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25/01/2013

(Pilote US) The Following : dans la droite lignée des fictions mettant en scène des serial killer

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Regarder à quelques jours d'intervalle les pilotes respectifs de Utopia et de The Following vous conduit à vous poser une question existentielle : qu'est-ce que les scénaristes peuvent bien avoir en ce mois de janvier contre les yeux de leurs protagonistes ? Y-a-t-il une symbolique cachée derrière cet acharnement ? Sans doute pas, mais comme ces deux séries ont en plus tendance à nourrir votre paranoïa latente, le doute s'insinue... Cependant, en dehors de ce traumatisme oculaire commun, ces deux nouveautés ne partagent pas grand chose, si ce n'est un certain goût pour la mise en scène hémoglobineuse.

The Following a débuté, aux Etats-Unis, le 21 janvier 2013 sur Fox. Créée par Kevin Williamson, elle s'inscrit dans la (longue !) lignée des fictions sur des serial killers et sur les rapports que ces individus peuvent entretenir avec un vis-à-vis dans les forces de l'ordre. Ayant passé mon adolescence devant Profiler, ayant adoré la fascinante Wire in the blood, mais aussi apprécié un certain nombre de films du genre au cinéma, un tel concept avait forcément éveillé ma curiosité. Malheureusement le pilote de The Following est loin de m'avoir convaincu. 

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Ce premier épisode débute par l'évasion de Joe Carroll, un serial killer qui se trouvait dans le couloir de la mort. Cet ancien professeur d'université, fasciné par les oeuvres d'Edgar Allan Poe, a tué un certain nombre de jeunes femmes, avant d'être arrêté par un agent du FBI, Ryan Hardy, qui a réussi à sauver celle qui aurait dû devenir une de ses victimes. Grièvement blessé lors de cette intervention, Hardy a désormais quitté le FBI, n'étant plus apte au service actif. Mais il est cependant rappelé, lors de l'évasion de Carroll, en tant que consultant, connaissant mieux que personne l'homme qu'ils traquent. Seulement Carroll n'est pas juste un serial killer isolé. Charismatique, il a su s'entourer et développer autour de lui tout un culte, embrigadant des adeptes qui sont prêts à tout pour l'aider dans ses plans. Mégalomane, il nourrit en effet un certain nombre de projets, et il a choisi son adversaire pour le nouveau volume sanglant qu'il entend écrire : ce sera Hardy.

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Familier des fictions mettant en scène des serial killer, vous ne serez nullement égaré devant le pilote de The Following : la série revendique de manière transparente ses diverses sources d'inspiration. Mais vouloir s'inscrire dans un genre qui a du potentiel et en reprendre les codes avec une fidélité assumée n'implique pas faire l'économie d'une véritable réappropriation de tous ces concepts. Malheureusement, l'épisode enchaîne les poncifs et ressemble vite à une accumulation de clichés, aussi bien dans les portraits esquissés de ses personnages principaux, que dans ses répliques. A tel point point que certains passages n'auraient franchement pas dépareillé dans A Touch of Cloth, la parodie policière de Charlie Brooker. L'ensemble laisse donc un arrière-goût prononcé de "déjà vu", et l'impression diffuse de s'être égaré devant une fiction datant d'il y a dix ans. Il a certes ses fulgurances, quelques bonnes idées pas pleinement exploitées au niveau des rebondissements et des passages qui donnent un temps l'impression que l'épisode décolle enfin, mais tout cela retombe trop vite. Il échoue donc dans sa tâche première : celle de donner une consistance et une crédibilité aux évènements et aux protagonistes de la série.

Par ailleurs, il faut reconnaître que ce pilote de The Following n'est pas non plus aidé par un problème récurrent qui se rencontre dans certains pilotes des grands networks US de ces dernières années : le fait de partir en sur-régime. Cherchant à retenir un public zappeur à l'attention présupposée déficiente, il adopte un rythme extrêmement rapide, emballant en quarante minutes un maximum de rebondissements et d'informations. Ce survol ne serait pas trop problématique si l'intrigue elle-même n'empruntait pas de nombreux raccourcis. C'est tout l'enjeu d'un premier épisode de trouver l'équilibre entre le fait de vendre efficacement un concept au téléspectateur et celui de poser de manière cohérente son histoire. Seulement ici le scénario condensé donne l'impression d'être bâclé, peu abouti et sur-calibré de manière artificielle. De plus, si ce rythme de narration particulier peut éventuellement fonctionner pour un téléfilm, une série a vocation à s'inscrire dans le temps. Or avec un démarrage de ce genre, on mine dès le départ ses fondations-mêmes, sachant qu'elle ne pourra pas reproduire cette recette telle quelle très longtemps. Sur un plan plus optimiste, on peut aussi se dire que cette contrainte auto-imposée pour le pilote ne sera peut-être pas la même pour la suite, et que les épisodes pourront être plus soignés.

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Au-delà de ces problèmes sur le fond, le pilote de The Following déçoit également sur la forme. Adoptant une réalisation pas toujours inspirée, rejouant des mises en scène trop convenues qui soulignent encore plus la prévisibilité d'ensemble du scénario, l'épisode ne dépasse jamais les allures de correcte série B, revisitant un genre sans aucune valeur ajoutée, ni rien apporter qui lui soit propre. Certes, il y a bien des moments de tension, des passages où le téléspectateur se prend mécaniquement au jeu et où une ambiance inquiétante se crée, mais cela reste fugitif. Trop souvent c'est sur des éclats et les scènes volontairement "chocs" de bains de sang (humain ou animal) que repose la mission de capturer l'horreur que  son sujet devrait susciter.

