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27/07/2010

(Pilote UK) Sherlock : Modernisation d'un classique. Jubilatoire.

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Ce dimanche soir, BBC1 a entamé la diffusion de Sherlock, une série qui aura connu une bien lente maturation, avant de parvenir finalement sur les écrans britanniques sous un format de 3 épisodes de 90 minutes. Le challenge est stimulant, puisque la chaîne anglaise nous propose d'embarquer trois dimanches d'affilée aux côtés de Sherlock Holmes et de son inséparable acolyte, le Dr Watson, dans une ré-écriture modernisée du mythe du plus célèbre détective anglais, que Arthur Conan Doyle créa au XIXe siècle.

L'idée de transposer Sherlock Holmes dans le décor de notre XXIe siècle pouvait a priori décontenancer. Au-delà des images d'Epinal auxquelles renvoie son nom, il évoque aussi un style marqué par son époque. Sauf que le projet paraissait tout de suite plus réalisable lorsque l'on jetait un oeil sur les noms des personnes qui y étaient associés. Outre Mark Gatiss, à qui l'on doit quelques épisodes de Doctor Who, comme The Idiot's Lantern (saison 2), on retrouve un récidiviste des modernisations de romans de cette fin du XIXe siècle : Steven Moffat. Souvenez-vous, le showrunner actuel de Doctor Who avait, en 2007, réussi une entreprise des plus ambitieuses - et glissantes a priori - : proposer une version actuelle de L'étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde de Stevenson, par le biais d'une mini-série de six épisodes, intitulée Jekyll.

Par conséquent, je n'étais pas loin de penser que si quelqu'un pouvait recréer un Sherlock Holmes du XXIe siècle, crédible et respectant l'essence et l'esprit de cette figure enquêtrice incontournable des enquêtes policières, c'était bien Steven Moffat. Et le résultat n'a pas infirmé cet optimisme.

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Ce premier épisode commence par le début, à savoir la première rencontre entre Sherlock Holmes et John Watson. Ce dernier est un vétéran, médecin militaire récemment rentré blessé d'Afghanistan. Il tente de reprendre peu à peu pied dans le morne quotidien de la vie civile. Si sa psychiatre pense qu'il souffre de stress post-traumatique, Watson cherche surtout à remettre sa vie en ordre. Pour cela, il n'envisage pas de quitter Londres, mais ne peut financièrement assumer un loyer seul. Une rencontre fortuite l'amène à renouer avec une vieille connaissance qui l'introduit à un autre de ses amis, cherchant lui aussi un colocataire dans la capitale anglaise, Sherlock Holmes.

La première rencontre est à la hauteur des personnalités brillantes que sont les deux hommes, dans les couloirs d'une morgue où Sherlock conduit d'étranges expérimentations sur les cadavres. Sans s'en rendre compte, Watson, las de désoeuvrement, se retrouve entraîné dans le quotidien mouvementé de son potentiel futur colocataire du 221B Baker Street. Le parfum de l'aventure, l'adrénaline d'une enquête et la tension suscité par l'imprévu, sont sans doute les meilleurs médicaments dont peut rêver le docteur : évoluer aux côtés de Sherlock Holmes n'est pas de tout repos, mais cela reste tellement stimulant.

D'autant que ce dernier enquête sur une affaire aussi complexe qu'intrigante : une sorte de "serial-suicides" frappe Londres, au cours desquels, des individus semblent avaler volontairement un poison mortel. Comment sont-elles acculées à de telles extrêmités, alors qu'elles ne semblaient pas avoir de tendances suicidaires ? Faut-il y voir une main humaine derrière ces actes ? Le commissaire Lestrade, singulièrement dépassé, en appelle aux services du célèbre détective à partir du quatrième mort.

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Bien plus que l'enquête, prenante à souhait sans être si étonnante ou originale, la grande réussite de l'épisode réside dans le fait d'avoir réussi à capturer l'essence et l'esprit de cette figure littéraire incontournable, tant dans la façon dont la mini-série se réapproprie les personnages, que dans leurs échange qui nous réservent des petits bijoux de dialogues.

Sherlock Holmes est un génie, surdoué de la déduction, trop intelligent pour le quotidien morne et amorphe du monde qui l'entoure. Sa crainte première est de sombrer dans un ennui létal. Avec ses prédispositions naturelles aux addictions, il recherche dans ses enquêtes un challenge à la hauteur de son intelligence, repoussant ses limites. La série capte admirablement la versatilité et les différentes facettes d'un personnage semblable à un tourbillon, aussi fascinant qu'intoxiquant. Elle ne néglige pas non plus cette part d'ombre inhérente à un détective pour qui les crimes à résoudre demeurent ce qui rythme et donne un sens à sa vie. Ce n'est pas pour rien que les policiers le qualifient de "psychopathe", persuadés qu'un jour, ils auront à enquêter sur un mort qui sera de son fait ; ce à quoi il répond calmement, en les corrigeant, qu'il est un  "high-functioning sociopath". C'est sans doute Lestrade qui retranscrit peut-être le plus justement Sherlock : "He is a great man... and I think one day, if we're very, very lucky, he might even be a good one".

A ses côtés, le personnage de Watson offre, évidemment, le contre-poids parfait. Stimulant parfois, canalisant toujours, la présence de ce vétéran se révèle déterminante. Les deux personnages se complètent et s'apportent beaucoup mutuellement. Marqué par la guerre, Watson retrouve avec Sherlock cette bouffée d'adrénaline, dont l'absence le laissait vide et chargé d'amertume. S'il n'accorde pas facilement sa confiance en temps normal, c'est presque instinctivement qu'il trouve ses marques auprès du détective. Sa modération se complétant d'une loyauté sans faille, rapidement testée.

Tout cet univers fonctionne d'autant plus que même les personnages secondaires (Lestrade et Mrs Hudson en tête), plaisants, s'insèrent parfaitement dans la tonalité particulière de cette série.

