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26/07/2013

(UK) Burton and Taylor : la dernière pièce

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La dernière pièce, la fin d'une ère... C'était la pensée qui venait au téléspectateur anglais de BBC4, ce lundi 22 juillet 2013, en s'installant devant le téléfilm proposé en soirée, Burton and Taylor. Pas seulement parce qu'il avait pour sujet le dernier acte ensemble de deux icônes cinématographiques du XXe siècle. Mais aussi parce que Burton and Taylor s'annonce comme probablement la dernière production originale de la chaîne BBC4, laquelle doit faire face à des coupes budgétaires importantes. Côté fictions, elle continuera seulement à importer des séries étrangères - elle est celle qui a initié la "vague scandinave" outre-Manche avec Forbrydelsen et Borgen. Pour rappel, parmi ses plus récentes fictions dont j'avais pu vous parler, il y avait eu notamment Spies of Warsaw ou encore Dirk Gently. Par conséquent, avec sa durée d'1h22, Burton and Taylor marque la fin d'une ère de plusieurs points de vue, à l'écran comme en coulisses, et il le fait de belle manière, notamment grâce à un casting convaincant.

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Burton and Taylor n'est pas un biopic qui couvrirait l'ensemble de la relation, aussi intense que tumultueuse, ayant uni les acteurs Richard Burton et Elizabeth Taylor. Il aurait sinon fallu un format autrement plus long. Ce téléfilm s'ouvre simplement en 1983. Il met en scène ce duo mythique du cinéma, deux fois mariés et deux fois divorcés, dans ce qui sera leur dernier projet commun : une pièce de théâtre de Broadway, Private Lives (Richard Burton décèdera l'année suivante, en 1984).

Lorsque le récit débute, le temps a passé depuis leur dernière séparation (leur second divorce remonte à 1976), lui est désormais fatigué physiquement et rêve de jouer Le Roi Lear, elle subit ses dépendances et souhaiterait renouer avec lui. Ils vivent chacun en couple avec un autre, mais leurs sentiments réciproques sont toujours là, avec tous les excès qui les accompagnent. Cette réunion sur scène sera éprouvante... sortira-t-elle de la seule sphère professionnelle ?

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Il y a deux fils narratifs qui s'entremêlent dans Burton and Taylor, une histoire professionnelle, et une autre, beaucoup plus intime. Le point de départ, c'est d'abord l'aboutissement d'un projet théâtral : on suit donc la préparation, puis la mise en scène d'une pièce à Broadway, assistant jusqu'aux réactions du public et des critiques et à la façon dont cela affecte chacun. Le fait que les protagonistes soient des acteurs reste une donnée centrale du récit : leur histoire, leur passé, depuis le tournage de Cléopâtre, sont liés à leur carrière. Le téléfilm essaie ainsi d'éclairer et de comprendre leur relation de travail, soulignant leurs différences dans la manière de concevoir leur métier, mais aussi de vivre et d'exploiter la célébrité qui les accompagne. Elizabeth Taylor représente l'icône hollywoodienne par excellence. Le contraste entre leurs méthodes est frappant dès la première répétition, mais le respect professionnel qu'ils ont l'un pour l'autre est bien réel. Ce qui n'empêche pas les jugements sur leurs prestations. Seulement, tout prend souvent des tournures démeusurées dans leurs rapports, car évidemment ces derniers ne sauraient se réduire au seul versant professionnel.

L'histoire plus personnelle qui se joue en parallèle est celle qui confère à Burton and Taylor cette tonalité particulière, au final poignante, qui marque le téléspectateur. Réunir sur scène et en coulisses ces deux acteurs, c'est voir se confronter à nouveau les sentiments intenses qui les unissent par-delà leurs ruptures. Ce récit n'est pas tant celui des retrouvailles, que celui du rappel des étincelles, parfois douloureuses, voire dangereuses, qui caractérisent leur relation. Ce n'est pas l'existence de leur amour qui est en cause, mais son intensité qui les entraîne dans une spirale au potentiel autodestructeur difficilement maîtrisable. Richard Burton est usé, Elizabeth Taylor plus que jamais prise dans ses addictions... il s'agit de se résoudre, pour tous deux, à tourner la page, d'où le ressenti de la fin d'une ère qui prédomine. Il ne s'agit pas de ne plus s'aimer, mais de reconnaître que cet amour les brûlera tous deux s'ils tentent de reprendre cette voie. Le temps a passé, ils doivent aspirer à autre chose. Burton and Taylor est donc le récit de cette admission difficile. C'est un dernier acte : une ultime réunion professionnelle derrière laquelle se trouve entériné un au revoir plus personnel et déchirant.