Enfin, sur le papier, The Following dispose d'un casting qui a du potentiel. Kevin Bacon face à James Purefoy (Rome, The Philanthropist, Injustice), la confrontation peut valoir le détour, encore faut-il que les deux acteurs aient matière pour s'exprimer. Malheureusement ils se retrouvent pris au piège des limites d'écriture dont souffre ce pilote. Enfermé dans les plus usants clichés du flic amoché et alcoolique, confronté à une affaire qui le touche de près, Kevin Bacon a une présence presque minimaliste durant tout l'épisode, en dehors de deux ou trois passages qui, j'espère, seront amenés à devenir plus la règle. Quant à James Purefoy, il est solide, mais ne parvient pas à empêcher son personnage de sonner faux. Et ce n'est pas du côté des rôles secondaires que l'on trouvera un jeu consistant, l'équipe du FBI (Shawn Ashmore ou Jeananne Goossen) n'étant pas particulièrement convaincante. A noter également que l'on retrouve Natalie Zea (partie de Justified) qui interprète l'ex-femme de Carroll.

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Bilan : Encombré de stéréotypes mais disposant de quelques fulgurances "chocs", le pilote de The Following pourrait être une honnête et convenue incursion de série B dans le genre des fictions de serial killer. Mais en tant que pilote d'une série, il laisse plus dubitatif, échouant dans sa mission première qui était de crédibiliser et de poser des fondations solides à son concept de départ. Incapable de donner une consistance à ses personnages, il se voit contraint de se reposer sur des artifices sanguinolants et sur la paranoïa suscitée par l'existence des adeptes de Carroll - y-aura-t-il un traître dans l'équipe du FBI ?. Cela peut peut-être permettre de faire illusion un temps, mais l'ensemble m'a semblé sonner bien creux, a fortiori pour s'inscrire dans la durée.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce de la série :

14/04/2012

(US) Justified, saison 3 : une saison de continuité et d'épreuves

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La saison 3 de Justified s'est achevée ce mardi soir aux Etats-Unis. Cette série, je l'ai d'abord beaucoup aimée, avant de véritablement l'admirer. Après la forte impression laissée par une deuxième saison qui avait été celle de la maturité, de hautes attentes pesaient sur elle. De divertissante et extrêmement plaisante à suivre, elle s'était peu à peu imposée comme un de ces rendez-vous incontournables dans la semaine du sériephile. A la lisière du feuilletonnant et de l'épisodique, elle avait su se construire un arc narratif maîtrisé, faisant honneur tant à ses personnages qu'à son cadre.

Dans cette nouvelle saison, il faut saluer le fait que Justified ait su en partie se renouveler, exploitant plus avant les diverses facettes de son univers, tout en restant fidèle à elle-même, consciente de ses forces et de ses atouts. Sans retrouver complètement l'équilibre aussi rare que précieux qu'avait établi sa seconde saison, elle n'en a pas moins constitué la soirée sériephile que j'ai attendu, chaque semaine, avec le plus d'impatience. Non seulement parce que son écriture - caractéristique - reste fascinante, mais parce qu'elle demeure aussi une des séries les plus jubilatoires - si ce n'est la série la plus jubilatoire - du petit écran actuel. Beaucoup de bonheur donc pour le téléspectateur installé devant sa télévision.

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Le premier élément qui frappe face à cette saison 3, c'est tout d'abord l'évidente assurance prise par les scénaristes. Justified a en effet longtemps tergiversé entre divers partis pris narratifs. Désormais, ses auteurs n'hésitent plus à prendre leur temps pour construire de grands arcs, introduire chaque enjeu et capturer une ambiance. La série a fait ses preuves, ils n'ont plus à prouver leur capacité à bâtir un fil rouge solide : ils donnent au contraire l'impression de compter sur la confiance du public, de la même manière que ce dernier saura apprécier, sans s'impatienter, les débuts lents de la saison, sachant ce qui lui est promis pour la suite. Il faut reconnaître que, par-delà de la lente mise en place des intrigues, la qualité d'écriture de la série demeure d'une constance rare : le soin particulier apporté aux dialogues, invariablement traînants, au phrasé aussi caractéristique que savoureux, n'a d'égal que cette dose de théâtralisme avec laquelle la série sait jouer pour mettre en scène les multiples confrontations qui la rythment.

En cultivant son ambiance à part de western contemporain et/ou anachronique, Justified reste une des séries au style le plus abouti et immédiatement identifiable du petit écran américain actuel. Cette saison 3 aura su asseoir cette identité, tout en embrassant cette fois pleinement une dimension feuilletonnante encore plus marquée, au risque d'oublier parfois que les storylines d'un épisode sont toutes aussi importantes pour l'équilibre d'ensemble de la série. En effet, ce sont elles qui renvoient l'impression de normalité dans la routine d'un héros qui n'en reste pas moins un US marshall. La conséquence sera d'être parfois amené à étirer plus que de raison les storylines de certains, suivant un schéma narratif pouvant être à l'occasion un peu répétitif sur la fin de saison. Pour autant, à défaut d'avoir su retrouver complètement l'équilibre quasi-parfait du tableau agencé dans la saison précédente, les scénaristes n'en auront pas moins réussi à proposer une saison d'une densité et d'une intensité remarquable, donnant toujours l'impression de savoir où ils allaient en maîtrisant parfaitement tous les facteurs de leur histoire.

