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27/02/2011

(Pilote UK) Silk : un legal drama académique à humaniser

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Vous ai-je déjà dit combien j'aimais les legal drama ? C'est un genre à part, mais qui m'a toujours fasciné. J'en consomme sans doute moins qu'il y a quelques années. Je n'ai toujours pas jeté un oeil à Harry's Law, la dernière née américaine du maître en la matière, David E. Kelley. Mais cela reste une thématique que j'aime tout particulièrement voir abordée par la fiction, notamment pour l'éclairage sociétal inhérent à toute chronique du judiciaire.

Par conséquent, la première fois que j'ai entendu parler d'un tel projet écrit par Peter Moffat, lui-même ancien barrister et dont le nom reste notamment associé ces dernières années à la très intéressante Criminal Justice (déjà diffusée sur BBC1), j'étais assez impatiente de découvrir le résultat. D'autant plus que le casting conduit par Maxime Peake s'annonçait sympathique, avec également Rupert Penry-Jones à l'affiche. C'est donc avec beaucoup de curiosité que je me suis installée devant le pilote de Silk, qui a débuté ce mardi 22 février 2011, sur BBC1.

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Si Silk paraît immédiatement familière au téléspectateur, c'est qu'elle s'empare d'un sujet bien connu : relater le quotidien de jeunes barristers, cadencé par les audiences et les nuits blanches qui se succèdent pour tenir un rythme effréné qui leur permettra peut-être d'atteindre leurs hautes ambitions. Car, comme son titre l'indique, c'est sous couvert de la quête d'une ascension professionnelle particulière que la série nous plonge dans ce milieu où les civilités policées usuellement en vigueur cachent mal une concurrence exacerbée, qui se joue parfois au détriment du client et qui confine aussi à l'occasion à un machisme d'un autre âge. Car "taking Silk", c'est-à-dire réussir à être nommé Queen's Consel, a beau être l'objectif ultime de ces praticiens du droit , le nombre de femmes à avoir obtenu ce rang particulier est loin de refléter la relative féminisation de la profession. L'héroïne de la série, Martha Costello, n'entend toutefois pas se laisser intimider par ces considérations statistiques.

Ce pilote nous présente la jeune femme en l'introduisant dans ce que l'on pourrait qualifier de suite de "journées-types" : de l'enchaînement des audiences aux difficultés pour tenir professionnellement un tel rythme, rien ne sera épargné à Martha pour ce premier épisode. Si elle bénéficie du soutien sans faille de Billy Lamb, gestionnaire de la chamber dans laquelle elle travaille, elle doit également composer avec la rivalité directe de Clive Reader, un collègue qui entend bien être le prochain à devenir Queen's Consel. La chamber ne pouvant probablement espérer qu'une seule promotion, Martha et Clive se retrouvent donc en concurrence directe. L'arrivée de nouveaux assistants, Nick Slade et Niamh Cranitch, ne va faire qu'exacerber les tensions tandis que chacun des deux barristers accueille un de ces pupils sous sa direction.

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Sur le papier, Silk semble a priori réunir tous les ingrédients nécessaires à la création d'un attrayant legal drama. Un fil rouge assuré par cette ambition de devenir Queen's Consel, des protagonistes aux personnalités affirmées conduits à s'opposer, une pression permettant de maintenir une cadence soutenue qui évitera tout ennui possible, et des intrigues judiciaires qui constituent autant de challenges professionnels prompts à susciter des dilemmes éthiques insolubles pour les barristers. Parfaitement huilé, ce pilote s'efforce d'ailleurs de nous introduire ces éléments, déclinant sous forme de récital mécanique tous les enjeux que la série abordera.