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S'il vous fallait une autre raison de jeter un oeil à Burton and Taylor, ce serait la performance d'ensemble offerte par son casting, et plus précisément par ses deux acteurs principaux. Helena Bonham Carte est fascinante en Elizabeth Taylor, capturant à merveille les envolées et autres élans de star de son personnage, et apportant une belle présence à chacune de ses apparitions à l'écran. Dominic West (The Wire, Appropriate Adult, The Hour) propose quant à lui un pendant parfait, avec une figure plus posée, mais sur lequel le téléspectateur mesure bien l'importance et l'influence de chacune de ses intéractions avec son ex-femme. L'alchimie entre les deux acteurs est indéniable à l'écran, et ils assurent ainsi l'investissement du téléspectateur aux côtés de ce couple qu'ils interprètent. S'ils occupent quasiment tout l'espace, signalons quelques têtes familières dans les rôles secondaires, tels Lenora Crichlow (Sugar rush, Being Human), Greg Hicks, Stanley Katselas (The Shadow Line) ou encore William Hope (aperçu dans la dernière saison de Spooks).

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Bilan : Burton and Taylor est un téléfilm qui retient l'attention non pas tant du fait de l'éventuel glamour de la réunion sous les feux des projecteurs de deux icônes du cinéma du XXe siècle, mais avant tout en raison de l'ambiance poignante qui traverse le récit. Tout en traitant des thèmes périphériques attendus comme la célébrité, ou encore l'addiction, c'est avant tout l'histoire d'un amour qui ne peut plus être, car entraînant ses représentants sur une voie trop dangereuse. C'est le récit du difficile choix d'accepter la fin d'une histoire commune. En gardant en plus à l'esprit la mort de Richard Burton l'année suivante, tout cela confère au téléfilm une dimension étonnamment touchante. Pour les prestations des acteurs, comme pour son sujet, les amateurs devraient apprécier une soirée devant Burton and Taylor (d'autant que le téléfilm reste court).


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce du téléfilm :


31/03/2012

(UK) Being Human, saison 4 : un nouveau départ pour une série fidèle à elle-même

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Bien négocier cette saison 4 était sans doute le plus grand défi qu'ait jamais relevé Being Human depuis sa création. Ayant toujours fait de ses personnages son atout principal et les garants de la fidélité du public, la série allait devoir prouver sa capacité à se renouveler. Car, dans la continuité du final sur lequel elle nous avait quitté, le premier épisode de la saison 4 sera celui qui referme définitivement un chapitre : celui de la première ère de Being Human. En effet, du trio original, seule Annie demeure fidèle au poste, protectrice autoproclamée du bébé laissé derrière eux par George et Nina, Eve, un War Child qui suscite tant d'attentions.

Le téléspectateur pouvait naturellement craindre que la série ne s'égare dans une sorte de re-boot maladroit, devenant un ersatz sans saveur de ce qui avait fait cette fiction. Mais les scénaristes feront le bon choix : celui de rester fidèle au cadre conceptuel de la série, cette idée, un peu farfelue sur le papier, d'une cohabitation entre un vampire, un loup-garou et un fantôme, chacun s'entraidant pour supporter leurs conditions respectives. Et parvenant à introduire de nouveaux protagonistes ou en développant de plus anciens, comme Tom désormais esseulé, la saison 4 n'aura pas démérité. Certes, certains schémas narratifs invariables ont perdu un peu de leur charme, mais dans l'ensemble, la greffe tentée aura permis de passer 8 épisodes très sympathiques.

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Si Annie symbolise la continuité et la fondation sur laquelle s'appuyer, la première réussite de cette saison 4 tient à sa faculté à reformer des dynamiques au sein d'un nouveau trio principal reconstitué dans les deux premiers épisodes. On y retrouve des éléments familiers, mais aussi certaines approches très différentes, notamment dans le duo loup-garou/vampire qui s'esquisse. En effet, lorsque le téléspectateur avait rencontré pour la première fois George et Mitchell, ces derniers avaient déjà une solide amitié établie en dépit de leur nature respective. Ici, l'association de départ est plus malaisée et difficile. La saison va nous permettre d'assister à la construction d'une confiance fragile, se consolidant peu à peu. Du respect qui s'installe naîtra même une véritable amitié. Ainsi, non seulement la paire formée par Tom et Hal, véritable valeur ajoutée de la saison, fonctionne très bien, mais de plus, tout en ne reniant pas les thématiques classiques liées à leur antagonisme de loup-garou et de vampire, la série ne se contente pas d'un simple copier-coller du passé.