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Plus que jamais, Harlan aura été au coeur de la saison. Non seulement le lieu, ses moeurs, mais également l'idée particulière qu'il peut renvoyer, celle d'une maison, d'une famille, d'une solidarité... Des liens qui s'y nouent, mais aussi s'y brisent. En effet, tout en continuant à explorer toutes les voies qui rattachent invariablement Raylan à ses origines, Justified entreprend d'exploiter d'autres facettes et potentiel de ce cadre particulier. La saison 2 avait proposé une dynamique classique, celle d'une matriarche et de sa famille, la saison 3 va, elle, prendre plus de risque en faisant intervenir un autre type d'adversaires. Ce sont rien moins que deux opposants de taille qu'elle introduit face à Raylan. S'il restera toujours plus en retrait, moins développé, c'est que Limehouse reste, lui, le représentant d'une certaine continuité, avec une gestion patriarcale guidée par la volonté de protéger et de maintenir ses acquis. Il est un acteur déterminant, qui complexifie les enjeux et complète le tableau d'ensemble des rapports de force, mais n'est jamais le "méchant" central. Ce dernier rôle repose sur les épaules de Quarles, lequel témoigne de la volonté des scénaristes d'introduire de nouvelles dynamiques dans la série.

La particularité de Quarles ne se réduit pas au simple fait qu'il vienne de Detroit - donc qu'il soit un étranger ambitionnant de mettre la main sur les trafics de Harlan. Quarles est un psychopathe dont les actes révèlent progressivement l'ampleur de sa dangerosité. Parce que l'on peut tout attendre de lui - le pire surtout -, mais aussi parce qu'il s'agit d'un esprit brillant et amoral, il est un adversaire qui sort des sentiers battus : ce n'est pas pour rien que Raylan, très vite, va faire de sa mise hors d'état de nuire une croisade personnelle. Quarles est par définition un personnage de fiction, un de ces méchants génialement glaçants qui s'affranchit de toutes limites pour embrasser une flamboyance autodestructrice scellant, dès le départ, le sort tragique qu'il connaîtra. Quarles est en réalité une expérimentation narrative pour des scénaristes qui introduisent ainsi à Harlan une figure qui n'a rien de commun avec les précédents adversaires de Raylan. Le contraste sera d'ailleurs habilement exploité jusqu'au bout : initialement effrayant, d'un aplomb jamais pris en défaut, Quarles connaîtra également la chute, une déchéance qui le laissera encore plus aux abois, pour se conclure par une fin parfaite, excessive comme a pu l'être le personnage. 

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La caractérisation soignée de chacun de ses protagonistes demeure une des marques de fabrique les plus appréciables de Justified. C'est d'ailleurs assez logiquement que, durant les premiers épisodes, la série met particulièrement l'accent sur toutes ces figures éparses dont les rôles, même minimes, ont leur importance dans les divers rapports de force à l'oeuvre ou à venir. Cependant, elle va aussi se rappeler à temps que le coeur du récit reste le personnage de Raylan Givens. L'assurance qu'il dégage, l'aplomb qu'il met en scène, mais aussi le flegme plus diffus derrière lequel il se protège, assorti d'un sang froid à toute épreuve, contribuent à la fascination que la série exerce sur la téléspectateur. Sur ce point, la réussite de la saison est d'avoir respecté l'essence du personnage, tout en traitant des suites du final précédent. C'est en effet un Raylan blessé et fatigué que l'on retrouve initialement. Jamais il n'aura dégagé une telle impression de lassitude - et en un sens, de vulnérabilité, tout en restant obstinément fidèle à lui-même et au cadre de vie qu'il s'est fixé. Il va donc lutter pour retrouver un équilibre, la perspective d'une paternité prochaine avec Winona lui offrant une voie inespérée à laquelle se raccrocher.

Mais c'est une issue illusoire : en dépit de ses efforts, c'est toujours vers Harlan que ses pas le ramènent, cette bourgade apparaissant semblable à une toile de laquelle il n'y aurait pas d'échappatoire. C'est une obsession dont Winona n'a que trop conscience. Si la série n'a pas toujours été pleinement consistante dans l'évolution de ce couple, la séparation apparaît cependant comme ce vers quoi ces deux caractères trop différents finissent toujours vers tendre. Plus généralement, la force de cette saison 3 sera de refuser à Raylan le confort de toute routine, remettant en cause ses repères,  non seulement dans sa vie personnelle, mais aussi professionnelle. Opportunément, la série explore en effet de nouvelles voies, comme la manière dont les rapports de Raylan avec Harlan peuvent être perçus par un observateur extérieur. Le marshall a toujours agi avec une relative impunité dans ce comté. Se retrouver soudain soupçonné de corruption et d'être à la botte de Boyd donnera lieu à l'un des épisodes les plus enthousiasmants de la saison. C'est ainsi que Justified saura une nouvelle fois offrir à Raylan ces scènes de confrontation - qu'il s'agisse d'échange de coups de feu ou de simples répliques - caractéristiques de la série, tout en ne se contentant pas d'un statu quo prudent pour explorer l'équilibre de son héros.

