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23/12/2011

(UK) Rev., saison 2 : une dramédie douce-amère humaine et attachante

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Un an et demi après ma review du pilote, je profite de cette période de fêtes pour revenir sur une série qui est sans doute ma dramédie préférée actuellement en cours de diffusion ; même si elle est présentée comme une comédie, je n'ose la placer complètement dans ce genre. Reste que Rev. a été une des séries les plus attachantes de cet automne. Elle mérite donc bien de faire l'objet d'un bilan.

La diffusion de la saison 2 s'est achevée ce mardi. Elle avait été associée cet automne, par BBC2, à la dernière nouveauté, ni drôle, ni convaincante, de Ricky Gervais, Life's too short. C'est un épisode spécial Noël qui est venu la conclure ce 20 décembre, venant superbement parachever une saison de 7 épisodes. Mon attachement à Rev. me confirme une chose : je ne cherche pas des comédies pour rire. Un peu à la manière de The Café, Rev. se démarque par sa capacité à être touchante tout en capturant parfaitement certaines tranches de vie. 

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Rev. nous plonge dans une petite paroisse de l'Est de Londres, St Saviour, au sein de laquelle officie le révérend Adam Smallbone, lequel découvre la vie citadine après avoir longtemps officié dans le monde rural. Son quotidien se partage entre ses efforts constants pour dynamiser tant bien que mal une communauté paroissiale clairsemée et sa gestion de l'école privée locale rassemblant des élèves du quartier de toutes confessions. S'il n'est guère soutenu par un supérieur direct qui apparaît souvent plus semblable à un gestionnaire déshumanisé qu'à un homme d'église, Adam peut cependant trouver du réconfort auprès de son épouse, une avocate avec un caractère bien affirmé. De plus, gravite autour du révérend une galerie de personnages hauts en couleur, un assistant ambitieux, une paroissienne sur-impliquée ou encore un sans-abris marginal.

La grande force de Rev. réside incontestablement dans son humanité. Bénéficiant d'une écriture qui fait souvent preuve d'une rare justesse, la série n'a pas son pareil pour toucher le coeur du téléspectateur, réussissant le tour de force d'émouvoir sans jamais déprimer. En effet, si sa tonalité douce-amère, souvent un peu mélancolique, se teinte de doutes désillusionnés, elle offre pourtant trente minutes de véritable réconfort, pleines d'une chaleur communicative qui ne laisse jamais insensible. Tout en se classant dans le genre des comédies cléricales affectionnées par les Anglais, Rev. reste avant tout l'histoire d'un homme ordinaire, confronté aux soucis quotidiens d'une activité professionnelle loin d'être de tout repos dans la jungle londonienne. Le fait que le personnage principal soit un prêtre apporte une dimension supplémentaire à certains questionnements existentiels qu'il se pose, mais cela ne modifie en rien l'essence et le parti pris réaliste de la série. Une proximité se crée naturellement avec Adam, et c'est un des atouts qui assure la fidélité du téléspectateur.

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S'inscrivant dans la continuité directe de ce que la première avait su peu à peu construire, la saison 2 de Rev. aura été une belle réussite. Parvenant à maintenir un équilibre aussi rare que précieux dans sa tonalité d'ensemble, oscillant entre passages légers et moments plus dramatiques, la série est devenue une des dramédies les plus abouties du petit écran. Toujours très humaine, elle ne manque pas de scènes marquantes. A ce titre, l'épisode 4, se concluant sur une scène magistrale et bouleversante, d'une sobriété parfaite, restera sans doute le plus impressionnant de la saison. Il est parfaitement représentatif de ce qui fait l'essence de cette fiction : car Rev. est une oeuvre à part, de celles qui sont capables, dans un même épisode, non seulement de faire rire, mais aussi d'émouvoir aux larmes le téléspectateur. C'est dans cette continuité que s'est d'ailleurs inscrit le Christmas special, avec une construction qui reflète vraiment l'âme de la série, entre pragmatisme désenchanté et petites réussites du quotidien.