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Au-delà de ces personnalités qui constituent l'âme de la série, l'un des aspects les plus aboutis de Sherlock réside dans l'ambiance et la tonalité qu'elle parvient à instaurer. Si l'atmosphère reste relativement sombre par son sujet, la série n'hésite pas à introduire des passages plus décalés, voire prenant parfois des accents franchement humouristiques, alternant admirablement les tons au cours de 90 minutes d'enquête.

En fait, c'est toute la dynamique qui s'installe entre Sherlock et John Watson qui se révèle absolument jubilatoire, petit joyau d'écriture enlevée et brillante. Les échanges entre les deux personnages principaux, derrière lesquels se forme progressivement une indéfinissable complicité, sont particulièrement inspirés et toujours rythmés. Les monologues de Sherlock, tout comme certains dialogues plus classiques, sont piquants à souhait et conservent quelque chose d'atypique, prenant plaisir à surprendre et à nous mettre en porte-à-faux. C'est ainsi que les répliques, potentiellement "cultes", délicieusement cinglantes et merveilleusement ciselées, s'enchaînent et  marquent un téléspectateur, intrigué, définitivement skotché devant son petit écran.

Pour porter cette base des plus intéressantes à l'écran, le casting s'avère être une surprenante réussite. J'avoue que je n'avais pas gardé jusqu'à présent de souvenir impérissable de Benedict Cumberbatch (The Last Enemy) ; il m'a bluffé et agréablement surprise dans ce premier épisode, où il campe de façon très convaincante, avec un charisme et une présence à l'écran qui en impose, le personnage de Sherlock Holmes. Martin Freeman (Charles II, The Office UK) est, lui, à la hauteur de l'enjeu, toujours très solide, pour camper tout en nuances le Docteur Watson. Les deux acteurs fonctionnent particulièrement bien ensemble. Du côté des figures plus secondaires, Una Stubbs incarne Mrs Hudson, la logeuse de nos compères, tandis que Rupert Graves (Midnight Man) joue un Lestrade, un peu dépassé, mais toujours plein de bonne volonté, qui reconnaît Sherlock à sa juste valeur.

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Bilan : L'idée d'une version moderne de Sherlock pouvait laisser perplexe, ce premier épisode balaie toutes nos craintes antérieures. Captant parfaitement l'essence de cette figure mythique du détective anglais et son acolyte médecin, l'épisode regorge de passages jubilatoires, de répliques cultes qui font mouche, le tout alternant de façon fluide entre scènes plus sombres et moments décalés où perce une pointe d'humour. Le téléspectateur se laisse entraîner sans résistance dans cette aventure stimulante et fascinante, nullement gêné de voir Sherlock Holmes déambuler dans un décor moderne. Si bien que notre seul regret, à la fin de l'épisode, c'est la pensée qu'il ne reste que deux épisodes à savourer.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :

20/07/2010

(Mini-série UK) The Silence : à la frontière du thriller et du drame familial, la figure fragile d'une héroïne poignante

 

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Il n'y a pas que des fictions légères, chaudes et ensoleillées, à la télévision, durant l'été. Ainsi, la semaine passée, BBC1 consacrait quatre de ses soirées (du 12 au 15 juillet 2010) à la diffusion d'une mini-série intitulée The Silence. Construite autour de thématiques classiques, cette fiction nous a proposé un mélange des genres assez atypique, mêlant à son format efficacement calibré de thriller policier à suspense, un drame familial plus subtile et intimiste.

Sans se démarquer des productions britanniques du genre de ces dernières années, The Silence a gagné progressivement en intensité et en maîtrise des éléments de son scénario, allant crescendo, pour se conclure de façon très abrupte sur un choix narratif, peut-être discutable, en tout cas un brin frustrant, de ses scénaristes.

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Au-delà de son histoire de départ, c'est à travers le choix de son personnage principal que The Silence impose d'emblée sa part d'originalité. Amelia a jusqu'alors mené une vie sur-protégée par des parents omni-présents ; car cette jeune fille de 18 ans est sourde, une vulnérabilité particulière qui explique la façon dont son entourage s'occupe d'elle. Cependant sa vie dans le silence s'est terminée récemment, à la suite d'une intervention chirurgicale où elle s'est vue aposée un implant qui lui permet d'entendre, pour la première fois, des sons. L'adaptation à la cacophonie ambiante, ainsi que l'attention dont elle doit soudain faire preuve à son environnement, est aussi difficile qu'épuisant. Pour ce faire, elle suit une thérapie afin d'apprendre à maîtriser ce nouveau sens qui s'ouvre à elle.

Les séances chez sa spécialiste étant fréquentes, elle passe une partie de la semaine auprès de ses cousins, chez son oncle Jim, un policier dont le domicile est plus proche du cabinet médical que celui de ses parents. Mais un soir, le quotidien d'Amelia va être complètement boueversé. Alors qu'elle est sortie promener le chien dans le parc en bas de la rue, elle assiste, tétanisée, à la scène d'un meurtre dans les allées. Une joggeuse est renversée, volontairement, par une voiture, occupée par deux individus. Tapie dans la pénombre, Amelia distingue les traits d'un d'entre eux.

Profondément choquée, elle commence par se taire, effrayée. Puis, alors que son oncle est chargé de l'affaire, la victime étant une policière, elle finit par se confier à lui. Craignant pour sa nièce qu'il considère particulièrement vulnérable en raison de son état, Jim va devoir arbitrer ses priorités entre impératifs familiaux et vie professionnelle. Malheureusement, l'aide d'Amelia expose peu à peu une situation dont la complexité, mais aussi la dangerosité, entraîne toute la famille dans le tourbillon des moeurs peu recommandables de l'unité anti-drogue de la police de la ville.

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Par la richesse et la diversité des thèmes abordés, The Silence surprend. Si sa structure narrative s'apparente à celle d'un thriller, dont la tension se construit, montant au fil des épisodes, tandis que les pièces du puzzle se découvrent progressivement, la mini-série n'hésite pas à s'appesantir et développer des aspects plus personnels aux personnages, nous intéressant aux dynamiques internes à la famille d'Amelia, ainsi qu'à la situation particulière de cette dernière. Ce dernier aspect, plus psychologique, confère une très forte dimension humaine à une fiction dont il s'agit sans doute du principal élément d'originalité.

