'il me prenait l'envie de disserter et de réfléchir sur la perception de l'adolescence à travers le petit écran et les cultures, en comparant quelques-unes des séries emblématiques de ces dernières années, par exemple : Life Unexpected (Etats-Unis), The Secret Life of the American Teenager (Etats-Unis), Skins (Angleterre), Life (Japon), Jungle Fish (Corée du Sud), Gloomy Salad Days (Taiwan), pourquoi ai-je le sentiment que c'est avec une polie réserve que l'idée serait accueillie ? Pourquoi le premier débat est-il possible et, surtout, considéré comme normal et parfaitement légitime entre cinéphiles, tandis que le second paraîtrait impensable et sans pertinence ? Est-ce que je me suis trompée de passion ?
Entre défendre les frontières acquises ou explorer, il faut choisir.
Le premier contre-argument que l'on pourrait m'opposer serait sans doute celui-ci : comment parler de séries qui n'arrivent pas jusqu'à nous ? Vous aurez beau étudié vos programmes avec attention, vous ne croiserez pas un j-drama dans les grilles de vos chaînes. Notons cependant que l'alternative légale se développe peu à peu : il existe des services permettant de faire découvrir légalement au téléspectateur européen ces séries d'horizons si lointains, en témoigne le site dramapassion avec les séries sud-coréennes. Reste que, cessons la naïveté un instant, il n'y a aucune différence dans le mode opératoire du sériephile qui regarde sa série américaine le lendemain de la diffusion aux Etats-Unis et celui qui va visionner une série taiwanaise.
Serait-ce alors un problème linguistique ? Encore une fois, c'est un faux argument, tous les passionnés ne sont pas anglophones et le travail des fansubbers existe indifféremment dans tous ces domaines. D'autant qu'en France, la programmation des chaînes ne permet pas de vivre sa sériephilie par leur seul biais (le dernier massacre en date, avec The Good Wife, en étant une énième illustration) ; au minimum, le sériephile se rabat sur les DVD. Or les DVD édités ne sont pas cantonnés aux seules séries américaines, le net ouvrant la voie à des achats à l'autre bout du monde.
Aujourd'hui, la magie des technologies fait que ces frontières longtemps rédhibitoires ont depuis des années été virtuellement abolies, alors pourquoi est-ce si difficile de s'éloigner du seul giron anglo-saxon pour découvrir - émerveillé - qu'il existe des productions dans des contrées lointaines dont on aurait presque fini par se demander s'ils possédaient bien la télévision ? Aujourd'hui, la question se pose avec d'autant plus d'acuité face à tous ces pays qui deviennent de nouveaux acteurs sur la scène internationale (économique, etc.) : avec le développement d'une industrie télévisée ayant plus de moyens et la perfection de leur savoir-faire, ces petits écrans ne vont-ils pas gagner en légitimité et en qualité ?
J'ai tendance à voir, dans le réflexe anglo-saxon de mon entourage, en premier lieu un problème de nouveauté : chronologiquement, cet accès facilité est récent. Il n'a été consacré véritablement qu'au cours de la dernière décennie. Les sériephiles adultes actuels ont grandi à un moment où tous ces moyens n'existaient pas et donc devant une culture télévisée dépendante et façonnée par les programmations des chaînes, donnant une perception du petit écran sans doute amplifiée par la qualité des fictions proposées alors. Sauf que si les réflexes de curiosité ne naissent pas forcément spontanément, rien n'empêche de les encourager.
Certains se réfugieront peut-être derrière une question de représentativité. Après tout, les personnes susceptibles d'être intéressées par ce brassage des cultures téléphagiques représenteraient seulement une minorité : un public de niche au sein d'un public lui-même de niche, donc trop infime pour être pris en compte ? Si je veux bien croire que les supposées démocratisation et popularisation de la mode "séries" ressemblent parfois plus à des illusions d'optique qu'à une réalité, je pense (naïvement?) que c'est une erreur d'imaginer immuable le monopole culturel existant. L'exemple fera sans doute sourire, mais récemment, je lisais un article sur la déferlante des séries sud-coréennes en... Roumanie, où elles dominent désormais les anciens programmes préalablement installés.
Parmi les causes pour rechercher les raisons de ce succès, un argument en particulier a retenu mon attention : la volonté des téléspectateurs de voir de nouvelles choses. Certes le petit écran roumain (que je ne connais pas) n'a sans doute pas le dynamisme américain, mais il reste cet appel à l'exotisme qu'offrent des séries ouvrant les portes d'une autre culture plus lointaine et avec laquelle on est moins familier. Quiconque s'est déjà lancé dans ce type de drama a forcément ressenti ce petit frisson d'excitation quand on saute le pas. Je ne dis pas que les k-dramas pourront un jour être diffusés sur une grande chaîne, mais seulement que le paysage sériephile n'est pas une fatalité et une donnée irréductible qui ne peut évoluer. Je pense même qu'il est vital, à un moment ou à un autre, d'y introduire des variations, au risque sinon de finir par'épuiser le schéma que l'on reproduit.