Par ailleurs, Rev. exploite pleinement son cadre londonien, l'anonymat d'une grande ville mais aussi son rythme effrené demeurent d'ailleurs des thèmes récurrents. La réalisation sait mettre en valeur le choix citadin fait au départ ; et l'esthétique globale de la série a cette neutralité sobre qui souligne bien le réalisme de l'ensemble. Enfin, il faut vraiment saluer un casting qui respecte parfaitement l'ambiance de l'histoire, conduit par un Tom Hollander (Wives and Daughters, Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics) très convaincant, qui sait habilement jouer sur toute la palette des émotions.

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Bilan : Dramédie foncièrement attachante, souvent touchante, Rev. est une chronique de vie quotidienne, sur laquelle flotte un parfum doux-amer caractéristique. Offrant trente minutes d'un réconfort bienvenu, elle fait preuve de beaucoup inspiration pour trouver le juste équilibre dans ses tons, capable de faire rire comme d'émouvoir aux larmes le téléspectateur. Offrant ainsi un mélange plein d'humanité, c'est une série sincère et authentique qui se suit vraiment avec plaisir et mérite que l'on s'y investisse.


NOTE : 7,5/10


Le générique :

Un extrait du premier épisode de la saison 2 :

04/06/2011

(US) The Borgias, saison 1 : une ambivalente série, entre superficialité et humanité

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Les voies de la télévision étant impénétrables (ou hautement stratégiques), les droits de The Borgias version Showtime ont été achetés, en France, par Canal +, laquelle doit nous proposer prochainement sa propre fiction sur le sujet, sobrement intitulée Borgia, signée Tom Fontana. Une façon d'éviter tout parasitage entre deux projets qui seront fatalement forcément comparés. Reste à déterminer comment traiter ce sujet a priori pimenté, mais auquel il faut savoir donner une consistance sur le long terme d'une, voire plusieurs saisons. En un sens, il y a presque trois décennies, la BBC avait déjà montré les écueils sur lesquels il était facile de s'échouer en s'attaquant à l'histoire d'une telle famille sur cette toile de fond italienne déchirée de la fin du XVe siècle.

Après les dix épisodes qui comportaient cette première saison, il est cependant temps de dresser un premier bilan, alors que la série a d'ores et déjà été renouvelée. J'ai suivi l'ensemble presque sans décalage, ce qui, en soit, plaide en faveur de The Borgias vu mes retards accumulés au cours du mois de mai. Pour autant, cette saison est loin d'avoir été exempte de défauts. L'enthousiasme des débuts a laissé placer à pas mal de frustrations, engendrées par des maladresses structurelles, caractéristiques d'une insuffisance d'ambition scénaristique assez dommageable. Pour autant, tout n'est pas à renier dans The Borgias ; et je pense suivre la saison 2.

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Cette première saison est construite sur des bases narratives très académiques a priori efficaces. Elle propose un grand arc qui va sceller la confirmation de l'ascension des Borgias : de l'élection d'Alexandre VI jusqu'à une confrontation finale, face aux Français et au cardinal Della Rovore, que le pape, par une ultime manipulation et un dernier retournement, parvient à surmonter. Cependant c'est peu dire que la série aura pris des chemins parfois trop détournés pour nous narrer cette lutte de pouvoirs, cédant aisément à la facilité des mises en scène amoureuses trop creuses et déconnectées des réels enjeux. Le milieu de saison est un cap difficile à passer, tant le rythme de la série se ralentit au profit d'ébats un peu vains. Peut-être dix épisodes constituaient-ils une durée encore trop longue pour l'histoire envisagée, huit épisodes auraient sans doute suffi. 

Pourtant, on souhaiterait pardonner aux Borgias bien des soubressauts qualitatifs en raison de l'attrait que suscite le sujet traité. Parce que se laisser entraîner dans la géopolitique complexe de l'Italie éclatée en royaumes de l'époque a quelque chose d'assez grisant. Parce que, par éclipse, cette carte postale colorée qui nous est dépeinte laisse transparaître tout son potentiel ; mais les scénaristes ne sauront jamais prendre la mesure de ce tableau déchiré. En effet, dans ces jeux de pouvoirs létaux, The Borgias reste trop souvent dans le registre du folklore historique. Au-delà de quelques éclairs, poignée de dialogues qui sonnent justes et qui maintiendront toujours ce relatif espoir de voir la série aller au bout de son idée, les Médicis ou Machiavel resteront ces figures historiques, inhérentes au cahier des charges, mais traitées de façon caricaturale et distante, sans jamais vraiment trouver leur place. Cela donne à la mise en scène un côté un peu artificiel qui frustre les attentes du téléspectateur.

