20/02/2011
(Pilote UK) Bedlam : les fantômes ne suffisent pas
Le genre fantastique a retrouvé le chemin de mes programmes téléphagiques ces dernières semaines. Des plus anciennes, Being Human, aux plus récentes, The Almighty Johnsons. Elles remplissent largement mon quota vital d'étrangetés surnaturelle. Si bien qu'en lançant le pilote de Bedlam, pour une fois, je n'avais pas d'attente particulière, si ce n'est satisfaire ma curiosité compulsive.
Face à cette nouvelle série, diffusée sur Sky Living depuis le 7 février 2010, qui se proposait de ressusciter des fantômes, j'avais un instant craint de retrouver une réminescence du genre horrifique dont je ne me suis toujours pas pleinement remise, suite à l'expérience aussi fascinante que traumatique constituée par Coma. Mais Bedlam se situe à des années lumières de sa consoeur sud-coréenne. Une héritière de Hex alors ? Même pas. C'est vainement qu'on cherchera une identité dans cette fade redite de fables surnaturelles.
Question fantômes et traitement du fantastique, on ne peut pas dire que Bedlam innove ou prenne le moindre risque. Le cadre choisi est un cas d'école pour tout apprenti scénariste : un ancien asile à l'intérieur duquel se déroulèrent des faits fort peu recommandables et auxquels nombre de patients ne survécurent pas. Contraint de fermer ses portes lorsque certains abus furent rendus publics, le bâtiment ne quitta cependant pas le patrimoine familial des Bettany. Or voici que, des années après, ces derniers envisagent de transformer l'immeuble en en faisant un vaste complexe immobilier rentable. Le projet est lancé, même si la perspective de venir s'installer dans une ancienne et grande demeure sombre - décor caricatural de film d'horreur - qui abrita sa part de morts violentes, ne semble pas non plus constituer des arguments très vendeurs auprès de locataires potentiels.
C'est par le retour mouvementé du cousin - adopté - prodigue que l'épisode va nous introduire dans ce milieu. Jed Harper vient tout juste d'être habilité à quitter... l'hôpital psychiatrique où il était soigné pour des hallucinations récurrentes, le jeune homme ayant la capacité de voir des fantômes. Prévenu du danger que court Kate Bettany, qui gère le projet sous la tutelle de son père, le jeune homme s'impose donc dans le quotidien de sa cousine et de ses colocataires. Une présence peu amicale a semble-t-il été réveillée récemment dans les murs de leur appartement. Serait-ce dû à cette vieille bague retrouvée lors des travaux effectués dans une aile de l'ancien asile ? Est-ce lié à la mort violente par noyade du frère de Ryan il y a un an ? Mais apaiser les morts sans - si possible - y laisser la vie, voilà la mission compliquée que semble s'être fixé Jed.
Sans avoir besoin de révolutionner le genre ou de proposer des intrigues ambitieuses, de Supernatural à Hex, il y a deux choses qui apparaissent fondamentales dans une série qui investit le surnaturel : l'atmosphère qu'elle va créer et ses personnages. Deux exigences minimales face auxquelles Bedlam échoue d'emblée, sans laisser entrevoir de potentiel permettant d'espérer une amélioration pour la suite.
Comment peut-on choisir un cadre si emblématique - aussi suranné soit-il - qu'est cet asile dont les murs extérieurs paraissent déjà inquiétants, et ne l'exploiter qu'incidemment, par quelques facilités scénaristiques ? La série laisse un téléspectateur frustré devant sa poignée de plans pseudo-inquiétants malhabiles, accompagnés d'une mise en scène minimaliste et sans imagination, proposant une présence presque famélique de fantômes. Une impression que la dernière scène s'attache pourtant à démentir, en laissant entrevoir l'ampleur d'un phénomène, sans doute plus complexe aussi, qui touche cet asile... Mais jamais la série n'exploite cette dimension, enchaînant les images d'Epinal sans réussir à esquisser le début d'une ambiance qui, à défaut d'inquiétante, serait au moins frissonnante.
Bedlam, c'est une série sans âme, ou plutôt qui a vendu son âme, et dont chaque scène est un rappel que faire une série, ce n'est pas seulement empiler les stéréotypes et les dialogues convenus. La construction brouillonne, cédant à toutes les facilités possibles et imaginables (l'alerte donnée par le téléphone portable étant un peu le symbole de la démission scénaristique générale), empêche de s'investir dans une histoire où les enjeux sont imposés de manière presque trop ostentatoire pour que l'on puisse ne serait-ce qu'essayer de s'investir. Cette faiblesse narrative n'est malheureusement pas compensée par des personnages qui sonnent surtout très creux. Construire une fiction en partant de stéréotypes, c'est une chose. Mettre en scène, sans la moindre distance, des caricatures d'une prévisibilité confondante, dont on s'attache en plus à désamorcer tout possible mystère ou prise d'épaisseur, c'est vraiment tester la patience du téléspectateur.