L'éducation de Tom au milieu d'un environnement surnaturel hostile omniprésent et ses réflexes de combattant rendent le personnage très différent des incertitudes que pouvait manifester George. Sa jeunesse est également un facteur non négligeable : il va devenir adulte au fil de la saison. A l'opposé, si Hal a des problèmes typiquement vampiriques, devant combattre cette soif de sang jamais assouvie, c'est aussi un vampire très âgé (un "Old one"), qui a du recul par rapport à sa condition et aussi à ses illusions. Enfermé depuis longtemps dans un cycle qui semble insurmontable, où à des décennies de sevrage succèdent des décennies de sauvagerie indescriptible, il cherche constamment à maintenir un équilibre. La ritualisation de son quotidien, qui confine à des troubles obsessionnels compulsifs, ainsi que son ouverture progressive sur le monde que lui permettent ses nouveaux colocataires, apportent une complexité à ce personnage très intéressant se dévoilant peu à peu.

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Fidèle à ce qui fait le charme de la série depuis ses débuts, la saison 4 s'attache donc à développer une dimension humaine très appréciable. Elle se rappelle aussi que c'est à la croisée des tonalités, dans ces oscillations entre passages légers et drama horrifique, que Being human s'est créée une identité à part dans le registre du fantastique. Evitant toute sur-dramatisation, la série trouve un juste équilibre. Si les évènements causeront leur lot de morts, et en dépit d'un fil rouge clairement apocalyptique, la saison 4 sera néanmoins moins sombre et désespérée que la troisième. Peut-être est-ce parce que, malgré toutes les menaces, elle donnera toujours la priorité à l'exploration et au développement des personnages principaux, ne négligeant pas non plus les créatures surnaturelles de passage le temps d'un épisode. Rafraîchissante et humaine, elle suscite l'attachement du téléspectateur, fidélisant un public qui, finalement - et presque par surprise en ce qui me concerne -, en vient à apprécier le sang neuf permis par ce nouveau départ.

Au-delà de ses atouts inchangés, Being human conserve aussi ses faiblesses. En premier lieu, c'est la mythologie de la saison, centrée sur Eve et l'arrivée prochaine des Old Ones, anciens vampires décidés à s'approprier le monde, qui peine à convaincre. Si les perspectives apocalyptiques sont efficaces, le mystère autour du War Child sonnera toujours un peu trop creux. Par ailleurs, la série laissera entrevoir de bonnes idées, avec un potentiel intéressant, mais la chute finale ne sera pas toujours à la hauteur, à l'image de Nick Cutler, vampire pragmatique censé nous faire patienter jusqu'aux Old Ones et qui finira par leur voler la vedette et le titre de méchant le plus réussi de la saison. Outre ses excellentes lignes de dialogues ("They're eating my focus group !"), c'est un personnage qui va acquérir une vraie dimension au fil des épisodes, pour rencontrer une fin aussi expéditive que décevante dans le dernier épisode. Le fil rouge aura donc eu ses promesses inachevées, sans pour autant que cela porte préjudice à la saison en elle-même.

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Enfin, côté casting, Being Human peut une nouvelle fois s'enorgueillir d'accueillir quelques guest stars particulièrement convaincantes, comme Mark Gatiss (Sherlock) dans le dernier épisode. Cependant, celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu est indéniablement Andrew Gower (Monroe) qui, tout au long de la saison, a bénéficié des ces quelques répliques qui marquent. Il aura fait un très bon travail pour incarner, avec aplomb et distance, Cutler, vampire adepte des nouvelles technologies ne manquant pas de ressources. Dans un autre registre, Kate Bracken s'est également très bien imposée en potentielle petite amie, puis fantôme au fort caractère.

Parmi le trio principal, Lenora Crichlow est restée fidèle à elle-même, dans un rôle parfois un peu agaçant mais qui garde sa logique. Michael Socha interprète avec une spontanéité bienvenue Tom ; il a l'art de savoir nous rappeler soudain, au détour d'une réaction immature, qu'en dépit des épreuves et des horreurs, Tom reste un jeune homme qui a tant à apprendre. Mais ma révélation personnelle de la saison aura été Damien Molony, acteur irlandais charmant que je n'avais jamais eu l'occasion de croiser jusqu'à présent dans le petit écran. Il réussit à retranscrire de manière convaincante toutes les facettes de Hal, du vampire maniéré avec son quotidien entièrement ritualisé au charismatique et puissant buveur de sang. Jouant sur l'ambivalence de son rôle, mais aussi sur sa transformation progressive au contact des deux autres membres du trio, il aura vraiment réussi à trouver très vite ses marques dans l'univers de la série.

