Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/07/2011

(US) A la Maison Blanche (The West Wing) : Hommage personnel à une grande série

 twwa.jpg

Hier soir, j'ai ressorti un des premiers, si ce n'est le premier, coffret DVD de séries que j'ai acheté, pour une célébration un peu particulière. Car en ce mois de juillet 2011, je fête un anniversaire d'un genre à part : il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Certes, je regardais déjà beaucoup de séries auparavant. Mais un tournant s'est produit cette année-là, une prise de conscience. Au cours de l'été 2001, le vendredi soir en deuxième partie de soirée, France 2 diffusa la première saison d'une série créée en 1999 et qui connaîtra en tout 7 saisons sur la chaîne américaine NBC : A la Maison Blanche (The West Wing).

C'est étrange comme la mémoire humaine fonctionne, car je me souviens encore distinctement de cette soirée estivale. Ou plutôt du frisson, entre vertige et jubilation, qui accompagna mon visionnage du pilote. C'était une euphorie diffuse, unique, une sensation que je n'avais jamais éprouvée jusqu'alors devant aucune série. Ce soir-là, je me suis dit que si la sériephilie pouvait procurer ce genre d'émotions, si elle savait proposer ce type de créations, alors elle méritait qu'on s'y investisse sérieusement.

twwi.jpg

Lors du TV Meme, l'an dernier, je vous avais déjà confié qu'il n'y a pas de débat, ni d'hésitation, lorsqu'on me demande aujourd'hui quelle est ma série préférée : A la Maison Blanche s'impose comme une évidence. Elle m'a marqué plus que toute autre, et aucune fiction ne saura jamais rivaliser avec elle. Tout simplement parce qu'au-delà de ses qualités, il y a d'autres éléments purement conjoncturels qui ont installé cette série au sommet de mon panthéon personnel. A l'époque, j'avais 16 ans, une passion dévorante pour les États-Unis et une fascination pour la politique qui m'avait fait engloutir des rayonnages entiers de bibliographies de présidents américains. Un intérêt qui se faisait ressentir jusque dans les fictions : un des romans que j'ai le plus (re)lu cette année-là était Nulle part au monde, de Richard North Patterson.

Et puis, ma sériephilie même était encore en phase d'éveil et d'apprentissage, à la croisée des chemins. J'avais déjà regardé suffisamment de séries télévisées pour me construire un étalon qualitatif et une esquisse de sens critique, mais pas encore suffisamment pour être devenue cynique ou blasée. C'était une période charnière dans la construction de cette passion. La force d'A la Maison Blanche est d'avoir su parler aussi bien à mon coeur qu'à ma tête.

twwh.jpg

A la Maison Blanche a donné ses plus belles lettres de noblesse à la fiction politique, intimidant et servant désormais autant d'inspiration que de repère à tout un genre télévisuel. La génération des Borgen n'a-t-elle pas grandie devant cette oeuvre ? Ancrée dans le réel, elle a su s'adresser et toucher le téléspectateur-citoyen. Grâce au savoir-faire de ses scénaristes-orfèvres, elle a réconcilié le plus désabusé d'entre nous avec les ressorts et rouages d'une politique politicienne qui a soudain retrouvé un sens. La série fera toujours preuve d'une pédagogie consciencieuse, mais jamais rébarbatrice, restant constamment accessible à un public pas forcément familier des institutions américaines.

Si A la Maison Blanche a tant marqué, c'est aussi parce qu'elle n'a jamais hésité à aborder de manière frontale des thématiques sociales importantes, centrales dans les démocraties occidentales modernes. Ses sujets ont toujours paru très concrets. Jamais timorée, elle ne s'est pas défaussée devant les thèmes les plus sensibles ou difficiles. Elle n'a jamais avancé cachée, ne dissimulant pas le fait que parler politique, c'est effectivement émettre des opinions, pas forcément consensuelles. La série a toujours assumé son discours. Ses personnages ont argumenté, construit des réflexions, esquissé des réponses et prôné des principes et des valeurs, sans pour autant jamais s'égarer dans un élan moralisateur. Elle a su trouver ce bon dosage, cet équilibre si volatile, entre réalisme et idéalisme, pour faire vibrer la fibre particulière qui se trouve en chacun de nous : sans s'abaisser à un plus petit dénominateur commun hypothétique, elle nous a au contraire tous élevé dans son sillage.

twwg.jpg

A la Maison Blanche, c'est aussi un style d'écriture très reconnaissable et qui a forgé son identité. La série a été créée par Aaron Sorkin, un scénariste n'aimant rien tant que nous plonger dans l'envers du décor, comme l'illustrent ses autres séries, de Sports Night à Studio 60 on the Sunset Strip. Les quatre premières saisons portent indéniablement sa marque. Son départ bouleversera l'équilibre originel de l'oeuvre, mettant à mal ses fondations. Après une saison 5 hésitante et troublée, la plus faible des sept, la série retrouvera cependant ensuite une seconde vie, s'épanouissant dans un autre registre, au cours de ses deux dernières saisons qui complètent finalement pleinement le cycle politique et humain qu'elle nous aura fait vivre.

