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25/11/2010

(Pilote UK) Accused : un crime drama réduit à sa plus sobre expression


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Spooks
à peine terminée, depuis le 15 novembre 2010, les lundis soirs de BBC1 sont désormais occupés par un crime drama, signé Jimmy McGovern : Accused. Cette série a la particularité de présenter des histoires indépendantes, chaque épisode se concentrant sur un personnage différent. Le nom du scénariste, auquel s'ajoutait un casting très alléchant, suffisait à aiguiser l'intérêt et la curiosité d'un téléspectateur quand même très intrigué, d'autant que visionner le pilote n'engageait pas sur toute la série. Et puis, Accused a aussi fait parler d'elle ces derniers jours en Angleterre à cause d'une controverse née autour de son deuxième épisode et de son traitement de l'armée.

Pour ce premier épisode, j'avoue sans peine que la présence de Christopher Eccleston ne fut pas étrangère à mon visionnage. De la même façon que j'aurais bien envie d'aller jeter un oeil aux épisodes où apparaîtront Peter Capaldi ou encore Warren Brown. Pour autant, le pilote d'Accused n'aura su que modérément me convaincre, proposant une histoire relativement solide, sous un angle narratif assez original, mais en échouant à réellement s'affranchir des codes du genre.

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Chaque épisode d'Accused s'ouvre au moment où le tribunal s'apprête à rendre son verdict, le prévenu montant les marches qui le conduisent jusqu'au banc des accusés. Sans autre information, le téléspectateur découvre dans ces premières images les protagonistes de l'histoire qui s'apprête à lui être racontée. Puis, le récit enchaîne sur un flashback, remontant le temps pour revenir au moment où tout a débuté, à cette journée où tout a commencé à déraper, pour conduire presque inéluctablement à la commission de l'infraction pénale dont le personnage principal du jour est accusé. Le laissant ainsi suspendu à son sort, attendant que soit prononcé son acquittement/relaxe ou sa condamnation, l'épisode va nous relater, sans parti pris, les faits tels qu'ils se sont réellement produits. En somme, la narration d'Accused se résume en deux points : l'infraction et le verdict, accompagné éventuellement de la sanction. Le crime drama réduit à sa plus sobre expression.

Ce premier épisode va ainsi nous raconter l'histoire de Willy Houlihan. Comment ce plombier, père de famille marié depuis 25 ans, menant en apparence une vie rangée, a-t-il pu se retrouver sur le banc des accusés, à attendre stoïquement sa sentence ? Sans plus d'indice, le téléspectateur est invité à découvrir l'engrenage des évènements et décisions qui vont le mener à cette première scène de l'épisode.

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L'atout principal d'Accused réside incontestablement dans le concept narratif que la série choisit de suivre, nous présentant le prévenu à la fin de son procès pour ensuite nous conter ses dernières actions qui l'auront mené devant ce tribunal. Cet angle d'attaque original fournit à la fiction une relative originalité qu'elle va s'attacher à pleinement exploiter. En effet, tranchant avec le modèle traditionnel, le suspense ici ne réside pas dans la question de savoir qui a commis le crime, mais dans le fait de découvrir de quel crime il s'agit. "Quels sont donc les faits de l'espèce ?", voici la question qui résonne de façon presque obsessionnelle dans la tête du téléspectateur pendant la majeure partie de l'épisode.

Avec beaucoup d'habileté, la série mise sur un suggestif des plus accrocheurs. Tout au long des deux premiers tiers de l'épisode, on se perd en conjectures, concluant fatalement au pire dès que Willy se retrouve dans une situation ambiguë, imaginant y voir telle ou telle indication sur ce que le futur lui réserve, alors que le personnage s'enfonce peu à peu dans des problèmes domestiques et financiers rapidement inextricables. L'imagination fertile, prompte à toutes les extrapolations, le téléspectateur se prend facilement à ce jeu scénaristique, au final presque plus piquant qu'un crime drama à la narration traditionnelle.

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Cependant, après avoir si bien stimulé notre inventivité et encouragé à suivre mille et une (fausses) pistes, Accused se rabât, au final, de façon assez frustrante, sur des sentiers très balisés, proposant un dernier tiers somme toute excessivement classique. Cela donne un peu l'impression d'avoir beaucoup promis pour n'offrir qu'une conclusion à la prise de risque minimale, où tout rentre dans l'ordre en s'achevant sur une sortie d'un classicisme soudain trop abrupt pour le téléspectateur.

