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06/05/2012

(US) The West Wing (A la Maison Blanche) - Election Night (4.07) & Process Stories (4.08)

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Aujourd'hui, j'ai eu envie de marquer la conclusion du cycle "politique" avec une review plus précise qu'à l'accoutumée - pour rester dans l'air du temps. De tous les épisodes de séries mettant en scène une journée électorale, les premiers qui me viennent à l'esprit quand je m'intéresse à ce thème sont ceux de la saison 4 de The West Wing (A la Maison Blanche). Diffusés en novembre 2002, Election Night (4.07) et Process Stories (4.08) figurent toujours parmi mes préférés. Non seulement parce qu'ils sont les représentants parfaits du style premier de la série, celui de l'ère Sorkin, mais aussi car ils sont empreints d'un profond souffle d'idéalisme et d'une tonalité résolument légère qui revigorent le téléspectateur, en laissant flotter dans l'air un optimisme résolument combatif.

Hier soir, en ressortant mes DVD, j'ai sans surprise ri et vibré comme au premier jour devant mon petit écran. Peut-être avec encore plus d'attachement, ou du moins une certaine nostalgie. Dix ans après, ces épisodes ont une dimension particulière. Avec le recul, on sait désormais que nous assistons là à la dernière ligne droite de The West Wing "1.0". Non seulement le style d'écriture changera, mais la saison 4 n'est pas uniquement celle du départ d'Aaron Sorkin, elle est aussi celle de Rob Lowe, c'est-à-dire de Sam Seaborn. Et s'il y a bien une chose que ce double épisode met en exergue, c'est cette fameuse complicité, cette solidarité inaltérable au sein du staff présidentiel. Certes d'autres dynamiques seront introduites par la suite, mais c'est une des dernières fois que l'on a à l'écran cette osmose particulière qu'est l'équilibre d'origine.

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Plus précisément, ces deux épisodes relatent la journée électorale en mettant en parallèle deux élections, la nationale - présidentielle - jouée d'avance, et le facteur d'incertitude qui va venir troubler les prévisions : l'élection locale d'un représentant de Californie (à Orange county). Dès la scène introductive, le ton du récit est immédiatement donné : Toby s'amuse à jouer avec les nerfs déjà à vif de Josh en le faisant accoster à son bureau de vote par des citoyens pro-Bartlet dont les bulletins sont tous nuls ou erronés. Car, s'il semble certain que le président sera réélu (même s'il ne faut pas le dire trop fort), tous les personnages n'en sont pas moins dans un état électoral où l'adrénaline monte, les rendant encore plus survoltés qu'à l'accoutumée. Par-delà les grands enjeux pour le pays, l'épisode s'intéresse avant tout aux intéractions de ces figures familières, leurs échanges venant rythmer cette trop longue journée de travail.

Election Night ne sera ainsi qu'une suite d'anecdotes aussi savoureuses les unes que les autres, couvrant toute la palette des tonalités de la série. Il y aura des moments franchement drôles, comme Sam tentant la chance en criant trop tôt victoire et se retrouvant à devoir exorciser le mauvais sort sous les menaces de Toby, ou encore Josh confronté à la nouvelle secrétaire du président et aux règles qu'elle entend poser pour le briefing quotidien (avec Sam passant au travers du contrôle, car il était juste très en retard à la réunion précédente). Il y aura aussi des passages totalement improbables, Donna découvrant qu'elle a voté malencontreusement pour le candidat républicain et entreprenant de chercher un électeur de Ritchie pour échanger leur vote. Et puis il y aura des scènes plus pédagogiques, propres également à la série, comme Charlie qui s'occupe de l'éducation civique accélérée d'un jeune homme qu'il va conduire jusqu'au bureau de vote.

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Mais en plus, Election Night a l'habilité de contrebalancer ces instantanés de l'aile ouest avec une autre dynamique électorale où le suspense est bien réel, celle qui se déroule en Californie. C'est d'elle que va venir la surprise et ce frisson particulier que suscitent les aléas et l'imprévisibilité de la démocratie en action. Will Bailey se démène pour son candidat pré-décédé, fort de la promesse faite un peu légèrement par Sam de prêter son nom en cas de victoire. Tout en nous offrant une leçon synthétique des pratiques des électeurs et de leurs horaires de vote selon leurs opinions, Will ira jusqu'à conjurer les éléments météorologiques pour précipiter la tempête providentielle, dans cette scène marquante où la pluie se met à tomber lorsqu'il lève les yeux au ciel, parachevant ainsi de créer les circonstances favorables à la victoire inattendue du démocrate. Une touche de folie, idéaliste et touchante, traverse alors l'écran, ne laissant pas indifférente le téléspectateur.