Ses fameuses "réunions pédestres", survoltées, hantant les couloirs de l'aile ouest resteront une des images caractéristiques à laquelle demeure associée la série, jusque dans cette parodie célèbre de Mad Tv qui les met en scène. En effet A la Maison Blanche est une série qui parle beaucoup, mais qui n'ennuie jamais. Ses dialogues admirablement ciselées, déclamés suivant un débit à donner le vertige, reflètent une maîtrise de l'écriture proprement jubilatoire pour un téléspectateur qui se laisse emporter. Alternant le sérieux mais aussi l'humour, cette série m'aura fait pleurer de tristesse, mais aussi de rire. La dureté des drames de certains épisodes trouve son pendant parfait dans la légèreté d'autres (ah, le plan secret de Josh pour lutter contre l'inflation !). S'épanouissant dans cette narration sur-dynamique, la série requiert une concentration de tous les instants pour être visionnée en version originale. Mais voyez-vous, ce sont justement les scénaristes de ce calibre, Aaron Sorkin, David E. Kelley, Amy Sherman-Palladino qui m'ont fait devenir sériephile.

twwd.jpg

Souvent brillante par sa façon d'aborder ses sujets, A la Maison Blanche n'en a pas pour autant négligé sa dimension humaine. Si elle a pu fidéliser les téléspectateurs, c'est en partie grâce à une galerie de personnages, hauts en couleur et attachants, qui auront tous su s'imposer. Certes, tout ne fut pas toujours parfait. Mais le point fort de la série aura été de savoir générer un véritable esprit d'équipe, en installant une complémentarité et, surtout, une complicité naturelle et instinctive à l'écran au sein de ce groupe si soudé et vivant. Les relations de travail, mais aussi d'amitié, ont toujours efficacement gérées ; et si les rapports plus sentimentaux ont pu être plus hésitants, voire maladroits, la série aura su mener à terme et récompenser ses plus fervents shippers, bouclant ainsi la boucle de la plus satisfaisante des manières.

Autour de cette figure présidentielle quasi-idéale, mais pourtant très humaine et donc faillible, incarnée Jed Bartlet, A la Maison Blanche rassemble un staff, porté par une dynamique propre, que l'on prendra toujours plaisir à retrouver. Leo, Josh, Donna, C.J, Toby, Sam, Charlie... Ils ont tous eu une place. Leo fut la voix de la sagesse, C.J., un modèle de pragmatisme et de sang-froid. Josh représentera l'arrogance et la brillance des élites démocrates, tandis que le caractère de Toby restera légendaire. La pointe d'idéalisme de Sam, le bon sens de Donna, le regard neuf de Charlie, étranger à cette sphère politique, constitueront autant de portes d'entrée pour le téléspectateur, de points d'accroche dans une fiction qui aura compris qu'il ne faut jamais perdre de vue l'importance des personnages, qui sont le coeur d'une oeuvre, aussi solide que puisse être le sujet de départ.

twwe.jpg

Par ailleurs, la force d'A la Maison Blanche a aussi été de réunir un casting cinq étoiles qui saura proposer une interprétation des plus solides, à la hauteur des scénarios. Débutant avec un groupe de rêve, composé de Martin Sheen, John Spencer (La loi de Los Angeles), Allison Janney (Mr Sunshine), Bradley Whitford (Studio 60 on the Sunset Strip, The Good Guys), Richard Schiff (Past life), Rob Lowe (Brothers & Sisters, Parks & Recreation), Janel Moloney et Dulé Hill (Psych), on y croisera dans les saisons suivantes Stockard Channing (Out of Practice), Joshua Malina (Sports Night), Jimmy Smits (La loi de Los Angeles, New York Police Blues, Cane), Kristin Chenoweth (Pushing Daisies) ou encore Alan Alda.

Mais A la Maison Blanche, ce fut aussi de très nombreuses apparitions en guest-stars de visages déjà familiers du petit écran ou qui le deviendraient plus tard : Mary-Louise Parker (Weeds), Edward James Olmos (Battlestar Galactica), Elisabeth Moss (Mad Men), Gary Cole ou encore Jorja Fox (Les Experts) et Emily Procter (Les Experts Miami).

twwc.jpg

Enfin, et c'est aussi pour cela qu'elle est si importante : A la Maison Blanche demeure irrémédiablement attachée à ce tournant du XXIe siècle aux États-Unis. Elle n'est pas vieille, puisqu'elle a été diffusée de 1999 à 2006. Mais elle est pourtant précisément datée et conservera toujours le parfum de son époque. Tour à tour contre-utopie, puis reflet-écho de la société américaine, la fiction a su rejoindre ou croiser le fer avec la réalité, supportant les comparaisons comme peu de fictions en sont capables. Elle s'est imposée et a marqué dans un contexte particulier. Si elle sera à jamais associée à Jed Bartlet, c'est aussi parce que l'idéalisation de cette figure sera sortie grandie du contraste avec la réalité offerte par son homologue texan d'alors. Plus généralement, c'est la série qui a su proposer le didactique et pédagogique Isaac & Ismaël dans les semaines immédiates qui ont suivi le 11 septembre.

Cependant, A la Maison Blanche n'a pas été seulement un refuge utopique démocrate dans une Amérique républicaine, ou une illustration de la supposée existence de deux Amériques, elle a aussi été, jusqu'au bout, une anticipation de politique fiction aboutie et, en un sens, visionnaire. Car cette série s'est conclu avec l'accession à la présidence de Matt Santos, figure construite sur le modèle et en s'inspirant de celui qui était alors seulement sénateur de l'Illinois, un certain Barak Obama. Tous les parallèles facilement identifiables entre ces deux politiciens, le premier fictif, le second réel, les verront partager jusqu'à leur destinée, empruntant la même route qui les conduira jusqu'à la Maison Blanche. En 2006, sur NBC, Matt Santos sera élu président des Etats-Unis, dans la dernière et septième saison de la série qui tira ainsi sa révérence ; en 2008, viendra le tour de Barak Obama.

twwb.jpg

Bilan : Brillante et inspirante, traversée par une dynamique grisante, A la Maison Blanche est une grande série. De celles qui marquent durablement non seulement le petit écran, mais aussi le genre qu'elle a investi, démontrant toute l'étendue et les possibilités offertes par la fiction politique. Pour sa représentation de la société américaine, pour son parfum d'idéalisme qui aura su redonner foi au téléspectateur-citoyen, pour tous ces instants jubilatoires qu'elle nous aura faits vivre, pour ces discours que l'on aurait tant voulus, nous aussi, applaudir, A la Maison Blanche demeure incontournable, un de ces phares du paysage téléphagique.