Il y a un contraste assez déconcertant, un peu déstabilisant, entre l'ambition affichée initialement et la manière dont l'histoire se termine, comme si la fiction avait soudain été trop timorée pour réellement s'affranchir des codes narratifs attachés à ce genre. Si bien que sans remettre en cause les spécificités qui ont séduit lors de la première partie de la narration, cela laisse cependant comme un arrière-goût d'inachevé. Une sorte d'essai non transformé. 

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Sur la forme, Accused présente une réalisation aboutie, plutôt soignée, mais qui ne marque pas particulièrement hormis par quelques plans plus inspirés. Elle se situe globalement dans le standing habituel (plutôt élevé, donc) de la chaîne.

Enfin, comme je l'ai déjà souligné, une partie de l'intérêt de la série - et sans doute beaucoup de la curiosité qu'elle peut susciter a priori - réside dans son casting. Si ce premier épisode se concentrait sur le toujours excellent Christopher Eccleston (Doctor Who), que je retrouve chaque fois avec beaucoup de plaisir dans mon petit écran, la suite offre des noms également très alléchants, comptant parmi les valeurs sûres de la télévision d'outre-Manche. Devraient ainsi apparaître Mackenzie Crook (The Office UK), Juliet Stevenson, Peter Capaldi (The Thick of It), Marc Warren (State of Play, Hustle), Naomie Harris (The Tomorrow People), Warren Brown (Dead Set, Luther, Single Father), ou encore Ben Smith. Au final, quelques bonnes raisons de vérifier si la série saura faire preuve de plus d'ambitions !

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Bilan : Avec sa structure narrative qui recentre l'enjeu de l'épisode sur l'infraction pénale qui sera commise et non sur le coupable, Accused s'impose comme un crime drama intrigant, qui tranche avec les codes traditionnels du genre. Mais si le téléspectateur se prend aisément à ce jeu scénaristique qui mise beaucoup sur le suggestif, Accused échoue à mener jusqu'au bout cet essai. Manquant de témérité dans sa conclusion, elle retombe alors sur des sentiers très balisés pour finalement abandonner l'expérimental et renouer avec le classique judiciaire. Si on se dit alors qu'on aurait pu légitimement en attendre un peu plus, cela n'enlève rien à ce pilote qui permet quand même de passer une heure prenante devant son petit écran. A défaut de vraiment révolutionner le genre, Accused s'avère solide. Son casting devrait achever de convaincre les derniers récalcitrants.    


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

19/11/2010

(Pilote UK) The Indian Doctor : rafraîchissante dramédie sur fond de choc des cultures dans les sixties


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Ce que je chéris plus que tout dans la téléphagie, ce sont les surprises. Ces soirs où, l'air de rien, vous lancez un pilote à l'aveugle, sans trop savoir ce qui vous attend, et vous vous retrouvez finalement à passer une heure très agréable devant votre petit écran, vous disant qu'il s'en est fallu de peu pour que vous ratiez quelque chose. Et bien, c'est ce qu'il s'est passé hier avec The Indian Doctor. Parce que j'avoue ne pas faire toujours très attention aux programmes hors soirées, il m'aura fallu une piqûre de rappel salvatrice pour y consacrer ma soirée.

Cette mini-série, composée de cinq épisodes, est actuellement diffusée sur BBC1, depuis le lundi 15 novembre, chaque jour de la semaine en début d'après-midi. Si on a beaucoup débattu de la question des mises en scène de chocs culturels (et de ses travers) en cette rentrée téléphagique en raison de la série Outsourced aux Etats-Unis, The Indian Doctor n'a de commun avec sa consoeur américaine que l'Inde et son actrice principale qui jouait dans le film dont la série américaine est une adaptation. Car, avec une facilité désarmante et beaucoup de fraîcheur, The Indian Doctor se joue de bien des écueils de ce genre pour s'imposer comme une dramédie très sympathique flirtant bon un doux parfum nostalgique des sixties.
 

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The Indian Doctor
se déroule en 1963. Elle a pour cadre un petit village minier du Pays de Galles, Trefelin. Son médecin généraliste, qui attendait son remplaçant, vient de décéder. Cependant le ministre de la santé britannique de l'époque, Enoch Powell, a lancé une vaste campagne de recrutement de médecins indiens venant s'installer au Royaume-Uni afin
de pourvoir à tous ces postes vacants dans le domaine de la santé. C'est dans ce contexte que Prem Sharma est affecté à ce petit village. Le pilote s'ouvre sur son arrivée par le train, avec son épouse, Kamini que la perspective de se perdre au fin fond de la campagne britannique ne réjouit guère, toute à ses rêves londoniens qu'elle est.