The Silence fait donc preuve de réelles ambitions, allant au-delà du simple thriller, en visant une double exploitation parallèle de ces deux volets. La difficulté inhérente à ce choix n'est pas pleinement surmontée : jouer sur les deux tableaux entraîne en effet quelques ruptures du rythme narratif soulignant la maîtrise parfois approximative de la structure d'ensemble. Plus que dans le récit lui-même, c'est le contraste entre les tonalités qui place certains passages en porte-à-faux, dichotomie déséquilibrée reflétant l'hésitation de scénaristes qui peinent, durant la première partie de la mini-série, à trouver un liant d'ensemble. Dans la seconde partie, le suspense aidant, les deux derniers épisodes sont plus homogènes, permettant une alternance beaucoup plus naturelle entre le thriller et le drame familial, qui en deviennent même complémentaires.

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Si ce fragile équilibre des tonalités met un peu de temps à s'établir, c'est sans doute aussi en partie parce que le volet thriller peine à s'affirmer immédiatement, restant quelque peu en retrait. L'univers policier de Jim est d'abord cantonné en arrière-plan. Puis, à mesure que l'enquête prend de l'importance et gagne en complexité, le téléspectateur finit par se prendre au jeu de la tension ambiante. Cependant, le fait que l'affaire progresse par saccades irrégulières n'aide pas, dans un premier temps, à renvoyer une apparence de maîtrise du scénario. Cependant, à mesure que les enjeux prennent corps, l'intrigue se révèle de plus en plus convaincante. La rafraîchissante sobriété dont la mini-série use lui confère au final une légitimité supplémentaire.

Reste que, plus que dans cet aspect thriller, c'est dans un créneau, plus personnel et psychologique, que The Silence se démarque et impose son style. Le volet familial, s'il n'échappe pas à certains poncifs du genre, est plus abouti, bénéficiant d'une écriture assez subtile, où l'émotionnel transparaît à fleur de peau, permettant à la mini-série de s'inscrire dans une tradition de drame où la dimension humaine, centrale, surprend agréablement le téléspectateur. Dans ce registre, la retenue avec laquelle est présenté le traumatisme d'Amelia est particulièrement appréciable. Le meurtre dont elle est témoin s'ajoute à toutes les difficultés personnelles qui la troublent depuis la pose de son implant auditif. Tous ces ajustements nécessaires se cumulent, expliquant et justifiant des états d'âme poignants, sur lesquels la mini-série choisit opportunément de se concentrer.

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The Silence est-il un thriller flirtant avec le drama familial ? Ou bien l'inverse ? La question n'a sans doute pas vraiment lieu d'être, dans la mesure où la réponse relève du domaine du ressenti propre à chaque téléspectateur. Cette capacité à mêler les deux genres est, il faut le préciser, une voie relativement classique à la télévision britannique. Cependant, la particularité de The Silence réside peut-être dans le fait que le drame familial est l'élément qui s'en détache le plus.

Pour illustrer cette affirmation, le premier élément qui me vient à l'esprit est sans doute la conclusion de The Silence qu'il me semble difficile de ne pas évoquer. En effet, la mini-série se termine de la plus abrupte des manières, un choix narratif assumé, mais qui peut décontenancer. En se concentrant sur Amelia, et sur le chemin que la jeune fille a parcouru depuis le début de cette aventure, pour parvenir à faire la paix avec elle-même et accepter les bouleversements (auditifs) récents de sa vie, The Silence délaisse ses accents de thriller, relégant cet aspect au second plan. La fin consacre - presque a posteriori - le choix du drame familial.

C'est comme si cette plongée mouvementée dans les arcanes corrompues de la police locale n'avait constitué qu'un prétexte, un parcours initiatique pour Amelia, lui permettant de s'ajuster à son nouveau rapport à ce qui l'entoure, à ses parents, mais aussi au monde des entendants dans sa globalité. Si bien que derrière cette symbolique de l'épreuve, unissant dans l'adversité les membres d'une même famille, le thriller va finalement se résoudre en simple toile de fond quasiment anecdotique. The Silence laissera ainsi le soin au téléspectateur d'extrapoler, à partir des dernières indications qui lui sont données, sur la conclusion de l'affaire, préférant se désintéresser de toutes ses ramifications qu'elle a pourtant savamment construit, pour consacrer le rôle de pivôt central du personnage d'Amelia.

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Sur la forme, The Silence est une mini-série soignée, dont la réalisation classique n'hésite pas à jouer sur les teintes et les cadres. Sans se démarquer, elle s'avère en tout cas efficace.

Enfin, le casting, très solide, permet d'asseoir le scénario. Genevieve Barr y tient, avec une certaine naïveté et beaucoup d'assurance non dépourvue d'une touche de nuance, un premier rôle-titre très convaincant ; et il convient de saluer sa performance. Douglas Henshall (Primeval, Collision) en fait parfois un peu trop dans l'émotionnel, mais il impose une présence forte à l'écran, qui contre-balance celle d'Amelia. A leurs côtés, on retrouve également Gina McKee, Hugh Bonneville (Lost in Austen), Dervla Kirwan (55 Degrees North, Material Girl), Harry Ferrier, Tom Kane, Rebecca Oldfield ou encore Richie Campbell (The Bill).

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Bilan : A si bien vouloir mêler les genres, The Silence se révèle au final plus difficile à catégoriser que son synopsis ne le laissait penser. Derrière son apparence de thriller savamment orchestré, le téléspectateur garde surtout l'impression qu'il assiste à la quête de soi d'une héroïne qui voit son rapport à l'extérieur bouleverser par son implant auditif. Si le suspense de l'affaire principale rythme les péripéties de la mini-série, c'est le drame familial qui se joue sous nos yeux qui finit par l'emporter, la conclusion paraissant symboliser le choix des scénaristes de privilégier cette dimension humaine, plus personnelle et intimiste.

