20/05/2012
(Pilote AUS) Bikie Wars - Brothers in Arms : l'histoire d'une rivalité conclue dans le sang
L'Australie et les histoires de gangsters, c'est devenu toute une tradition dans l'univers des séries télévisées. En début d'année, ABC1 tentait avec The Straits une approche originale (peu récompensée côté audiences), mais ce printemps, c'est Channel 10 qui revient, elle, aux fondamentaux en puisant dans l'histoire criminelle australienne pour exhumer un fait divers sur lequel construire une série. Cela ne surprendra pas si on précise que la boîte de production de Bikie Wars est Screentime, à qui l'on doit, justement, la célèbre franchise Underbelly, représentante la plus aboutie de ce genre dans le petit écran australien.
Bikie Wars : Brothers in Arms a débuté mardi dernier sur Channel 10. Elle sera composée de 6 épisodes et a très bien démarré côté audiences, dominant sa case horaire en rassemblant 1,261 millions de téléspectateurs devant leur petit écran. L'inspiration d'un fait réel est indéniablement un atout, mais si ce pilote a pu séduire les Australiens, je vous avoue qu'il m'a laissé assez mitigée. Le trailer m'avait intrigué, l'épisode m'a plutôt rappelé certains des problèmes que j'ai avec la franchise Underbelly...
Si ,à la lecture du projet, certains avaient pu faire des parallèles avec l'américaine Sons of Anarchy, c'est parce que Bikie Wars nous plonge dans le milieu des bikers. Cependant, l'approche est ici différente car la série va nous raconter le sort de deux bandes rivales, les Comancheros et les Bandidos (un groupe qui a fait scission avec les premiers), et la montée des tensions jusqu'à leur fatal apogée. L'engrenage va en effet conduire, le 2 septembre 1984, au massacre de Milperra, au cours duquel, dans un bref affrontement, sept personnes trouveront la mort et 28 autres seront blessées.
Dans ce pilote, Bikie Wars nous introduit dans le club des Commancheros encore uni, à travers Snoddy, un ancien militaire qui est recruté par leur leader, Jock Ross. Ce dernier a certaines ambitions pour leur groupe. Pour les mener à bien, il recherche de nouveaux bikers, si possibles solides et n'ayant pas peur de se battre. Si nous assistons aux premières explosions de violence, ce sont les tensions à l'intérieur du club dont il va falloir prendre garde.
Le premier aspect sur lequel Bikie Wars retenait l'attention, c'était par sa volonté de mettre en scène le milieu des bikers dans la fin des années 70 et le début des années 80, avec ses codes et sa culture. A l'image de Snoddy, on y trouve notamment des anciens militaires peinant à retrouver la vie civile. En jouant un rôle d'exposition, l'épisode nous permet de suivre la découverte du club par ce nouveau membre. L'approche est cependant très superficielle, sonnant souvent convenue et cédant à tous les clichés du genre dont elle finit par abuser : motos, alcool et sexe tournent ainsi en boucle à l'écran. Sauf rares passages, le pilote ne prend jamais le temps de vraiment s'intéresser aux dynamiques particulières de ce groupe. Cette présentation, bénéficiant d'un rythme de narration efficace, se laisse suivre, mais, si l'on ne s'ennuie pas, on regrette le manque de souffle, mais aussi de profondeur du récit.
En effet le pilote de Bikie Wars ne fait pas vraiment d'effort pour introduire les enjeux de l'histoire, se présentant plutôt comme une promesse d'explosion à venir. Pourtant, la série est légitiment attendue sur sa dimension tragique : non seulement elle relate une confrontation entre bikers issus d'un même club qui se terminera en drame national, mais il s'agit d'évènements réels qui ont marqué la mémoire australienne. Or ce pilote, tout à sa certitude que le fait divers trouvera un écho particulier auprès du public, semble tenir pour acquis que la force de son concept seule maintiendra la fidélité du téléspectateur. En ce sens, il n'a sans doute pas complètement tort : pour peu que l'on ait visionné la bande-annonce (ou qu'on soit australien, j'imagine), on a en effet envie d'assister au glissement vers la rivalité. Mais ce manque d'ambition initial, se reposant trop sur ce qui est à venir sans donner de garanties qualitatives, est une entrée en matière décevante.