Ce manque de parti pris et d'identité se ressent fortement sur la forme. Bedlam propose une photographie plutôt soignée, mais la réalisation manque d'inspiration. Ce n'est pas une question de budget, c'est un problème d'ambition. Les images défilent sans que jamais le réalisateur ne songe à imposer sa marque. C'est d'autant plus dommageable pour une fiction de ce genre, qui entend jouer sur une fibre surnaturelle et donc sur une ambiance que tous ces plans excessivement convenus achèvent de désamorcer.
Enfin, pour finir de convaincre le téléspectateur de ne plus zapper sur Sky Living à l'avenir, le casting sombre avec la série. Je veux bien admettre que les acteurs ne disposent pas d'un matériel de base permettant de se mettre en valeur, mais on ne peut pas dire qu'ils se sentent particulièrement impliqués non plus. Les prestations vont du médiocre au passable. On y croise notamment Theo James (Kemal Pamuk dans Downton Abbey cet automne), Charlotte Salt (Wildfire, The Tudors), Hugo Speer (Bleak House, Five Days), Will Young ou encore Ashley Madekwe (Secret Diary of a call-girl).
Bilan : Prompte à verser dans tous les stéréotypes du genre, Bedlam réunit les caractéristiques d'une série qui va rapidement agacer et pour laquelle on n'a aucune envie de faire preuve de mansuétude : une prévisibilité crispante, une tendance à la caricature facile et une absence d'ambition criante. Ce fantastique platonique, avec ces ficelles grossières et la démission scénaristique qu'il implique, exaspère mais ne divertit pas. C'est une fiction qui n'est que prétexte pour surfer sur un genre particulier dont on sait qu'il dispose d'un public. Une tentative à oublier.
NOTE : 3,75/10
La bande-annonce de la série :
14:22 Publié dans (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : bedlam, sky living, theo james, charlotte salt, hugo speer, will young, ashley madekwe | Facebook |
Commentaires
Je suis ce blog depuis des mois et si c'est seulement mon 1er commentaire, je n’en pense pas moins le plus grand bien de tes efforts pour conserver ce blog à ce niveau de qualité ; notamment et non limitativement j'apprécie beaucoup ton écriture, et combien il est agréable de te suivre dans tes pérégrinations, et de faire avec toi toutes ces découvertes….
C'est sans doute possible le plus riche et le plus stimulant des blogs que j'ai pu lire sur le thème des séries Tv, ce qui explique sans doute ma très grande fidélité à tes billets.
Je suis juste un déçue que tu n’aies pas plus de commentaires, tu mériterais certainement une plus grande exposition.
Pour en revenir au sujet de ce billet, je ne connais pas Bedlam et ne peut donc rien ajouter à ton avis. Par contre, je ne peux que te conseiller très fortement une série fantastique en cours de diffusion sur ITV : Marchlands. Une des meilleurs séries fantastiques que j’ai pu voir depuis la fin de lost et Ashes to Ashes.
Marchlands est le nom d’une magnifique propriété située dans la campagne anglaise, qui a été le théâtre d’une tragédie survenue en 1967 : le décès (accidentel ?) par noyade de la petite Alice Bowen, alors âgée de 8 ans, qui vivait dans la maison avec ses parents Ruth and Paul Bowen (interprétés par Jodie Whittaker et Jamie Thomas) et ses grands parents paternels (Tessa Peake-Jones et Denis Lawson). Après son décès, ses parents bataillent pour maintenir à flots une relation heurtée très violemment par ce drame, et ce d’autant plus que Ruth refuse d’admettre la version officielle de la disparition de sa fille.
En 1987, la maison est occupée par une nouvelle famille les Maynard (Alex Kingston et Dean Andrews) dont l’un des 2 enfants, Amy affirme avoir une amie, Alice, que ses parents disent imaginaire, et qui pourtant aurait toujours vécu dans la maison.
Enfin en 2010, Nisha and Mark, (Shelley Conn and Elliot Cowan) forment un jeune couple et attendent leur 1er enfant. Poussée par le désir de quitter la ville et son stress, Nisha a convaincu son mari de retourner dans le village de son enfance, et d’y acheter Marchlands. Cependant, elle est très rapidement perturbée par les bruits et les mouvements inexplicables de la maison dans des moments où elle est supposée être seule, et l’attitude de son mari qui semble lui cacher des éléments de son passé au village.