Il faut dire que les habitants de Trefelin, s'ils font dans l'ensemble preuve de bonne volonté pour accueillir ces nouveaux venus, gardent leurs idées préconçues, quelque peu folkloriques, sur l'Inde. D'autant que c'est la projection du film Les dessous d'un millionnaire, avec Sophia Loren et Peter Sellers, qui fait office de document d'information. Voilà qui n'est pas pour balayer l'image qu'ils se font de ce grand territoire inconnu du bout du monde. Tout cela débouchera sur quelques scènes savoureuses venant agrémenter une dynamique des chocs culturels qui sous-tend l'ensemble de façon étonnamment rafraîchissante. Jouant sur les attentes du téléspectateur, la série s'amusera souvent à le prendre à contre-pied. Prem et Kamini sont en effet issus d'un milieu très aisé, avec des relations dans la haute société britannique à donner le vertige à ces provinciaux dont la simplicité de vie perturbe grandement une Kamini habituée à son confort et qui n'a rapidement qu'une envie : quitter au plus vite cet endroit perdu pour retrouver la "civilisation". 

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Ce qui séduit rapidement, devant le pilote de The Indian Doctor, c'est cette forme de charme quelque peu désuet, mais tellement rafraîchissant, qui se dégage de l'ensemble. La série propose une mise en scène de la vie d'un petit village du fin fond de la campagne britannique qui flirte bon une simplicité provinciale désarmante à laquelle vient s'ajouter, de manière plus incidente, une douce nostalgie des sixties. Suivant une narration rythmée et résolument légère, la série fait pourtant preuve d'une réelle densité, en mesure d'alterner, sans transition, des passages plus pesants, voire dramatiques - le passé récent du couple indien ayant été marqué par une tragédie -, et des scènes qui exploitent parfaitement un comique de situation de circonstances. Le tout bénéficie pleinement de dialogues habilement ciselés qui parviennent à mettre en valeur tant l'anecdotique quotidien des villageois, que la grandiloquence de la savoureuse et imposante Kamini.

C'est cette tonalité quelque peu volatile, dans laquelle le téléspectateur se sent instantanément confortable, qui fait de The Indian Doctor une fiction excessivement sympathique, à la bonne humeur globale communicative. Abordant logiquement la thématique des chocs de cultures, la série va habilement éviter tous les écueils et lourdeurs du genre, pour prendre un malin plaisir à se jouer des préjugés et autres idées préconçues des uns et des autres ; qu'elles soient flatteuses (telle la vénération de Gandhi et la généralisation de son action à toute la société indienne) ou caricaturalement folkloriques (la préparation du repas où les Sharma sont invités, avec la question de la nourriture et des chaises). Les incompréhensions linguistiques, conséquences de l'accent local, en assureront l'aspect le plus léger.

Au final, si The Indian Doctor reste une fiction divertissante qui n'a pas d'ambitions sociologiques démesurées, elle surprend agréablement par la finesse et la subtilité d'une écriture réfléchie qui va permettre à la série d'investir avec une sobriété louable des plus plaisantes, ce registre parfois glissant de la comédie mettant en scène des chocs culturels.

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L'attachement que l'on éprouve rapidement devant The Indian Doctor s'explique également en grande partie par sa dimension très humaine. Tout d'abord, la série parvient à capturer en quelques scènes l'âme de ce petit village minier du Pays de Galles, caractérisant plus précisément quelques individualités très colorées qui donnent immédiatement le ton. La première scène d'ouverture sur cette assemblée bigarée que l'on informe de l'arrivée du nouveau docteur est très révélatrice. Il émane de l'ensemble un sentiment de proximité qui rend la découverte de ces vies, somme toute anodines, étonnamment plaisante  à suivre. Car si ce portrait de village du début des sixties ne se prétend en rien une reconstitution historique rigoureuse, c'est cette atmosphère proche et confortable qui lui confère son charme.  

De plus - et surtout -, l'atout maître de The Indian Doctor réside dans la dynamique qui s'installe rapidement au sein du couple venant d'Inde pour se perdre dans le pays rural britannique. L'épouse, Kamini, bénéficie sans aucun doute des meilleures réparties, grâce à un style direct inimitable et une franchise désarmante. Au-delà de sa mine horrifiée à la perspective de faire des tâches domestiques, elle qui avait auparavant à sa disposition plus d'une dizaine de serviteurs, elle prend opportunément à rebours toutes les idées préconçues des villageois. Tout au long de ce pilote, ses interventions, souvent tranchantes, sont absolument savoureuses. Son fort tempérament offre un parfait pendant au calme et à l'attitude posée, assez flegmatique, de son époux, passé maître dans l'art du compromis. Une tragédie récente, évoquée filigrane, marque encore le couple, sans que l'épisode ne s'attarde véritablement là-dessus. Cependant ces informations permettent d'éclairer sous un autre jour, plus nuancé, leur relation des plus rafraîchissantes, qui sonne décidément très juste à l'écran.