L'impression de manque de relief du fond est accentué par certains choix formels. Si la réalisation est correcte, avec quelques plans extérieurs qui jouent bien sur les attraits du monde des bikers - notamment une scène "sur la route" entre Snoddy et Lee, le principal problème vient d'une bande-son omniprésente et envahissante. Le choix d'enchaîner les chansons rock pouvait sur le papier paraître pertinent pour poser l'ambiance des clubs d'alors, mais la musique est sur-utilisée et perd vite tout attrait : elle transforme l'épisode en grand clip, où les images typiques du milieu s'enchaînent en arrière-plan. Cela renforce l'impression que Bikie Wars a dans ce pilote assez peu de choses à dire.
Enfin, Bikie Wars bénéficie d'un casting volontaire qui doit faire avec des dialogues qui manquent de naturel. Parmi les deux acteurs principaux, Callan Mulvey (éternel Drazic de mon adolescence dans Hartley Coeur à vif, Rush) qui interprète Snoddy, nouveau recruté, s'en sort pour l'instant un peu mieux que Matthew Nable (East West 101), qui le prend sous son aile, devenant en quelque sorte son mentor. En love interest, le premier n'est pas insensible aux charmes de Maeve Dermody, tandis que le second est marié avec le personnage joué par Susie Porter (East West 101). A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familière du petit écran comme Anthony Hayes (The Slap), Richard Cawthorne, Luke Ford, Todd Lasance (Crownies) ou encore, à venir plus tard dans la série, Aaron Fa'aoso (East West 101, The Straits).
Bilan : A partir d'un sujet intéressant, avec le récit d'une rivalité aux accents tragiques, Bikie Wars s'ouvre sur un pilote manquant de consistance. En essayant de poser l'atmosphère de ce milieu des bikers, l'épisode cède à la facilité et à tous les clichés du genre, avec des scènes qui se transforment trop souvent en clip musical. Cette écriture trop superficielle pèse aussi sur des personnages qui peinent à prendre de l'ampleur. En somme, une introduction décevante, même si le concept et les évènements à venir demeurent une promesse intriguante qui peut permettre de dépasser ce début poussif.
NOTE : 5,75/10
Le générique de la série :
La bande-annonce :
10:55 Publié dans (Séries Océanie) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : australie, bikie wars, brothers in arms, channel 10, callan mulvey, matthew nable, susie porter, maeve dermody, anthony hayes, richard cawthorne, luke ford, todd lasance, richard sutherland, sam parsonson, jeremy lindsay taylor, damian walshe-howling, nathaniel dean, luke hemsworth, aaron fa'aoso, fletcher humphrys, manu bennett | Facebook |
16/04/2012
(AUS) East West 101, saison 1 : plus qu'une série policière, une exploration multiculturelle
En créant une case dédiée aux séries le jeudi soir, Arte a fait depuis le début de l'année de très intéressants choix, l'occasion de rendre accessible gratuitement à un public francophone une production internationale diversifiée, ouvrant de nouveaux horizons aux sériephiles. Cette semaine, nous sommes même doublement gâtés puisque vendredi soir (et le suivant), la chaîne franco-allemande diffuse celle qui a été une des plus marquantes (et ma préférée) mini-séries britanniques de 2011 : The Promise (Le Serment). Elle a déjà été diffusée sur Canal+, mais pour ceux qui ne l'auraient pas encore vue : n'hésitez pas ! En attendant, ce jeudi commencera la diffusion de la première saison d'une autre série sur laquelle je veux m'arrêter aujourd'hui : East West 101.
Créée par Steven Knapman et Kris Wyld (deux habitués des séries policières se déroulant à Sidney, également à l'origine de Wildside et de White Collar Blue), cette série a débuté sur SBS One en décembre 2007. Elle compte trois saisons, dont la dernière date du printemps 2011. Si cette première saison fut diffusée de manière confidentielle, elle n'en a pas moins obtenu une vraie reconnaissance de la part des critiques, remportant de nombreuses récompenses. En effet, plus qu'une simple série policière, East West 101 est une série à la résonnance particulièrement actuelle grâce à son thème central, le multiculturalisme. Pour bien comprendre le parti pris narratif, il est sans doute aussi nécessaire d'insister sur sa chaîne de diffusion, SBS : cette chaîne publique a justement pour mission de refléter le mélange des cultures et le multilinguisme au sein de la société australienne. Une tâche dont East West 101 s'acquitte avec brio.