Je n'ai plus 16 ans. J'ai vu depuis, au cours des années qui ont suivi, des centaines, des milliers de séries... Ma consommation télévisuelle actuelle n'a plus grand chose à voir avec mes programmations d'alors à prédominance américaine NBC-ienne. Mais je vais vous confier un secret : hier soir, j'ai re-visionné le pilote d'A la Maison Blanche et une chaleur particulière a envahi mon coeur. Il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Et j'en suis toujours fière.


NOTE : 9,5/10


Le générique de la série :

27/06/2011

(US) Game of thrones (Le trône de fer), saison 1 : You win or you die.

 gameofthrones.jpg

La saison américaine 2010-2011 s'achève tout juste en ce début d'été, et avec elle, la première saison de celle qui s'est révélée comme une des meilleures - et ma préférée - de ses nouveautés : Game of Thrones (Le trône de fer). Lors de ma critique déjà très enthousiaste du pilote, j'avais replacé tout l'enjeu et le contexte qui sous-tendaient cette adaptation d'une des grandes sagas littéraires de fantasy encore en cours (4 tomes à ce jour sortis, le cinquième est prévu pour ce mois de juillet aux Etats-Unis, l'intégrale devant normalement comporter 7 volumes). La pression était forte, le challenge compliqué... si bien que la réussite n'en est que plus savoureuse !

Au vu du déroulement de cette première saison, où la qualité, mais aussi l'intensité, auront été constantes, je ne doute pas que la saga aura glané au passage plus qu'une poignée de lecteurs que la perspective d'une longue attente avant la saison 2 (laquelle a - heureusement - été très rapidement commandée) galvanise tout autant que les émotions fortes procurées au cours de ces dix premiers épisodes. En ce qui me concerne, Game of Thrones n'aura pas simplement rempli toutes mes attentes, la série aura bel et bien dépassé mes espoirs. C'est quelque chose de tellement rare que je me suis même surprise à regarder plusieurs fois - avec toujours autant de saveur - certains épisodes. 

gameofthrones2n.jpg

Si la première scène de la série introduisait une menace lointaine semblable à une épée de Damoclès pesant sur tout le continent de Westeros, l'histoire de Game of Thrones reste en cette première saison avant tout une lutte de pouvoir. Sur l'échiquier impitoyable du trône du fer, chaque pion se place et chaque coup se révèle létal pour le perdant. D'alliances en trahisons, les rapports de force se redessinent sans cesse modelant les batailles à venir. Tout en nous plongeant dans un univers très complexe, l'ensemble n'en demeure pas moins accessible : sa densité fascine, notamment parce qu'elle oblige à recourir à une grille de lecture des conflits à plusieurs niveaux. Les grandes maisons focalisent les attentions, déclenchant de vastes engrenages. Mais chaque protagoniste, chaque choix fait, apparaît comme autant de contributions à la partie qui a commencé il y a deux décennies ; et ceux qui veillent dans l'ombre sur leurs propres agendas sont tout aussi déterminants.

La réussite de l'adaptation va être d'avoir su capter l'âme et la force du récit d'origine. L'ensemble acquiert rapidement une véritable dimension épique prenante et intense. Dans cette course au trône, aucune alternative n'existe, comme le comprendront trop tard certains : seule la mort attend le vaincu. Au-delà de la multiplicité des camps en présence, la force de cette mise en scène doit beaucoup à une approche dénuée de tout penchant manichéen. Les parallèles faits avec certaines oeuvres littéraires (et sériephiles) comme Les rois maudits me semblent assez bien refléter cet aspect. Et si le téléspectateur éprouve une inclinaison naturelle pour les Starks, force est de constater rapidement que chacun oeuvre pour des intérêts qui ont tous, de leur point de vue personnel, une forme de légitimité indéniable. Que leurs actions se fondent sur l'honneur, la vengeance ou au nom du sang familial, tout est enveloppé dans un voile de pragmatisme qui brise les stéréotypes. La fresque qui prend forme peu à peu devant nos yeux ne comporte ni noir, ni blanc... constamment en mutations, elle n'est que nuances...

gameofthrones2b.jpg

C'est par la richesse de ces destinées personnelles qui s'entrechoquent que Game of thrones assoit sa légitimité de grande saga de fantasy. Retranscrire l'ampleur des enjeux impliquait de savoir gérer une vaste galerie de protagonistes : c'est le cas ici, le nombre impressionnant ne faisant pas obstacle à ce que la psychologie de chacun soit travaillée. Se jouant des codes traditionnels, les personnages transcendent et dépassent souvent les simples canons du genre. Cela leur confère une authenticité qui leur permet de sonner justes jusque dans leurs failles et leurs impulsions irréfléchies. Non seulement, ils ne sont pas unidimensionnels, mais ils ne sont pas non plus figés. C'est sur les plus jeunes que la saison pèse le plus, les voyant perdre leur innocence initiale : s'adapter, c'est survivre aux épreuves qu'ils doivent affronter. Mais qu'ils soient honorables ou méprisables, grandioses ou pathétiques, brillants ou aveuglés par leurs émotions, tous ces personnages s'imposent immédiatement avec force à l'écran, galerie bigarrée qui retient assurément l'attention d'un téléspectateur captivé et charmé.

Cette mise en scène de l'ambivalence de ces protagonistes hauts en couleurs va même légitimer l'adaptation : la série apporte sa propre valeur ajoutée, même pour quelqu'un connaissant l'univers par le livre. Alors que les romans offrent des chapitres contés suivant le point de vue particulier et biaisé d'un personnage, la série, avec sa vision d'ensemble extérieure, objectivise les évènements. Le lecteur redécouvre ainsi, sous un jour presque différent, tel ou tel passage important. Non seulement des vérités sautent soudain aux yeux, mais en plus des personnages peu mis en valeur dans le premier tome bénéficient d'un tout autre traitement, et dévoilent très vite leur potentiel en gagnant considérablement en épaisseur. C'est par exemple le cas pour Jaime Lannister auquel il faut plusieurs tomes pour acquérir une autre étiquette que celle du "Régicide" introduit par un acte si choquant au tout début, qu'il en aura marqué plus d'un. Dans la série, le personnage est immédiatement bien plus soigné et donc nuancé. De même, l'avènement de Robb, pas seulement vu à travers le regard maternel, prend une dimension supplémentaire vraiment galvanisante.