Cependant, parler de sériephilie sans frontière, c'est se heurter à d'autres obstacles plus pernicieux. Il faut aussi dépasser d'autres idées préconcues sur la télévision, celles-là mêmes qui sont entretenues par ceux qui, paradoxalement, prétendent défendre ce medium. Si on peut admettre que le téléspectateur ne va pas de lui-même s'ouvrir vers cet "au-delà" téléphagique, pourquoi est-ce que ceux qui sont supposés lui fournir les clés d'entrée dans cet univers ne se posent pas, eux, cette question de la télévision existant au-delà du pré carré confortable dans lequel ils ont pris leur quartier ? Si on veut vraiment construire la sériephilie, il est nécessaire et même vital de cesser cette compartimentalisation d'un autre âge qui ne peut, à terme, que s'essoufler. C'est dans la diversité que se trouvent le fondement et la réalité de tout art, et la pérennité de toute passion.
On ne peut pas en même temps défendre les fictions qui sont issues de la télévision - en décochant des accusations de snobisme à ceux qui médisent de ces "téléfilms" - et parallèlement déprécier par ignorance ou désintérêt toute une partie, importante quantitativement comme qualitativement, de ces productions. Certains journalistes, dont les articles ont pu me faire réagir ces dernières semaines, affirment promouvoir une télévision de qualité. Je ne doute pas qu'ils le pensent sincèrement. Mais en encourageant implicitement ou explicitement cette absence d'ouverture, ont-ils conscience du caractère improductif de la démarche ? C'est nuire au medium même qu'ils cherchent maladroitement à défendre que de se limiter ainsi.
J'ai la naïveté de croire qu'à la manière de tous les arts, cette notion encore jeune et si fragile qu'est la sériephilie devra apprendre à s'ouvrir pour grandir et acquérir sa pleine dimension, ainsi que des lettres de noblesse méritées. Il ne s'agit pas de renier les penchants naturels de tel ou tel téléspectateur pour telle ou telle télévision, mais seulement d'être prêt à envisager l'idée et à reconnaître le fait que l'on effleure seulement la richesse et la diversité du petit écran. Parce que parfois, devant certains articles pourtant rédigés probablement sans arrière-pensée, j'éprouve le sentiment désagréable que cette fameuse échelle de valeurs tant décriée, née des rapports oedipiens de la télévision et du cinéma, ce mépris sur lequel tant de sériephiles formulent tant de plaintes (légitimes), nous le reproduisons tout aussi naturellement et arbitrairement dans la hiérarchie subliminale que l'on pose entre les Etats-Unis et le reste du monde.
Peut-être suis-je naïve ou/et trop ambitieuse. Peut-être est-ce que je place dans cette passion des espoirs démesurés qui n'ont pas lieu d'être. Ne voyez dans ce billet qu'un exutoire désordonné de frustrations qui ont beaucoup grandi dernièrement. Je devrais sans doute cesser ces réflexions vaines sur mon rapport au petit écran. Je n'ai pas de perspective suffisante pour problématiser et prendre du recul sur toutes ces questions... Mais j'ai quand même le droit de rêver tout haut du jour où je pourrais vraiment et en toute légitimité avoir cette discussion sur l'adolescence dans les séries télé dont j'ai parlé plus haut. Est-ce utopique ?
17:13 Publié dans (Téléphagie) | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : téléphagie, sériephilie, humeur | Facebook |
23/02/2011
(K-Drama / Pilote) President : la bataille pour la Maison-Bleue sera sans pitié
Il ne sera pas dit que l'on peut passer tout un mois sur My Télé is Rich ! sans retourner en Corée du Sud, et c'est donc au pays du Matin Calme que nous entraîne ce dernier mercredi asiatique de février. Après plusieurs semaines désertiques, enfin, il y a eu une étincelle dans mes programmes sud-coréens ! Ou plutôt, une satisfaction personnelle tout d'abord : j'ai mis la main sur des sous-titres anglais de qualité pour apprécier les premiers épisodes d'un drama sur lequel je voulais jeter un oeil depuis plusieurs mois et que j'avais presque fini par oublier : President. Et cerise sur le gâteau : j'ai aimé (la série) !
Diffusé sur KBS2 depuis le 15 décembre 2010, ce drama s'achèvera demain soir en Corée du Sud, au terme de 20 épisodes, dans une relative confidentialité. Car parmi les séries politiques de ces derniers mois, c'est la calibrée Daemul qui s'est envolée vers les sommets, tandis que President n'a jamais pu ne serait-ce que frôler des taux d'audience à deux chiffres. Sauf qu'il m'avait fallu trois fois pour parvenir laborieusement au bout du pilote excessivement brouillon de Daemul, et qu'on a beau depuis m'en vanter les supposés mérites par la suite, honnêtement, je n'ai pas trouvé la motivation pour poursuivre cette expérience peu concluante. A l'opposé, ce week-end, une fois le premier épisode de President lancé, je n'ai plus pu décoller de mon petit écran avant d'avoir fini le... troisième épisode.
Certes les amateurs de romances ou encore de comédies légères passeront sans doute leur chemin sans regret, mais pour le moment, ce cocktail accrocheur et pimenté entre dynamiques politique et familial se révèle franchement très addictif.