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Sur la forme, si la série ne bénéficie pas d'un budget suffisant pour assurer une reconstitution qui marquerait esthétiquement, il faut cependant saluer le résultat auquel elle parvient avec ses moyens modestes. N'ayant pas son pareil pour mettre en scène le quotidien bigarré de ce petit village rural, elle va utiliser à bon escient sa bande-son pour poser une atmosphère résolument sixties. Recourrant à des morceaux classiques de l'époque, s'amusant volontairement à piocher dans tous les genres, ces musiques apportent à l'ensemble une vitalité dynamique et légère contagieuse.

Enfin, le casting, à commencer par le couple central, se révèle des plus convaincants pour porter cette histoire à l'écran. Sanjeev Bhaskar (Mumbai Calling) offre une performance sobre très crédible en médecin calme et posé ; tandis que Ayesha Dharker (Coronation Street) s'impose parfaitement, avec un théâtralisme de circonstances, en épouse au fort tempérament. A leurs côtés, parmi les visages connus, le téléspectateur reconnaîtra notamment Mark Williams (Harry Potter, Sense & Sensibility).

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Bilan : Sympathique et attachante dramédie, The Indian Doctor se révèle être une bonne surprise cachée dans les fictions programmées en journée sur BBC1. Dotée d'un charme un peu désuet, presque nostalgique, elle porte à l'écran une bonne humeur communicative, tout en bénéficiant d'une écriture plutôt fine et inspirée qui lui permet d'exploiter cette thématique du choc des cultures avec une fraîcheur assez désarmante et très plaisante à suivre. Sans ambition démesurée, ce pilote se révèle ainsi être un divertissement simple, à visionner sans arrière-pensée, sachant toucher et faire sourire le téléspectateur. Ce qui est déjà en soi, une première victoire.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

12/11/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 8 (Finale) - Bilan

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Cette semaine a vu se clôturer en Angleterre diverses séries qui auront accompagné, bon gré, mal gré, mon automne téléphagique. L'heure est au bilan, contrasté il faut bien le dire. Avant d'essayer de partager tout l'enthousiasme qu'a su générer en moi celle qui fut la meilleure nouveauté anglo-saxonne de la rentrée, Downton Abbey, commençons sans doute par le sujet qui fâche le plus. Parce qu'il est toujours triste d'assister au délitement d'une série que l'on aime sincèrement.

Lundi dernier s'est terminée la neuvième saison de Spooks sur BBC1. Ce dernier épisode n'aura rien sauvé, s'inscrivant dans la droite lignée des faiblesses qui auront lourdement handicapé la série cette année. Si je me suis presque demandée s'il n'existait pas une forme de malédiction pesant sur les saisons correspondant à un chiffre multiple de 3 (les saisons 3 et 6 avaient jusqu'à présent étaient celles que j'avais le moins appréciées), j'ai peur que le diagnostic ne soit plus grave que des signes numérologiques. Si j'aime et aimerai toujours profondément cette série, n'est-elle pas arrivée à un moment où il lui conviendrait de tirer dignement sa révérence, au risque sinon de se perdre définitivement ?

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Le fil rouge de la saison aura, cette fois-ci, été interne au MI-5. Pas de conspiration internationale à stopper, ni de vastes complots à mettre à jour. Seulement la lente et douloureuse implosion, rapidement inéluctable, de la section D. Car cette saison 9 aura été celle de la descente aux enfers pour un des personnages principaux : Lucas North. Ou du moins pour celui que l'on croyait être Lucas North. Le coup de maître des scénaristes de Spooks aura été de réussir à détruire en huit petits épisodes ce qu'ils étaient fragilement et méticuleusement parvenus à construire en introduisant ce personnage. Lorsque ce dernier était arrivé, il y a deux saisons, dire que j'étais sceptique était un euphémisme. Je n'ai jamais caché ne pas être la plus grande fan de Richard Armitage (contrairement à la croyance commune, non, je n'aime pas tous les acteurs britanniques que je croise dans le petit écran) ; et, à la manière de Rupert Penry-Jones en début de saison 3, il venait remplacer un personnage (et un acteur) que j'appréciais beaucoup. Il ne faut jamais sous-estimer le sentimentalisme du téléphage. Pourtant, la solidité de la saison 7 - une des plus abouties que la série nous ait offerte - et l'installation globale de Lucas North m'auront la première agréablement surprise et pleinement convaincue.