gameofthrones2l.jpg

De manière générale, Game of Thrones atteint une maîtrise de sa narration impressionnante et aboutie. Commençant plutôt dans l'exposition, afin que chacun puisse situer enjeux et protagonistes, la suite de la saison se construit en allant crescendo, pour atteindre un souffle et une tension aussi jubilatoires qu'éprouvants dans son dernier tiers. Le téléspectateur (peut-être celui qui est familier des livres y est-il plus sensible) reste fasciné par sa faculté à sélectionner avec soin les informations à partir d'une base excessivement dense : on perçoit le choix minutieux fait de chaque scène, de chaque dialogue. C'est ce qui va permettre de jongler avec fluidité entre tous ces lieux et toutes ces intrigues. Les scénaristes sont parvenus à capturer l'essence même du récit, en préservant son esprit, mais tout en sachant le rendre accessible à l'écran : l'explicite côtoie le symbolique, mais aussi des éléments simplement suggérés implicitement. Un vrai délice.

Pour ne pas totalement verser dans la critique dithyrambique uniforme, quelques points éventuellemet discutables peuvent être soulevés. Parmi les choix de scènes, il y a celui de ne nous montrer aucune bataille : la caméra se contentant des scènes avant/après. Cependant, cela ne m'a pas dérangé : à aucun moment, dans cette saison, cela n'affaiblit la portée du récit. Comme on touche ici à des problématiques également financières, j'aurais tendance à penser que dans la mesure où l'intensité et les enjeux ne sont pas amoindris, il n'y a rien à y redire. Plus discutable est en revanche la tendance aux scènes de sexe gratuite dans laquelle la série verse parfois. Certes, on est sur HBO, face à d'autres moeurs et civilisations... nulle surprise donc de les retrouver dans la série. Certaines se justifient même sans aucun problème ; en revanche, d'autres frôlent le racolage un peu facile et assez dispensable (le show organisé par Littlefinger par exemple).

gameofthrones2g.jpg

Totalement aboutie sur le fond, Game of Thrones l'est également sur la forme. Le défi que représente la fantay, c'est de parvenir à créer un univers médiévo-exotique qui garde une relative crédibilité à l'écran. La série s'en tire avec les honneurs. Non seulement, la réalisation est superbe, mais elle est aussi très intelligente. Ainsi, elle sait à l'occasion se jouer des limites budgétaires, en privilégiant notamment parfois les cadres serrés quand la présence d'une foule importante doit être suggérée. Elle va aussi se retenir de verser dans toute surenchère, nous offrant des scènes implacables dont la force réside justement par cette faculté à ne pas trop en faire. Bref, le téléspectateur se retrouve totalement immergé, de manière très convaincante, dans ces différents décors aux tonalités si dissemblables. Le tout s'accompagne d'une bande-son magnifique, qui apporte cette petite touche supplémentaire parachevant l'ensemble.

Enfin, Game of Thrones, c'est aussi un grand casting, extrêmement solide, qui va rendre justice aux personnalités fortes que la série transpose à l'écran. Parmi ceux qui m'ont vraiment marqué, Sean Bean est vraiment parfait pour le rôle d'Eddard Stark, apportant cette noblesse indéfinissable qu'il insuffle à chacun des personnages de fantasy qu'il joue. Peter Dinklage est caustique et jubilatoire comme j'en rêvais dans le rôle de Tyrion. La classe de Nikolaj Coster-Waldau sied de façon si naturelle à Jaime Lannister. Et du côté féminin, Maisie Williams incarne une Arya plus vraie que nature, tandis qu'Emilia Clarke dans la droite lignée de son personnage. Enfin, à titre personnel, je confesse ne pas être restée insensible au charme aux bouclettes noires de Kit Harington et de Richard Madden.

 gameofthrones2h.jpg

Bilan : A la fois féroce et magnifique, violente et épique, Game of thrones dispose de ce souffle rare qui construit les grandes épopées. La série signe une immersion convaincante et prenante dans un univers de fantasy complexe, où l'ambivalence règne, et dont elle va prendre la pleine mesure. Adaptation fidèle dans l'esprit comme dans son contenu, dotée d'une maîtrise narrative impressionnante, elle nous entraîne dans une lutte pour le pouvoir, impitoyable et létale, dont le froid réalisme marquera plus d'un téléspectateur. Cette série m'aura fait frissonner comme rarement devant mon petit écran : simplement superbe. A savourer.


NOTE : 9,25/10

Une bande-annonce de la série :

Le (superbe/somptueux) générique :

04/06/2011

(US) The Borgias, saison 1 : une ambivalente série, entre superficialité et humanité

pilote-us-the-borgias-jeux-pouvoir-impitoyabl-L-j92dy8.jpeg

Les voies de la télévision étant impénétrables (ou hautement stratégiques), les droits de The Borgias version Showtime ont été achetés, en France, par Canal +, laquelle doit nous proposer prochainement sa propre fiction sur le sujet, sobrement intitulée Borgia, signée Tom Fontana. Une façon d'éviter tout parasitage entre deux projets qui seront fatalement forcément comparés. Reste à déterminer comment traiter ce sujet a priori pimenté, mais auquel il faut savoir donner une consistance sur le long terme d'une, voire plusieurs saisons. En un sens, il y a presque trois décennies, la BBC avait déjà montré les écueils sur lesquels il était facile de s'échouer en s'attaquant à l'histoire d'une telle famille sur cette toile de fond italienne déchirée de la fin du XVe siècle.