L'annonce des résultats s'opère en deux temps, avec un timing parfaitement géré. Election Night se conclut sur le discours triomphant du président, au son d'une chanson hautement symbolique, The Times Are A-Changing, tandis que Process Stories démarre sur l'annonce des résultats de Californie avec - surtout - le nom de Sam révélé comme potentiel candidat pour le scrutin exceptionnel qui suivra. De cette nuit de festivités démocrates que raconte le second épisode, se dégage une douce euphorie communicative. Tout apparaît à nouveau possible. L'équipe se persuade que Sam doit relever le challenge, de la même manière qu'Andrea entend revendiquer sa grossesse, hors mariage, peu importe ce qu'en dira Toby. Pour autant, le subtil équilibre vers le réel et le dramatique propre à la série se rappelle à notre souvenir avec un coup d'Etat en cours en Amérique du Sud qui nécessite une réunion de crise de l'Etat Major, champagne et petits fours circulant toujours dans les salles de réception.

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Bilan : Election Night & Process Stories sont deux épisodes magistraux. Ils représentent parfaitement les atouts du style Sorkin, cette dimension grisante, ses répliques et personnages virevoltant allégrement dans un habile mélange d'humour et de sérieux. Mais ils sont aussi parcourus par un souffle particulier, celui d'un idéalisme triomphant, communicatif, avec une nuit de victoire où tout semble - un instant - possible. C'est aussi un épisode où de multiples storylines, plus personnelles, sont en cours, alors que s'esquisse le départ de Sam. Toutes ne seront pas gérées parfaitement jusqu'au bout ; cependant, le temps d'un double épisode, tout s'emboîte, se justifie, jusqu'aux paris d'Amy sur les plus résultats d'élections les plus improbables.

Ce début de second mandat était la fin d'une époque, on ne le savait pas encore, mais le revoir fait toujours particulièrement chaud au coeur. Unique.


NOTE : 9/10


La scène d'ouverture d'Election Night (4.07) :

20/04/2012

(Dossier) Les séries & la politique : Part. 2, Les grandes thématiques parcourant les séries politiques les plus représentatives



[Suite de : Les séries & la politique - Part. 1, Actualités et références passées de la série politique]

Depuis la décennie fondatrice des années 80, déterminante pour la série politique, de nombreuses fictions sont venues décliner ce thème particulier, rendant accessibles au petit écran les grandes figures du pouvoir. Elles ont démontré combien ce genre se trouve à la jonction de différentes approches narratives, toutes potentiellement légitimes et intéressantes. Certaines se concentrent donc sur la conquête du pouvoir mettant en lumière les ambitions et les rapports de force existant (1). D'autres donnent l'impression de se glisser au-delà des zones officielles, pour nous faire découvrir l'envers et les coulisses (2). Il en existe aussi qui s'adressent directement au citoyen, sources d'inspiration et de réconciliation avec la politique (3). Enfin, pour conclure, il sera intéressant de se demander si, entre excès de cynisme et idéalisme revendiqué, une voie existe pour le réalisme ? (4)

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(House of Cards / President)

1. La conquête du pouvoir : un ressort traditionnel transcendant les époques

Les jeux de pouvoir n'ont pas attendus le petit écran pour fasciner le public. Ce n'est sans doute pas un hasard si la série qui représente le mieux, de manière intemporelle, cette quête vers les sommets revendique d'ailleurs une inspiration théâtrale. Il y a du Shakespeare (Richard III, MacBeth) dans House of Cards, une trilogie de trois mini-séries qui illustre l'arc narratif type des luttes autour du pouvoir : la conquête, le maintien et la déchéance. J'ai parlé de la réactivité du petit écran britannique, ici, on bascule dans l'anticipation : le premier épisode s'ouvre en effet sur l'annonce de la chute de Margaret Thatcher, la suite traitant du bal des prétendants pour lui succéder au poste de Premier Ministre. Or, il fut diffusé sur la BBC le 18 novembre 1990, soit quelques jours avant que l'évènement n'ait lieu dans la réalité. Le personnage central de House of Cards est Francis Urquhart, une figure politicienne ayant durablement marqué les esprits, notamment par sa célèbre réplique récurrente passée à la postérité : "You might very well think that ; I couldn't possibly comment". Le machiavélisme et le cynisme extrêmes dont fait preuve cet homme politique pour parvenir à ses fins, l'aplomb et le charisme avec lequel il rompt le quatrième mur pour interpeller le téléspectateur, sont d'une noirceur fascinante. Elle se rapproche en bien des points d'une série américaine ultérieure, dans laquelle le milieu de l'entreprise se substitue à celui de la politique, Profit.