East West 101 met en scène le quotidien d'une unité spécialisée dans les major crimes au sein de la police métropolitaine de Sidney. Dans cette équipe, la série s'intéresse plus particulièrement à Zane Malik, jeune détective consciencieux et ambitieux. C'est un drame personnel qui a conduit ce fils de réfugiés irakiens, père de famille et pieux musulman, dans les forces de l'ordre. En effet, alors qu'il n'était qu'un jeune adolescent, le commerce de son père fut victime d'un braquage. Tenant alors la caisse, Zane avait refusé d'obtempérer avec le criminel qui le menaçait pourtant de son arme ; son père intervint et fut grièvement blessé à la tête. L'auteur des faits n'a jamais été retrouvé, mais si le père de Zane survécut, il ne s'en remit pas, restant handicapé. En brisant l'équilibre familial d'alors, cet évènement a été déterminant dans la vie de Zane : le désormais policier n'a jamais tourné la page, se promettant de retrouver un jour le coupable.
C'est aux côtés de cet officier qu'East West 101 entreprend de nous immerger dans une Australie, terre d'asile et d'immigration. Dans un contexte post-11 septembre, difficile pour les communautés arabes du pays, où être musulman déclenche bien des préjugés et hostilités qui sont tenaces, Zane Malik s'efforce de concilier sa vie familiale, son appartenance à une communauté culturelle et religieuse, et sa carrière au sein d'une police dans laquelle il se heurte parfois aux mêmes difficultés et tensions. Outre les récits d'enquêtes qui conduisent les policiers à découvrir différentes communautés, c'est vers un affrontement plus personnel que s'oriente cette saison 1 de East West 101. Elle va en effet nous faire assister à la dégradation des rapports entre Zane et son supérieur direct, Ray Crowley. Ce dernier, représentant d'un tout autre milieu social, doit, au-delà de ses préconceptions contre la minorité à laquelle appartient Zane, faire face à un difficile drame familial.
Chronique du quotidien de violences et de crimes auquel est confrontée une unité de police spécialisée de Sidney, East West 101 est tout d'abord une solide série policière qui entend nous placer au plus près de la réalité des quartiers multi-ethniques de la ville. Privilégiant une approche locale, elle va ainsi s'efforcer de prendre véritablement le pouls d'une société australienne représentée ici dans toute sa diversité. Ce parti pris narratif se perçoit jusque dans le titre de la série, lequel contient une double référence à plusieurs antagonismes que les scénaristes souhaitent explorer : d'une part, on peut y voir une mise en lumière du choc culturel entre l'Ouest (l'Occident) et l'Est (le Moyen-Orient), d'autre part, c'est une référence plus australienne, celle de la répartition des classes sociales dans les grandes villes du pays (et notamment Sidney), les banlieues Est accueillant majoritairement des habitants plus aisés d'origine anglo-saxonne, tandis que dans les quartiers Ouest, se retrouve une population plus précaire, issue de l'immigration récente (le E101 étant le formulaire pour venir travailler en Australie). Autre signe révélateur de cette recherche de réalisme, le personnage central de Zane Malik est directement inspiré d'un policier australien d'origine égyptienne, Hany Elbatoory, vers lequel les scénaristes furent orientés au début de leur projet.
Cette préoccupation d'avoir une résonnance authentique va être une des grandes forces de East West 101. Non seulement cela lui permet de proposer un portrait diversifié et complexe de la société australienne, reflétant sans l'édulcorer la multiplicité d'origines et de cultures que l'on y croise, mais elle va en plus se démarquer de la simple (aussi efficace soit-elle) fiction policière. En effet, la thématique centrale autour de laquelle le récit s'organise est celle du multiculturalisme. C'est tout l'enjeu et les difficultés représentés par la conciliation, voire la confrontation, de cette diversité qui est au coeur de la série, transcendant toutes les histoires mises en scène, suivant un double niveau de lecture qui densifie considérablement chaque épisode. Ce multiculturalisme se décline tout d'abord dans les affaires à élucider, ces dernières amenant les policiers à s'intéresser à différentes minorités/communautés (aborigène, arabe, serbo-bosniaque, vietnamienne...). Mais en plus, cette problématique se retrouve au sein même de la police, où l'on croise cette même diversité (ne se cantonnant donc pas au seul personnage de Zane Malik).