Après les dix épisodes qui comportaient cette première saison, il est cependant temps de dresser un premier bilan, alors que la série a d'ores et déjà été renouvelée. J'ai suivi l'ensemble presque sans décalage, ce qui, en soit, plaide en faveur de The Borgias vu mes retards accumulés au cours du mois de mai. Pour autant, cette saison est loin d'avoir été exempte de défauts. L'enthousiasme des débuts a laissé placer à pas mal de frustrations, engendrées par des maladresses structurelles, caractéristiques d'une insuffisance d'ambition scénaristique assez dommageable. Pour autant, tout n'est pas à renier dans The Borgias ; et je pense suivre la saison 2.

 theborgias2b.jpg

Cette première saison est construite sur des bases narratives très académiques a priori efficaces. Elle propose un grand arc qui va sceller la confirmation de l'ascension des Borgias : de l'élection d'Alexandre VI jusqu'à une confrontation finale, face aux Français et au cardinal Della Rovore, que le pape, par une ultime manipulation et un dernier retournement, parvient à surmonter. Cependant c'est peu dire que la série aura pris des chemins parfois trop détournés pour nous narrer cette lutte de pouvoirs, cédant aisément à la facilité des mises en scène amoureuses trop creuses et déconnectées des réels enjeux. Le milieu de saison est un cap difficile à passer, tant le rythme de la série se ralentit au profit d'ébats un peu vains. Peut-être dix épisodes constituaient-ils une durée encore trop longue pour l'histoire envisagée, huit épisodes auraient sans doute suffi. 

Pourtant, on souhaiterait pardonner aux Borgias bien des soubressauts qualitatifs en raison de l'attrait que suscite le sujet traité. Parce que se laisser entraîner dans la géopolitique complexe de l'Italie éclatée en royaumes de l'époque a quelque chose d'assez grisant. Parce que, par éclipse, cette carte postale colorée qui nous est dépeinte laisse transparaître tout son potentiel ; mais les scénaristes ne sauront jamais prendre la mesure de ce tableau déchiré. En effet, dans ces jeux de pouvoirs létaux, The Borgias reste trop souvent dans le registre du folklore historique. Au-delà de quelques éclairs, poignée de dialogues qui sonnent justes et qui maintiendront toujours ce relatif espoir de voir la série aller au bout de son idée, les Médicis ou Machiavel resteront ces figures historiques, inhérentes au cahier des charges, mais traitées de façon caricaturale et distante, sans jamais vraiment trouver leur place. Cela donne à la mise en scène un côté un peu artificiel qui frustre les attentes du téléspectateur.

theborgias2c.jpg

Au fond, le problème principal de ces Borgias-là est un manque d'ambition et de vision de scénaristes archeboutés sur un concept qui leur a paru plus prudent de magnifier visuellement et esthétiquement, qu'en s'appropriant véritablement une histoire dont la complexité pouvait vite égarer. Pour autant, si ce sont mes regrets qui s'expriment par ces quelques lignes teintées d'amertume, il serait excessif de nier les atouts d'un série qui peut s'apprécier sur certains points. Certes l'intrigue politique et militaire qui amène à l'appel aux Français reste par trop linéaire, mais elle constitue cependant un fil rouge qui n'est pas déplaisant à suivre.

Mais au-delà de ce faste romain, la véritable force de cette fiction est ailleurs. C'est finalement par ses personnage que The Borgias a su retenir mon attention jusqu'au bout. S'ils ne sont pas toujours écrits de la manière la plus subtile qui soit, ils ont su plus sûrement que tout le reste m'impliquer dans leur destinée et les choix qu'ils ont pu faire. Car The Borgias est peut-être avant tout cela : une série sur l'ascension au sommet, ou plutôt, la survie d'une famille au sein de laquelle le patriarche nourrit suffisamment d'ambitions pour tous ses membres.

theborgiasa2.jpg

Chacun des protagonistes semble porté par ses propres ambivalences et ses paradoxes. Les rapports d'Alexandre VI à sa fonction demeurent aléatoires, profondément empreints d'une piété soudaine devant la charge qu'il occupe, mais n'hésitant jamais à faire preuve d'un pragmatisme et ne reculant devant aucune manipulation. Il aménage une forme de coexistence entre sa foi et une hypocrisie inhérente à ses choix qui rend le personnage difficile à cerner. De même, sa vision de sa famille oscille entre une finalité purement utilitariste et l'expression de sentiments paternels qui ne transparaissent qu'exceptionnellement. Ses rapports ambivalents avec Cesare constituent d'ailleurs une des dynamiques narratives les plus consistantes de la saison.

La frustration de ce dernier, confiné dans cette fonction d'homme d'église qu'il n'est pas, ne cesse de grandir, le conduisant peut-être encore plus sûrement vers cette voie sombre où il commandite sans sourciller des assassinats. Les sentiments guident pourtant toujours des actions qu'il exécute par contraste avec réel un sang froid : c'est une loyauté ou une dévotion envers ses points cardinaux qui le déterminent : sa famille, sa soeur, puis la belle Ursula. Le personnage qui évoluera le plus au cours de la saison sera incontestablement Lucrezia, l'adolescente chérie gâtée des débuts deviendra femme, les épreuves la fortifiant et lui faisant découvrir ce pragmatisme amoral qui n'est rien d'autre que l'instinct de survie dans cette société où, de par son statut, elle est contrainte d'évoluer. Et que dire de Juan, dont les désillusions de grandeur, ne font que le précipiter plus durement vers un douloureux retour à la réalité, les fanfaronnades ne suffisant plus lorsque la réelle lutte commence ?

theborgias2g.jpg

S'ils se déchirent entre eux de la plus intime et cruelle des façons, se faisant souffrir tant par leurs natures différentes que par leurs caractères propres, ils demeurent unis dans l'adversité de cette Italie qui rêve de les voir déchus. C'est sans doute ici que se trouve la fascination que peut exercer la série : c'est dans ces convergences d'intérêts, dans ces loyautés troublées mais qui demeurent scellées par un amour familial qui nous transporte parfois aux confins d'une morale qui n'a de toute façon pas de place en ces milieux. The Borgias n'est finalement pas tant une série sur le pouvoir, qu'une série sur une famille confrontée au pouvoir. Et c'est peut-être en admettant cela qu'elle peut s'apprécier en dépit des limites qu'elle manifeste dans les autres registres.