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Au fond, le problème principal de ces Borgias-là est un manque d'ambition et de vision de scénaristes archeboutés sur un concept qui leur a paru plus prudent de magnifier visuellement et esthétiquement, qu'en s'appropriant véritablement une histoire dont la complexité pouvait vite égarer. Pour autant, si ce sont mes regrets qui s'expriment par ces quelques lignes teintées d'amertume, il serait excessif de nier les atouts d'un série qui peut s'apprécier sur certains points. Certes l'intrigue politique et militaire qui amène à l'appel aux Français reste par trop linéaire, mais elle constitue cependant un fil rouge qui n'est pas déplaisant à suivre.

Mais au-delà de ce faste romain, la véritable force de cette fiction est ailleurs. C'est finalement par ses personnage que The Borgias a su retenir mon attention jusqu'au bout. S'ils ne sont pas toujours écrits de la manière la plus subtile qui soit, ils ont su plus sûrement que tout le reste m'impliquer dans leur destinée et les choix qu'ils ont pu faire. Car The Borgias est peut-être avant tout cela : une série sur l'ascension au sommet, ou plutôt, la survie d'une famille au sein de laquelle le patriarche nourrit suffisamment d'ambitions pour tous ses membres.

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Chacun des protagonistes semble porté par ses propres ambivalences et ses paradoxes. Les rapports d'Alexandre VI à sa fonction demeurent aléatoires, profondément empreints d'une piété soudaine devant la charge qu'il occupe, mais n'hésitant jamais à faire preuve d'un pragmatisme et ne reculant devant aucune manipulation. Il aménage une forme de coexistence entre sa foi et une hypocrisie inhérente à ses choix qui rend le personnage difficile à cerner. De même, sa vision de sa famille oscille entre une finalité purement utilitariste et l'expression de sentiments paternels qui ne transparaissent qu'exceptionnellement. Ses rapports ambivalents avec Cesare constituent d'ailleurs une des dynamiques narratives les plus consistantes de la saison.

La frustration de ce dernier, confiné dans cette fonction d'homme d'église qu'il n'est pas, ne cesse de grandir, le conduisant peut-être encore plus sûrement vers cette voie sombre où il commandite sans sourciller des assassinats. Les sentiments guident pourtant toujours des actions qu'il exécute par contraste avec réel un sang froid : c'est une loyauté ou une dévotion envers ses points cardinaux qui le déterminent : sa famille, sa soeur, puis la belle Ursula. Le personnage qui évoluera le plus au cours de la saison sera incontestablement Lucrezia, l'adolescente chérie gâtée des débuts deviendra femme, les épreuves la fortifiant et lui faisant découvrir ce pragmatisme amoral qui n'est rien d'autre que l'instinct de survie dans cette société où, de par son statut, elle est contrainte d'évoluer. Et que dire de Juan, dont les désillusions de grandeur, ne font que le précipiter plus durement vers un douloureux retour à la réalité, les fanfaronnades ne suffisant plus lorsque la réelle lutte commence ?

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S'ils se déchirent entre eux de la plus intime et cruelle des façons, se faisant souffrir tant par leurs natures différentes que par leurs caractères propres, ils demeurent unis dans l'adversité de cette Italie qui rêve de les voir déchus. C'est sans doute ici que se trouve la fascination que peut exercer la série : c'est dans ces convergences d'intérêts, dans ces loyautés troublées mais qui demeurent scellées par un amour familial qui nous transporte parfois aux confins d'une morale qui n'a de toute façon pas de place en ces milieux. The Borgias n'est finalement pas tant une série sur le pouvoir, qu'une série sur une famille confrontée au pouvoir. Et c'est peut-être en admettant cela qu'elle peut s'apprécier en dépit des limites qu'elle manifeste dans les autres registres.