President (프레지던트) nous plonge dans les tumultes d'une vie politique sud-coréenne qui s'agite à l'approche de la future élection présidentielle. [Parenthèse constitutionnelle : La Corée du Sud un régime présidentiel, dans lequel le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans non renouvelable.] Au sein du parti au pouvoir (The New Wave Party), les ambitions de chacun s'affirment. De l'héritier présomptif, Premier Ministre à l'image policée, au jeune parlementaire ambitieux qui entend bien ne pas patienter et est prêt à brûler les étapes pour arriver au sommet, les primaires vont déjà offrir une première manche d'opposition très musclée, d'où un seul prétendant pourra émerger. Après avoir un temps hésité, appuyé par une épouse tout autant ambitieuse, Jang Il Joon décide de se lancer dans la bataille électorale, à quelques mois de la date fatidique des primaires, dans l'espoir d'obtenir l'investiture du Parti de la Nouvelle Vague.
Parallèlement, le jour-même de son annonce de candidature, dans une petite île éloignée de toutes ces préoccupations, une explosion de gaz, a priori accidentelle, dans une vieille maison, tue son habitante, tandis que son fils en réchappe de peu. Ce dernier, Yoo Min Ki, est un jeune réalisateur de documentaire travaillant à Séoul. Quelques jours après, encore sous le choc, alors qu'il reprend difficilement le travail, il est sollicité directement par l'équipe de campagne de Jang Il Joon : lui est offerte la possibilité de venir filmer un documentaire sur les coulisses de la campagne, avec des conditions d'accès particulièrement avantageuses. Peu politisé et guère intéressé par ces sujets, Min Ki reste un temps sceptique devant cette proposition dorée, n'en comprenant pas la raison.
Mais sa première rencontre avec Jang Il Joon va l'éclairer de la plus surprenante des manières et lui donner la clé manquante : ayant appris le décès de sa mère, le politicien lui révèle être ce père biologique absent dont elle avait toujours tu le nom, emportant son secret dans sa tombe. Peu disposé à l'égard de cette soudaine figure paternelle imposée dont il doute des réelles motivations, Min Ki va cependant essayer d'apprendre à le connaître, rapidement conscient de la puissance de nuisance dont il dispose. La révélation de l'existence d'un fils illégitime causerait en effet un scandale suffisant pour anéantir toute chance électorale. Mais quel est donc le degré de sincérité de Jang Il Joon ? Qui manipule qui dans ces jeux politiciens où les pions sont si facilement sacrifiables et sacrifiés ?
L'attrait de President réside tout d'abord dans sa capacité à mêler et alterner habilement les deux grandes thématiques que la série investit, entre tumultes politiques et soubresauts familiaux. Deux thèmes au sein desquels le drama va introduire un même parfum de compromis et d'ambiguïté qui se révèle très accrocheur.
Le récit débute chronologiquement avec l'annonce par Jang Il Joon de son intention de briguer l'investiture de son parti, ouvrant la première étape de cette quête vers la Maison-Bleue : les primaires. Si la série se montre naturellement plus versée dans l'éclairage des rouages des basses oeuvres de la politique politicienne que dans le débat d'idées, un des aspects à mettre à son crédit sera incontestablement sa capacité à installer une tonalité chargée d'ambivalences. Portée par des protagonistes aux priorités équivoques, par rapport auxquels il est parfois difficile de se positionner pour le téléspectateur, la série n'est absolument pas manichéenne. Tout en dressant un portrait de ce milieu éloigné de tout idéalisme, elle ne tombe pourtant pas dans un excès désillusionné inverse. Notons que c'est faire preuve d'une maturité narrative à saluer que de savoir éviter cet écueil sur lequel tant d'autres séries politiques se sont échouées : President ne propose pas le récit de l'ascension d'une figure soi-disant providentielle. Conservant une distance opportune avec son sujet, c'est avant tout à une prenante quête du pouvoir que ce drama nous convie.
En effet, President apparaît surtout comme une série sur l'ambition. L'idée principale qui semble guider les scénaristes reste celle-ci : la politique est un combat, de conceptions du pouvoir autant que de personnes. C'est sur cette dimension que le drama appuie en s'attachant à dévoiler, sans complaisance aucune, la mécanique impitoyable de ces jeux de politique politicienne. Jang Il Joon aura beau se draper dans un étendard de probité qu'il porte haut, et qu'il respecte sur certains points par la grâce d'une morale à géométrie variable, le téléspectateur ne se départira jamais d'une certaine réserve à son égard, se demandant surtout si l'éthique à vraiment quelque chose à voir avec son refus de certaines compromissions. N'est-ce pas plutôt un prudent instinct de survie qui lui fera chercher à préserver le futur de ses ambitions ? Car quand les portes de la salle de stratégie se referment, face à la réalité des sondages, la fin justifiera toujours les moyens. Et il n'aura pas d'hésitation à user de toutes les armes dont il dispose...
Au-delà de son immersion dans ce cambouis politique, President va ainsi capter l'attention du téléspectateur par la complexité de ses personnages, transposant cette sourde ambiguïté jusque dans leurs rapports, même familiaux. Cette dimension humaine, que le drama n'oublie pas de soigner, permet de ne jamais dépersonnaliser ou déshumaniser ces jeux de pouvoir, offrant ainsi un pendant concret aux problématiques politiques. Cela permet de s'assurer de la fidélité d'un téléspectateur qui, sans forcément aimer instantanément les personnages, se sent rapidement impliqué dans le sort de chacun. Si President ne renie pas une influence proche parfois de la dynamique de certains soaps, elle évite pour le moment habilement d'en faire trop, tout en se ménageant des possibilités d'évolution familières (la fille aînée opportunément "adoptée", par exemple). Dans le même temps, la série intrigue par des protagonistes dont les personnalités semblent continuellement se complexifier.