Enfin, le casting n'aura pas dépareillé pour finalement parvenir à humaniser cette fresque historique. Tout en imposant une présence incontournable dans chacune de ses scènes, Jeremy Irons aura parfois un peu trop cédé aux paradoxes de son personnage. Les bonnes surprises sont venues de ceux incarnant ses enfants : le charmant François Arnaud (Yamaska) - le seul que je ne connaissais pas et qui restera pour moi la révélation de cette première saison - et Holliday Grainger (Demons, Above suspicion, Any human heart), mais aussi David Oakes (Les Piliers de la Terre) même s'il dispose d'un temps d'écran un peu moindre, surent parfaitement refléter les ambivalences, comme l'intensité des désirs, de ces figures qui ne sont pas maîtresses de leur destin.

theborgias2f.jpg

Bilan : Si la première saison de The Borgias manque d'homogénéité, si les tenants et aboutissants politiques et militaires des jeux de pouvoirs italiens de la fin du XVe siècle ne seront jamais pleinement maîtrisés, la série va cependant se découvrir au fil des épisodes une autre force qui permettra au téléspectateur de lui pardonner bien des limites. Car c'est dans la dimension humaine qu'elle développe, dans ces rapports familiaux ambivalents, scellés par l'instinct de survie plus que par le sang, que va naître un attachement à cette série. La scène finale, qui peut surprendre au vu des épreuves traversées, consacre finalement cette approche plus humaine qui est celle dans laquelle The Borgias s'épanouit le mieux.


NOTE : 6,25/10


Le générique :

La bande-annonce de la série :

28/05/2011

(US) Justified, saison 2 : le temps de la maturité

 justified2k.jpg

On m'a souvent dit que la saison 2 d'une série (américaine) serait celle qui révèle la vraie valeur de l'oeuvre en question. La saison 1 prend la température, cherche le juste équilibre et son identité. La saison 2 démontre - ou non - la maîtrise et la vision des scénaristes. Si ce point de vue m'apparaît discutable, il est cependant tentant d'appliquer ce schéma à une série qui, de coup de coeur personnel l'an dernier, s'est imposée ce printemps comme une incontournable du petit écran d'outre-Atlantique.

Nul doute que j'avais aimé la première saison de Justified. J'étais tombée sous le charme de ses anachronismes westerniens, de son atmosphère atypique imprégnée du Kentucky profond, de ses personnages à la dualité fascinante, de ses acteurs charismatiques... Bref, il existait certainement mille et une raisons qui avaient fait de Justified une de mes séries américaines en cours de production préférées. Cela ne signifiait pas que cette première saison avait été exempte de défauts, la narration hésitante du procedural au feuilletonnant montrait bien que les scénaristes avaient cherché leur voie. Sauf que, voyez-vous, en ce printemps 2011, Justified a acquis une autre dimension.

justified2g.jpg

Grâce à sa saison 2, elle a dépassé le stade de la série appréciable, correspondant parfaitement à mes goûts et se suivant avec plaisir, pour devenir progressivement le rendez-vous téléphagique hebdomadaire que j'attendais avec le plus d'impatience chaque semaine. Elle est entrée dans le cercle de ces séries qui savent procurer de vrais instants jubilatoires que l'on va tout particulièrement chérir. Une maturation et une forme de consécration qui viennent donc récompenser l'investissement du téléspectateur.

Cette saison 2 aura dans l'ensemble suivi un schéma de construction narrative similaire à la première, mais globalement mieux maîtrisé, renvoyant l'impression rassurante que les scénaristes savaient parfaitement où ils allaient en construisant pierre par pierre les confrontations à venir. Une fois la storyline de Floride - laissée en suspens l'an dernier - rapidement clôturée, Justified ne tergiversera pas. Cette fois, les quelques stand-alones du début sont non seulement vite éclipsés par les intrigues à dominante feuilletonnante, mais surtout ces premières escarmouches vont elles-mêmes être reliées aux grands arcs narratifs et leur servir de base. Si bien que c'est sous la forme d'un tout homogène et consistant que se présente cette saison 2, dont les différents actes traduisent la rigueur des scénaristes : la montée en puissance, le climax et, enfin, une vraie conclusion qui referme le chapitre.

justified2j.jpg

Tout en reprenant les ingrédients qui avaient fait le charme de la première saison, Justified ne se contente pas de rester sur ses acquis. C'est une variante qui nous est en effet proposée, explorant et redéfinissant des thématiques qui ont ce mérite de n'être jamais figées. Les rapports de force, qui régulent sous nos yeux fascinés ce Kentucky profond qui vit suivant ses propres codes, restent constamment mouvants. La famille demeure une donnée centrale du récit, démontrant qu'au-delà des déchirements internes, les liens du sang semblent toujours l'emporter. Les trafics et petits arrangements avec la loi forment aussi toujours cette nébuleuse inaccessible à qui tenterait de la décrypter de l'extérieur. Cette saison, plus encore que dans la précédente, les scénaristes, en travaillant l'ambiguïté qui lui est inhérente, auront eu à coeur de faire ressortir cette atmosphère particulière qui place la série si loin de tous ces cop-shows aseptisés. 