Les ressorts de la tragédie, toujours, sont particulièrement perceptibles actuellement dans la fascinante Boss de Starz, mettant en scène le puissant maire de Chicago en proie à une maladie dégénérative inéluctable. Ils permettent aux fictions traitant de l'acquisition ou de la perte du pouvoir de proposer des récits solides et prenants, sans avoir à traiter du fond même de la politique. A l'instar des Hommes de l'Ombre, diffusée sur France 2 en février et qui évoque une campagne présidentielle française précipitée par l'attentat commis sur le président de la République, on y trouve une personnalisation des enjeux, à travers les ambitions - ou les qualités - de chacun, tout en ne négligeant pas de décrire la mécanique des rouages à l'oeuvre. Le potentiel dramatique de ces histoires où la dynamique centrale repose sur des sacrifices et d'épreuves est fréquemment utilisé. En Corée du Sud, récemment, plus que Korean Peninsula qui était une expérience de politique fiction alternative sur les rapports des deux Corées, l'exemple le plus intéressant est President. Cette série nous relate la campagne électorale présidentielle, partant des primaires au sein du parti, jusqu'à l'élection générale face aux opposants des autre formations. Non seulement, elle met en scène une partie d'échecs électorale sans concession, mais elle dispose en plus d'un élément particulier en arrière-plan : une démocratisation beaucoup plus récente du pays. Se perçoit ainsi une conscience particulière de la démocratie, marquée par l'empreinte des mouvements de libéralisation des années 70-80 qui ont forgé les certitudes du héros dans le sang de la perte d'un être cher.

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(Party Animals)

2. L'envers du décor : par-delà la zone officielle

Comme toute série se déroulant dans un milieu professionnel déterminé, une partie de l'attrait que peuvent exercer les fictions politiques tient à la possibilité d'aller au-delà des images communément montrées dans les médias. Il s'agit ici de découvrir les coulisses, les dynamiques qui y règnent, mais aussi de partir à la rencontre des personnes qui appartiennent à ce monde. Pour les évoquer, les séries ont pu prendre des directions très différentes. Dans The West Wing, le téléspectateur ne pouvait qu'être marqué par ce véritable esprit d'équipe au sein du staff, qui domine particulièrement dans les premières saisons. Avec une approche plutôt orientée dramédie légère, la sympathique Party Animals nous introduisait dans les couloirs de la Chambre des Communes, sans prétention autre que de s'intéresser aux relations (tumultueuses) unissant un groupe de jeunes professionnels rêvant de grandes carrières. A l'opposé, dans le registre de la comédie, une série américaine comme Spin City a pu mettre en scène le staff de la mairie de New York en usant d'un humour relativement consensuel, pas toujours très subtil mais jouant bien sur l'absurde des situations - ou des postures des personnages. Si elle appartient sur le papier au même genre, l'anglaise The Thick of it prend un parti beaucoup plus sombre : elle adopte une tonalité satirique, à la fois corrosive et irrévérencieuse, particulièrement jubilatoire. L'intérêt de tous ces portraits pas forcément des plus flatteurs est de permettre au téléspectateur d'accéder à un certain envers du décor désacralisé. 

Découvrir les coulisses de la politique, c'est aussi permettre l'exploration de thématiques de fond inhérentes au pouvoir. Parmi les sujets les plus emblématiques, les rapports avec le quatrième pouvoir constitué par la presse sont une préoccupation récurrente du petit écran, qui se fait ici l'écho des interrogations des démocraties modernes, où la communication est devenue centrale, ayant tendance à prendre le pas sur tout le reste. La danoise Borgen fait de cet enjeu un de ses thèmes centraux, justifié par les liens (compliqués) qui unissent deux de ses personnages principaux. Au fil de ses deux saisons, la série a ainsi l'occasion de traiter de toutes les facettes de cette problématique : les relations entre personnel politique et journalistes, mais aussi le parti pris éventuel de la presse sous ses différents formats (tabloïd, télévision). Cependant, au-delà de cette approche traditionelle, il est assez révélateur de constater que c'est par le biais du thriller que le petit écran a souvent évoqué le sujet. En France, si Reporters a toujours conservé une storyline liée aux arcanes du pouvoir, la construction de sa saison 2 aboutit à un récit très ambivalent d'une subtilité rare pour dépeindre les rapports des journalistes d'investigation avec le Premier Ministre, sur fond de terrorisme et d'espionnage industriel. Dans un autre registre, la mini-série anglaise State of Play, mettant en scène deux amis, l'un parlementaire et l'autre journaliste - son ancien directeur de campagne -, a parfaitement retranscrit les conflits d'intérêt potentiels et les arbitrages auxquels la presse se livre dans ses rapports avec les autorités.