C'est donc avec une certaine amertume devant ce spectacle semblable à une trahison scénaristique à retardement, que j'ai assisté à la déconstruction proposée par cette saison 9. Car, paradoxalement, l'intrigue de cette année se sera développée en saccageant minutieusement tout le travail mené au cours des deux dernières saisons. Or, en sacrifiant ainsi volontairement toute cohérence narrative pour céder à l'attrait clinquant et dramaturgique de la construction artificielle d'une pseudo-intrigue détruisant l'image d'un de ses personnages centraux, c'est l'âme de Spooks que les scénaristes ont également égaré en cours de route. J'aurais aimé pouvoir dire avoir ressenti la moindre émotion lors de cette confrontation finale sur le toit. J'aurais souhaité pouvoir comprendre l'empathie de Ruth pour un homme qui s'est finalement révélé être un étranger. J'aurais eu envie d'être touchée, même légèrement, par le conflit interne, auto-destructeur, de Lucas. Il n'en a rien été. De cette sortie sans panache n'est restée que la désagréable impression d'artificialité d'une intrigue qui a toujours sonné trop fictive et creuse pour que l'on y adhère. Il était simplement impossible de s'investir émotionnellement dans une histoire qui n'avait pas de sens ; car, quoiqu'en pensent les scénaristes, ils ne sont pas omnipotents au point de pouvoir faire table rase du passé en entamant la saison 9 d'une série.

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Tout au long de ces huit épisodes, une question m'a taraudé l'esprit : pourquoi avoir pris le risque d'une telle redistribution des cartes a priori contre-nature ? Il ne s'agissait pas d'une trahison pour un idéal ou une somme d'argent. Non, il s'agissait de détruire toutes les fondations d'un personnage. Si on regarde l'évolution passée de Spooks, on constate que la saison 7 a constitué une apogée pour ce qui est de l'exploitation d'un fil rouge représentant une menace internationale. La saison 8 aura tenté, avec plus de maladresses et moins de succès, de reprendre les mêmes ingrédients. Les scénaristes se sont-ils dits que, finalement, l'élément à retenir de la saison 7 pouvait être plutôt l'implosion de la section D avec un de ses membres s'en dissociant ? Mais cette année, outre ce point de départ erroné, l'inconsistance de l'écriture de la série aura achevé de dénaturer l'ensemble. Prenons simplement un des exemples les plus révélateurs de la réflexion inachevée des scénaristes : le rappel de Malcolm, vaguement entrevu le temps d'une poignée de scènes dont je cherche encore l'utilité et la raison, autre que jouer sur une basse fibre nostalgique qui aveuglerait le téléspectateur.

Evoquer Malcolm, avec les souvenirs des "good old days" que cela implique, amène à soulever une autre faiblesse, qui n'est certes pas propre à cette saison spécifiquement : le manque d'esprit de groupe animant la section D. Spooks a toujours su renouveler ses effectifs avec un côté impitoyable qui a pu nous faire nous ronger les sangs plus d'une fois. Sans forcément aspirer à l'ambiance un peu utopique qui régnait aux débuts de la série, il manque désormais à à la série - c'était également le cas l'an passé - une véritable union en son sein qui permettrait d'humaniser ses personnages. En liquidant des figures clés, les saisons 7 et 8 auront atteint des intensités dramatiques fascinantes, mais auront privé Spooks d'une dimension humaine dont elle ne peut faire l'économie. Certes, il y a toujours Harry et Ruth qui auront sauvé bien des scènes cette année mais, même eux finissent par tourner en rond. Parmi les nouveaux introduits en début de saison, le personnage de Beth aura brillé par sa fadeur et son inconsistance. Dimitri aura montré plus de potentiel, mais n'aura pas été suffisamment exploité. Si bien qu'en plus de ne pas être parvenue à proposer une histoire solide sur le fond, cette saison 9 aura confirmé l'incapacité de Spooks à renouer avec l'atmosphère et l'esprit d'équipe qui ont pu constituer un des attraits, peut-être plus implicite, mais tout aussi important, de la section D.   