En dépit de tous ses efforts, les pas de Raylan le reconduisent toujours inévitablement vers Harlan County. Le lien du passé ne saurait se rompre ; mieux encore, il pèse sur chacun des personnages incapables de s'en défaire, biaisant leur jugement, et renforçant l'impression que ce qui se joue n'est qu'un énième acte d'un demi-siècle de confrontations au fin fond du Kentucky. A ce jeu vain d'une émancipation impossible, c'est sur l'introduction des Bennetts que va repose la dynamique de la saison. Affrontement moins personnel et consanguin que face aux Crowder, il est cependant tout aussi intime : le contentieux est déjà lourd avec les Givens, le clash adolescent de Raylan et d'un des fils n'ayant été qu'une piqûre de rappel parmi d'autres. Sauf que Mags Bennett est bien plus qu'une simple adversaire. Pilier d'un système, elle s'impose en matriarche pragmatique, à la fois dure mais également prompte à vouloir mener à bien de secrets espoirs pour le futur de sa famille. Si elle joue sur l'ambivalence que son image peut renvoyer, son personnage, avec ses multiples facettes, place cette confrontation à un autre niveau qu'un réducteur enjeu de vendetta ou de légalité.

justified2h.jpg

On retrouve à travers Mags Bennett une des forces constantes de la série : le soin tout particulier apporté à des personnages jamais interchangeables. De manière générale, tous les principaux protagonistes - voire au-delà - bénéficient de cette finesse d'écriture qui fait d'eux des figures nourries de certitudes et de paradoxes. Cette dimension humaine va se trouver encore renforcer dans cette saison 2. Non seulement les grands arcs narratifs, bien gérés, forment une seule et même histoire admirablement maîtrisée, mais, marquant la volonté de ne pas rester figée, la série apparaît placée sous le signe de l'évolution, ou du moins des tentatives, forme de quêtes existentielles un peu futiles mais inébranlables. Ainsi Boyd poursuit-il ses réflexions éthiques, recherchant un équilibre qui semble toujours se dérober. De façon plus affirmée et approfondie que précédemment, c'est toute la galerie de personnages gravitant autour de Raylan qui gagne en consistance et se complexifie.

Cependant, le marshall demeure, par l'importance de ses choix, la figure incontournable. S'il fascine toujours autant, c'est que, lui aussi, il va connaître des évolutions durant cette saison 2. Sa relation avec Winona, et la découverte de ce qu'il serait prêt à faire pour elle, bouleverse bien des certitudes sur son rapport à la loi. S'il a toujours cultivé cette indépendance, jusqu'où serait-il prêt à aller au nom des sentiments ? Quelque part, alors même qu'il commence à reparler futur, perce une pointe d'autodestruction dans l'attitude qu'il adopte, chevillée au corps (et au coeur) de façon peut-être encore plus criante. Durant toute la saison, Raylan tourne et se rapproche inexorablement de Harlan, de ces racines volontairement oubliés. Jusqu'à s'y brûler. Le season finale revêt ici une portée symbolique particulière. Si ses nerfs d'acier, comme l'assurance infaillible qu'il met en scène consciemment ou non, ne lui feront jamais défaut, il faudra par deux fois une intervention extérieure pour lui sauver la vie. Au fond, la saison poursuit le mythe inaccessible du cow boy indestructible, tout en le battant en brèche. Les derniers développements laissent entrevoir d'autres remises en cause pour la suite.

justified2b.jpg

Bilan : La saison 2 de Justified aura été celle de la maturation. Parvenant à pleinement exploiter les atouts du concept fort sur lequel repose la série, les scénaristes auront aussi su ne pas se contenter de rester sur leurs acquis, faisant preuve d'une réelle ambition à saluer. Dotée cette fois d'une contruction narrative maîtrisée du début à la fin, des premières pierres jusqu'à la chute finale, la série aura réussi à proposer un feuilletonnant consistant et captivant, agrémenté de certains passages proprement jubilatoires qui marquent la récompense suprême de l'investissement du sériephile fidèle. A savourer sans modération !


NOTE : 9/10


Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :


Le générique de la série :


25/03/2011

(US) Au nom de la loi (Wanted Dead or Alive) : chroniques d'un chasseur de primes

us-nom-loi-chroniques-dun-chasseur-primes-L-DzcKYS.jpeg

Aujourd'hui, un billet un peu spécial et l'occasion d'ouvrir une nouvelle rubrique sur My Télé is Rich!.

Si vous me lisez depuis quelques temps déjà, vous le savez : j'ai des centres d'intérêt très (trop?) divers. Parmi les multiples thématiques qui me passionnent, il en est une dont je ne vous ai encore jamais vraiment parlé. Sans doute parce qu'elle touche plus à un volet cinématographique que strictement téléphagique : ma passion pour les westerns. Si mes parents et moi partageons peu d'affinités culturelles communes, voilà cependant leur héritage. Il est lié à ce rendez-vous incontournable du samedi soir où toute la famille se réunissait pour lancer la VHS tressautante d'un John Ford ou d'un Sergio Leone. Encore aujourd'hui, des années après avoir quitté la maison parentale, je suis toujours capable de réciter en même temps que les acteurs les lignes des dialogues de la première heure de Rio Bravo, des Sept Mercenaires ou encore de la Charge héroïque.

De façon plus marginale, cette sensibilité particulière pour l'appel de l'Ouest s'est aussi déclinée dans le petit écran. Certes cet héritage téléphagique parental reste très circonscrit. Mais il a son importance, car il correspond aux plus anciennes séries que j'ai jamais suivies : celles du petit écran américain des années 50. De cette époque, je garde un penchant pour ces chevauchés sauvages à travers le souvenir de trois séries qui ont accompagné, chacune à leur façon, ma découverte de la télévision : Rintintin, Zorro et Au nom de la loi. Si la première m'a moins marqué, les deux autres demeurent des productions devant lesquelles je peux spontanément m'installer, encore aujourd'hui, pour passer une soirée à les savourer.

Et hier (sans doute une conséquence indirecte d'être allée voir True Grit mercredi soir), j'ai ressorti les épisodes de mon chasseur de primes favori. Appelez cela de la nostalgie, mais j'ai passé une petite heure extra devant mon écran.

us-nom-loi-chroniques-dun-chasseur-primes-L-SdcxC8.jpeg

On l'a quelque peu oublié aujourd'hui, étant donné qu'il a quasiment disparu du petit écran, mais un des premiers genres de prédilection dans lequel se sont épanouies les séries télévisées américaines fut bel et bien le western. Les années 50 et le tournant des 60s' correspondirent à un apogée qui vit mûrir et se développer un western plus adulte et moins manichéen qu'à ses débuts, à travers des séries comme The Life and Legend of Wyatt Earp en 1955. Ainsi, diffusée de 1958 à 1961 sur CBS, Au nom de la loi appartient-elle bien à son époque ; la figure mythique de Bonanza naissant d'ailleurs une année après en 1959. Comptant au total 94 épisodes, d'une durée moyenne de 25 minutes environ, Au nom de la loi arrivera rapidement en France, diffusée dès 1963 sur l'ORTF.