Enfin, le casting n'aura pas dépareillé pour finalement parvenir à humaniser cette fresque historique. Tout en imposant une présence incontournable dans chacune de ses scènes, Jeremy Irons aura parfois un peu trop cédé aux paradoxes de son personnage. Les bonnes surprises sont venues de ceux incarnant ses enfants : le charmant François Arnaud (Yamaska) - le seul que je ne connaissais pas et qui restera pour moi la révélation de cette première saison - et Holliday Grainger (Demons, Above suspicion, Any human heart), mais aussi David Oakes (Les Piliers de la Terre) même s'il dispose d'un temps d'écran un peu moindre, surent parfaitement refléter les ambivalences, comme l'intensité des désirs, de ces figures qui ne sont pas maîtresses de leur destin.

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Bilan : Si la première saison de The Borgias manque d'homogénéité, si les tenants et aboutissants politiques et militaires des jeux de pouvoirs italiens de la fin du XVe siècle ne seront jamais pleinement maîtrisés, la série va cependant se découvrir au fil des épisodes une autre force qui permettra au téléspectateur de lui pardonner bien des limites. Car c'est dans la dimension humaine qu'elle développe, dans ces rapports familiaux ambivalents, scellés par l'instinct de survie plus que par le sang, que va naître un attachement à cette série. La scène finale, qui peut surprendre au vu des épreuves traversées, consacre finalement cette approche plus humaine qui est celle dans laquelle The Borgias s'épanouit le mieux.


NOTE : 6,25/10


Le générique :

La bande-annonce de la série :

27/03/2011

(Pilote US) The Borgias : jeux de pouvoir impitoyables dans l'Italie de la fin du XVe siècle

 

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Au vu des programmes qui s'annoncent dans les prochaines semaines, je devine que mon mois d'avril aura un parfum historique très prononcé. C'est tout d'abord Showtime qui va ouvrir le bal, avec une fiction destinée à succéder aux Tudors, à partir d'un sujet qui promet tout autant, si ce n'est plus, que le règne de Henri VIII : les Borgias. Ce choix d'une famille restée dans la mémoire collective, non seulement comme un symbole de décadence, mais aussi comme un modèle dans l'art de la quête du pouvoir, telle que le décrira si méticuleusement Machiavel, quelques années plus tard, dans son célèbre Prince, présente a priori tous les ingrédients nécessaires pour offrir un cocktail détonnant mêlant pouvoir, sexe et politique, avec en toile de fond les luxueuses et fatales coulisses du Saint-Siège.

Ayant toujours eu un rapport compliqué et beaucoup de réticences face aux Tudors, c'est avec une certaine réserve que j'ai lancé ce premier épisode, même si le sujet m'intéressait a priori beaucoup. Et c'est finalement avec plaisir que je peux dire que le pilote des Borgias remplit a priori toutes les promesses que l'imagination féconde (et romanesque) du téléspectateur pouvait avoir envisagé. D'une longueur imposante de plus d'1h30, il pose le cadre sanglant et ambitieux qui va être celui de la série, tout en introduisant efficacement la situation comme les protagonistes. La diffusion de The Borgias commencera le 3 avril prochain sur Showtime. Je serai au rendez-vous.

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L'histoire s'ouvre à Rome, à la toute fin du Moyen-Âge et à l'aube de la Renaissance, en 1492. Les premières minutes nous permettent d'assister au dernier soupir du pape Innocent VIII. C'est l'opportunité qu'a patiemment attendu toute sa vie le très ambitieux cardinal Rodrigo Borgia, lui-même neveu du pape Callixte III. Le conclave, qui s'organise sous nos yeux, réuni afin d'élire son successeur, va s'avérer aussi disputé qu'opaque. En effet, il va être le cadre des plus intenses tractations et autres manoeuvres corruptives pour permettre à Rodrigo d'obtenir les faveurs de la majorité des votants. A l'extérieur, son fils Cesare le seconde habilement afin d'assurer la réussite de ses projets. Ses ambitions se verront récompensées : Rodrigo deviendra pape, prenant le nom d'Alexandre VI.