Que penser de la facilité avec laquelle Jang Il Joon décide exposer son fils (légitime) à une humiliation, forme de punition qu'il a certes bien cherché, mais qui surtout permet à son père de récupérer politiquement l'affaire ? Comment interpréter le geste fait à l'égard de Min Ki ? La révélation spontanée laisse le téléspectateur songeur, tout comme l'explication sybilline donnée ("tout fils a droit de connaître son père"). A l'image du jeune homme, le téléspectateur ne peut qu'être troublé devant la coïncidence entre la mort de sa mère et l'annonce de candidature de ce père biologique qui aurait tout à perdre dans ces révélations. Pour autant, c'est bien Jang Il Joon qui a pris lui-même l'initiative de dévoiler la vérité à un fils caché qui ignorait tout. A l'instar des autres personnages, Min Ki prend rapidement la mesure de ce milieu teinté de faux-semblants où les rapports de force semblent la seule vérité. Si bien qu'à son tour, il délaisse sa relative naïveté initiale, se mettant au diapason d'un ensemble assurément très pimenté.
De façon plus générale, President esquisse des rapports familiaux particulièrement ambivalents, qui vont rester difficiles à cerner. Certes la cellule familiale demeure fondamentale. Mais derrière une apparence faussement unie, chacun semble tiraillé par son propre sens de la grandeur et sa conception personnelle de la famille, à l'image de Jo So Hee, épouse et mère impliquée, décidée à atteindre les sommets tout en protégeant les êtres qui lui sont chers. Héritière d'un grand groupe industriel, c'est pour elle que Jang Il Joon a oublié, le temps d'un séjour en Europe, cette jeune femme simple perdue sur son île, enceinte de ses oeuvres. So Hee n'a pas une fonction de faire-valoir : elle est autant une alliée de poids, qu'un possible point faible, ses actions, moins réfléchies, pouvant se révéler dangereuses. Reste que sa priorité familiale apparaît sincère, face un époux tout à ses rêves présidentiels. Fragilisée par la campagne électorale, l'introduction (pour l'instant secrète) de Min Ki risque bien de déstabiliser un peu plus une famille plus fragile que l'image renvoyée.
Sur la forme, President s'avère plutôt soigné et assez plaisant. La réalisation est dynamique, à l'image du rythme d'ensemble de la série. On ressent une volonté manifeste de bien faire qui est agréable. Cependant ces efforts n'échappent malheureusement pas à la tentation de trop en faire, notamment relativement à la bande-son. En effet, c'est un recours constant à la musique que propose ce drama, entre divers accompagnements instrumentaux et autre ces petits thèmes au piano - à l'écoute certes plaisante -, qui finit par banaliser cette utilisation. Quasiment aucune scène ne va se dérouler sans une touche musicale, plus ou moins envahissante, en arrière-plan sonore. Comme la série est peu contemplative et jamais figée, on échappe à l'impression clipesque que donnent certains k-dramas. Mais, même si cela ne gêne pas le récit, cette débauche musicale apparaît un peu excessive.
Enfin, le casting laisse une impression d'ensemble globalement satisfaisante, confirmant l'appréciation positive que l'on ressent à l'égard de la galerie de personnages rapidement identifiables. Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), que j'avais déjà trouvé convaincant l'été dernier dans Comrades, incarne à merveille ce politicien charismatique qui, derrière des principes de moralité affichés, ne manque pas d'ambiguïté. Ha Hee Ra (Catch a Kang Nam Mother, Give me food), son épouse à la ville comme à l'écran, offre un pendant parfait pour compléter ce couple ambitieux, collaboratrice active aux projets de son mari. Pour incarner leurs enfants, Wang Ji Hye (Personal Preference), en fille aînée responsable, trouve rapidement ses marques, tandis que Sung Min (du groupe Super Junior) reste pour l'instant cantonné à quelques brèves apparitions. Vous savez que j'ai toujours un peu tendance à me méfier des chanteurs devenant acteurs surtout dans leurs premiers dramas ; mais pour incarner le fils illégitime, j'avoue avoir été agréablement surprise par la prestation de Jay Kim (du groupe Trax). En plus d'être plus que charmant (c'est le moment de vous confesser mon léger crush), j'ai trouvé qu'il délivrait une performance d'ensemble globalement solide. Quant aux rôles secondaires globalement plutôt bien travaillés - ce qui est appréciable -, signalons notamment la présence de Kang Shin Il (Call of the country), Im Ji Eun (The Painter of the wind), Lee Doo Il (Chosun Police 3) ou encore Kim Heung Soo (Invicible Lee Pyung Kang).
Bilan : President est un drama rythmé et accrocheur, qui trouve rapidement le juste équilibre entre politique et famille, sachant pleinement exploiter tous les ressorts émotifs et dramatiques, teintés d'un machiavélisme de circonstance, que ces thématiques permettent. Nous plongeant dans une arène politique qu'elle dépeint sans complaisance, la série fait preuve d'une maturité narrative louable pour intéresser le téléspectateur à ces jeux de pouvoir. Elle évite aussi bien la déshumanisation de ce versant aride de politique politicienne que la facilité qu'aurait offerte la mise en scène d'une supposée figure providentielle. Se construisant autour de personnages ambivalents, souvent intriguants, et dont le sort ne nous est pas indifférent, President se révèle un drama efficace, calibré mais atypique par son thème, qui sait donner envie de s'y investir.