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Bilan : La saison 4 de Being Human a offert à la série un nouveau départ. Au vu de la place déterminante qu'ont toujours occupée les personnages, redistribuer les rôles et repartir avec de nouveaux protagonistes principaux était loin d'être un pari gagné d'avance. Pourtant, en restant fidèle à elle-même, à son fantastique à la tonalité mi-drama, mi-comédie, à sa mise en valeur soignée de personnages attachants, la série a réussi à relativement bien négocier ce tournant difficile, conservant également ses limites mythologiques structurelles. Ce n'est plus le Being Human que nous connaissions, mais elle a précieusement conservé l'âme du show. C'est le plus important.

Une saison 5 de 6 épisodes a d'ores et déjà été commandée ; et s'il est acquis qu'Annie ne reviendra pas, je serai au rendez-vous pour la suite des aventures de Hal, Tom et des autres...!


NOTE : 7/10 


La bande-annonce de la saison :

Le prequel de Hal : 

 

20/03/2011

(UK) Being Human, saison 3 : la fin des illusions

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La saison 3 de Being Human s'est terminée dimanche dernier sur BBC3. D'ores et déjà renouvelée pour une saison 4, elle s'est clôturée sur un épisode aussi éprouvant nerveusement qu'émotionnellement, conclusion logique des différents arcs qui auront formé ces 8 épisodes. Mais si j'ai toujours eu beaucoup d'affection pour cette série que j'ai souvent défendue, au terme de cette troisième saison, pour la première fois peut-être, je m'interroge sur son avenir. 

Comme d'habitude serais-je tentée de dire, Being Human aura su alterner le bon, le prometteur et le plus brouillon, parvenant toujours  à rappeler et à exploiter l'affectif que le téléspectateur a noué avec ces personnages à la faillibilité tellement humaine. Mais au cours du glissement progressif de cette saison 3 vers une atmosphère plus sombre que les précédentes, c'est en partie son concept de départ que la série a remis en cause. En entérinant l'échec que la dernière saison avait mis en scène, ce sont les frontières de cette quête d'humanité initiale qui ont été redéfinies. Par là-même, la question laissée en suspens demeure celle-ci : en perdant définitivement toute innocence, dans cette spirale de désillusion, Being Human pourra-t-elle se réinventer ? Saura-t-elle éviter les écueils que la dernière scène pose sur sa route pour la suite ?

[SPOILERS WARNING : La suite du billet contient des informations sur des évènements de la saison 3. A lire à vos risques & périls.]

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Cette saison 3 n'aura ménagé que peu de répit au téléspectateur comme aux différents protagonistes. Mais en bien des points, elle se situe dans la parfaite continuité de l'évolution amorcée durant la saison 2. Consciente de la précarité intenable de la situation de notre quatuor, la série ne va pas tergiverser. Les évènements passés ont laissé une trace indélébile et ce sont ses conséquences qui vont être traitées. Pour cela, la répartition des tonalités demeure inchangée, les loup-garous représentant cette parenthèse d'espoir possible, se permettant à l'occasion d'offrir des passages plus légers, tandis que les vampires concentrent les drames et s'imposent comme les adversaires. La seule nuance à ce tableau relativement manichéen, désormais bien installé, viendra du deuxième épisode de la saison.

Représentant l'avenir, George et Nina poursuivent leur relation grâce à l'équilibre désormais trouvé. Ils demeurent plus que jamais l'embryon de normalité dans l'univers de Being Human. C'est vers le futur qu'ils se tournent en franchissant une étape supplémentaire : avoir un enfant. Si la grossesse n'est pas programmée, elle a le mérite de permettre à la série de poursuivre l'exploration de ses thématiques fétiches, entremêlant surnaturel et vie humaine. Si les incertitudes liées à leur état de loup-garou sont bien traitées, leurs états d'âme liés à leurs rapports avec leurs parents cèderont à quelques clichés, sans remettre en cause cette humanisation d'un couple solide, dont la dynamique sonne juste.

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 Parallèlement, comme un écho opposé à cet espoir incarné par les deux loup-garous, Mitchell va poursuivre une lente, mais inéluctable, descente aux enfers. On se situe ici dans la suite immédiate de la saison passée, au cours de laquelle le vampire paraissait avoir définitivement franchi le point de non retour avec le terrible massacre du train. Cet évènement va d'ailleurs rester un des fils rouges les plus imperturbables de la saison 3. Dès le départ, le téléspectateur le sait avec certitude : Mitchell ne peut, ne saurait, se remettre des évènements. Sauver Annie du purgatoire ne va faire que repousser une échéance que chacun pressent inéluctable.