S'inscrivant dans la lignée de divers thrillers proposés en mini-séries à la télévision britannique ces dernières années, The Silence ne révolutionne pas ce genre. Cependant, il contient quelques éléments qui lui sont propres, à commencer par son héroïne, admirable, qui mérite qu'on prenne le temps de s'intéresser à cette fiction.


NOTE : 6,75/10

03/07/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 13 : The Big Bang (series finale)


"Fezes are cool." (Le Docteur)

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Après une première partie de series finale qui avait su générer une forte attente et une grande anticipation, dans lesquelles se mêlaient, pour le téléspectateur, un suspense et une jubilation enthousiasmante, la seule interrogation, à l'amorce de ce dernier épisode de la saison 5, était la suivante : la conclusion allait-elle être à la hauteur des espoirs ainsi ? Pouvait-elle poursuivre dans ce sentiment enivrant teinté de démesure ressenti en découvrant l'alliance formée contre le Docteur ?

La première réaction engendrée par ce series finale aura sans doute été le réflexe, que l'on a tous eu, de relancer une seconde fois l'épisode, immédiatement après que le générique de fin se soit terminé. Parce que s'il y a bien une chose de certaine, c'est que, outre la recrudescence de la consommation d'aspirine suscitée par sa construction narrative, il était difficile de ne pas s'égarer dans les lignes temporelles fluctuantes et autres paradoxes régis par des lois très toujours très relatives.

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La résolution de l'intrigue va en effet adopter un format des plus déstabilisants, Steven Moffat nous plongeant sans ménagement dans les tourbillons du Temps. Passé, présent et futur se mélangent tels des concepts d'une relativité vertigineuse, se marquant et s'auto-influençant à travers un enchaînement d'évènements qui voit le Docteur tirer les ficelles, en digne chef d'orchestre. C'est peu dire que ce choix scénaristique génère autant de questions, qu'il n'apporte de réponses. Entre paradoxes temporels, anomalies réelles ou simplement logique incomprise échappant sur le moment au téléspectateur, il est difficile de parvenir à faire s'emboîter rigoureusement tous les détails dont le fil narratif principal regorge. Ce n'est d'ailleurs qu'au cours du second visionnage que j'ai eu l'occasion de m'attarder sur des points plus secondaires de l'intrigue.

Il faut bien avouer que l'épisode démarre sur les chapeaux de roue, nous laissant aussi interdit que notre Rory endeuillé qui pleure sa bien-aimée dans l'Antiquité, même si nul ne sait si la surprise provient de l'apparition du Docteur, ou de l'accoutrement qu'il porte, fèze et balais en tête, assortiment qui m'a fait penser à l'image d'un sorcier fou. Le Tardis a bien explosé. L'Univers s'est effondré sur lui-même, les failles éradiquant toute la création, passée, actuelle et à venir. Les diverses races qui s'étaient alliées pour mettre hors d'état de nuire le Time Lord ne sont plus que des fossiles temporels. Dans un ciel proposant désormais une nuit sans étoile, seule la Terre demeure encore présente, dernière étincelle d'une vie qui n'existe déjà plus. Sa proximité avec le Tardis la situant au coeur de l'explosion, cela lui fait profiter d'un sursis illusoire.

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Le retrécissement de l'univers permet au Docteur d'utiliser le gadget de River pour facilement voyager dans le temps, manipulant les évènements afin d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être. Une bonne partie de l'épisode va se résumer en une innovante expérience narrative, aussi stimulante qu'étrange pour le téléspectateur. Steven Moffat annihile volontairement tout repère temporel, nous délivrant des bribes d'informations venues de toutes époques, tel un puzzle incomplet qu'il resterait à assembler. Tout en conservant le point de vue de ses compagnons, la ligne temporelle du Docteur se brouille sous nos yeux, tandis qu'il s'efforce de réparer une Création brisée.

Le schéma narratif adopté se révèle être une troublante façon de déconstruire nos certitudes traditionnelles. Cependant, ce recours régulier à un futur Docteur conditionnant les actions de nos héros dans la ligne temporelle que le téléspectateur suit, n'échappe pas à un certain effet de répétition. Certes, les directives sibyllines du Time Lord sont toujours des plus intrigantes, l'annonce de sa mort y compris, mais on a aussi le sentiment qu'au-delà de cette pique d'excitation ressenti par le téléspectateur, les clés de l'histoire nous échappent complètement, donnant comme résultat une résolution qui, paradoxalement, se trouve être à la fois excessivement complexe et d'une étrange simplicité. 

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Particulièrement compliqué, tout en conservant une fausse apparence de bricolage rudimentaire, voici les deux qualificatifs qui résumeraient parfaitement l'utilisation des voyages temporels dans The Big Bang. Toute l'intrigue se construit autour d'eux, évacuant finalement avec une aisance presque déconcertante l'emprisonnement dans la Pandorica. Cependant l'intérêt de cette boîte ne va pas se résumer à cette seule fonction ; elle va en effet jouer un rôle clé dans rien moins que la restauration de l'Univers.

L'astuce permettant d'inverser les effets de l'explosion du Tardis remet à nouveau au centre de l'épisode une thématique constante de la saison, celle de la mémoire. Les souvenirs ne se perdent jamais complètement, demeurant tels des empreintes indélébiles à partir desquelles tout peut être reconstruit, semblables à une mémoire génétique. Le Docteur se sacrifiera pour permettre cette forme de "reboot" de l'univers, rendu possible grâce à la Pandorica qui a pu conserver l'essence de ce qui constituait l'Univers d'avant l'explosion.

La "restauration" du Docteur suivra un schéma similaire. Si le souvenir de son existence-même aura été éradiqué au cours du processus, puisqu'il se trouvait au centre de l'explosion, c'est à nouveau par la mémoire qu'il va pouvoir renaître. Cela sera cependant l'occasion d'offrir quelques scènes d'adieux émouvantes, alors même que le téléspectateur a pleinement conscience qu'un ultime twist aura lieu, tout cela ne pouvant se finir ainsi. Mais les quelques mots qu'Eleven glisse à une Amy enfant, endormie dans sa chambre, prendront un tournant émotionnel vraiment poignant, qui doit beaucoup à la fantastique prestation de Matt Smith.