NOTE : 7/10
Une bande-annonce de la série :
Une chanson de l'OST :
08:54 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : k-drama, kbs, president, choi soo jong, ha hee ra, jay kim, wang ji hye, sung min, kang shin il, im ji eun, lee doo il, kim heung soo | Facebook |
20/02/2011
(Pilote UK) Bedlam : les fantômes ne suffisent pas
Le genre fantastique a retrouvé le chemin de mes programmes téléphagiques ces dernières semaines. Des plus anciennes, Being Human, aux plus récentes, The Almighty Johnsons. Elles remplissent largement mon quota vital d'étrangetés surnaturelle. Si bien qu'en lançant le pilote de Bedlam, pour une fois, je n'avais pas d'attente particulière, si ce n'est satisfaire ma curiosité compulsive.
Face à cette nouvelle série, diffusée sur Sky Living depuis le 7 février 2010, qui se proposait de ressusciter des fantômes, j'avais un instant craint de retrouver une réminescence du genre horrifique dont je ne me suis toujours pas pleinement remise, suite à l'expérience aussi fascinante que traumatique constituée par Coma. Mais Bedlam se situe à des années lumières de sa consoeur sud-coréenne. Une héritière de Hex alors ? Même pas. C'est vainement qu'on cherchera une identité dans cette fade redite de fables surnaturelles.
Question fantômes et traitement du fantastique, on ne peut pas dire que Bedlam innove ou prenne le moindre risque. Le cadre choisi est un cas d'école pour tout apprenti scénariste : un ancien asile à l'intérieur duquel se déroulèrent des faits fort peu recommandables et auxquels nombre de patients ne survécurent pas. Contraint de fermer ses portes lorsque certains abus furent rendus publics, le bâtiment ne quitta cependant pas le patrimoine familial des Bettany. Or voici que, des années après, ces derniers envisagent de transformer l'immeuble en en faisant un vaste complexe immobilier rentable. Le projet est lancé, même si la perspective de venir s'installer dans une ancienne et grande demeure sombre - décor caricatural de film d'horreur - qui abrita sa part de morts violentes, ne semble pas non plus constituer des arguments très vendeurs auprès de locataires potentiels.
C'est par le retour mouvementé du cousin - adopté - prodigue que l'épisode va nous introduire dans ce milieu. Jed Harper vient tout juste d'être habilité à quitter... l'hôpital psychiatrique où il était soigné pour des hallucinations récurrentes, le jeune homme ayant la capacité de voir des fantômes. Prévenu du danger que court Kate Bettany, qui gère le projet sous la tutelle de son père, le jeune homme s'impose donc dans le quotidien de sa cousine et de ses colocataires. Une présence peu amicale a semble-t-il été réveillée récemment dans les murs de leur appartement. Serait-ce dû à cette vieille bague retrouvée lors des travaux effectués dans une aile de l'ancien asile ? Est-ce lié à la mort violente par noyade du frère de Ryan il y a un an ? Mais apaiser les morts sans - si possible - y laisser la vie, voilà la mission compliquée que semble s'être fixé Jed.
Sans avoir besoin de révolutionner le genre ou de proposer des intrigues ambitieuses, de Supernatural à Hex, il y a deux choses qui apparaissent fondamentales dans une série qui investit le surnaturel : l'atmosphère qu'elle va créer et ses personnages. Deux exigences minimales face auxquelles Bedlam échoue d'emblée, sans laisser entrevoir de potentiel permettant d'espérer une amélioration pour la suite.
Comment peut-on choisir un cadre si emblématique - aussi suranné soit-il - qu'est cet asile dont les murs extérieurs paraissent déjà inquiétants, et ne l'exploiter qu'incidemment, par quelques facilités scénaristiques ? La série laisse un téléspectateur frustré devant sa poignée de plans pseudo-inquiétants malhabiles, accompagnés d'une mise en scène minimaliste et sans imagination, proposant une présence presque famélique de fantômes. Une impression que la dernière scène s'attache pourtant à démentir, en laissant entrevoir l'ampleur d'un phénomène, sans doute plus complexe aussi, qui touche cet asile... Mais jamais la série n'exploite cette dimension, enchaînant les images d'Epinal sans réussir à esquisser le début d'une ambiance qui, à défaut d'inquiétante, serait au moins frissonnante.
Bedlam, c'est une série sans âme, ou plutôt qui a vendu son âme, et dont chaque scène est un rappel que faire une série, ce n'est pas seulement empiler les stéréotypes et les dialogues convenus. La construction brouillonne, cédant à toutes les facilités possibles et imaginables (l'alerte donnée par le téléphone portable étant un peu le symbole de la démission scénaristique générale), empêche de s'investir dans une histoire où les enjeux sont imposés de manière presque trop ostentatoire pour que l'on puisse ne serait-ce qu'essayer de s'investir. Cette faiblesse narrative n'est malheureusement pas compensée par des personnages qui sonnent surtout très creux. Construire une fiction en partant de stéréotypes, c'est une chose. Mettre en scène, sans la moindre distance, des caricatures d'une prévisibilité confondante, dont on s'attache en plus à désamorcer tout possible mystère ou prise d'épaisseur, c'est vraiment tester la patience du téléspectateur.