Cependant cette consécration est loin d'être une fin en soi. En effet, si les Borgia, une famille originaire d'Espagne, avaient déjà leur part d'ennemis dans l'Italie de cette fin de XVe siècle, l'accession au siège de saint Pierre ne va faire qu'attiser les tensions et renforcer la résolution de leurs ennemis. Se maintenir en place promet d'être aussi difficile et compromettant que l'ascension a pu l'être, en témoignent les complots qui, dès ce premier épisode, rythment déjà les coulisses du Saint-Siège. Alexandre VI devra plus que jamais s'appuyer sur la ruse, mais aussi sur ses enfants, au premier rang desquels, Cesare, qu'il va rapidement nommer cardinal.

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C'est tout d'abord dans le registre d'une fiction politique historique que The Borgias s'impose. Ce pilote se consacre  pleinement à la mise en scène de jeux de pouvoir mortels, sur fond de confrontation fatale entre les ambitions des grandes familles romaines influentes de l'époque. Tous les moyens sont bons pour servir leurs projets, ne s'arrêtant pas seulement à une corruption qui apparaît généralisée. De façon impitoyable, les complots se font et se défont, tandis qu'avec un arrière-goût empoisonné, les trahisons se succèdent, et les morts aussi. Si l'histoire se concentre logiquement sur les manoeuvres de Rodrigo et de son fils, ils sont loin d'être les seuls à agir en coulisses. 

Conduit de façon rythmée, l'épisode nous propose donc une partie d'échec létale très accrocheuse, où la ruse est élevée au rang d'art, où la pitié et la morale ne sauraient intervenir, tout étant sacrifiable pour atteindre et assurer le pouvoir. On parlerait anachroniquement sans nul doute de machiavélisme, si Cesare Borgia n'avait pas justement inspiré le Prince de Machiavel publié quelques années plus tard. De même, à observer ces clans familiaux ainsi s'affairer et s'affronter, entièrement dédiés à cette lutte pour le pouvoir, le sous-titre de l'affiche de la série, "the original crime family", s'avère être bel et bien une promesse tenue. Et quand le cardinal Della Revore découvre son lit ensanglanté par un cadavre - même si c'est celui d'un être humain - la réminescence d'une autre scène cinématographique célèbre du genre vient naturellement : après tout, ce n'est pas non plus un hasard si Mario Puzzo a pu consacrer tout un roman à romancer le destin de cette famille. En résumé, The Borgias dispose de tous les ingrédients pour mettre en scène des luttes de pouvoir aussi animées que complexes. 

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Outre ses enjeux politiques, The Borgias exerce également un attrait plus subversif : le nom de cette famille a conservé à travers les siècles un parfum sulfureux sur lequel le pilote capitalise pleinement. Népotiste assumé, simoniaque rompu à tous les trafics, nicolaïste notoire, Alexandre VI personnifie et symbolise les dérives internes de l'Eglise du XVe et des débuts du XVIe siècle. L'épisode ne nous épargne aucun détail de cette décadence aux multiples facettes : des dessous de l'élection pontificale de 1492, avec la distribution de bénéfices ecclésiastiques et le pillage d'églises vidées de leurs objets de valeur, jusqu'aux questions de moeurs, face à un Souverain Pontife qui écarte de l'oeil du public la concubine qui lui a donné quatre enfants au motif hypocrite du maintien des apparences, tout en installant sa nouvelle maîtresse dans une maison où il peut lui rendre visite en secret.

De plus, ces thèmes se déclinent également à l'intérieur de la dynamique, forcément particulière, d'une famille toute entière consacrée aux ambitions du père. Les rôles y sont déjà distribués. Cesare, en dépit d'un intérêt bien plus porté sur le temporel que le spirituel, se doit d'embrasser une carrière ecclésiastique sur les pas de Rodrigo, tandis que son frère sera celui qui s'investira dans le versant militaire pour consolider leur emprise sur la péninsule. Quant à Lucrezia, le jeu des alliances par mariage lui est ouvert. Il faut noter que c'est jusqu'au sein même de cette famille que les signes de dérive des moeurs sont perceptibles. En effet, l'épisode met ouvertement l'accent sur l'ambivalence des rapports, ou plutôt des sentiments éprouvés par Cesare à l'égard d'une soeur qu'il chérit plus que tout et dont il a bien du mal à concevoir la seule idée du mariage.