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Si la construction de l'épisode m'a laissée une certaine frustration, le recours aux tourments des paradoxes temporels m'ayant paru un peu excessif dans la première partie, ce sentiment se mêle cependant à l'excitation générée par cette écriture à l'envers, d'un scénario stimulant où tout s'entremêle avec beaucoup de piquants. Certes, cela n'est pas toujours pleinement homogène, mais, au-delà de l'intrigue principale, la grande valeur de The Big Bang réside dans les instants magiques dont il regorge.

Steven Moffat aime accorder un soin particulier aux détails, s'assurer de petites créations ou reconstitutions, à la marge, qui vont marquer un épisode et permettre sa pérennité dans la mémoire collective des fans. De scènes incontournables (comme l'arrivée du Docteur dans un accoutrement ridicule devant un Rory choqué et endueillé) en répliques cultes (telle "Feezes are cool"), d'échanges mémorables (le Docteur, en train de disparaître, à côté du lit d'Amy enfant) en petites informations "mythiques" du plus bel effet (la légende du soldat romain protégeant la Pandorica à travers les siècles), il est nécessaire de souligner à quel point The Big Bang réussit particulièrement bien cet aspect.

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En somme, ce series finale résume toutes les forces, mais aussi les quelques faiblesses, d'une saison 5 que j'aurais au final beaucoup appréciée. Le one-man-show offert à Matt Smith aura tenu toutes ses promesses ; il n'y a plus de qualificatifs assez dithyrambiques pour exprimer avec quelle réussite et quelle autorité cet acteur se sera progressivement affirmé au fil de la saison. Magistral de versatilité, riche en nuances et en paradoxes, mêlant légèreté et côté plus sombre, il aura paradoxalement, à terme, fait un peu d'ombre à ses compagnons. Non pas qu'Amy soit un personnage inintéressant, carelle forme un duo détonnant avec le Docteur ; mais dans les derniers épisodes, je ne pouvais m'empêcher d'attendre avec beaucoup d'anticipation les scènes où Eleven, seul, pourrait laisser libre cours à sa nature de Time Lord, sans être canalisé. Aussi jubilatoire qu'attachant, Matt Smith aura été à la hauteur du défi qui lui était posé. Bravo à lui.

Steven Moffat aura quant à lui marqué ses distances avec les codes classiques de Russell T. Davies. Il n'aura accepté l'héritage laissé que sous bénéfice d'inventaire, et aura entrepris la re-écriture de certaines des conventions de la série. Sous son impulsion, Doctor Who s'est rapproché d'une féérie fantastique, où le merveilleux se dispute à une facette sombre qui ne saurait être occultée. La série aura ainsi souvent exploité l'esprit des contes de fées, se plaisant à stimuler l'imaginaire d'un téléspectateur conquis par cette atmosphère magique.

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La conclusion de cette saison 5 constitue une nouvelle étape dans la réappropriation de cette mythologie par Steven Moffat. En effet, ce series finale n'est pas une véritable résolution. Il laisse au contraire en suspens plus d'interrogations que de réponses, ouvrant déjà les pistes principales de la sixième saison. Le Docteur a certes empêché la fin de l'Univers, mais il ignore ce qui a pu entraîner le Tardis en 2010 et provoquer son explosion. Il ne sait pas quelle force agit ainsi dans les coulisses de la Création, quelle est cette voix qui appelle au "silence". Le fil rouge de la saison n'est qu'une bataille dans une guerre plus vaste qui reste à conduire. En cela, Steven Moffat rompt avec les habitudes de son prédécesseur : la saison 5 ne constituera pas à un tout. Plus ambitieux, c'est un arc global trans-saisons que le scénariste veut construire.

Et dans cet arc global, un autre personnage appelé à jouer un rôle central sera assurément River Song. Figure entourée de mystères, elle et ses "spoilers" auront une place dans la saison à venir, qui apportera peut-être quelques unes des réponses tant attendues la concernant, à commencer par savoir qui elle est et comment le Docteur et elle se sont rencontrés. Est-elle liée, d'une façon ou d'une autre, au "silence" ?

La saison 5 se conclut donc avec presque autant d'incertitudes en suspens qu'au cours de la saison. Il reste cependant une satisfaction, bouclant symboliquement le voyage initiatique entamé lors du premier épisode : le mariage de Amy et Rory a bien lieu, à la date prévue. Chacun a désormais mûri à travers les évènements de la saison : il marque une entrée dans la vie adulte, mais, signe d'une paix intérieure, d'une maturité nouvelle, il n'entraîne pas une rupture avec l'appel au fantastique émanant de l'univers du Docteur. La réalité et le merveilleux ne sont plus antinomiques, comme ils l'étaient par le passé. Le jeune couple a embrassé ce monde ; leur décision de suivre le Docteur, à la fin de l'épisode, en est l'illustration.   

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Bilan : Dans ses forces comme dans ses faiblesses, The Big Bang est un épisode s'inscrivant pleinement dans la lignée de la saison. Étrangement déstabilisant dans sa construction narrative, stimulant dans son enchaînement des évènements, marquant par les petits détails et autres répliques cultes dont il regorge, il porte l'empreinte de Steven Moffat jusque dans sa résolution, en rupture avec le schéma traditionnel des series finale de Doctor Who. Ouvert sur la suite, il poursuit la construction d'une mythologie autour de ce "silence", autour de River Song également. Une mythologie au sein de laquelle l'explosion du Tardis n'est qu'une péripétie parmi d'autres. Ce dernier choix scénaristique ambitieux ne fera sans doute pas l'unanimité, mais je garderai un bon souvenir de cette saison 5, illuminée par un Matt Smith absolument fantastique dont il faut louer et applaudir les performances.