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A ce titre, c'est un autre thème qui s'impose en filigrane et dont l'évolution va être particulièrement révélatrice : celui de la famille, ou plus précisément celui de la place des différentes figures paternelles de la série. Depuis le début de Justified, le rôle de Art, patron compréhensif, a toujours été celui qui s'est le plus rapproché d'un père pour Raylan, essuyant les plâtres, contrôlant les dommages-collatéraux et plus généralement protégeant son subordonné, plus de lui-même que d'ennemis extérieurs que le marshall sait toujours parfaitement accueillir. Seulement, au cours de cette saison, c'est bien avant Raylan que le téléspectateur prend conscience d'une progressive redistribution des cartes. En effet les liens du sang achèvent de se brouiller. Certes, Arlo et Raylan ont toujours été des étrangers l'un pour l'autre, mais la mort d'Helen semble avoir achevé le seul point commun qui pouvait encore les lier. Parallèlement, Arlo trouve une vraie place aux côtés de Boyd et d'Ava. A partir de là, c'est avec une maîtrise et une logique implacables que les scénaristes vont nous conduire jusqu'au dernier épisode de la saison, qui, aussi logique qu'il soit au vu de tout ce qui s'est passé, n'en a pas moins une résonnance marquante.

Qu'Arlo soit prêt à tuer pour ceux qu'il aime, nul n'en a jamais douté. Par ailleurs, le seul fait de savoir qu'Arlo ait pu tuer un homme - voire qu'il soit prêt à prendre les responsabilités pour un autre meurtre qu'il n'a pas commis - ne saurait en soi affecter un Raylan sans illusion sur son père. Mais l'instant où Raylan comprend que, pour protéger celui qu'il considère comme sa vraie famille - même sans lien du sang pour les unir -, c'est-à-dire Boyd, Arlo ait été prêt à abattre sans sourciller son propre fils, n'en demeure pas moins particulièrement fort. Quelque part, quelque chose rompt lorsque le marshall comprend le geste d'Arlo, et le fait qu'il ait tué un représentant de la loi en étant conscient de la possibilité qu'il ait pu s'agir de Raylan. En quelques scènes, sans en faire trop, Justified s'offre ainsi une conclusion troublante, refermant sur une note plus intime et douloureuse la saison.

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Enfin, pour conclure cette longue review, je voudrais rendre un bref hommage à un casting homogène qui aura été une nouvelle fois impeccable. Timothy Olyphant tient ici un rôle qu'il habite comme rarement et dans lequel il s'épanouit pleinement. Non seulement il fait preuve de beaucoup de présence pour incarner Raylan dans ces scènes de confrontation du quotidien, mais il va au cours de cette saison 3 démontrer toute sa capacité à laisser transparaître lassitude et fatigue, le masque d'assurance se fissurant quelque peu. A ses côtés, Walton Goggins ou encore Joelle Carter sont tout aussi parfaits dans leurs rôles ambivalents. Quant aux autres représentants de la loi, Nick Searcy, Jacob Pitts et Erica Tazel se sont vraiment mis au diapason de l'ambiance de la série.

Du côté des guest-stars de la saison, c'est évidemment la prestation de Neal McDonough qu'il convient de retenir. L'acteur délivre une interprétation énergique et charismatique qui ne saurait laisser indifférent, s'en donnant véritablement à coeur joie dans un rôle qui se prête à bien des excès. Capable de retranscrire avec intensité toutes les émotions par lesquelles passe son personnage, sa performance légitimise les choix faits pour caractériser Quarles. Parallèlement, moins sollicité, mais répondant présent dans les quelques scènes qui nécessiteront de marquer le téléspectateur, Mykelti Williamson se sera également montré convaincant.

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Bilan : S'inscrivant à la fois dans une continuité bienvenue et nécessaire, tout en sachant se renouveler et introduire de nouvelles dynamiques, la saison 3 de Justified aura été celle de la confirmation. Les scénaristes ont désormais acquis une assurance communicative et maîtrisent pleinement toutes les facettes de leur univers. Si la saison 3 n'a pas retrouvé l'exact équilibre, entre épisodique et feuilletonnant, auquel était parvenu la deuxième, elle aura délivré treize épisodes de grande qualité. Par son style anachronique très particulier, la qualité de ses dialogues ou encore le soin apporté à la caractérisation de ses personnages, la série confirme qu'elle est bien une des meilleures fictions américaines actuellement en production. Et une des plus savoureuses.


NOTE : 8,75/10


La bande-annonce de la saison 3 :

28/05/2011

(US) Justified, saison 2 : le temps de la maturité

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On m'a souvent dit que la saison 2 d'une série (américaine) serait celle qui révèle la vraie valeur de l'oeuvre en question. La saison 1 prend la température, cherche le juste équilibre et son identité. La saison 2 démontre - ou non - la maîtrise et la vision des scénaristes. Si ce point de vue m'apparaît discutable, il est cependant tentant d'appliquer ce schéma à une série qui, de coup de coeur personnel l'an dernier, s'est imposée ce printemps comme une incontournable du petit écran d'outre-Atlantique.