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Bilan : Cette saison 9 m'a considérablement déroutée et, quelque part, fâchée avec les scénaristes de Spooks. Si la plume de cette review a été trempée dans l'encre amer d'un dépit profond, c'est avant tout parce que j'aime cette série. Certes je reconnais qu'il serait excessif de tout rejeter en bloc dans les épisodes de cette année. Si l'arc d'ensemble est à oublier, certaines histoires auront bien eu ce parfum caractéristique, désormais un peu éventé, qui agit comme un rappel teinté de nostalgie. Cependant c'est désormais vers une conclusion que j'aimerai voir la série s'orienter. Une vraie fin qui renouerait avec l'esprit de Spooks, non cette caricature facile et forcée à laquelle les scénaristes ont trop souvent cédé cette année. Peut-être est-il temps de refermer un chapitre qui restera majeur dans la fiction britannique des années 2000.


NOTE : 5,5/10


Le générique de cette saison 9 :

08/11/2010

(Pilote UK) The Trip : balade champêtre et gourmande dans le nord de l'Angleterre

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Sur My Télé is Rich, on aime rien plus que voyager (du moins téléphagiquement parlant - parce qu'on est aussi pragmatiquement très attaché à sa connexion internet). Pas seulement voguer de pays en pays, mais aussi partir explorer les recoins et les charmes plus discrets des contrées qui nous sont familières. Fatigué de l'oppressant cadre citadin, vous ressentez l'appel des grandes étendues verdoyantes, de ce faux calme de la campagne dont le fond sonore est seulement rythmé par les bêllements de moutons ? Cela tombe bien, BBC2 a pensé à vous. Ou du moins a-t-elle choisi un cadre résolument champêtre  pour y planter le décor de sa dernière comédie en date, dont la diffusion a débuté lundi dernier en Angleterre.

Il s'agit donc d'embarquer pour six épisodes de The Trip, une série s'inscrivant dans le registre des sim-com (les comédiens y jouent une version alternative d'eux-même, par exemple avec des traits de caractère accentué). Michael Winterbottom réunit donc devant sa caméra un duo d'acteurs qu'il connait bien pour proposer une fiction qui va finalement rejoindre la lignée et l'esprit du film A Cock and Bull Story

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Alors qu'il était dépêché par The Observer pour jouer les apprentis critiques culinaires dans une demi-douzaine de restaurants et petites auberges situés dans la région du Lake District, au nord-ouest de l'Angleterre, les plans bien ordonnés, pour mêler travail et plaisir, de Steve Coogan tombent à l'eau lorsque sa petite amie, Misha, décide soudain de le quitter pour retourner aux Etats-Unis. N'ayant jamais été un grand amateur de gastronomie et ne pouvant se résoudre à passer une semaine à voyager avec sa solitude, il se résoud à contacter Rob Brydon, le seul de ses amis potentiellement disponible pour tout quitter pendant quelques jours. La perspective de gîtes et couverts gratuits s'avérant difficile à décliner, Rob accepte de se joindre à Steve dans cette aventure culinaire et champêtre dans la campagne anglaise.

Après un bref voyage dépaysant à souhait, où le paysage de cette partie de l'Angleterre, superbement mis en valeur à l'écran, donne au téléspectateur de soudaines envies de dépaysement, sans pour autant voler la vedette à nos deux protagonistes, ce pilote va mettre en scène leur premier repas à l'auberge. Efficace, l'épisode s'attache à caractériser chacun des personnage, soulignant tant le narcissisme latent de l'un (Coogan), que l'autodérision prononcée à l'exès de l'autre (Brydon). Interpelé par l'indéfinissable impression d'une barrière d'intimité qui tombe, le téléspectateur n'éprouve aucune difficulté pour s'installer à leurs côtés, soudain inclus dans des discussions, naviguant entre pseudos private jokes volontairement lourdes et moments plus personnels, esquissant d'autres préoccupations d'avenir.

Au final, c'est en se complaisant dans ce créneau équivoque, entre vanité et authenticité, que The Trip va progressivement trouver ses marques.

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A la lecture de cette présentation, vous devinez déjà que nous nous situons plus dans une série de niche, réservée aux amateurs, que dans une fiction tout public. The Trip est en effet une de ces comédies à la fois classique et post-moderne, à la croisée des genres, qu'il est difficile de cerner, ou de savoir vraiment comment prendre. En dilettante, sans avoir l'air d'y toucher, elle progresse avec un étonnant naturel. Elle ne cherche pas tant à nous faire rire, qu'à nourrir une confusion des tonalités s'attachant à l'installation d'une proximité de confort avec des protagonistes aux caractères rapidement bien marqués et installés. Les dialogues, dont la part d'improvisation véritable reste floue, cultivent avec une étrange saveur un art de la futilité qui sonnerait probablement très creux dans n'importe quel autre cadre. Pourtant, c'est dans cette désarmante banalité, aux allures vaguement désuettes, que se trouve l'identité de The Trip et sans doute une bonne part de son potentiel.