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(Borgen)

3. L'idéalisme et l'inspiration : la série citoyenne ?

La série peut aussi se saisir du politique pour le rendre au citoyen. En effet, si la politique a souvent engendré des désillusions, elle n'en demeure pas moins le terreau de tous les espoirs. Ces débats autour de la chose publique renvoient à l'idée du bien commun, à celle du changement possible. Or le temps d'un épisode, la fiction peut redonner toute sa force à l'idéal démocratique et rendre au téléspectateur un espoir fou, réveillant une conscience citoyenne. The West Wing a souvent été louée, à juste titre, non seulement pour sa pédagogie - cette impression d'éteindre la télévision plus intelligent qu'on ne l'avait allumée -, mais aussi pour être parvenue à réconcilier l'individu désabusé à la gestion des affaires publiques. Au-delà de la figure si emblématique du président Jed Bartlet, le petit écran a prouvé à maintes reprises qu'il était capable de sublimer/magnifier la chose publique pour proposer des passages marquants. Cet instant de grâce où le citoyen se ranime dans le téléspectateur, lequel peine presque à contenir son enthousiasme devant son petit écran, représente à mes yeux l'essence véritable et la magie des séries politiques. Elles seules sont capables de nous faire ainsi vibrer. Pour cela, elles empruntent souvent l'accent caractéristique d'un certain idéalisme qui peut prendre des formes très différentes.

A travers nombre d'interventions de Jed Bartlet, The West Wing reste sans doute la seule à avoir été capable de mobiliser le plus régulièrement cet aspect particulier aux fictions de ce genre. Mais dans sa septième saison, avec le débat en direct ayant opposé les deux candidats à l'élection présidentielle, elle a aussi prouvé qu'elle savait décliner ce savoir-faire et cette tonalité dans l'exercice plus compliqué d'un véritable échange. Par ailleurs, on retrouve dans d'autres séries cet instant de grâce démocratique, aussi fugace que soudain. Le pilote de Borgen en contient un exemple parfait, lorsque Birgitte, n'ayant plus rien à perdre, se lance dans un discours-vérité improvisé, au plus grand désespoir de son spin-doctor. Ce même ressort narratif, celui de la sincérité d'une profession de foi, se retrouve également dans la série japonaise Change, où l'exercice est poussé à son paroxysme dans le dernier épisode. Le personnage de Kimura Takuya, devenu Premier Ministre du Japon, est alors confronté à un scandale sans précédent. Pour reprendre la main, il s'adresse à la Nation, annonçant sa décision de dissoudre la Chambre des Représentants. Pendant une durée de 22 minutes (!), en plan fixe, face à la caméra, il se lance dans un discours fleuve où il exprime ses vues et ses états d'âme. Il est le seul protagoniste à apparaître à l'écran durant cette longue scène, le téléspectateur se retrouvant ici assimilé aux citoyens fictifs du Japon. L'exercice ne manque pas d'audace, tant le dynamisme d'ensemble de la série se retrouve soudain comme suspendu, figé par la solennité du moment. Et le contenu même du discours a beau être d'une approche consensuelle et idéaliste trop poussée, il est difficile de rester insensible à cette mise en scène.

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(Change)

4. Entre cynisme et idéalisme, y-a-t-il une place pour le réalisme ?

Parmi les séries politiques réussies, on en trouve qui abordent cet univers sans concession, avec une noirceur revendiquée, d'autres qui optent pour une démarche plus optimiste... Mais au milieu de tout cela, où situer le degré de réalisme de ce que l'on regarde ? Certes, parler de réalisme dans une série, c'est évoquer quelque chose de très subjectif : cela correspond en effet à la conformité apparente de la série avec les idées préconçues que le téléspectateur peut avoir sur tel ou tel sujet. C'est la fameuse impression d'authenticité qui peut émaner d'une fiction. Au cours des dix dernières années, The West Wing (contre-utopie à l'Amérique de George W. Bush, puis reflet-anticipation de celle de Barak Obama à travers Matt Santos - pour lequel les scénaristes s'inspirèrent de celui qui n'était alors que sénateur de l'Illinois) et The Thick of it ont chacune brillamment proposé une certaine vision de la politique et de ce monde... Mais pour parler de réalisme, pour capturer aussi bien la force des idéaux et des attentes que les compromissions inhérentes à l'exercice du pouvoir et aux déceptions qu'il entraîne, c'est vers les fictions directement inspirées de faits réels qu'il faut sans doute se tourner. Je laisse ici volontairement de côté toutes les séries dites "historiques" (comme The Kennedys l'an dernier ou en 1983).