Pour arriver jusqu'à la fin de cette intrigue, les scénaristes conservent ce style volontairement sans éclat propre à la série. C'est ainsi que Being Human va jouer, tout au long de la saison, avec les codes narratifs d'une construction mythologique et les attentes du téléspectateur, sans jamais pour autant abandonner la sobre rationnalité qui la sous-tend. En effet, à la manière de la découverte finale de l'amateurisme et des limites de la mystérieuse organisation de la saison passée, la prophétie de Lia ne sera qu'illusoire poudre aux yeux, tout en servant pourtant pareillement de catalyseur déterminant à l'issue finalement choisie.

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Car la promesse de Lia, faisant office d'épée de Damoclès, biaise forcément notre analyse de la situation, tandis que l'inquiétude de Mitchell grandit. Dans cette perspective, c'est bien toute la saison qui va servir à exacerber les tensions entre vampires et loup-garous. Très feuilletonnante, elle en profite pour faire intervenir de nouveaux protagonistes, mais aussi pour faire revenir d'anciennes figures clés. Si cette gestion du surnaturel demeure intéressante, avec des passages très émotionnels, elle laisse aussi parfois un arrière-goût d'inachevé un peu frustrant.

De manière générale, il faut saluer le fait que Being Human a incontestablement gagné en maturité pour traiter de cas auxquels seul un épisode va être consacré. Le vampire adolescent de l'épisode 2 ou encore la "zombie" de l'épisode 3 rappelleront au téléspectateur le parfum encore un peu innocent des débuts de la série, abordant avec tact et nuance ces destinées précaires. Si les histoires brèves seront donc plutôt bien maîtrisées, en revanche, c'est encore une fois dans la gestion globale de ces arcs que Being Human pèche. La série n'hésite pas à céder à certaines facilités un peu dommageables, comme la façon dont sont traitées les différentes étapes du retour de Herrick. Dans l'ensemble, si on perçoit bien la recherche fréquente de symbolique, on n'échappe pas toujours à un sentiment de mise en scène un peu artificielle.

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La qualité globale de la saison fut fluctuante. Mais la fin pose surtout question sur la suite de la série, et la pérennité de ce concept de départ porté par cette idée un brin utopique de quête d'humanité. Jusqu'à présent, l'équilibre avait reposé sur ce trio rassemblant trois types de créatures surnaturelles. Certes Mitchell avait amplement démontré à quel point cet objectif initial paraissait inaccessible à ceux de son espèce, mais on continuait de le suivre dans ces tentatives, même vouées à mal finir. Sauf que, dans cette saison 3 plus que dans aucune autre, la césure vampires/reste des créatures surnaturelles semble définitivement consacrée. Et au fil de ce glissement, ce sont les bases mêmes de la série qui ont évolué. La quête de l'humanité est devenue presque secondaire face à une réalité surnaturelle à laquelle on ne peut désormais plus échapper, et qui s'oriente cette fois vers un Bien vs Mal dans lequel la série devra faire attention de ne pas perdre sa spécificité.

L'échec de Mitchell, ce n'est pas le massacre du train de la saison 2. Son échec, c'est sa reconnaissance symbolique de son impossibilité, du fait de sa nature de vampire, d'envisager cette humanité à laquelle il aspirait. Ce constat scelle l'échec de l'utopie initiale résumée dans le titre de la série. La scène finale, avec la mort de Mitchell, en présence de cet ancien vampire qui nourrit les illusions de grandeur commun à sa race, opère sous nos yeux un re-équilibrage qui laisse songeur sur la suite de la série. Le nouveau trio (Nina, George, Annie) faisant front commun avec l'ennemi, est-ce la dynamique désormais centrale ? Est-ce que la rupture définitive avec les vampires est ainsi entérinée, la suite se construisant dans une opposition officialisée ? Ce tableau manichéen avait jusqu'à présent toujours été nuancé par la présence de Mitchell, aussi fluctuante qu'elle ait pu être. La série saura-t-elle se réinventer sur ces bases, ou bien le début de la saison 4 opèrera-t-il un retour à un équilibre plus classique ?

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Bilan : Avec cette saison 3, Being Human aura entériné la fin des rêves d'humanité qui avaient fondé la série. Plus sombre que les précédentes, elle a perdu ses derniers pans d'innocence, permettant ainsi de tourner la page de certaines illusions que l'on percevait sans doute de plus en plus intenables. Maîtrisée et toujours très humaine et pleine de tact dans les histoires plus anecdotiques qui entourent ses grands arcs, elle aura encore une fois eu recours à des raccourcis narratifs et à des chutes parfois un peu frustrantes en ce qui concerne ses grands fils rouges, affaiblissant une force symbolique pourtant perceptible et indéniable. Désormais, à elle de savoir se réinventer. L'évolution suivie s'est toujours inscrite dans une logique cohérente, mais cela ne réduit en rien les difficultés qui vont se poser pour la saison 4. Wait & see.