Cette série se propose de nous faire suivre les aventures d'une figure solitaire, représentative en bien des aspects de cet Ouest américain du XIXe siècle, celle d'un chasseur de prime du nom de Josh Randall. Muni d'une arme très reconnaissable sur laquelle la caméra zoome lorsque le générique s'ouvre, une Winchester 1984 qui lui restera à jamais associée, c'est avec pour seule motivation l'argent de la récompense promise pour leur capture que cet homme traque et livre aux représentants de l'Ordre des personnes recherchées par la Justice, sur des territoires où cette dernière apparaît parfois très illusoire. Série non feuilletonnante, chaque épisode dispose d'une histoire indépendante, seuls ses employeurs, voire exceptionnellement la nature de sa mission, varient. Développées sur moins d'une demi-heure, les histoires restent généralement simples, se résumant la plupart du temps en une traque plus ou moins mouvementée. Cependant, conduites sans temps mort, elles se laissent suivre sans déplaisir et se révèlent efficaces.

us-nom-loi-chroniques-dun-chasseur-primes-L-3jmsk6.jpeg

Ce n'est ni dans les storylines (relativement peu complexes), ni dans les décors souvent interchangeables de cette série tournée en noir et blanc et qui fut colorisée durant les années 90 - la chemise du héros devenant ainsi bleue alors qu'elle était en réalité beige à l'origine -, que réside le principal attrait d'Au nom de la loi. Son véritable atout, lui permettant d'être appréciée encore aujourd'hui et grâce auquel elle a pu résister, bien mieux que la plupart de ses consoeurs, à l'épreuve du temps, repose sur l'originalité du personnage de Josh Randall. Car ce solitaire pragmatique, dont la seule motivation est l'argent, n'a rien du redresseur de torts auquel renvoie traditionnellement le mythe du héros de l'Ouest. Représentant d'une profession loin d'avoir une bonne image, il tranche singulièrement dans le paysage télévisuel de l'époque, s'imposant au contraire comme une forme d'anti-héros.

Ainsi, si Josh Randall reste un homme droit, qui ne tue que lorsque cela est nécessaire, il diffère de l'idéal du justicier par ses motivations purement matérielles : ses priorités sont la prime, non la justice. De même, courageux mais pas téméraire, jamais il ne prendra de risques inconsidérés : capturer des criminels ne mérite pas d'y sacrifier sa vie. Derrière ce portrait intrigant, qui conserve encore une aura diffuse de mystère même aux yeux du téléspectateur moderne, se dessine en fait la recherche d'une figure réaliste, loin de toute idéalisation. Loin d'être unidimensionnel, il apparaît avant tout très humain. Cette nuance et cette ambivalence cultivées, préfigurant les évolutions narratives ultérieures des héros du petit écran, confèrent à ce personnage central une consistance, mais aussi un attrait, qui ont justement permis à Au nom de la loi de traverser les décennies.

us-nom-loi-chroniques-dun-chasseur-primes-L-eLSjaf.jpeg

Il est d'ailleurs intéressant de souligner que cette approche, qui apporte une authenticité prenante à la série, tenait tout particulièrement à coeur de l'acteur à qui ce rôle a donné l'occasion de se faire connaître : Steve McQueen. Il a toujours défendu cette vision empreinte de réalisme, qu'il s'est efforcée d'imposer à une chaîne plus réticente qui tenait, elle, à son image romancée du cowboy. Outre la personnalité de Josh Randall, l'interprétation de Steve McQueen est aussi une des raisons pour laquelle Au nom de la loi mérite d'être vue. Par la présence nonchalente mais tellement charismatique qu'il dégage à l'écran, l'acteur incarne véritablement cette figure de l'Ouest, dans toute son assurance comme dans la relative ambivalence d'un personnage qui est aussi faillible.

Ce parti pris n'est pas non plus un hasard : Steve McQueen se spécialisera par la suite au cinéma dans ces rôles d'anti-héros qui le populariseront. En bien des points, on peut voir dans Josh Randall un précurseur. D'ailleurs, à titre personnel, j'avoue que c'est justement ce rôle qui a fait de lui un des premiers acteurs fétiches de mon adolescence. Et cette série explique que la plupart de ses films, de Bullitt à La grande évasion, se retrouvent aujourd'hui dans ma DVDthèque.

us-nom-loi-chroniques-dun-chasseur-primes-L-s3j0GV.jpeg

Bilan : Western de l'âge d'or du genre à la télévision américaine, Au nom de la loi appartient incontestablement au patrimoine sériephile. Cependant, au-delà de ces considérations d'histoire du petit écran et de la curiosité culturelle qu'elle peut susciter, il faut souligner qu'il s'agit aussi d'une série qui a su relativement bien résister au temps grâce à la figure centrale qu'elle met en scène. La modernité de la personnalité de Josh Randall, caractérisée par cette aura d'ambivalence teintée de pragmatisme, reste l'attrait majeur de cette série, faisant de ce chasseur de primes une des figures marquantes du petit écran.

Ainsi, pour les amoureux de l'Ouest sauvage comme pour les sériephiles curieux de découvrir ce qui a pu façonner le petit écran d'outre-Atlantique, Au nom de la loi demeure une série qui se redécouvre avec plaisir. Elle est la digne représentante d'un genre important qui permet de nous rappeler, non seulement que les fondations du petit écran datent de bien avant notre naissance, mais aussi la façon dont le savoir-faire moderne s'est construit et forgé dans ces premières décennies de la télévision.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :


Pour les curieux qui aimeraient en savoir plus, je vous conseille notamment ce très intéressant article : Au nom de la loi [Arrêt sur Séries].