Dans ce registre particulier qui consiste à évoquer le réel à travers des oeuvres de fiction, c'est assez logiquement vers le pays ayant la tradition du récit politique la plus marquée que l'on revient : l'Angleterre et la réactivité de son petit écran aux évènements. J'ai déjà mentionné l'exemple de On Expenses, sur le scandale des notes de frais. De manière générale, si j'ai éclairé l'importance des années Thatcher sur l'évolution de la fiction politique anglaise, la décennie travailliste de Tony Blair a également eu un grand impact. Le trilogie de Peter Morgan (scénariste) et Stephen Frears (réalisateur), The Deal, The Queen, The Special Relationship, l'illustre parfaitement. The Deal par exemple, qui évoquait les rapports entre Tony Blair et Gordon Brown, fut diffusé par Channel 4 en 2003, la semaine précédant la conférence annuelle du Parti Travailliste. Cette particularité d'être capable de traiter de figures de pouvoir sans la moindre complaisance, alors même que celles-ci sont encore en place, se retrouve dans une autre mini-série de cette période, The Project, diffusée sur BBC1 (donc une chaîne publique) en 2002. Produit de la collaboration entre Leigh Jackson et Peter Kosminsky, cette fiction nous relate la décennie des années 90 à travers les yeux de jeunes militants travaillistes, c'est-à-dire les années d'opposition, puis la victoire et le temps des compromissions. Elle résume finalement bien toutes les facettes du récit politique, entre ambitions personnelles, engagement pour des idées, espérances et déceptions.


La politique est un sujet passionnant, particulièrement riche, qui offre bien des voies à explorer aux scénaristes. Il y aurait encore énormément à écrire sur le sujet. N'hésitez donc pas à réagir et à compléter cet article (assez) transversal, pour lequel il a forcément fallu faire des choix. Est-ce que les séries politiques ont pour vous un intérêt ? Quels exemples représentatifs sont à vos yeux les plus parlants/marquants ?

Quant au mot de la fin, je l'adresse à mes lecteurs français, pour ce dimanche, et laisse la place à CJ :

19/04/2012

(Dossier) Les séries & la politique : Part. 1, Actualités et références passées de la série politique

Avec un dimanche à venir placé sous le signe de la politique (premier tour de l'élection présidentielle française, lancement de Veep sur HBO), c'est l'occasion ou jamais d'évoquer ce sujet qui m'est cher : les séries politiques.

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Cela fait six ans que The West Wing s'est conclue. Une éternité. La source politique ne s'est pas tarie avec celle qui représente l'apogée de ce genre. En effet, depuis, de nombreuses séries ont vu le jour sur le sujet. Dans le versant dramatique, on pense notamment à Borgen (Danemark, 2010-..), President (Corée du Sud, 2010-2011), Daemul (Corée du Sud, 2010), Les Hommes de l'Ombre (France, 2012), Korean Peninsula (Corée du Sud, 2012), Boss (Etats-Unis, 2011-..), Yaldey Rosh Ha-Memshala (Israël, 2011-..), Ekipa (Pologne, 2007), Party Animals (Angleterre, 2007)... De plus, les comédies ne sont pas en reste avec des séries comme At Home with Julia (Australie, 2011), Polishok (Israël, 2009), The Hollowmen (Australie, 2008-..), Change (Japon, 2008), City Hall (Corée du Sud, 2009), The Thick of it (Angleterre, 2005-..), Parks & Recreation (Etats-Unis, 2009-..), Battleground (Etats-Unis, 2012), Veep (Etats-Unis, 2012), L'Etat de Grâce (France, 2007)... A l'exception d'At Home with Julia, qui fictionnalise la vie de la première Ministre d'Australie, et à un degré moindre et indirect de Yaldey Rosh Ha-Memshala dont la particularité est d'avoir pour scénariste la petite-fille de Yitzhak Rabin, nous sommes face à des fictions (non directement inspirées de faits réels).

Cette liste peut sembler longue. Elle n'a pourtant rien d'exhaustif. On pourrait encore y inclure Forbrydelsen (Danemark, 2007-..) ou The Wire (les dernières saisons) (Etats-Unis, 2002-2008) qui, à la jonction de différents genres, y auraient légitimement leur place. Ce bref exposé montre une chose : l'intérêt du petit écran pour la chose publique n'est pas un phénomène localisé (si j'avais pris le temps de faire des recherches, je suis persuadée que l'on aurait pu trouver des exemples sud-américains, voire africains). Cela semble correspondre à une réelle demande du public, peut-être tout simplement inhérente à la dynamique démocratique de nos sociétés (car si parler politique n'est pas garantie de succès, Borgen, Daemul ou encore Les Hommes de l'Ombre ont chacune rencontré leur public dans leur pays respectif). Certaines de ces fictions sont réussies, d'autres non ; elles ont toutes des partis pris narratifs différents, mais elles conservent pour point commun leur sujet de départ. Dans la catégorie "séries politiques", on retrouvera ainsi mêlées celles qui nous immergent dans le milieu politique, celles qui mettent en scène des thématiques politiciennes, ou même celles qui s'engagent, fictions citoyennes ou critiques.

J'ai toujours été profondément fascinée par le thème de la politique ; le rôle déterminant qu'a joué The West Wing dans la construction de ma passion pour les séries n'est pas un hasard. Dans ce dossier - en deux parties au vu de sa longueur -, j'aimerais essayer de vous expliquer à quoi correspond pour moi la série politique et les raisons pour lesquelles elle éveille mon intérêt. Pour commencer, il me semble nécessaire de rappeler que les premières grandes lettres de noblesse sériephiles de ce genre ne datent pas du XXIe siècle (I). Puis, dans une deuxième partie à venir, j'évoquerai les grandes thématiques explorées par quelques-unes de ces séries représentatives du genre (II).