Nul doute que j'avais aimé la première saison de Justified. J'étais tombée sous le charme de ses anachronismes westerniens, de son atmosphère atypique imprégnée du Kentucky profond, de ses personnages à la dualité fascinante, de ses acteurs charismatiques... Bref, il existait certainement mille et une raisons qui avaient fait de Justified une de mes séries américaines en cours de production préférées. Cela ne signifiait pas que cette première saison avait été exempte de défauts, la narration hésitante du procedural au feuilletonnant montrait bien que les scénaristes avaient cherché leur voie. Sauf que, voyez-vous, en ce printemps 2011, Justified a acquis une autre dimension.

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Grâce à sa saison 2, elle a dépassé le stade de la série appréciable, correspondant parfaitement à mes goûts et se suivant avec plaisir, pour devenir progressivement le rendez-vous téléphagique hebdomadaire que j'attendais avec le plus d'impatience chaque semaine. Elle est entrée dans le cercle de ces séries qui savent procurer de vrais instants jubilatoires que l'on va tout particulièrement chérir. Une maturation et une forme de consécration qui viennent donc récompenser l'investissement du téléspectateur.

Cette saison 2 aura dans l'ensemble suivi un schéma de construction narrative similaire à la première, mais globalement mieux maîtrisé, renvoyant l'impression rassurante que les scénaristes savaient parfaitement où ils allaient en construisant pierre par pierre les confrontations à venir. Une fois la storyline de Floride - laissée en suspens l'an dernier - rapidement clôturée, Justified ne tergiversera pas. Cette fois, les quelques stand-alones du début sont non seulement vite éclipsés par les intrigues à dominante feuilletonnante, mais surtout ces premières escarmouches vont elles-mêmes être reliées aux grands arcs narratifs et leur servir de base. Si bien que c'est sous la forme d'un tout homogène et consistant que se présente cette saison 2, dont les différents actes traduisent la rigueur des scénaristes : la montée en puissance, le climax et, enfin, une vraie conclusion qui referme le chapitre.

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Tout en reprenant les ingrédients qui avaient fait le charme de la première saison, Justified ne se contente pas de rester sur ses acquis. C'est une variante qui nous est en effet proposée, explorant et redéfinissant des thématiques qui ont ce mérite de n'être jamais figées. Les rapports de force, qui régulent sous nos yeux fascinés ce Kentucky profond qui vit suivant ses propres codes, restent constamment mouvants. La famille demeure une donnée centrale du récit, démontrant qu'au-delà des déchirements internes, les liens du sang semblent toujours l'emporter. Les trafics et petits arrangements avec la loi forment aussi toujours cette nébuleuse inaccessible à qui tenterait de la décrypter de l'extérieur. Cette saison, plus encore que dans la précédente, les scénaristes, en travaillant l'ambiguïté qui lui est inhérente, auront eu à coeur de faire ressortir cette atmosphère particulière qui place la série si loin de tous ces cop-shows aseptisés. 

En dépit de tous ses efforts, les pas de Raylan le reconduisent toujours inévitablement vers Harlan County. Le lien du passé ne saurait se rompre ; mieux encore, il pèse sur chacun des personnages incapables de s'en défaire, biaisant leur jugement, et renforçant l'impression que ce qui se joue n'est qu'un énième acte d'un demi-siècle de confrontations au fin fond du Kentucky. A ce jeu vain d'une émancipation impossible, c'est sur l'introduction des Bennetts que va repose la dynamique de la saison. Affrontement moins personnel et consanguin que face aux Crowder, il est cependant tout aussi intime : le contentieux est déjà lourd avec les Givens, le clash adolescent de Raylan et d'un des fils n'ayant été qu'une piqûre de rappel parmi d'autres. Sauf que Mags Bennett est bien plus qu'une simple adversaire. Pilier d'un système, elle s'impose en matriarche pragmatique, à la fois dure mais également prompte à vouloir mener à bien de secrets espoirs pour le futur de sa famille. Si elle joue sur l'ambivalence que son image peut renvoyer, son personnage, avec ses multiples facettes, place cette confrontation à un autre niveau qu'un réducteur enjeu de vendetta ou de légalité.

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On retrouve à travers Mags Bennett une des forces constantes de la série : le soin tout particulier apporté à des personnages jamais interchangeables. De manière générale, tous les principaux protagonistes - voire au-delà - bénéficient de cette finesse d'écriture qui fait d'eux des figures nourries de certitudes et de paradoxes. Cette dimension humaine va se trouver encore renforcer dans cette saison 2. Non seulement les grands arcs narratifs, bien gérés, forment une seule et même histoire admirablement maîtrisée, mais, marquant la volonté de ne pas rester figée, la série apparaît placée sous le signe de l'évolution, ou du moins des tentatives, forme de quêtes existentielles un peu futiles mais inébranlables. Ainsi Boyd poursuit-il ses réflexions éthiques, recherchant un équilibre qui semble toujours se dérober. De façon plus affirmée et approfondie que précédemment, c'est toute la galerie de personnages gravitant autour de Raylan qui gagne en consistance et se complexifie.