S'il arrive à East West 101 de céder à certains raccourcis ou stéréotypes, la richesse des thèmes traités et l'évidente ambition de départ, portée par une écriture rythmée et tendue, font d'elle une des plus intéressantes séries policières de ces dernières années. Non seulement elle sait faire preuve de justesse dans le traitement de ces sujets très sensibles, mais surtout, en filigrane, s'esquisse une tentative de poser des bases de compréhension réciproque. Récit de cohabitation, de nécessaire ouverture sur l'autre, elle met en lumière les différences, mais aussi les valeurs partagées, par tous ces individus aux origines diverses mais qui, notamment au sein de la police, tendent vers un même objectif. En nous plongeant dans un melting-pot culturel, religieux et linguistique d'une densité fascinante, la série distille avec retenue et subtilité un message de tolérance. Et si parfois les oppositions peuvent paraître manichéennes, elle réussit régulièrement à s'en émanciper pour être capable de rester fidèle à cette idée d'un portrait de société nuancé par la multiplicité des points de vue proposés.
Dans cette optique, le pilote, très didactique, est parfaitement représentatif des enjeux immédiats soulevés par la série, faisant preuve d'une efficacité aussi poignante que remarquable. Toute la saison ne va pas se réduire à des incursions policières au sein de la communauté arabo-musulmane, mais pour un premier épisode, East West 101 choisit habilement d'entremêler ses deux fils narratifs principaux, c'est-à-dire ce qui se joue au sein de la police et l'affaire du jour, particulièrement sensible dans ce cas : la mort d'un policier, abattu alors qu'il poursuivait deux braqueurs, dont la seule description est leur "apparence moyen-orientale". Zane se retrouve logiquement dans une position difficile, à la jonction des tensions dans un quartier se retrouvant soudain sous la pression d'une police décidée à réagir vite et à ne pas laisser impuni un tel crime. L'officier tentera d'exploiter jusqu'au bout son statut particulier, passerelle fragile entre ces deux sphères, pour démêler la vérité au milieu des conclusions hâtives qui ont pu être dressées. La méfiance réciproque et les préconceptions de part et d'autre auront cependant lancé un engrenage létal bien difficile à enrayer.
Outre cette double dimension policière et multiculturelle qui fait la force de East West 101, cette série n'en néglige pas non plus un registre plus humain. Si les enquêtes rythment les épisodes, ce sont les personnages qui sont véritablement l'âme du récit. Les protagonistes secondaires ne sont pas négligés. Il faut souligner combien les individualités croisées au cours des enquêtes sont souvent bien caractérisées. Appliquant le même savoir-faire que pour son approche du multiculturalisme, l'écriture sonne toujours très authentique. La série sait faire preuve de nuances pour réfléchir sur les statuts parfois mêlés de victime et de criminel. Elle montre aussi de l'empathie à l'égard de ceux qui ont franchi la frontière de la légalité, et commis l'irréparable. A ce titre, le cinquième épisode (évoquant le conflit en ex-Yougoslavie) est sans aucun doute le plus marquant émotionnellement.
De plus, c'est un fil rouge personnel qui fait le lien entre toute la saison. Ces six premiers épisodes de East West 101 sont en effet construits vers une confrontation entre Zane Malik et son supérieur direct, Crowley. Initialement, leur opposition semble se réduire au racisme du second, se traduisant par des remarques désobligeantes. Mais très vite, des préoccupations plus intimes viennent se mêler à leur vie professionnelle. Pour Zane, c'est l'histoire de ce braquage ayant brisé son père qui resurgit : va-t-il enfin avoir l'occasion de clôturer l'enquête, alors qu'il découvre de nouveaux éléments permettant de la faire progresser ? Pour Crowley, c'est un deuil douloureux qui le touche et le précipite sur une pente autodestructrice. L'inimité des deux hommes se double d'une incompréhension flagrante. Pour autant, si la série perd ici parfois un peu de la subtilité qui fait sa force dans ses autres storylines, elle se construit un arc narratif intéressant que sa conclusion légitimise.