NOTE : 6,5/10

28/01/2011

(UK) Being Human, series 3, episode 1 : Lia

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Dimanche soir dernier commençait sur BBC3 la saison 3 de Being Human (la vraie version). A la différence de l'an dernier, je n'ai plus le temps de me consacrer à des reviews épisode par épisode ; mais je vous propose d'adopter le même système que pour Spooks (MI-5) cet automne : une review si jamais l'épisode de la semaine s'avère marquant - soyons optimiste, dans un sens positif ! - et un bilan en fin de diffusion pour faire le point sur la saison entière.

J'avoue que j'étais plutôt impatiente et assez contente de retrouver Being Human. Si je reconnais sans peine les insuffisances et inégalités qualitatives récurrentes qui parsèment la série, je me suis mine de rien très attachée à cette fiction, à ses personnages comme à son casting. C'est un divertissement honnête, sans prétention, dont la force majeure reste l'empathie que ses thèmes sont capables de susciter. Au fond elle me donne souvent l'impression de constamment verser dans une sorte de narration expérimentale, d'où sortent indistinctement de superbes scènes et d'autres plus confuses. Mais le téléspectateur sait à quoi s'attendre quand il s'installe devant Being Human ; et ces débuts vont parfaitement illustrer les hauts - mais aussi les bémols inhérents - de la série, pour offrir une entrée en matière plutôt réussie.

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Ce premier épisode a pour objet principal de boucler les éléments encore en suspens de la saison passée, tout en posant les fondations des intrigues à venir. L'enjeu n'est pas tant d'assurer une transition travaillée que de se tourner vers le futur. Ainsi, l'emménagement dans une nouvelle ville -  qui s'explique dans la réalité par un déménagement du tournage à Cardiff - est géré de manière relativement expéditive et anecdotique : tout le monde a déjà trouvé un travail à l'hôpital de la ville ; et la maison qu'ils découvrent offre tous les avantages pratiques auxquels ils pourraient aspirer, à commencer par une pièce au sous-sol insonorisée qui intéresse forcément les loup-garous de la maison. De même, la gestion du "pseudo" cliffhanger de fin de saison dernière n'apparaît jamais véritablement comme un enjeu central : le retour d'Annie ne fait aucun doute, c'est plutôt la façon dont il va s'effectuer qui retient l'attention.

Et dans cette storyline, Being Human fait du Being Human. A défaut d'être réellement solide ou travaillée, elle s'approprie une mythologie minimaliste à la simplicité un brin désarmante, mais qui a au moins le mérite de ne pas parasiter inutilement le récit. Elle préfère se concentrer sur l'essentiel : prendre un tournant introspectif, en explorant plus avant les états d'âme d'un personnage, en l'occurence Mitchell. Le purgatoire d'Annie se transforme en douloureux retour sur certains crimes passés du vampire. On retrouve ici ce thème familier du décalage entre les aspirations utopiques des personnages à l'humanité et la nature qui les rattrape, mais qui ne doit pas les déresponsabiliser pour autant. La force de ce passage est de ne jamais prendre une tournure expiatoire. D'autant que l'épisode met bien l'accent sur un point de non retour franchi l'an passé : une rupture nette avec ses rêves d'humanité a eu lieu durant ce massacre dans le train, dont l'omniprésence jusque dans les infos qui tournent en boucle sur BBC News indique bien que les faits vont hanter toute la saison.

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Aussi artificiellement amenées qu'elles puissent être, ces scènes au purgatoire sont incontestablement une des grandes réussites de ce premier épisode, reflet de cet éternel paradoxe constitué par cette série capable d'alterner maladresses et scènes d'une intensité émotionnelle troublante. Il faut dire que question "personnage torturé", Mitchell avait déjà quelques longueurs (décennies) d'avance sur ses deux amis. Les évènements de la saison passée n'ont fait qu'aggraver les choses. Et dans ce lieu où il met les pieds pour sauver Annie, la donnée narrative qui change, c'est l'obligation soudaine d'une franchise imposée. Pour une fois, il ne peut pas fuir. Pas plus que se réfugier dans ses défenses habituelles, celle d'une nature de tueur qui l'emporte en raison de circonstances exceptionnelles. Et si tout cela fonctionne aussi bien, ces scènes le doivent en grande partie à une figure faussement tutélaire qui va pousser Mitchell dans ses derniers retranchements : Lia.