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I. L'Angleterre, terre de fictions politiques : la décennie fondamentale des années 80

The West Wing s'est réapproprié le genre politique, elle ne l'a pas inventé. Le pays où la tradition de la série politique me semble la plus implantée est l'Angleterre. En terme de liberté de ton, d'acuité dans l'approche de ce milieu particulier et de traitement des thèmes qui transcendent le genre, mais aussi sur le plan de la réactivité par rapport aux évènements réels (le récent téléfilm On Expenses l'a encore une fois rappelé, relatif au scandale des notes de frais), la télévision anglaise n'a jamais hésité à aborder la question politique frontalement, sous toutes ses facettes et en empruntant toutes les tonalités. Et ce très tôt, sans doute parce que le genre s'est développé en s'inscrivant dans la lignée d'autres traditions narratives bien implantées.

Pour évoquer ces pionnières politiques du petit écran qui ont joué un rôle déterminant, la décennie marquante à retenir est celle des années 80-début 90, soit la décennie du gouvernement de Margaret Thatcher en Angleterre. On y croise quelques-unes des comédies politiques les plus réussies ayant durablement marqué les esprits, parmi lesquelles je retiendrais deux séries cardinales : Yes Minister (1980-84) / Yes Prime Minister (1986-88), et The New Statesman (1987-92). Précisons qu'elles ne sont pas les seules à l'époque - mais d'autres sont plus anecdotiques comme, par exemple, sur ITV, No job for a lady (1990-92). Par ailleurs, dans un registre très différent, les mini-séries politiques dramatiques ont également su se faire une place et s'essayer à l'exercice de la politique-fiction : A very British coup (1988) ou encore GBH (1991), voire même Edge of Darkness (1986), n'ont pas laissé indifférent, sachant que la grandiose House of Cards (1990-95) est, elle, venue refermer magistralement l'ère Thatchérienne.

L'attrait du petit écran pour la politique, tout comme la pertinence et la qualité pour l'évoquer, ne sont donc pas nés avec les années 2000.

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La série qui représente à mes yeux la quintescence de la fiction politique, ayant durablement imprégné les esprits, mais aussi la manière de concevoir la politique et ses ressorts (bien au-delà du seul petit écran anglais), reste Yes Minister / Yes Prime Minister. Rythmée par des dialogues délicieusement ciselés, maniant un humour froid souvent très drôle, cette série nous décrit les coulisses d'un cabinet ministériel (et puis, promotion oblige, du 10 Downing Street), en s'intéressant plus particulièrement aux relations entre les fonctionnaires en place au sein de l'administration et l'homme politique censé les diriger. Offrant à ses personnages des numéros de duettistes aux répliques jubilatoires qui resteront cultes, Yes Minister est une brillante comédie satirique qui, tout en sachant garder une distance par rapport à son sujet, fait preuve de beaucoup de finesse et de perspicacité pour capturer et décrire les dynamiques à l'oeuvre dans les coulisses gouvernementales. Demeurée une référence en matière d'écriture politique, elle a connu de nombreux remakes à travers le monde. Un retour au petit écran a même récemment été annoncé, les créateurs de l'original (Jonathan Lynn et Antony Jay) reprenant leur plume après une incursion au théâtre en 2010.

L'autre grande comédie politique de l'époque est The New Statesman. S'inscrivant dans un registre plus sombre, volontairement corrosive, cette série met en scène un MP (représentant à la Chambre des Communes) nouvellement élu du parti conservateur, Alan B'Stard. Arriviste ambitieux, arrogant et amoral, s'affranchissant de toutes limites et assumant toutes les prises de position sans sourciller, ce personnage provocateur (qui doit aussi beaucoup à la performance de Rik Mayall pour l'interpréter) reste une des figures les plus marquantes du petit écran britannique (que l'on peut éventuellement rapprocher d'autres anti-héros "détestables" de la comédie de l'époque, comme Blackadder). Dotée de dialogues très cinglants, se complaisant dans un humour aussi noir que savoureux, cette comédie particulièrement irrévérencieuse dresse en filigrane un portrait au vitriol du monde parlementaire, tout en entraînant son personnage principal dans toutes sortes d'histoires et plans improbables, y compris à l'étranger. Signe de son impact durable, le nom d'Alan B'Stard parle toujours aux Anglais et reste à l'occasion utilisé par ses créateurs, des années après la fin de la série, pour signer des éditoriaux dans certains journaux britanniques.