Sur la forme, East West 101 n'hésite pas à se montrer entreprenante, s'efforçant de transmettre par les images la violence et les tensions qui parcourent ses histoires. Pour y parvenir, la tâche a été confiée à l'expérimenté Peter Andrikidis, un réalisateur bien connu et reconnu du petit écran australien qui a notamment participé lui-aussi à Wildside. Il fait le choix d'une mise en scène très nerveuse et énergique, avec un style caméra à l'épaule volontairement abrasif. Si ces mouvements de caméra sont parfois accentués à l'excès, dans l'ensemble, le parti pris visuel apparaît globalement maîtrisé, et justifié par l'ambiance général. Par ailleurs, la série bénéficie d'une bande-son, confiée à Guy Cross, qui reflète à merveille cette thématique centrale multiculturelle, entremêlant les influences musicales à l'image d'un générique minimaliste mais dont la musique sonne très juste (cf. la vidéo ci-dessous).
Enfin, East West 101 dispose d'un casting homogène au sein duquel on retrouve des valeurs sûres du petit écran australien. C'est le toujours solide - et intense - Don Hany (White Collar Blue, Tangle, Offspring) qui interprète de façon très convaincante cet officier de police d'origine irakienne qui doit conjuguer son milieu professionnel avec la communauté à laquelle il appartient. A ses côtés, cela m'a fait plaisir de croiser Aaron Fa'aoso (interprète de l'héritier présomptif dans The Straits cet hiver) qui joue son équipier. Susie Porter (RAN : Remote Area Nurse, East of everything, The Jesters) est la supérieure hiérarchique dirigeant une unité où l'on retrouve également Daniela Farinacci (Carla Cametti PD) et Renee Lim (Crownies). Toujours au sein des forces de police, c'est William McInnes (Oceane, Blue Heelers) qui incarne Crowley, celui avec lequel la tension ne cesse de monter tout au long de la saison 1. Du côté de la famille de Zane, on retrouve Tasneem Roc (Hartley Coeur à Vif), Irini Pappas, Lucy Abroon, George Fayad et Taffi Hany (qui est le père de Don Hany, car ce rôle s'est avéré bien difficile à caster).
Bilan : Solide série policière en quête de réalisme et se plaçant au plus proche du terrain, East West 101 est cependant bien plus que cela : c'est une fiction ambitieuse et riche. Sa valeur ajoutée principale, elle la doit à la fascinante immersion multiculturelle qu'elle propose au sein d'une société australienne, terre d'asile dont elle s'attache à retranscrire la diversité, religieuse comme linguistique, mais aussi la multiplicité des points de vues qui en découle. Pour explorer ce thème central du multiculturalisme, la série entremêle habilement affaires policières efficaces, portrait de société nuancé et destinées personnelles souvent poignantes, avec une écriture dont il faut saluer la sobriété.
En résumé ? Rendez-vous sur Arte à partir du jeudi 19 avril (à 20h40).
NOTE : 8/10
Le générique :
12:07 Publié dans (Séries Océanie) | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : australie, sbs (australie), east west 101, arte, don hany, susie porter, aaron fa'aoso, daniela farinacci, renee lim, william mcinnes, tasneem roc, irini pappas, lucy abroon, george fayad, taffi hany | Facebook |
19/02/2012
(Pilote AUS) The Straits : le sort d'une famille régnant sur le crime organisé dans un décor tropical de rêve
Après avoir passé les dix derniers jours à voyager dans le nord de l'Europe, entre Danemark, Suède et Norvège (il faut absolument que je mette la main sur une série finlandaise sympa, un de ces jours ; si vous avez des suggestions, n'hésitez pas !), en ce dimanche, c'est un dépaysement plus exotique et surtout tropical que je vous propose, en changeant de continent et d'hémisphère. Direction l'océan, ses plages, ses îles et son soleil, nous voici donc en Australie, et plus précisément dans l'extrême Nord Est de ce pays, à Cairns et dans les centaines petites îles du Détroit de Torrès.