La jeune femme apparaît initialement avec tous les attributs du guide classique, sensé accompagner voire guider Mitchell dans sa "quête". La longue lignée des meurtres qu'a pu commettre le vampire les conduit dans ce fameux wagon, théâtre de cette tragédie sanglante. Mais Lia n'est pas là pour être compréhensive ou offrir une nouvelle épaule pour pleurer à Mitchell : elle est morte dans ce train, victime anonyme d'un déchaînement vampirique d'une ampleur rare. Elle ne va pas accorder un pardon, ni ne veut déclencher la pitié (son ton oscillant entre sarcasme et détachement est parfait), mais elle entend froidement placer Mitchell devant ses responsabilités, et stopper cette fuite perpétuelle constituée par ce jeu de balance macabre, où une bonne action effacerait tel crime passé. Leur dialogue dans le train est un des grands moments de cet épisode, parvenant avec sobriété à retranscrire une intensité et une force émotionnelle qui ne laissent vraiment pas indifférents. L'actrice (Lacey Turner) délivre une performance vraiment remarquable à saluer.

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Pour contrebalancer ces passages très sombres, l'épisode suit une répartition classique des tonalités, introduisant un pendant plus léger grâce à George et Nina. Le couple s'efforce de retrouver un équilibre après tous les bouleversements de ces derniers mois, une dynamique que la présence de Mitchell n'encourage pas vraiment. De soirées spéciales interrompues (la scène du lit étant absolument savoureuse) à l'exploration d'un nouveau territoire boisé qui mène George directement en prison, on retrouve dans ces petites anecdotes chaotiques du quotidien le charme plus humoristique de la série, capable de prendre de la distance et de faire sourire de la condition de ses héros, à travers des passages tragi-comiques assez jubilatoires. La complicité entre George et Nina n'a jamais semblé plus aboutie que dans cet épisode.

Pour autant, la thématique des loup-garous n'est pas seulement synonyme de comédie. Il existe d'autres créatures surnaturelles dans cette nouvelle ville. Et si l'entente vampire/loup-garou semble toujours aussi peu concluante, l'épisode introduit deux nouveaux personnages, ayant leur lot de problèmes quotidiens et qui s'efforcent tant bien que mal de survivre : deux loup-garous, respectivement incarnés par Robson Green (Wire in the blood) et Michael Socha (This is England 86'). L'ambiance de leurs scènes tranche avec la relative insouciance de celles de George et Nina ; ce qui ne fait qu'accentuer l'envie du téléspectateur pour une première rencontre. Prometteur.

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Bilan : C'est une reprise dans la droite lignée de la fin de saison passée que nous propose Being Human, soldant les comptes tout en posant les fondations des intrigues à venir. Expédiant le "cliffhanger" constitué par la perte d'Anny en le transformant en confrontation introspective pour Mitchell, l'épisode place également comme thème central la question des rapports entre loup-garous et vampires, en introduisant de nouveaux protagonistes. Alternant les tonalités, entre semi-comédie et passages très sombres, les anciens enjeux d'humanité apparaissent cependant désormais bien loin pour certains. Mitchell va sans doute vivre son propre purgatoire cette saison ; avec une mort déjà prophétisée pour couronner le tout.

En résumé, on retrouve toutes les recettes qui font le charme de la série : de bonnes idées dans la dynamique relationnelle et l'introspection des personnages, des scènes marquantes, des facilités pour résoudre les crises et toujours un certain éclatement des intrigues et une différence de tonalités très importante qui donne parfois l'impression d'un manque de cohésion d'ensemble. Bref Being Human est de retour. Ni plus, ni moins. Mais ça fait quand même sacrément plaisir !


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de ce premier épisode de la saison 3 :

12/06/2010

(Pilote UK) Dappers : Bristol single mums

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Après Pulse la semaine dernière, ce jeudi soir, BBC3 poursuivait ses propositions de nouvelles séries avec la diffusion de deux pilotes, projet potentiel si les retours plaisent à la chaîne. Construits sur un format de 30 minutes par épisode, Dappers et Stanley Park illustrent bien les efforts de diversité et la bonne volonté (même si le résultat n'est pas toujours à la hauteur) de BBC3. Visant tous des publics assez ciblés, mais différents, ces deux derniers pilotes exploitent cependant des concepts plus modestes et moins originaux dans le paysage téléphagique, que l'horreur fantastique de Pulse. Prêtant parfois à sourire, ils se situent sur un registre léger, plutôt orienté comédie.