Cependant, le marshall demeure, par l'importance de ses choix, la figure incontournable. S'il fascine toujours autant, c'est que, lui aussi, il va connaître des évolutions durant cette saison 2. Sa relation avec Winona, et la découverte de ce qu'il serait prêt à faire pour elle, bouleverse bien des certitudes sur son rapport à la loi. S'il a toujours cultivé cette indépendance, jusqu'où serait-il prêt à aller au nom des sentiments ? Quelque part, alors même qu'il commence à reparler futur, perce une pointe d'autodestruction dans l'attitude qu'il adopte, chevillée au corps (et au coeur) de façon peut-être encore plus criante. Durant toute la saison, Raylan tourne et se rapproche inexorablement de Harlan, de ces racines volontairement oubliés. Jusqu'à s'y brûler. Le season finale revêt ici une portée symbolique particulière. Si ses nerfs d'acier, comme l'assurance infaillible qu'il met en scène consciemment ou non, ne lui feront jamais défaut, il faudra par deux fois une intervention extérieure pour lui sauver la vie. Au fond, la saison poursuit le mythe inaccessible du cow boy indestructible, tout en le battant en brèche. Les derniers développements laissent entrevoir d'autres remises en cause pour la suite.

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Bilan : La saison 2 de Justified aura été celle de la maturation. Parvenant à pleinement exploiter les atouts du concept fort sur lequel repose la série, les scénaristes auront aussi su ne pas se contenter de rester sur leurs acquis, faisant preuve d'une réelle ambition à saluer. Dotée cette fois d'une contruction narrative maîtrisée du début à la fin, des premières pierres jusqu'à la chute finale, la série aura réussi à proposer un feuilletonnant consistant et captivant, agrémenté de certains passages proprement jubilatoires qui marquent la récompense suprême de l'investissement du sériephile fidèle. A savourer sans modération !


NOTE : 9/10


Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :


Le générique de la série :


17/02/2011

(US) Justified, saison 2 : immuable Kentucky

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En ce début d'année 2011, les séries américaines ont (un peu) réinvesti mon petit écran. Oh, j'ai bien conscience que ce phénomène n'est qu'une illusion. Car c'est un chapitre de ma vie téléphagique US qui s'achève. La belle aventure humaine qu'a constitué Friday Night Light s'est terminée tout récemment. Je savoure avec une lenteur calculée chaque visionnage d'un nouvel épisode de Big Love, sachant qu'il s'agit de la toute dernière ligne droite. Heureusement, je trouve quand même quelques séries américaines encore jeunes. Et ce mercredi 9 février 2011, c'était mon marshall favori du petit écran qui signait un retour remarqué : débutait en effet sur FX la deuxième saison de Justified.

Perfectible certes, mais avec un charme et une identité propres qui séduisaient, telle était l'impression que m'avait laissée la première saison. Comme une bouffée téléphagique d'air frais, ce season premiere m'a rappelé tout l'attachement que j'éprouve pour l'ambiance confusément anachronique qui règne dans cette fiction. Je pourrais dire que je suis la première surprise de constater que les recettes investies par Justified marchent si bien sur moi, mais il y a quand même une certaine logique. Je ne suis pas loin de penser qu'on pourrait décalquer géographiquement les séries américaines susceptibles de me plaire : surtout installer l'action loin de ces côtes surannées (Est comme Ouest), loin des grandes villes (Treme étant à la fois une confirmation et une exception)...

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Ce season premiere s'inscrit dans la droite ligne de l'esprit de la série. Il s'ouvre directement sur la suite de la fusillade fatale qui avait conclu la saison 1, conséquence explosive des inimitiés que Raylan est toujours si prompt à se créer. Décidé à solder une fois pour toute ses comptes avec la Floride et ce passé qui le poursuit en mettant en danger ses proches, notre héros en interrompra même la quête de vengeance de Boyd pour débarquer chez le commanditaire de tous ses récents maux avec ce fameux aplomb teinté d'une diffuse arrogance nonchalante dont il est coutumier. A Miami, tout se règlera d'une manière aussi expéditive qu'efficace, le temps d'un pré-générique qui constitue la chute finale du fil rouge qui aura marqué la première saison. Choisissant de ne pas s'appesantir outre mesure sur une histoire qui a déjà été très exploitée et a connu son lot de rebondissements, Justified préfère donc refermer sans tarder ce chapitre pour mieux se lancer dans une nouvelle saison qui s'annonce sous des auspices très similaires à la précédente, et tout aussi intrigants.

Si Raylan retourne dans son cher Kentucky natal avec lequel il entretient des rapports si ambivalents, il le fait cette fois volontairement, refusant la proposition d'être réintégré dans son job de Floride. La signalisation des agissements suspects d'un délinquant sexuel va être l'occasion d'échapper au supplice d'une paperasse qui n'en finit plus, tout en offrant l'opportunité de replonger dans ce Sud profond qui fait l'identité de la série, ces bourgs reculés dans lesquels il faut avoir grandi pour vraiment comprendre les ressorts qui les animent et les font vivre. Rondement menée, avec son lot de jeu de pistes, ponctué par un soubresaut de suspense, l'enquête sert surtout de prétexte pour introduire un autre clan familial prospérant en marge de la loi, les Bennett, régis par une matriarche qui va d'emblée s'imposer, avec un style propre, comme un adversaire plein de potentiel. Certes, comme les Crowder la saison passée, ce sont de vieilles connaissances de Raylan, dans cet arrière-pays où tout le monde se connaît. Mais c'est de façon bien moins ostentatoire et plus subtile, une sorte de poigne de fer dans un faux gant de velours, que Martindale régente son petit monde. Pour autant, la fin de l'épisode nous informe qu'elle n'en est pas moins impitoyable. Un twist parfait pour retenir l'attention et la curiosité du téléspectateur.