Si l'Australie s'est taillée une petite réputation ces dernières années dans le registre gangsters grâce à la franchise Underbelly, The Straits est, elle, une série originale qui ne s'inspire pas des faits divers criminels du pays. Cette nouveauté a débuté le 2 février 2012. Une saison de 10 épisodes a été commandée, s'ouvrant avec un long pilote comme les aime ABC1. Cette chaîne a en effet la mauvaise habitude de proposer un premier épisode à rallonge (souvenez-vous de Crownies par exemple). La série a donc eu 1h45 pour me convaincre. J'avais lu en amont des reviews plutôt mitigées, et mes attentes avaient donc baissé. C'était sans doute un mal pour un bien, le tout combiné avec mon penchant pour ce genre d'histoire, car j'avoue m'être laissée embarquer sans trop de difficultés dans cet univers.
The Straits suit la famille criminelle qui "règne" sur la ville de Cairns et sa région, les Montebello. A leur tête, le patriarche Harry Montebello contrôle un vaste réseau allant du trafic de drogue à la vente d'armes. La région constitue en effet un des points privilégiés d'entrée et de sortie de l'Australie, et les îles du Détroit de Torrès, avec leurs coutumes toujours profondément ancrées dans les moeurs quotidiennes, le terrain idéal pour conduire discrètement toutes ces affaires de contrebande. Mais le milieu criminel est toujours très volatile, et le calme apparent ne doit jamais abuser : il suffit souvent d'une étincelle pour que tout s'enflamme.
Or, les problèmes, les Montebello les cumulent dans ce pilote. Il y a tout d'abord la question de la succession de Harry qui se pose. Sur ses trois fils, Noel, celui qui s'est toujours le plus impliqué dans les affaires, apparaît comme le logique successeur ; mais, trop impulsif, il inquiète Harry qui décide de laisser aux trois une chance de s'affirmer et de gagner le titre d'héritier. Or le besoin de faire ses preuves conduit souvent à en faire trop ; c'est d'autant plus dangereux de froisser certaines sensibilités que la famille Montebello a logiquement cultivé son lot d'ennemis. Des bikers jusqu'aux gangs de Nouvelle-Guinée, les ambitions ne manquent pas. Les armes vont parler. Les Montebello s'entre-déchireront-ils ou sauront-ils faire face à ceux qui convoitent leur business ?
Tout téléspectateur familier des codes des fictions mettant en scène une famille du crime organisé retrouvera dans le pilote de The Straits des partitions scénaristiques bien connues. Dans les dynamiques internes aux Montebello, comme dans leur gestion courante des affaires, on croise tous les ingrédients légitimement attendus, à même de fonder une solide série de gangsters. Trafics en tous genres, représailles, trahisons, manipulations et intimidations sont logiquement au rendez-vous ; et la première heure 45 de la série s'attache à tous les passer en revue. Elle les adapte cependant aux couleurs locales, avec leurs particularités : ainsi, les exécutions "propres" n'ont pas lieu avec un revolver posé sur la nuque, mais dans des piscines où sont lâchées des méduses vénéneuses.
C'est, sans surprise, dans son cadre que réside la principale valeur ajoutée de The Straits. L'impression d'exotisme qui émane de la série ne se limite pas l'ambiance et au contraste offert entre son décor paradisiaque et les évènements très sombres s'y déroulant. Elle tient également à la manière dont toutes ces spécificités sont intégrées à l'organisation criminelle des Montebello. Car Harry règne sur le coin en ayant parfaitement compris et même instrumentalisé les coutumes de ces îles, territoires fonctionnant en quasi-autarcie avec leurs propres règles et temporalités, semblant comme déconnectés du reste de l'Australie. La série fait de cet univers son atout le mieux maîtrisé ; cette réussite permet de compenser le fait que le pilote ne parvienne pas complètement à prendre la pleine mesure du potentiel de son idée de départ.
En effet, dans l'ensemble, le récit reste très - trop - convenu : il ne surprend que rarement, et conserve une lancinante sensation de "déjà vu". L'ensemble est certes bien huilé. Mais tout en se suivant sans déplaisir, ni ennui, il manque quelque chose à ce premier épisode pour véritablement captiver et impliquer le téléspectateur dans le sort de cette famille. Non seulement il peine à faire ressentir la tension légitime engendrée par les évènements, mais en plus les scènes les plus dramatiques n'atteignent pas l'intensité logiquement attendue. C'est sans doute dû à une certaine inconsistance dans l'écriture : à côté de scènes franchement réussies, d'autres tombent à plat sonnant trop téléphonées. Le même problème se ressent dans la tonalité de l'épisode dont les incursions dans un registre plus léger, presque humoristique, perturbent le rythme de l'épisode sans rien y apporter de plus.