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Au-delà de ces thèmatiques où se mêlent pouvoir et sexe avec en toile de fond une reconstitution historique mettant en avant le luxe romain de cette fin de XVe siècle, la réussite de ce pilote va aussi être de ne jamais déshumaniser les jeux politiques qu'il dépeint. Si, par son sujet, The Borgias ne pouvait être manichéenne, elle va aussi proposer des personnages avec leurs failles et leurs propres ambiguïtés : ce ne sont pas des figures unidimensionnelles qui se réduiraient à leurs seules ambitions. Certes, la plupart des personnages sont moralement condamnables, mais ils sont surtout les dignes participants d'une tragédie du pouvoir shakespearienne, permettant à la série d'investir une dimension humaine qui retient également l'attention.

Ainsi, le pilote installe et et réserve une part d'ambivalence à tous ces protagonistes qui ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins. Sans doute pour bien introduire son cadre, il se concentre surtout sur Rodrigo (Alexandre VI) et Cesare. Pour le premier, ce sont ses positions teintées d'hypocrisie qui renforcent ses paradoxes, le vernis se craquellant rapidement derrière les déclarations d'intention initiales annonçant sa volonté de remplir dignement la fonction à laquelle il a été élu. Pour Cesare, les conflits internes sont plus personnels. Instrument frustré de son père, prêt à tout pour protéger sa famille, il ne rêve que de se voir délier de ses voeux ecclésiastiques pesant qu'il n'a prêté qu'avec réticence, mais il va finalement se retrouver nommé cardinal par le biais d'une énième manoeuvre politique de son père pour s'assurer d'une assise majoritaire auprès de ces dignitaires.

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Au-delà de son efficacité sur le fond, c'est aussi sur la forme que The Borgias a su mettre tous les atouts de son côté. La série séduit par l'esthétique proposé dans ce pilote qui exploite pleinement le faste et le luxe de son décor romain. Il se dégage de ces superbes images comme un parfum de fin de XVe siècle absolument saisissant. La réalisation est soignée. Une attention toute particulière a été portée aux costumes, comme aux lieux dans lesquels se déroulent les scènes. Les effets de caméra, comme les teintes choisies, sont un vrai plaisir pour les yeux du téléspectateur.

Pour accompagner cette forme très convaincante, la série dispose également d'une bande-son en parfaite adéquation avec son ambiance, reprise réagencée de musique aux faux accents religieux. Elle n'est pas trop envahissante, mais contribue à donner son atmosphère de cette fiction, rythmant les intrigues et pointant la solennité de certains passages. D'ailleurs, c'est dès le départ, avec son long et magnifique générique, que The Borgias impose son style et ses ambitions sur la forme (cf. la première vidéo en bas de ce billet).

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Enfin, pour donner vie aux protagonistes dans cette fresque, The Borgias bénéficie d'un casting international solide qui s'avère être à la hauteur des attentes. Jeremy Irons s'impose d'emblée comme la figure centrale ambitieuse, non dénuée d'ambiguïté dans sa façon d'alterner autoritarisme et ruse pour parvenir à ses fins. Pour le seconder dans ses basses oeuvres au sein de l'Eglise, son fils Cesare est interprété efficacement par François Arnaud (Yamaska). David Oakes (Les Piliers de la Terre), qui s'épanouit dans le domaine militaire, Holliday Grainger (Demons, Above suspicion, Any human heart) en troublante Lucrezia et Aidan Alexander, jouent ses autres enfants, tandis que Joanne Whalley incarne leur mère.