Ce manque de parti pris et d'identité se ressent fortement sur la forme. Bedlam propose une photographie plutôt soignée, mais la réalisation manque d'inspiration. Ce n'est pas une question de budget, c'est un problème d'ambition. Les images défilent sans que jamais le réalisateur ne songe à imposer sa marque. C'est d'autant plus dommageable pour une fiction de ce genre, qui entend jouer sur une fibre surnaturelle et donc sur une ambiance que tous ces plans excessivement convenus achèvent de désamorcer.
Enfin, pour finir de convaincre le téléspectateur de ne plus zapper sur Sky Living à l'avenir, le casting sombre avec la série. Je veux bien admettre que les acteurs ne disposent pas d'un matériel de base permettant de se mettre en valeur, mais on ne peut pas dire qu'ils se sentent particulièrement impliqués non plus. Les prestations vont du médiocre au passable. On y croise notamment Theo James (Kemal Pamuk dans Downton Abbey cet automne), Charlotte Salt (Wildfire, The Tudors), Hugo Speer (Bleak House, Five Days), Will Young ou encore Ashley Madekwe (Secret Diary of a call-girl).
Bilan : Prompte à verser dans tous les stéréotypes du genre, Bedlam réunit les caractéristiques d'une série qui va rapidement agacer et pour laquelle on n'a aucune envie de faire preuve de mansuétude : une prévisibilité crispante, une tendance à la caricature facile et une absence d'ambition criante. Ce fantastique platonique, avec ces ficelles grossières et la démission scénaristique qu'il implique, exaspère mais ne divertit pas. C'est une fiction qui n'est que prétexte pour surfer sur un genre particulier dont on sait qu'il dispose d'un public. Une tentative à oublier.
NOTE : 3,75/10
La bande-annonce de la série :
14:22 Publié dans (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : bedlam, sky living, theo james, charlotte salt, hugo speer, will young, ashley madekwe | Facebook |
19/02/2011
[TV Meme] Day 25. A show you plan on watching (old or new).
Par définition, voici le jour du TV Meme qui donne des sueurs froides au téléphage consciencieux. Le moment de dresser une liste de toutes ces séries si nombreuses qu'il n'a pas encore vues, mais qu'il rêve de pouvoir caser dans ses programmes surchargés et qui n'attendent au final qu'une fenêtre de temps libre pour se glisser jusqu'à son petit écran. Si le choix est compliqué, c'est un jour du TV Meme presque facile parce que ce sont des projets qui flottent toujours dans un coin de notre tête, le passionné ayant naturellement tendance à éditer et, surtout, ajouter à cette liste de nouvelles séries sur lesquelles il lit ou dont il entend parler chaque semaine. C'est un cercle vicieux inhérent à la sériephilie et qui se divise en deux grandes catégories de visionnages : les "rattrapages" et les "nouveautés".
Commençons donc par la première : toutes ces séries dont nous sommes passés à côté au moment de la diffusion, et qui depuis nous narguent et nous appellent. En début d'année, je m'étais fixée quelques résolutions utopiques pour 2011. C'est ainsi que j'avais établi un tableau de mes priorités à rattraper au cours des 12 mois à venir. J'avais plus ou moins arbitrairement sélectionné une série par pays considéré. Une série dont je n'ai jamais vu un seul épisode, mais qui a attiré mon attention, pour des raisons diverses : que ce soient par les échos que j'ai pu en avoir, la place qu'elle occupe dans le monde de la télévision, ou encore pour les noms qui y sont associés. Cela donnait le résultat suivant :
En Angleterre - Lark Rise to Candleford : Un period drama anglais que je n'ai pas vu ? Une anomalie à corriger.
En Australie - The Circuit : Un legal drama aux frontières aborigènes en faveur duquel certaines personnes ont fait tant de prosélytisme que je suis prête à m'y lancer les yeux fermés.
En Corée du Sud - Winter Sonata : Je sais que ce n'est pas mon genre de fiction (le mélodrama). Mais pour ce que cette série représente au sein des k-dramas, ainsi que pour son casting (cependant, ce sera quand j'aurais retrouvé le coeur de revoir Park Yong Ha dans mon petit écran).
Aux Etats-Unis - In Treatment : Une série dont le concept la place un peu à part et qui m'a toujours profondément intrigué.
En France - Un village français : La reconstitution de l'occupation sous la Seconde Guerre Mondiale. Le seul pitch de départ suffit à me vendre à la série. Je me demande toujours où j'étais quand la première saison a été diffusée.
Au Japon - Last Friends : On m'en a tellement parlé lorsque j'ai visionné Sunao Ni Narenakuta l'an dernier.
A Taiwan - Black & White : Ce devait être mon premier tw-drama, il va bien falloir se lancer.
A ce jour, j'ai commencé le visionnage d'une seule de ces séries : Un village français. J'en suis actuellement à la saison 2 et je l'apprécie de plus en plus, tant pour la reconstitution proposée que pour les personnalités qui portent le récit. J'aurais sans doute l'occasion d'en reparler quand j'aurais achevé la saison 3.