Cette limite se retrouve aussi dans la caractérisation des différents personnages. Au sein de la famille Montebello, les rôles sont très clairement - peut-être trop - distribués. Le pilote laisse peu de place à la nuance ou aux ambiguïtés, comme l'illustre la situation des différents enfants. Noel est celui qui embrasse les pas de leur père avec un peu trop d'enthousiasme, quitte à commettre des excès de zèle dommageables. Marou, celui qui s'est tourné vers la religion pour apaiser une conscience en porte-à-faux par rapport à cette vie moralement discutable dans laquelle il a grandi. Gary est le benjamin, jeune chien fou incontrôlable. Et enfin Sissi, l'unique fille, fait office de tête de la famille, qui serait parfaite en comptable pour les affaires. A priori, de course à la succession il n'y a même pas, car chacun semble admettre que Noel est le logique héritier. Ce n'est que vers la fin du pilote que l'ambition de la femme de Marou permet d'esquisser une redistribution des cartes et des conflits à venir. Il faut espérer qu'à mesure que les aspirations de chacun se préciseront, leurs personnalités s'affirmeront.
Sur la forme, The Straits est une jolie réussite, encore une fois grâce à son cadre. C'est une série dont toutes les images respirent littéralement le coin d'Australie où elle se déroule. Le téléspectateur reste difficilement insensible à cet atout, car le décor est tout simplement superbe, et les multiples changements de paysages au cours du pilote, grâce aux voyages entre les îles, permettent à la caméra de pleinement le mettre en valeur. La bande-son se met aussi au diapason, avec des morceaux semi-festifs qui correspondent parfaitement à l'ambiance. Le seul visionnage du générique (1ère vidéo en bas de ce billet) vous donnera d'ailleurs un aperçu représentatif de ce qu'on ressent devant cette série !
Enfin, le casting ne démérite pas, sans forcément immédiatement s'imposer. Comme les personnages restant un peu trop en retrait dans un premier temps, cela n'aide pas à asseoir les positions de chacun, mais au fil du pilote, chacun trouve peu à peu ses marques. A la tête de la famille, il y a une valeur sûre du petit écran, l'Ecossais Brian Cox (Deadwood, The Sinking of the Laconia), solide dans ce registre de patriarche expérimenté. Pour jouer le reste des Montebello, on retrouve Rena Owen, Aaron Fa'aoso (East West 101), Firass Dirani (Underbelly), Jimi Bani (RAN : Remote Area Nurse) et Suzannah Bayes-Morton. A leurs côtés, on croise Emma Lung (The Cooks), Kate Jenkinson (Offspring, Killing Time), Cramer Cain, Andy Anderson, Kim Gyngell ou encore Rachael Blake.
Bilan : Dotée d'un décor de rêve en toile de fond, The Straits démarre comme une classique série de gangsters, entre tensions familiales et rapports compliqués avec les autres organisations criminelles de la région. Si elle manque parfois d'un peu de tension et de rythme, navigant entre les tonalités et ne parvenant pas toujours à exploiter pleinement le potentiel des situations qu'elle met en scène, la série installe cependant des intrigues qui devraient plaire à tout amateur du genre. En espérant qu'elle réussisse à plus imposer et nuancer ses personnages au fil des épisodes, j'ai bien envie de tenter l'aventure plus avant avec elle ! Ne serait-ce que pour apprécier un peu plus ces îles qui lui servent de cadre.
NOTE : 6,75/10
Le générique de la série :
Une bande-annonce :
10:19 Publié dans (Séries Océanie) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : australie, abc1, the straits, brian cox, rena owen, aaron fa'aoso, firass dirani, jimi bani, suzannah bayes-mortn, emma lung, kate jenkinson, cramer cain, andy anderson, kim gyngell, rachael blake, james mackay, jasper bagg, dan wyllie | Facebook |