Autour de la famille Borgia gravite des alliés d'un jour et des ennemis encore plus déterminés. On retrouve dans la galerie d'acteurs qui les interprètent : Derek Jacobi (Mist : Sheepdog Tales), Colm Feore (24, The Listener), Ruta Gedmintas (Lip Service), Lotte Verbeek, Elyes Gabel, Sean Harris (Meadowlands), Simon McBurney (Rev.), Vernon Dobtcheff, Peter Sullivan (The Bill, The Passion) ou encore Bosco Hogan (The Tudors).

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 Un aperçu des décors...

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Bilan : Superbe sur la forme, solide sur le fond, The Borgias démarre sur un pilote convaincant et abouti qui correspond à l'image romanesque préconcue que l'on pouvait avoir d'une fiction centrée sur cette famille marquante des XVe et XVIe siècles italiens. Grandeur et décadence, sexe et politique, religion et corruption, seront au rendez-vous de cette série historique qui nous plonge dans les coulisses du Saint-Siège. Au vu de cette introduction, elle dispose a priori de tous les ingrédients pour s'imposer comme un rendez-vous hebdomadaire plaisant. A suivre !


NOTE : 8/10


Le générique :

La bande-annonce de la série :

01/07/2010

(Pilote UK) Rev. : it's hell being a vicar...

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Du Vicar of Dibley à Father Ted, on peut probablement affirmer qu'il existe une certaine tradition britannique à développer des "comédies cléricales". La télévision anglaise s'est déjà passablement amusée à mettre en scène, de la plus improbable ou caricaturale des manières, ses hommes d'Eglise. Si bien que le sujet de la dernière nouveauté diffusée sur BBC2 pour cet été n'apparaissait pas particulièrement original, même s'il proposait une modernisation de ces classiques. Si le parallèle instinctivement fait par le téléspectateur s'établissait plutôt avec The Vicar of Dibley au vu du seul synopsis, par la tonalité adoptée dans son pilote, Rev. marque immédiatement une certaine distance avec ses prédécesseurs, s'inscrivant dans un registre plus mesuré, et en un sens, plus réaliste.

En ce qui me concerne, la seule présence de Tom Hollander (également créateur de la série, aux côtés de James Wood) suffisait à attiser ma curiosité, de sorte que la découverte du pilote, diffusé ce lundi soir outre-Manche, s'imposait d'elle-même. Cette première saison de Rev. comportera 6 épisodes, d'une durée d'une demi-heure chacun.

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Rev. raconte l'acclimatation urbaine (mouvementée) du Révérend Adam Smallbone : en provenance d'une petite paroisse rurale, le voilà nouvellement promu à St Saviour, dans l'Est de Londres, au sein d'une communauté éclatée où le manque de dynamisme des paroissiens viendrait rapidement à bout des efforts les plus patients. Au-delà du quasi-désert hebdomadaire que constitue le service religieux, Adam doit gérer les sollicitations les plus diverses, notamment des demandes de faveur défiant son sens moral pouvant provenir de fidèles fréquentant l'église, mais aussi d'opportunistes découvrant soudain un intérêt surprenant pour la foi. Il faut alors au révérend beaucoup de bonne volonté, une sacrée dose d'humilité et des compromis constants pour gérer ce quotidien pas toujours de tout repos.

Outre des paroissiens envahissants et hauts en couleurs, ne mesurant pas toujours ce qu'ils exigent, Adam peut heureusement compter sur quelques soutiens à géométrie variable. L'aide la plus précieuse est sans doute celle apportée par son épouse, Alex. Si cette dernière, avocate menant sa propre carrière professionnelle, ne rentre pas dans les stéréotypes traditionnellement associés à l'image de la femme d'un révérend, elle fait cependant des efforts pour s'adapter ; ce qui rend finalement leur association des plus rafraîchissantes. Les collègues d'Adam sont en revanche plus réservés. Nigel l'assiste dans la gestion de la paroisse, tout en rêvant de promotion et de se trouver, un jour, à sa place. Enfin, son supérieur hiérarchique direct, avec ses objectifs chiffrés et ses analyses sans concession, maintient une pression constante sur le Révérend, reproduisant ironiquement des schémas de management pas si éloignés du style mafieux.