Cependant, dans toute cette liste (qui se complète d'un certain nombre d'autres séries), je pense que celle dans laquelle je souhaiterais m'investir en priorité, ce serait In Treatment. Cela fait déjà quelques temps que j'ai acheté la saison 1 en DVD. Elle est encore à ce jour emballée dans son plastique d'origine. Plus qu'une question de temps libre, je crois qu'il existe des séries que l'on ne se sent prêt à regarder que si certaines conditions très particulières sont réunies. In Treatment me semble de celles-là, d'après ce que j'ai pu en lire. J'ai très envie de savoir et de prendre le temps de l'apprécier. Vivement donc... euh... Le déclic !
A côté des rattrapages, la deuxième grande catégorie de séries pour lesquelles il va falloir faire une place dans les plannings, ce sont les nouveautés à venir. Parmi celles attendues pour 2011, voici les quelques pistes que je surveille :
En Angleterre - Silk : Un legal drama écrit par Peter Moffat avec Rupert Penry-Jones... Ai-je vraiment besoin de développer ?
En Corée du Sud - Crime Squad : Je devrais sans doute être vaccinée des tentatives de cop-shows coréens, mais je ne peux pas rester sur le seul souvenir de A man called God concernant Song Il Gook. Et les promos ont achevé d'aiguiser ma curiosité.
Aux Etats-Unis - Game of Thrones : De la fantasy. Sur HBO. Adaptant une des grandes sagas littéraires de la dernière décennie.
En France - Les Beaux Mecs : Grâce à la promo du Village, et parce que j'ai essayé de citer une série qui n'est pas historique juste pour voir si j'en étais capable.
Au Japon - Nankyoku Tairiku : Je ne suis pas assez l'actualité pour savoir ce que les prochains mois nous réserve, mais j'ai vu passer l'annonce du casting de Kimura Takuya pour ce drama prévu pour l'automne prochain. S'il a retenu mon attention, c'est que l'histoire vraie dont cette série est tirée est celle qui fut à la base du premier film japonais que j'ai vu de ma vie (Antarctica). Je serai donc curieuse de suivre ce projet s'il voit le jour !
Parmi toutes ces séries, celle dont j'attends le plus, c'est sans doute Game of Thrones. Il y a la place de faire quelque chose de vraiment intéressant et de différent par rapport à ce que la télévision propose actuellement. Et surtout c'est une histoire qui correspond parfaitement à mes goûts. Je suis non seulement une grande lectrice de fantasy, mais aussi une grande fan des livres d'origine, donc... Je vais croiser les doigts !
Une bande-annone de Game of Thrones :
En conclusion, les esprits chagrins noteront que je me retrouve avec deux séries diffusées sur une même chaîne... Cela tend encore une fois à prouver deux choses. Tout d'abord, la promotion américaine reste celle dans laquelle je baigne le plus et qui demeure la plus influente pour attiser les curiosités, ne serait-ce que par les réseaux sociaux que je fréquente. De plus, on peut dire ce qu'on veut sur les âges d'or et autres des chaînes US, et couvrir de louanges certaines (à juste titre)... Mais mes goûts n'ont manifestement pas suivi la tendance et semblent toujours rester (bloqués?) fidèles à HBO.
18:40 Publié dans (TV Meme) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : tv meme, hbo, game of thrones, in treatment | Facebook |
17/02/2011
(US) Justified, saison 2 : immuable Kentucky
En ce début d'année 2011, les séries américaines ont (un peu) réinvesti mon petit écran. Oh, j'ai bien conscience que ce phénomène n'est qu'une illusion. Car c'est un chapitre de ma vie téléphagique US qui s'achève. La belle aventure humaine qu'a constitué Friday Night Light s'est terminée tout récemment. Je savoure avec une lenteur calculée chaque visionnage d'un nouvel épisode de Big Love, sachant qu'il s'agit de la toute dernière ligne droite. Heureusement, je trouve quand même quelques séries américaines encore jeunes. Et ce mercredi 9 février 2011, c'était mon marshall favori du petit écran qui signait un retour remarqué : débutait en effet sur FX la deuxième saison de Justified.
Perfectible certes, mais avec un charme et une identité propres qui séduisaient, telle était l'impression que m'avait laissée la première saison. Comme une bouffée téléphagique d'air frais, ce season premiere m'a rappelé tout l'attachement que j'éprouve pour l'ambiance confusément anachronique qui règne dans cette fiction. Je pourrais dire que je suis la première surprise de constater que les recettes investies par Justified marchent si bien sur moi, mais il y a quand même une certaine logique. Je ne suis pas loin de penser qu'on pourrait décalquer géographiquement les séries américaines susceptibles de me plaire : surtout installer l'action loin de ces côtes surannées (Est comme Ouest), loin des grandes villes (Treme étant à la fois une confirmation et une exception)...
Ce season premiere s'inscrit dans la droite ligne de l'esprit de la série. Il s'ouvre directement sur la suite de la fusillade fatale qui avait conclu la saison 1, conséquence explosive des inimitiés que Raylan est toujours si prompt à se créer. Décidé à solder une fois pour toute ses comptes avec la Floride et ce passé qui le poursuit en mettant en danger ses proches, notre héros en interrompra même la quête de vengeance de Boyd pour débarquer chez le commanditaire de tous ses récents maux avec ce fameux aplomb teinté d'une diffuse arrogance nonchalante dont il est coutumier. A Miami, tout se règlera d'une manière aussi expéditive qu'efficace, le temps d'un pré-générique qui constitue la chute finale du fil rouge qui aura marqué la première saison. Choisissant de ne pas s'appesantir outre mesure sur une histoire qui a déjà été très exploitée et a connu son lot de rebondissements, Justified préfère donc refermer sans tarder ce chapitre pour mieux se lancer dans une nouvelle saison qui s'annonce sous des auspices très similaires à la précédente, et tout aussi intrigants.