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Avec ce retour, la série capitalise donc sur ses atouts, s'inscrivant dans une certaine routine narrative où le téléspectateur retrouve immédiatement ses marques. Pour moi, le charme de Justified réside avant tout dans l'atmosphère atypique qui s'en dégage. C'est une série se construisant et se nourrissant des ambivalences qu'elle sait parfaitement mettre en scène. Quoi de plus fascinant que le plongeon qu'elle permet dans ce Kentucky profond qui donne parfois l'impression d'évoluer déconnecté du reste du pays, presque hors du temps, apparaissant comme un coin reculé chérissant plus que tout une indépendance anarchique face une société moderne qui ne semble pouvoir l'atteindre. Quoi de plus attrayant et d'étonnamment savoureux que ce mélange de codes scénaristiques qui n'innovent pas mais forment un cocktail détonnant, entre western et fiction contemporaine, saupoudré d'une pincée de cop show universel. La force de Justified est de parvenir à se réapproprier des traditions télévisuelles du petit écran américain que d'aucuns jugeraient d'un autre âge, tout en les dépoussiérant et les remettant au goût du genre par le jeu d'un anachronisme qui en devient finalement rafraîchissant. Tout en sachant conserver une certaine distance d'où n'est pas absente une pointe d'autodérision, Justified donne parfois l'impression d'avoir le goût d'un classique sans en avoir l'âge.

De plus, si le concept s'épanouit de manière aussi convaincante, il le doit aussi à la dimension humaine que la série cultive avec soin. Elle n'a pas son pareil pour prendre le temps de construire, en quelques scènes clés, la personnalité des criminels, même si ces derniers ne sont de passage que pour un bref épisode. On a rarement, voire jamais, l'impression d'être face à des protagonistes déshumanisés et interchangeables dans Justified. C'est pourquoi elle renvoie l'impression si agréable et satisfaisante d'une oeuvre réellement finalisée, loin du pré-formatage mécanisé d'autres fictions du genre. Et puis, en pivôt central, il y a bien sûr le personnage de Raylan. Alors même qu'il aurait pu si aisément glisser dans la caricature facile d'une figure rigoriste à la gâchette facile, il s'insère au contraire parfaitement dans la tonalité générale de la série, symbolisant justement l'ambiguïté de ce Kentucky, jouant sur une assurance théâtrale, jamais prise en défaut, que permet de contrebalancer une décontractation qui confine parfois à la fausse nonchalence. Ne commettant jamais l'erreur de se prendre trop au sérieux, Timothy Olyphant excelle dans ce genre de rôle.

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Bilan : Justified est une de ces séries d'ambiance que l'on retrouve toujours avec plaisir. Savoureusement anachronique, c'est une fiction moderne qui s'inscrit dans les grandes traditions du petit écran américain, tout en sachant conserver une tonalité quelque peu décalée qui lui permet de trouver le juste équilibre et de se bâtir une identité propre. Elle n'innove pas, mais le mélange qu'elle propose aboutit à un résultat aussi dépaysant que fascinant. Certes, on pourra sans doute lui reprocher un certain manque d'homogénéité dans ces saisons qui prennent leur temps pour réellement démarrer, construites pour aller crescendo. Mais en ce qui me concerne, je reste définitivement sous le charme.


NOTE : 7,5/10


Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :


Le générique de la série :


13/07/2010

(US) Justified, saison 1 : le charme atypique d'une série entre western et cop-show (Bilan)


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Si j'ai la critique facile envers les productions d'outre-Atlantique, il serait faux d'affirmer que je n'ai pas trouvé nouveautés téléphagiques à mon goût sur les ondes américaines depuis le début de l'année 2010. Je me suis considérablement attachée à plusieurs productions, à commencer par une série qui aura beaucoup navigué à vue, se construisant et s'affirmant progressivement au fil des 13 épisodes qui composèrent sa première saison : Justified.

Ce nouveau programme de FX, débuté sur un pilote aussi ambitieux qu'avare en indication sur la suite de la fiction (cf. ma critique publiée au mois de mars : Justified, héros anachronique d'un polar hors du temps), aura peu à peu atteint un rythme de croisière et une tonalité prenante et divertissante, pas forcément celle attendue, mais incontestablement accrocheuse ; suffisamment, en tout cas, pour que j'éprouve beaucoup de plaisir à la suivre.

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Si Justified a marqué les esprits, c'est tout d'abord grâce à l'atmosphère que les scénaristes sont parvenus à installer. Étrangement indéfinissable, entre dramaturgie théâtrale et second degré salvateur, elle se sera aisément détachée de la simple série policière, embrassant une originalité attrayante et assumée. Plus que ses protagonistes majeurs, c'est dans ses personnages secondaires et ses invités d'un jour, que la série aura trouvé cette tonalité un peu atypique. Par exemple, loin de faire de ses bad guy d'un épisode des prétextes unidimensionnels et sans âme, rapidement évacués, dont le seul objectif serait de mettre en valeur ses héros, Justified aura, au contraire, soigné sa dimension humaine de la plus intrigante des manières.