Tout aussi classiquement, c'est par le regard des nouveaux assistants que le téléspectateur découvre ce milieu :  à travers les explications et rapides décryptages sur les moeurs judiciaires faites à l'attention de Nick, c'est à l'observateur extérieur devant son petit écran que le scénariste s'adresse. La distribution des fonctions au sein du système judiciaire nécessitera sans doute un temps de découverte au téléspectateur (non britannique) qui n'y serait pas familier. Dans cette optique, l'épisode dresse un tableau aux finalités surtout pédagogiques, esquissant notamment les rapports entre les solicitors et les barristers, mais aussi éclairant la procédure permettant de devenir Queen's Consel. Si cela semble une étape nécessaire, l'ensemble n'échappe cependant pas à l'écueil de l'exposé scolaire.

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Aussi appliqué soit-elle, c'est peut-être justement cet excès d'académisme qui empêche Silk de vraiment imposer sa marque dès ce pilote. En effet, si ce cocktail attrayant de quotidien judiciaire chroniqué laisse entrevoir les bases d'un potentiel incontestable, on sent confusément qu'il manque pour le moment quelque chose. A trop vouloir remplir le cahier des charges supposé du genre, l'épisode manque de spontanéité. La prévisibilité de sa construction narrative va plutôt lui donner l'allure d'une énième déclinaison d'un concept certes intéressant, mais auquel il est impératif de donner plus de relief pour s'investir sur le long terme.

En fait, tout s'emboîte trop parfaitement dans ce pilote. Plus que les storylines judiciaires dont le classicisme ne remet pas en cause l'efficacité et qui rejoignent cette tonalité scolaire liée à un premier épisode, c'est en priorité sa dimension humaine que Silk devra travailler. En effet, les personnages, pour le moment très unidimensionnels, sont trop facilement catégorisés dans des stéréotypes qu'il faudra nuancer à l'avenir. Pour autant, si Silk doit encore gagner en épaisseur, le pilote laisse entrevoir un potentiel, en témoigne la force des contre-interrogatoires par Martha du vieil homme agressé. La série dispose du cadre pour devenir un legal drama complet, à défaut de ré-inventer le genre.

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Sur la forme, Silk est une oeuvre soignée, dont la réalisation maîtrisée s'inscrit dans la lignée des fictions proposées en prime-time sur BBC1. L'image est travaillée, tout en restant dans un classique de circonstances. Signalons également l'effort réalisé pour les images d'un générique superbe, dont l'esthétique rappelle, par exemple, celui de l'élégante série policière Luther. Les deux sont une création de la compagnie Momoco, à laquelle on devait également dernièrement celui de Zen.

Enfin, Silk bénéficie d'un casting globalement homogène et assurément solide qui  conduit à être optimiste pour la suite. Derrière une Maxine Peake (Shameless, The Devil's Whore, Little Dorrit, Criminal Justice) fidèle à elle-même, aux interprétations toujours parfaitement maîtrisées, on retrouve à ses côtés Neil Stuke (Trust, Monday Monday, Reggie Perrin) en soutien indéfectible et Rupert Penry-Jones (Spooks, Whitechapel) en rival prêt à tout. Tom Hughes (Trinity) et Natalie Dormer (The Tudors) incarnent ces jeunes assistants qui vont rapidement comprendre les règles du jeu au sein de la chambers. Et Nina Sosanya (Meadowlands/Cape Wrath, Five Days) et John MacMillan complètent ce casting convaincant.

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Bilan : Derrière ses atours excessivement académiques, Silk laisse entrevoir au cours de ce pilote un potentiel indéniable dont il lui reste encore à prendre la mesure. Apparaissant surtout comme un épisode d'exposition pour servir d'introduction dans cet univers et en comprendre les codes, l'épisode souffre d'un déroulement prévisible qui manque de relief. Cependant, les bases étant désormais toutes posées, les protagonistes installés, les enjeux déclarés, la suite devrait permettre à la série de se départir de cette impression scolaire pour se construire une identité. La bande-annonce de l'épisode suivant apparaît en tout cas autrement plus pimenté. A suivre.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce de la série :