Sans véritable ligne directrice, les sujets de conversation s'enchaînent, avec une volatilité et une versatilité terriblement ordinaires, ouvrant la voie à une forme d'introspection des personnages. Entre rappels teintés d'accomplissements passés et frustrations actuelles, en passant par l'exploration de l'amitié qui unit le duo, tout sonne très juste, permettant à la série de capitaliser sur une indéniable dimension humaine. Les défauts et ambivalences de chacun, par moment à la frontière d'un pathétique éhonté, font ressortir une étonnante authenticité, un peu vaine, mais parfois presque attendrissante, comme en témoigne la dernière scène de cet appel du fin fond de la nuit, perdu au milieu de la campagne. C'est là que le registre sim-com représente une valeur ajoutée indéniable, par la pointe d'auto-dérision piquante qu'il permet ; même si cet angle a aussi ses détracteurs légitimes, tant la fin de la réalité et le début de la fiction paraissent volontairement excessivement flous par moment.

Corollaire de ce format, il suffira donc de rappeler que les rênes de The Trip ont été confiés à des acteurs confirmés, aux multiples caquettes, et habitués des comédies et autres one-man-show de l'autre côté de la Manche. Si Steve Coogan est sans doute plus connu pour son personnage d'Alan Partridge, Rob Brydon a notamment participé à certaines institutions de l'humour outre-atlantique, comme I'm sorry I haven't a clue.

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Bilan : Avec son rythme lent, en rupture nette avec le côté survolé des comédies modernes, The Trip investit un registre un peu à part. Cultivant l'art des dialogues délicieusement futiles au cours desquels tout semble prétexte à une douce autodérision teintée d'une certaine mélancolie, c'est une ambiance détendue, sorte de désarmante parenthèse entre amis, qu'elle installe. De cette invitation à la balade gourmande, le téléspectateur retient un parfum inimitable d'authenticité dans les relations mises en scène, au potentiel introspectif indéniable et renforcé par la semi-improvisation des dialogues, qui met instantanément à l'aise devant notre petit écran. Bien sûr, il y aura toujours cette frontière un peu trop floue entre fiction et réalité qui pourra troubler certains. Mais si aucun fou rire n'est à prévoir, au-delà des quelques sourires suscités, il y a quelque chose de confusément plaisant et revigorant à passer une demi-heure devant The Trip.Quelque chose qui donne envie de découvrir jusqu'où le voyage nous conduira. Pourquoi pas ?


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce :

This Is How Michael Caine Speaks

31/10/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 6

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Certes, j'avais dit que je ne relèverais, de cette saison 9, que les épisodes marquants dans le bon sens du terme, avant de faire un bilan global à la fin. Le cinquième l'était et avait donc eu droit à une review la semaine dernière. Seulement, face à ce sixième épisode, après avoir, au cours de la semaine écoulée, exprimé et partagé mon opinion sur probablement tous les lieux d'échanges internet relatifs à la série, l'intense frustration née de ce visionnage n'était toujours pas apaisée. Il fallait donc que le billet du jour serve d'exutoire...

Car les scénaristes se sont engagés sur une voie qui semble sans retour pour construire le fil rouge de la saison. Façon maladroite, mais expéditive, de soigner la sortie d'un personnage ? Retournement artificiel reflétant un cruel manque d'inspiration ? Je ne sais pas quel diagnostic faire des problèmes dont souffre cette saison 9, mais les symptômes apparaissent désormais avec évidence. Spooks serait américaine, ne serait-on pas loin de dire qu'elle flirte avec le "jump the shark" ?

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En dépit du twist de l'épisode précédent, où Lucas découvrait l'ampleur de la manipulation entreprise à son égard par cette ancienne connaissance qui fait ressortir tous ses fantômes depuis le début de la saison, l'histoire du jour ne commence pas si mal, traitant cette fois de cyber-espionnage/terrorisme et nous entraînant sur un autre front, moins souvent mis en scène, celui qui se joue par le biais des technologies et de l'informatique. Si les enjeux de mise à jour et de protection des codes demeurent un peu abstrait, la crise au siège du MI-5 sera elle se montrer plus tendue et intéressante pour le téléspectateur. Des hackers se sont en effet introduits dans le système informatique des services de sécurité britanniques. Ils ont ainsi accès à toutes les données et surveillent tous les gestes des agents de la section D. Tarik s'en apercevant rapidement, c'est un jeu de faux-semblant que Harry et ses hommes vont jouer avec leurs assaillants.