S'attachant à caractériser et individualiser toutes les figures croisées au cours d'une enquête, la série s'est révélée sans égale pour humaniser ses méchants, à travers deux ou trois petites scénes à la tonalité aussi décalée que détonnante, qui auraient été des détails anecdotiques dans n'importe quel autre show. Jouant sur cette ambiance versatile, essayant beaucoup sans toujours réussir, Justified a ainsi eu le mérite de rompre avec la tentation d'une énième déclinaison de série policière. Maniant avec habileté une autodérision revendiquée, exacerbant certains poncifs ou faisant preuve d'une surprenante subtilité à l'occasion, elle aura gagné, à travers ses expériences narratives, un style qui lui est propre et qui tranche singulièrement dans le paysage téléphagique apathique actuel.

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Au-delà de cette atmosphère qui aura souvent réservé des scènes jubilatoires au téléspectateur, la saison n'aura pas démenti mon qualificatif de "western anachronique" employé pour le pilote. La série aura conservé et exploité, avec un enthousiasme communicatif, quelques-uns de ses repères fondateurs. On y retrouvera, tout au long de la saison, des héros à la gâchette facile, une ambiance très redneck s'épanouissant dans le cadre d'un Kentucky profond qui n'aura sans doute jamais paru aussi sauvage et autonome. Elle sera ainsi parvenue à s'installer crânement dans un créneau, qui aura constitué une de ses attractions les plus solides, loin de tout environnement policé ; d'aucuns diraient "civilisé".

Pourtant, l'enjeu réel de cette première saison aura finalement été ailleurs. Justified aura en effet été parcourue d'une hésitation récurrente sur le format à adopter. Le pilote posait un ton, laissait entrevoir des potentialités, mais n'avait pas résolu une question fondamentale : formula show ou série feuilletonnante ? Une enquête par épisode, ou bien des fils rouges s'imbriquant dans le récit ? Cette problématique aura monopolisé les scénaristes tout au long d'une saison, qui aura été remplie d'hésitations et d'essais plus ou moins concluants sur le sujet. Débutée sur les bases d'un formula show traditionnel, où seule sa tonalité tranchait, la série délaissera progressivement ce schéma pour se tourner vers une approche plus feuilletonnante, où les fils rouges prirent le pas sur les "affaires d'un jour".

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Cette importante fluctuation narrative aura été l'occasion d'être le témoin privilégié d'une expérience scénaristique rare. Le téléspectateur aura en effet assisté à toutes les tergiversations d'écriture qu'aura connues une série dont le cadre n'était manifestement pas strictement fixé dès le départ. De tâtonnements hésitants en ajustements progressifs, Justified sera ainsi passée des stand-alones aux épisodes feuilletonnant. A travers cette évolution, l'enjeu était de savoir comment exploiter au mieux l'univers posé. L'option de facilité aurait consisté à simplement s'enfermer dans des stand-alones, saupoudré d'une pointe de fil rouge, prétexte à retenir l'attention des tééspectateurs sur le long terme, d'une façon très "CBS-like". Mais finalement - et heureusement ! -, les scénaristes auront su adopter une construction narrative plus ambitieuse, et, en cela, beaucoup plus satisfaisante pour le téléspectateur.

En effet, peu à peu, l'arc majeur, reprenant les thématiques notamment familiales déjà entre-aperçues dans le pilote, aura pris le pas sur tout le reste. Hautement symbolique, la boucle se referme superbement avec la conclusion de la saison, reflet de tous les évènements qui auront marqué les 12 épisodes précédents. L'explosion finale apparaît comme une conséquence, aussi directe que logique, des différents choix faits par les principaux protagonistes. Des alliances de circonstances aux étincelles des clashs, les rapports entre les personnages auront fluctué au fil de la saison. Cependant, par-delà cette volatilité humaine constante, avec les décisions prises par les uns et les autres, on se dit que Justified n'aurait pu terminer d'une autre manière sa première saison, tant finalement tout s'emboîte en une vaste confrontation inévitable, entérinant des désunions comme des retrouvailles qui coulent de source.

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Bilan : Cette première saison de Justified n'aura pas été parfaite, loin de là. Hésitante jusque dans les schémas narratifs à adopter, elle aura été le théâtre de nombreux essais et expériences de le part de scénaristes qui n'auront tranché que progressivement entre le formula show et le feuilletonnant, optant finalement opportunément pour la seconde option.

Pourtant, Justified aura séduit et m'aura procuré beaucoup de plaisir. Par sa richesse humaine et la dynamique rafraîchissante utilisée pour l'exploiter. Par sa tonalité décalée, naviguant entre une pointe de dramaturgie et une touche d'autodérision. Elle aura investi ce créneau indéfinissable du western anachronique avec classe et assurance, ne recherchant jamais un rigoureux réalisme. Tout ne fut pas pleinement maîtrisé, mais elle aura toujours mis un entrain communicatif à tenter des choses, réussissant à rendre certains passages jubilatoires.

S'il faudra voir comment la série recyclera ou progressera dans les thèmes abordés au cours de ces 13 premiers épisodes, les scénaristes pourront peut-être profiter de leur expérience pour faire que la saison 2, déjà commandée, soit plus aboutie et maîtrisée, pour permettre à la série de franchir un palier supplémentaire.


NOTE : 7,5/10


Le générique (classe !) de la série :