Si Raylan retourne dans son cher Kentucky natal avec lequel il entretient des rapports si ambivalents, il le fait cette fois volontairement, refusant la proposition d'être réintégré dans son job de Floride. La signalisation des agissements suspects d'un délinquant sexuel va être l'occasion d'échapper au supplice d'une paperasse qui n'en finit plus, tout en offrant l'opportunité de replonger dans ce Sud profond qui fait l'identité de la série, ces bourgs reculés dans lesquels il faut avoir grandi pour vraiment comprendre les ressorts qui les animent et les font vivre. Rondement menée, avec son lot de jeu de pistes, ponctué par un soubresaut de suspense, l'enquête sert surtout de prétexte pour introduire un autre clan familial prospérant en marge de la loi, les Bennett, régis par une matriarche qui va d'emblée s'imposer, avec un style propre, comme un adversaire plein de potentiel. Certes, comme les Crowder la saison passée, ce sont de vieilles connaissances de Raylan, dans cet arrière-pays où tout le monde se connaît. Mais c'est de façon bien moins ostentatoire et plus subtile, une sorte de poigne de fer dans un faux gant de velours, que Martindale régente son petit monde. Pour autant, la fin de l'épisode nous informe qu'elle n'en est pas moins impitoyable. Un twist parfait pour retenir l'attention et la curiosité du téléspectateur.
Avec ce retour, la série capitalise donc sur ses atouts, s'inscrivant dans une certaine routine narrative où le téléspectateur retrouve immédiatement ses marques. Pour moi, le charme de Justified réside avant tout dans l'atmosphère atypique qui s'en dégage. C'est une série se construisant et se nourrissant des ambivalences qu'elle sait parfaitement mettre en scène. Quoi de plus fascinant que le plongeon qu'elle permet dans ce Kentucky profond qui donne parfois l'impression d'évoluer déconnecté du reste du pays, presque hors du temps, apparaissant comme un coin reculé chérissant plus que tout une indépendance anarchique face une société moderne qui ne semble pouvoir l'atteindre. Quoi de plus attrayant et d'étonnamment savoureux que ce mélange de codes scénaristiques qui n'innovent pas mais forment un cocktail détonnant, entre western et fiction contemporaine, saupoudré d'une pincée de cop show universel. La force de Justified est de parvenir à se réapproprier des traditions télévisuelles du petit écran américain que d'aucuns jugeraient d'un autre âge, tout en les dépoussiérant et les remettant au goût du genre par le jeu d'un anachronisme qui en devient finalement rafraîchissant. Tout en sachant conserver une certaine distance d'où n'est pas absente une pointe d'autodérision, Justified donne parfois l'impression d'avoir le goût d'un classique sans en avoir l'âge.
De plus, si le concept s'épanouit de manière aussi convaincante, il le doit aussi à la dimension humaine que la série cultive avec soin. Elle n'a pas son pareil pour prendre le temps de construire, en quelques scènes clés, la personnalité des criminels, même si ces derniers ne sont de passage que pour un bref épisode. On a rarement, voire jamais, l'impression d'être face à des protagonistes déshumanisés et interchangeables dans Justified. C'est pourquoi elle renvoie l'impression si agréable et satisfaisante d'une oeuvre réellement finalisée, loin du pré-formatage mécanisé d'autres fictions du genre. Et puis, en pivôt central, il y a bien sûr le personnage de Raylan. Alors même qu'il aurait pu si aisément glisser dans la caricature facile d'une figure rigoriste à la gâchette facile, il s'insère au contraire parfaitement dans la tonalité générale de la série, symbolisant justement l'ambiguïté de ce Kentucky, jouant sur une assurance théâtrale, jamais prise en défaut, que permet de contrebalancer une décontractation qui confine parfois à la fausse nonchalence. Ne commettant jamais l'erreur de se prendre trop au sérieux, Timothy Olyphant excelle dans ce genre de rôle.
Bilan : Justified est une de ces séries d'ambiance que l'on retrouve toujours avec plaisir. Savoureusement anachronique, c'est une fiction moderne qui s'inscrit dans les grandes traditions du petit écran américain, tout en sachant conserver une tonalité quelque peu décalée qui lui permet de trouver le juste équilibre et de se bâtir une identité propre. Elle n'innove pas, mais le mélange qu'elle propose aboutit à un résultat aussi dépaysant que fascinant. Certes, on pourra sans doute lui reprocher un certain manque d'homogénéité dans ces saisons qui prennent leur temps pour réellement démarrer, construites pour aller crescendo. Mais en ce qui me concerne, je reste définitivement sous le charme.
NOTE : 7,5/10
Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :
Le générique de la série :
23:36 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : justified, fx, timothy olyphant, nick searcy, natalie zea, joelle carter, walt goggins, jacob pitts, erica tazel | Facebook |