(Le générique de The New Statesman)


Aujourdhui, dans les séries actuelles, il existe toujours des héritières s'inscrivant dans la lignée ainsi tracée par leurs prédécesseurs. En 2009, la comédie israëlienne Polishok s'inspirait encore directement de la voie ouverte par Yes Minister (dont j'ai aussi parlé d'ailleurs du renouveau futur annoncé). Mais, ces dernières années, c'est sans aucun doute l'excellente The Thick of It qui apparaît comme la plus grande et digne représentante de cette tradition (qui s'exporte jusqu'au grand écran, avec In the loop). Elle a su adapter et intégrer des exigences modernes, notamment avec son approche mockumentary, tout en préservant les acquis satiriques consacrés précédemment.

Signe d'un filon inépuisable, le créateur de The Thick of It, l'Ecossais Armando Iannucci (qui, en 2005, décrivait sa série comme la rencontre de Yes Minister avec The Larry Sanders Show), lance ce dimanche sur HBO une nouvelle comédie Veep très attendue, mettant en scène une vice-présidente américaine interprétée par Julia Louis-Dreyfus. Cette nouveauté est à surveiller de près et montre que ce créneau qui s'est construit sur plusieurs décennies demeure porteur pour le petit écran.


La suite : Part. 2, Les grandes thématiques parcourant les séries politiques les plus représentatives.


[Ce premier article inaugure une nouvelle catégorie sur le blog : les Dossiers. Jusqu'à présent My Télé is Rich! a toujours été très centré sur les reviews - avec deux/trois billets d'humeur exceptionnels -, j'aimerais l'élargir à des billets un peu plus transversaux. Histoire de pouvoir prendre un peu de recul avec la production télévisuelle. N'hésitez donc pas à réagir (aussi ^^) sur cette idée.]

28/07/2011

(US) A la Maison Blanche (The West Wing) : Hommage personnel à une grande série

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Hier soir, j'ai ressorti un des premiers, si ce n'est le premier, coffret DVD de séries que j'ai acheté, pour une célébration un peu particulière. Car en ce mois de juillet 2011, je fête un anniversaire d'un genre à part : il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Certes, je regardais déjà beaucoup de séries auparavant. Mais un tournant s'est produit cette année-là, une prise de conscience. Au cours de l'été 2001, le vendredi soir en deuxième partie de soirée, France 2 diffusa la première saison d'une série créée en 1999 et qui connaîtra en tout 7 saisons sur la chaîne américaine NBC : A la Maison Blanche (The West Wing).

C'est étrange comme la mémoire humaine fonctionne, car je me souviens encore distinctement de cette soirée estivale. Ou plutôt du frisson, entre vertige et jubilation, qui accompagna mon visionnage du pilote. C'était une euphorie diffuse, unique, une sensation que je n'avais jamais éprouvée jusqu'alors devant aucune série. Ce soir-là, je me suis dit que si la sériephilie pouvait procurer ce genre d'émotions, si elle savait proposer ce type de créations, alors elle méritait qu'on s'y investisse sérieusement.

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Lors du TV Meme, l'an dernier, je vous avais déjà confié qu'il n'y a pas de débat, ni d'hésitation, lorsqu'on me demande aujourd'hui quelle est ma série préférée : A la Maison Blanche s'impose comme une évidence. Elle m'a marqué plus que toute autre, et aucune fiction ne saura jamais rivaliser avec elle. Tout simplement parce qu'au-delà de ses qualités, il y a d'autres éléments purement conjoncturels qui ont installé cette série au sommet de mon panthéon personnel. A l'époque, j'avais 16 ans, une passion dévorante pour les États-Unis et une fascination pour la politique qui m'avait fait engloutir des rayonnages entiers de bibliographies de présidents américains. Un intérêt qui se faisait ressentir jusque dans les fictions : un des romans que j'ai le plus (re)lu cette année-là était Nulle part au monde, de Richard North Patterson.

Et puis, ma sériephilie même était encore en phase d'éveil et d'apprentissage, à la croisée des chemins. J'avais déjà regardé suffisamment de séries télévisées pour me construire un étalon qualitatif et une esquisse de sens critique, mais pas encore suffisamment pour être devenue cynique ou blasée. C'était une période charnière dans la construction de cette passion. La force d'A la Maison Blanche est d'avoir su parler aussi bien à mon coeur qu'à ma tête.

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A la Maison Blanche a donné ses plus belles lettres de noblesse à la fiction politique, intimidant et servant désormais autant d'inspiration que de repère à tout un genre télévisuel. La génération des Borgen n'a-t-elle pas grandie devant cette oeuvre ? Ancrée dans le réel, elle a su s'adresser et toucher le téléspectateur-citoyen. Grâce au savoir-faire de ses scénaristes-orfèvres, elle a réconcilié le plus désabusé d'entre nous avec les ressorts et rouages d'une politique politicienne qui a soudain retrouvé un sens. La série fera toujours preuve d'une pédagogie consciencieuse, mais jamais rébarbatrice, restant constamment accessible à un public pas forcément familier des institutions américaines.