Et dire qu'il va désormais falloir attendre Noël !... Mes semaines téléphagiques à venir vont me sembler bien vide.


NOTE : 9/10

01/07/2010

(Pilote UK) Rev. : it's hell being a vicar...

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Du Vicar of Dibley à Father Ted, on peut probablement affirmer qu'il existe une certaine tradition britannique à développer des "comédies cléricales". La télévision anglaise s'est déjà passablement amusée à mettre en scène, de la plus improbable ou caricaturale des manières, ses hommes d'Eglise. Si bien que le sujet de la dernière nouveauté diffusée sur BBC2 pour cet été n'apparaissait pas particulièrement original, même s'il proposait une modernisation de ces classiques. Si le parallèle instinctivement fait par le téléspectateur s'établissait plutôt avec The Vicar of Dibley au vu du seul synopsis, par la tonalité adoptée dans son pilote, Rev. marque immédiatement une certaine distance avec ses prédécesseurs, s'inscrivant dans un registre plus mesuré, et en un sens, plus réaliste.

En ce qui me concerne, la seule présence de Tom Hollander (également créateur de la série, aux côtés de James Wood) suffisait à attiser ma curiosité, de sorte que la découverte du pilote, diffusé ce lundi soir outre-Manche, s'imposait d'elle-même. Cette première saison de Rev. comportera 6 épisodes, d'une durée d'une demi-heure chacun.

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Rev. raconte l'acclimatation urbaine (mouvementée) du Révérend Adam Smallbone : en provenance d'une petite paroisse rurale, le voilà nouvellement promu à St Saviour, dans l'Est de Londres, au sein d'une communauté éclatée où le manque de dynamisme des paroissiens viendrait rapidement à bout des efforts les plus patients. Au-delà du quasi-désert hebdomadaire que constitue le service religieux, Adam doit gérer les sollicitations les plus diverses, notamment des demandes de faveur défiant son sens moral pouvant provenir de fidèles fréquentant l'église, mais aussi d'opportunistes découvrant soudain un intérêt surprenant pour la foi. Il faut alors au révérend beaucoup de bonne volonté, une sacrée dose d'humilité et des compromis constants pour gérer ce quotidien pas toujours de tout repos.

Outre des paroissiens envahissants et hauts en couleurs, ne mesurant pas toujours ce qu'ils exigent, Adam peut heureusement compter sur quelques soutiens à géométrie variable. L'aide la plus précieuse est sans doute celle apportée par son épouse, Alex. Si cette dernière, avocate menant sa propre carrière professionnelle, ne rentre pas dans les stéréotypes traditionnellement associés à l'image de la femme d'un révérend, elle fait cependant des efforts pour s'adapter ; ce qui rend finalement leur association des plus rafraîchissantes. Les collègues d'Adam sont en revanche plus réservés. Nigel l'assiste dans la gestion de la paroisse, tout en rêvant de promotion et de se trouver, un jour, à sa place. Enfin, son supérieur hiérarchique direct, avec ses objectifs chiffrés et ses analyses sans concession, maintient une pression constante sur le Révérend, reproduisant ironiquement des schémas de management pas si éloignés du style mafieux.

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Je dois dire que le résultat proposé par le pilote de Rev. est assez différent de ce à quoi je m'attendais. La série opte en effet pour une approche relativement réaliste de la fonction de révérend dans notre société moderne sécularisée. Loin d'être une simple sitcom, qui s'amuserait de ses excès et exploiterait les potentielles situations improbables que cette situation peut générer, Rev. se révèle beaucoup plus mesurée. Adoptant une tonalité cynique et désabusée à souhait, la série s'inscrit dans une tradition d'humour noir feutré, où les passages prêtant à sourire sont mis en scène de façon plus subtile. Si certains dialogues s'avèrent effectivement décalés à souhait, on reste toujours dans une froide retenue. Le téléspectateur y perçoit d'ailleurs sans difficulté les efforts des scénaristes pour essayer de dresser un portrait juste, pas si éloigné de la réalité, d'une paroisse populaire anglicane.

Rev. ne provoquera donc pas de rires aux éclats chez ses téléspectateurs. Le pilote s'installe en douceur, introduisant les paroissiens et nous présentant le quotidien d'Adam. La qualité d'écriture est un peu inégale, certaines scènes traînant un brin en longueur. Cependant, l'épisode contient plusieurs échanges inspirés, cocasses à souhait et dont les décalages sont parfaitement mis en lumière par un personnage principal rendu attachant par ses doutes et sa volonté de bien faire. Adam n'a pourtant rien d'un utopiste ; il est bien conscient des exigences de pragmatisme imposées par la société de son temps. Le dilemme va alors être de déterminer où se situe la ligne jaune à ne moralement pas franchir. L'exemple du jour, la réparation du vitrail brisé, est une illustration qui indique bien vers quelle voie des péripéties du quotidien la série pourra se développer.

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La thématique principale de Rev. s'avère finalement être des plus classiques : Adam est certes un homme de Dieu, mais il reste aussi un être humain, avec ses préoccupations, ses mauvaises habitudes (la boisson notamment) et ses failles. Il n'a rien d'un modèle infaillible, et c'est sur cette dichotomie, entre l'image idéalisée à laquelle renvoie la fonction et ce quotidien beaucoup plus terre à terre, que la série investit, avec une certaine réussite (exemple de dialogue : "je propose de réciter nos prières tout doucement... pour ceux qui auraient la gueule de bois ce matin"). Il se dégage du tableau présenté par Rev. une ambiance finalement assez attachante, dans laquelle la dimension humaine occupe une place déterminante. Sans provocation inutile, ni réelle révolution dans l'approche de son sujet, la série trouve progressivement un rythme, conservant un caractère mesuré qui n'empêche pas les petites piques et situations plus cocasses qui prêteront à sourire.