Ce renversement narratif de redistribution des cartes, en allant porter le danger jusqu'au QG du MI-5, la série l'a déjà utilisé  à plusieurs reprises, de manière généralement efficace. C'est non seulement un angle d'attaque direct qui remet en cause l'intouchabilité théorique - mais combien de fois violée ? - de ce lieu, mais c'est aussi un rappel désagréable qui légitimise toute la paranoïa ambiante naturelle aux services d'espionnage. Au final, ce cadre de huis clos forcé n'a pas été sans m'évoquer le finale de la saison 4 ("Diana"). Si cela peine un peu à décoller, les efforts pour abuser leurs opposants, puis pour s'échapper, des membres de la section se laissent suivre sans déplaisir. Le point positif que j'y ai personnellement trouvé est de poursuivre, dans la continuité du précédent épisode, l'affirmation du personnage de Dimitri, qui trouve beaucoup plus naturellement ses marques au sein de la section et incarne un héritage Spooks-ien qui sonne bien plus juste que Beth, en dépit des multiples chances que cette dernière s'est vue offrir depuis le début de la saison. Ce ne sont que quelques petites prises d'initiatives, mais dans cette saison qui manque cruellement d'humanité (cette dimension ne tenant que grâce à Harry et Ruth), Dimitri est une bouffée d'air frais. En espérant qu'il survive aux évènements à venir.

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En effet, l'explosion finale se prépare (il ne reste que deux épisodes), et les développements du jour paraissent en poser les derniers jalons, Lucas ayant, cette fois, définitivement franchi le Rubicon, basculant désormais hors de contrôle dans une traîtrise aux motivations floues. De manière hautement symbolique, c'est d'ailleurs seul, séparé du reste de l'équipe, qu'il va vivre l'aventure du jour. Cédant au chantage de cette ancienne connaissance qui le harcèle depuis le début de la saison, pour tenter de sauver les beaux yeux d'une dulcinée qu'il avait perdue de vue il y a tant d'années, dans cette "autre vie", le voilà à la recherche d'un dossier top secret. Devant en même temps assurer sa mission, qui est la protection d'une jeune spécialiste informatique américaine, il tente de concilier les deux, mais finit par donner la priorité à cette nouvelle trahison qu'il s'apprête à commettre. Certes, ce n'est pas lui qui tirera la balle fatale à la jeune femme, mais il a en partie provoqué indirectement cette situation, ne serait-ce qu'en semant de manière abusive son escorte de sécurité et en faisant ce fameux détour pour récupérer le dossier...

Consacrant d'ailleurs sa traîtrise, c'est chez une ancienne figure familière du MI-5 que Lucas doit aller chercher ce document : Malcolm. Un face-à-face trompeur et faussement anodin qui entérine, presque publiquement, la hiérarchie des priorités de l'agent. Le téléspectateur en reste perplexe devant son petit écran. Comment expliquer de manière crédible cette transformation survenue en Lucas depuis le début de la saison ? L'évolution semble renier toute continuité avec les deux saisons précédentes qui avaient entrepris de construire et d'explorer un personnage qui apparaît désormais complètement méconnaissable. Tout sonne faux, artificiel, dans ce fil rouge qui ne prend décidément pas. Certes, j'attends la résolution de l'intrigue et la fameuse explication sur cette "double vie" esquissée pour essayer de comprendre ce que les scénaristes ont eu en tête en se lançant sur cette voie, mais il est à mon avis trop tard pour rattraper et légitimer des errements narratifs trop parachutés pour que le téléspectateur puisse y adhérer.

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Bilan : Si l'intrigue du jour a le mérite de souffler sur les braises de cette ambiance paranoïaque dans laquelle Spooks aime à se complaire et a toujours excellé, l'épisode consacre une évolution du personnage de Lucas bien trop incohérente pour crédibiliser ce fil rouge qui n'a toujours pas décollé alors que s'amorce la dernière ligne droite de la saison. Au vu des ingrédients traditionnels actuellement manquant à Spooks, la série doit faire attention à ne pas, elle-aussi, franchir le Rubicon derrière Lucas.


NOTE : 6/10