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Je dois dire que le résultat proposé par le pilote de Rev. est assez différent de ce à quoi je m'attendais. La série opte en effet pour une approche relativement réaliste de la fonction de révérend dans notre société moderne sécularisée. Loin d'être une simple sitcom, qui s'amuserait de ses excès et exploiterait les potentielles situations improbables que cette situation peut générer, Rev. se révèle beaucoup plus mesurée. Adoptant une tonalité cynique et désabusée à souhait, la série s'inscrit dans une tradition d'humour noir feutré, où les passages prêtant à sourire sont mis en scène de façon plus subtile. Si certains dialogues s'avèrent effectivement décalés à souhait, on reste toujours dans une froide retenue. Le téléspectateur y perçoit d'ailleurs sans difficulté les efforts des scénaristes pour essayer de dresser un portrait juste, pas si éloigné de la réalité, d'une paroisse populaire anglicane.

Rev. ne provoquera donc pas de rires aux éclats chez ses téléspectateurs. Le pilote s'installe en douceur, introduisant les paroissiens et nous présentant le quotidien d'Adam. La qualité d'écriture est un peu inégale, certaines scènes traînant un brin en longueur. Cependant, l'épisode contient plusieurs échanges inspirés, cocasses à souhait et dont les décalages sont parfaitement mis en lumière par un personnage principal rendu attachant par ses doutes et sa volonté de bien faire. Adam n'a pourtant rien d'un utopiste ; il est bien conscient des exigences de pragmatisme imposées par la société de son temps. Le dilemme va alors être de déterminer où se situe la ligne jaune à ne moralement pas franchir. L'exemple du jour, la réparation du vitrail brisé, est une illustration qui indique bien vers quelle voie des péripéties du quotidien la série pourra se développer.

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La thématique principale de Rev. s'avère finalement être des plus classiques : Adam est certes un homme de Dieu, mais il reste aussi un être humain, avec ses préoccupations, ses mauvaises habitudes (la boisson notamment) et ses failles. Il n'a rien d'un modèle infaillible, et c'est sur cette dichotomie, entre l'image idéalisée à laquelle renvoie la fonction et ce quotidien beaucoup plus terre à terre, que la série investit, avec une certaine réussite (exemple de dialogue : "je propose de réciter nos prières tout doucement... pour ceux qui auraient la gueule de bois ce matin"). Il se dégage du tableau présenté par Rev. une ambiance finalement assez attachante, dans laquelle la dimension humaine occupe une place déterminante. Sans provocation inutile, ni réelle révolution dans l'approche de son sujet, la série trouve progressivement un rythme, conservant un caractère mesuré qui n'empêche pas les petites piques et situations plus cocasses qui prêteront à sourire.

Sur un plan technique, Rev. est un reflet de cette paroisse urbaine quelque peu en déshérence, ses images adoptant des couleurs plutôt sombres, mises en avant par une réalisation très sobre. La série peut également compter sur un casting des plus solides, emmené par un Tom Hollander (Wives and Daughters, Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics), tout en nuances, en grande forme. A ses côtés, le téléspectateur familier du petit écran britannique retrouvera notamment Olivia Colman (Green Wing, Beautiful People), Miles Jupp, Simon McBurney ou encore Steve Evets (Five Days).

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Bilan : Rev. se situe un peu à la croisée des genres, comédie sombre flirtant avec le réalisme et une réelle volonté de décrire le quotidien moderne d'un révérend. C'est l'homme derrière la fonction qui intéresse la série, s'appliquant à souligner les dilemmes auxquels il doit faire face.

S'il laisse entrevoir un certain potentiel, ce premier épisode reste cependant trop timoré pour réellement s'imposer. Le téléspectateur regrettera en effet le peu de prise de risque d'une histoire qui suit finalement un chemin très balisé. On perçoit parfois les hésitations des scénaristes pour atteindre le juste équilibre dans la tonalité de leur série ; mais il est logique que le pilote permette également certains réglages.

Au final, cela n'est pas déplaisant à suivre. On s'attache facilement. Il manque seulement un soupçon de piquant pour réellement accrocher le téléspectateur. Mais je veux bien laisser à la série un peu plus de temps pour s'installer.


NOTE : 6,5/10


Des previews :