Sur un plan technique, Rev. est un reflet de cette paroisse urbaine quelque peu en déshérence, ses images adoptant des couleurs plutôt sombres, mises en avant par une réalisation très sobre. La série peut également compter sur un casting des plus solides, emmené par un Tom Hollander (Wives and Daughters, Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics), tout en nuances, en grande forme. A ses côtés, le téléspectateur familier du petit écran britannique retrouvera notamment Olivia Colman (Green Wing, Beautiful People), Miles Jupp, Simon McBurney ou encore Steve Evets (Five Days).

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Bilan : Rev. se situe un peu à la croisée des genres, comédie sombre flirtant avec le réalisme et une réelle volonté de décrire le quotidien moderne d'un révérend. C'est l'homme derrière la fonction qui intéresse la série, s'appliquant à souligner les dilemmes auxquels il doit faire face.

S'il laisse entrevoir un certain potentiel, ce premier épisode reste cependant trop timoré pour réellement s'imposer. Le téléspectateur regrettera en effet le peu de prise de risque d'une histoire qui suit finalement un chemin très balisé. On perçoit parfois les hésitations des scénaristes pour atteindre le juste équilibre dans la tonalité de leur série ; mais il est logique que le pilote permette également certains réglages.

Au final, cela n'est pas déplaisant à suivre. On s'attache facilement. Il manque seulement un soupçon de piquant pour réellement accrocher le téléspectateur. Mais je veux bien laisser à la série un peu plus de temps pour s'installer.


NOTE : 6,5/10


Des previews :


26/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 12 : The Pandorica Opens

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Première partie du double épisode final, The Pandorica Opens réunit les différents fils conducteurs de la saison autour de la fameuse boîte mythique, tandis que la "prophétie" annoncée se réalise. Surprenant par son intensité et sa richesse, tant dans son contenu que dans ses tonalités, c'est un petit bijou d'épisode qui nous est offert par Steven Moffat. Le tour pris par ce fil rouge se révèle être une initiative ingénieuse, si bien qu'au sortir de ces 40 minutes proprement jubilatoires, le téléspectateur n'espère qu'une chose : que la seconde partie s'inscrive dans cette droite lignée et que Doctor Who conclut sa saison 5 sur un magnifique finale à la hauteur d'une saison 5 qui aura recelé de scènes et dialogues mémorables.

(Pour l'occasion, je vous avoue qu'il m'a été difficile de trier parmi mes screen-captures, mais profitons plutôt pleinement de cet avant-dernier épisode.)

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Le pré-générique constitue à la fois une forme de bilan et un bel hommage à l'ensemble de la saison et aux personnalités extérieures qui ont pu bouleverser le quotidien du Docteur. L'épisode s'ouvre en effet sur un long passage de témoins, entre les différents protagonistes majeurs croisés depuis dix épisodes, afin de faire parvenir au Docteur un objet qui ressemble fort à un avertissement.

Tout part de Vincent Van Gogh, figure décidément incontournable, dont la perception particulière des choses lui permet de recevoir des images traumatisantes, qu'il retranscrit dans un tableau. Ladite peinture est découverte, quelques décennies plus tard, par les Alliés, durant la Seconde Guerre Mondiale et, authentifiée comme un Van Gogh, arrive jusqu'à Churchill, qui identifie immédiatement le destinataire du message contenu dedans. Le Premier Ministre britannique ne réussit cependant pas à contacter le Docteur à travers son téléphone "spatio-temporel", mais il tombe en revanche sur River Song  dans sa prison. Le temps d'une évasion et d'une récupération de tableau plus tard, avec cambriolage dans un musée et rencontre avec Liz X, l'inoubliable "bloody Queen", et voilà River en route pour établir un contact avec le Docteur afin de lui remettre cet objet qui traverse les siècles, les millénaires même, sous l'impulsion de ses amis.

Pour le téléspectateur qui assiste à cette union, par-delà le temps et l'espace, d'inconnus dont le seul dénominateur commun est le Docteur, cette introduction s'apparente un peu à une récompense pour l'intégralité de cette saison 5. Au-delà de la trame narrative utilisée en fil rouge, c'est l'occasion de souligner à quel point tout s'emboîte et chaque pièce du puzzle paraît naturellement prendre sa place.

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Finalement, River "vandalisera", dans son style inimitable, la montagne sur laquelle est supposée inscrite la plus vieille écriture de l'univers, donnant rendez-vous au Docteur dans l'Antiquité, dans une Angleterre à l'époque occupée par les romains. Sous ses atours de Cléopâtre (rien de moins), l'énergique aventurière a établi ses quartiers dans le camp militaire d'une légion.
Elle remet  alors (enfin) la tableau au Docteur. Si le message exprimé y est inquiétant, cela n'apprend rien à ce dernier qu'il ne connaîtrait pas déjà sur le sort du Tardis. L'explosion qui va déstabiliser l'univers, créant ces failles spatio-temporelles que l'on subit depuis le début de la saison, le Docteur en connaît déjà l'origine : son vaisseau. La peinture de Van Gogh en est une représentation. Sans en donner la cause, elle contient cependant une indication spatio-temporelle supplémentaire, cette Angleterre antique.

Mais bien plus que ce qu'il sait ou devine, ce qui inquiète le Docteur, c'est ce qui semble lui échapper avec constance. Si l'appel de cette boîte mythique qu'est la Pandorica est parvenu jusqu'à Van Gogh, comment se fait-il que lui, Time Lord, n'est rien ressenti ? Comment se fait-il qu'il ne perçoive toujours rien alors que nombre de ses ennemis semblaient, cette saison, connaître un élément qui demeure insaisissable ? Il lui manque une pièce fondamentale du puzzle, et il en est chaque épisode plus conscient et plus inquiet.

C'est pourquoi "tout cela n'a pas de sens" semble la réplique résumant l'état d'esprit de nos héros durant tout cet épisode déjà passablement agité. D'autant plus que la Pandorica n'est qu'un volet d'une énigme manifestement plus vaste. Le Docteur reste ainsi interdit en découvrant l'arrivée en sauveur, semblable à un parfait soldat romain, d'un compagnon pourtant tombé au champ d'honneur, Rory. Le jeune homme apparaît fidèle à lui-même, vivant, mais... romain. Les interrogations s'enchaînent, sans que le Time Lord ne parvienne à apporter la moindre réponse. C'est une certaine frustration qui culmine ainsi dans un épisode où tout paraît finalement, a posteriori, avoir été une agitation aussi stérile qu'inutile.