La série navigue par le jeu de flashbacks d’une grande fluidité d’une époque à l’autre. Chaque période bénéficie d’un temps égal, et les histoires qui semblent se rejoindre progressivement pour établir les circonstances de la mort d’Alice et les raisons pour lesquelles son esprit semble incapable de quitter les lieux, développent avec beaucoup de succès une atmosphère inquiétante presque sinistre sans être horrifique, et un vrai suspense très prenant.
Enfin, la série est très élégante : une réalisation certes académique mais soignée, une reconstitution historique de toute beauté particulièrement dans les décors et les costumes qui nous font littéralement voyager dans le temps et surtout un casting impeccable, sont vraiment à louer et rendent le drama totalement addictif.
Marchlands comporte 5 épisodes de 45 minutes, 3 ont été diffusés pour l’instant.
Un vrai coup de cœur pour moi !
Écrit par : Titania | 20/02/2011
@ Titania : Un 1er commentaire, mais quel commentaire ! ;)
Tout d'abord, je te remercie beaucoup pour tes remarques qui sont un vrai encouragement ! J'ai conscience d'avoir volontairement opté pour une ligne éditoriale très hétéroclite qui peut parfois dérouter, donc ça me fait vraiment plaisir de savoir que, même parmi des lecteurs ne commentant pas forcément, ces partages d'expériences et autres pérégrinations téléphagiques peuvent intéresser ! L'objectif de ce blog, c'est justement d'essayer de stimuler un peu la curiosité de chacun.
Je te remercie également de cette présentation alléchante de Marchlands. J'avais assurément l'intention de la voir, elle remonte dans ma liste des priorités ! Le boulot m'a beaucoup accaparé ce mois-ci, mais début mars devrait être un peu plus léger. Normalement, j'espère avoir l'occasion de parler de toutes ces mini-séries UK du mois : Marchlands, mais aussi The Promise, Mad dogs, South Riding...
N'hésite pas à commenter ou à glisser ce type de recommandation au détour de mes billets, j'espère continuer à explorer la sphère téléphagique encore quelques temps ;)
Écrit par : Livia | 21/02/2011
Ouh la la, tu m'avais prevenu! Encore tout à l'heure je regardais la pub à la télé et je la verrai plus de la même façon maintenant, je penserai à ton article! Bon, ben c'est pas super tout ça mais je ne m'attendais pas à grand chose et puis je n'etais pas vraimpent tentée de le voir! Vivement la fiche sur Mad dogs!
Écrit par : Mapenzi01 | 20/02/2011
@ Mapenzi : Je crois que j'ai pris plus de plaisir à écrire cette review qu'à regarder le pilote de Bedlam. Après tu peux toujours y jeter un oeil, ne serait-ce que pour juger si je n'ai pas été trop dure... Mais je n'ai pas envie de trouver des excuses à Bedlam. Je crois que ton temps sera mieux occupé devant d'autres shows ;)
Écrit par : Livia | 21/02/2011
C’est moi qui te remercie : je te dois d’avoir réveillé ma passion téléphagique, tout en élargissant mes horizons.
Je regardais des séries tv coréennes et japonaises avant de connaître ton blog (que j’ai découvert par hasard en faisant une recherche google sur bad guy), mais l’élan était beaucoup retombé devant la masse de séries à regarder toutes nationalités confondues, et surtout la difficulté de trouver un moyen pertinent de faire une sélection de ce qui me correspond vraiment (sachant que je suis très exigeante).
Ton blog a résolu tous mes problèmes d’un coup de baguette magique : tu es super dynamique dans ton exploration des séries étrangères (au moins 2 séries présentées par semaine), et qui plus est je me retrouve dans tes analyses à près de 90% des cas, ce qui me donne au minimum 3 à 4 séries à regarder par mois (je me garde du temps pour la lecture qui m’occupe beaucoup).
Grâce à toi, j’ai découvert une longue liste de séries passionnantes parce qu’à la fois divertissantes et enrichissantes, certaines étant même entrées dans mon top des chefs d’œuvre de la Tv (je pense à Mother) : orgueil et préjugés, shooting the past, the indian doctor, going postal, house of the cards, affaires d’Etat, warriors, Garrow’s law, John Adams, the corner, generation kill,gilmore girls, atami no sousakan, mousou shimai, gaiji keisatsu, Hagetaka, the legend, mother, sling & arrows, …
Toutes ces expériences ont été 100% positives ! C’est énorme….
Merci encore !
Écrit par : Titania | 21/02/2011
@ Titania : Ca me fait plaisir de voir que d'autres personnes se sont retrouvées dans des séries comme Hagetaka ou Slings & Arrows ! :D Et en effet, Mother, ce fut une expérience télévisuelle particulièrement marquante l'année dernière !
Écrit par : Livia | 01/03/2011
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