Ecrite par Catherine Johnson (scénariste du film Mamma Mia!), Dappers n'est pas déplaisante, mais reste cependant très (trop?) mesurée dans toutes les idées qu'elle transpose à l'écran.

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Habitant dans un logement social de Bristol, Ashley et Faye sont deux jeunes mères célibataires, sans emploi stable, qui tentent difficilement de joindre les deux bouts en cumulant aides familiales et petits boulots divers. Leur vie tourne autour de leurs enfants, étant prêtes à tout pour ces derniers. Amies très proches, complices unies dans et contre les soucis que chaque journée engendre, elles revendiquent avec une certaine fierté leur qualité de mère. Vivant dans le même immeuble, elles passent leur journée ensemble, partageant activités et états d'âme.

Dappers raconte donc leur quotidien pas toujours simple. Elles doivent tout d'abord gérer leurs rapports avec les pères respectifs de leurs enfants, des jeunes hommes souvent absents et loin d'être très fiables. Pourtant, naviguant de façon tout aussi versatile entre frustration et espoir, elles caressent toujours le doux rêve de parvenir à cet idéal de famille "complète", souhaitant, pour l'une, que son petit ami se responsabilise un jour, pour l'autre, qu'il revienne simplement à ses côtés et cesse de batifoler partout.

Outre une vie personnelle chaotique où leurs enfants demeurent le seul élément solide et stable de leurs journées, Ashley et Faye connaissent un quotidien rythmé par les péripéties qu'elles se créent. Elles s'inventent des combines pour améliorer leur vie matérielle, entre petits boulots souvent sans lendemain et anecdotiques vols à l'étalage sans conséquence. L'idée de l'épisode consiste ainsi à organiser une garderie des chiens des habitants du voisinage pour la journée. Cela se passe plutôt bien jusqu'à ce que la perte de l'un d'entre eux ne fasse éclater au grand jour à quel point elles ne maîtrisent absolument pas ce sujet animalier. En parallèle, leurs relations avec leurs voisins, caricature de "gens bien sous tous rapports", s'enveniment chaque jour davantage.

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Dappers s'inscrit dans une tonalité légère, entièrement construite sur la dynamique existant entre les deux mères au centre de l'histoire. Leur complicité se suivant avec plaisir, tout comme leurs réparties toujours très spontanées, cela confère à l'ensemble une ambiance plutôt agréable. La série s'investit donc beaucoup dans l'atmosphère, ambitionnant à nous immerger dans les préoccupations du milieu populaire qu'elle décrit. Les parallèles avec d'autres fictions viennent naturellement à l'esprit, malheureusement peut-être au détriment de Dappers. Nous sommes sur BBC3, donc en quête d'une certaine fraîcheur et bien loin des provocations et du trash maîtrisé d'une série comme Shameless, qui demeure une référence pour le portrait de ces classes populaires. C'est bien entendu logique, car Dappers n'a pas les mêmes ambitions et ne vise sans doute pas exactement le même public. Reste une frustration face à toutes les possibilités que ce concept permettait : ce pilote ne parvient pas à se départir de ce côté un peu "gentillet", qui se suit sans déplaisir, mais sans conséquence. Ne marquant pas le téléspectateur, la série peine à lui faire prendre rendez-vous pour l'avenir.

Côté casting, on retrouve des actrices familières du petit écran : Lenora Crichlow (Being Human, Material Girl), en habituée de ce type de projet, et Ty Glaser (qu'on a pu voir récemment dans Above Suspicion). Elles parviennent à bien mettre en valeur la complicité qui unit leurs deux personnages, recréant devant la caméra une amitié sobre et solide qui crédibilise très bien les relations humaines décrites.

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Bilan : Le pilote de Dappers n'est pas désagréable à suivre. Le quotidien mouvementé, agrémenté de péripéties burlesques, de ces deux jeunes mères pragmatiques, vaut en grande partie pour la complicité dont elles font preuve à l'écran. L'ensemble est plutôt vivant et cela prête quelque fois à sourire, sans plus. Au final, le pilote parvient à se créer une ambiance assez intéressante. Comme nous sommes sur BBC3, Dappers reste logiquement sur un registre assez soft et léger. Trop peut-être. Car sans réel piquant, sans impertinence véritable, tout cela se regarde un peu sans conséquence. Si bien que la pérennité du concept ne semble pas complètement assurée : ce cadre pourra-t-il vraiment fournir matière et intéresser les téléspectateurs durant une saison complète ? Même si, six épisodes, ce n'est non plus excessivement difficile à combler.


NOTE : 4,5/10


La scène d'ouverture de l'épisode :