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Construit de manière diablement efficace, le mystère s'épaissit au fil de l'épisode, le Docteur étant de plus en plus conscient que quelque chose cloche. Les questions autour de la situation d'Amy, laissées en suspens en début de saison, refont surface avec plus de force : qui était cette enfant curieuse perdue dans cette grande maison... Amy qui a toujours eu une passion pour la période romaine - ou plutôt, les romains - et dont l'histoire préférée de jeunesse était celle portant sur la boîte de Pandorre. Est-ce que cela ne peut être qu'un simple hasard si nos voyageurs se retrouvent dans cette époque fantasmée par la jeune femme, confrontés à un mythe, la Pandorica, qui rappelle étrangement cette légende terrienne ?

Le Docteur ne croit pas aux coïncidences. Mais il est contraint de continuer à réagir en fonction des évènements, sans avoir réellement d'emprise sur eux. Nos trois voyageurs découvrent ainsi les premiers la Pandorica, dont l'ouverture progressive envoie un signal semblable à une surpuissante balise de localisation à travers le temps et l'espace. Encore une inconnue de plus à l'équation qui se joue, car de la légende qui entoure la boîte, le Docteur ne connaît que quelques bribes, qu'il n'avait considéré que comme pure fiction jusqu'à présent.

Cependant, l'évidence s'impose d'elle-même : ce qu'elle contient potentiellement doit assurément attiser la convoitise, pouvant peut-être rompre l'équilibre des forces au sein de l'univers. Or, pendant combien de temps la Pandorica, en amorçant son processus d'ouverture, a-t-elle émis son signal ? Lorsque River scanne l'espace terrien, une fois à Stonehedge, elle découvre, effarée, une planète assiégée de toute part par des vaisseaux... représentant plus ou moins toutes les races que le Docteur a eues à affronter jusque là.

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The Pandorica Opens défie nos réflexes Whonesque, en s'imposant comme un épisode atypique. En effet, il renverse les canons scénaristiques, remettant en cause cette figure du Time Lord souvent quasi-omniscient. Rien ne paraît avoir de sens et le Docteur est, exceptionnellement, incapable de comprendre le tableau d'ensemble qui se dessine sous ses yeux. Il convient de souligner l'admirable maîtrise narrative d'un récit où la tension monte peu à peu jusqu'à la fin. Cette multiplication des questions conduit, de façon naturelle, aux révélations contenues dans un cliffhanger, haletant autant que frustrant, qui laisse le téléspectateur trépignant devant sa télévision.

Si presque toutes les races contre lesquelles a pu se dresser le Docteur se retrouvent en orbite autour de la Terre, ce n'est pas seulement pour offrir au téléspectateur une explosion finale à la mesure du challenge ainsi posé. En effet, soudain, ce sont toutes les certitudes de l'univers whonesque qui vascillent quand est dévoilée la réelle machination à l'oeuvre, prenant à rebours nos anticipations les plus folles. Imaginez l'inimaginable. Une alliance. Entre des êtres que tout opposerait a priori. Pour sauver l'univers de l'anéantissement et, surtout, d'une non-existence effrayante. Une union contre la cause identifiée de leur perte : le Docteur. Ou plutôt son Tardis, dont l'explosion est à l'origine de cet Armageddon.

Par une ambitieuse et brutale ironie, les rôles s'inversent le temps d'une aventure : le sauveur du monde devient son bourreau, tandis que les exterminateurs traditionnels s'emploient à sauver son existence. Quoi de plus jubilatoire et innovant que cet ultime twist scénaristique, superbement amené par Steven Moffat ?

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The Pandorica opens est au final une aventure rythmée, dont le point fort réside surtout dans la richesse d'un contenu attrayant et subtile, maniant, avec une versatilité divertissante, une diversité volatile des tonalités, enchaînant ruptures de rythme et renversements incessants. Cela donne au final des scènes proprement jubilatoires, qui sont un vrai plaisir à suivre.

Parvenant à passer sans accroc du rire aux larmes, de la détente au drame, cet épisode est habilement ciselé. La re-introduction de Rory illustre parfaitement cet irréel passage de l'euphorie à la déception. Si le jeune homme joue les sauveteurs avec panache, les retrouvailles n'ont rien du rêve espéré. Le Docteur met quelques minutes (dans son style inimitable) à se rendre compte de la situation, tandis que les souvenirs d'Amy ne reviennent pas instantanément de manière miraculeuse, quand son regard croise celui de son ex-fiancé. Finalement, Rory s'attèlera à abattre la barrière de l'oubli, pour, malheureusement, finalement mieux nous offrir de déchirants adieux, lorsque tout est révélé.

Enfin, en attendant la suite, il faut souligner que l'épisode recèle de passages mémorables, dans lesquels Matt Smith peut s'en donner à coeur joie, dans un rôle souvent lunaire à souhait, mais démontrant également un panache hors du commun, comme lors de son discours à l'attention des vaisseaux aliens survolant les lieux. 

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Bilan : Episode jubilatoire, sachant passer du rire aux larmes en un instant, The Pandorica opens est une véritable réussite. Cette alliance, inattendue, de tous ses ennemis contre le Docteur, au nom d'une cause commune que le Time Lord partage en réalité, bouleverse les vérités de l'univers Whonesque. Ironique et paradoxale redistribution des cartes que cette conclusion, alors que dans le même temps, River perd le contrôle du Tardis, ne pouvant empêcher l'évènement peint par Van Gogh, redouté toute la saison, de se réaliser.

Ne reste à espérer qu'une chose : que la seconde partie soit dans cette même veine ! Réponse ce soir.


NOTE : 9,5/10