Si A la Maison Blanche a tant marqué, c'est aussi parce qu'elle n'a jamais hésité à aborder de manière frontale des thématiques sociales importantes, centrales dans les démocraties occidentales modernes. Ses sujets ont toujours paru très concrets. Jamais timorée, elle ne s'est pas défaussée devant les thèmes les plus sensibles ou difficiles. Elle n'a jamais avancé cachée, ne dissimulant pas le fait que parler politique, c'est effectivement émettre des opinions, pas forcément consensuelles. La série a toujours assumé son discours. Ses personnages ont argumenté, construit des réflexions, esquissé des réponses et prôné des principes et des valeurs, sans pour autant jamais s'égarer dans un élan moralisateur. Elle a su trouver ce bon dosage, cet équilibre si volatile, entre réalisme et idéalisme, pour faire vibrer la fibre particulière qui se trouve en chacun de nous : sans s'abaisser à un plus petit dénominateur commun hypothétique, elle nous a au contraire tous élevé dans son sillage.

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A la Maison Blanche, c'est aussi un style d'écriture très reconnaissable et qui a forgé son identité. La série a été créée par Aaron Sorkin, un scénariste n'aimant rien tant que nous plonger dans l'envers du décor, comme l'illustrent ses autres séries, de Sports Night à Studio 60 on the Sunset Strip. Les quatre premières saisons portent indéniablement sa marque. Son départ bouleversera l'équilibre originel de l'oeuvre, mettant à mal ses fondations. Après une saison 5 hésitante et troublée, la plus faible des sept, la série retrouvera cependant ensuite une seconde vie, s'épanouissant dans un autre registre, au cours de ses deux dernières saisons qui complètent finalement pleinement le cycle politique et humain qu'elle nous aura fait vivre.

Ses fameuses "réunions pédestres", survoltées, hantant les couloirs de l'aile ouest resteront une des images caractéristiques à laquelle demeure associée la série, jusque dans cette parodie célèbre de Mad Tv qui les met en scène. En effet A la Maison Blanche est une série qui parle beaucoup, mais qui n'ennuie jamais. Ses dialogues admirablement ciselées, déclamés suivant un débit à donner le vertige, reflètent une maîtrise de l'écriture proprement jubilatoire pour un téléspectateur qui se laisse emporter. Alternant le sérieux mais aussi l'humour, cette série m'aura fait pleurer de tristesse, mais aussi de rire. La dureté des drames de certains épisodes trouve son pendant parfait dans la légèreté d'autres (ah, le plan secret de Josh pour lutter contre l'inflation !). S'épanouissant dans cette narration sur-dynamique, la série requiert une concentration de tous les instants pour être visionnée en version originale. Mais voyez-vous, ce sont justement les scénaristes de ce calibre, Aaron Sorkin, David E. Kelley, Amy Sherman-Palladino qui m'ont fait devenir sériephile.

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Souvent brillante par sa façon d'aborder ses sujets, A la Maison Blanche n'en a pas pour autant négligé sa dimension humaine. Si elle a pu fidéliser les téléspectateurs, c'est en partie grâce à une galerie de personnages, hauts en couleur et attachants, qui auront tous su s'imposer. Certes, tout ne fut pas toujours parfait. Mais le point fort de la série aura été de savoir générer un véritable esprit d'équipe, en installant une complémentarité et, surtout, une complicité naturelle et instinctive à l'écran au sein de ce groupe si soudé et vivant. Les relations de travail, mais aussi d'amitié, ont toujours efficacement gérées ; et si les rapports plus sentimentaux ont pu être plus hésitants, voire maladroits, la série aura su mener à terme et récompenser ses plus fervents shippers, bouclant ainsi la boucle de la plus satisfaisante des manières.

Autour de cette figure présidentielle quasi-idéale, mais pourtant très humaine et donc faillible, incarnée Jed Bartlet, A la Maison Blanche rassemble un staff, porté par une dynamique propre, que l'on prendra toujours plaisir à retrouver. Leo, Josh, Donna, C.J, Toby, Sam, Charlie... Ils ont tous eu une place. Leo fut la voix de la sagesse, C.J., un modèle de pragmatisme et de sang-froid. Josh représentera l'arrogance et la brillance des élites démocrates, tandis que le caractère de Toby restera légendaire. La pointe d'idéalisme de Sam, le bon sens de Donna, le regard neuf de Charlie, étranger à cette sphère politique, constitueront autant de portes d'entrée pour le téléspectateur, de points d'accroche dans une fiction qui aura compris qu'il ne faut jamais perdre de vue l'importance des personnages, qui sont le coeur d'une oeuvre, aussi solide que puisse être le sujet de départ.

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Par ailleurs, la force d'A la Maison Blanche a aussi été de réunir un casting cinq étoiles qui saura proposer une interprétation des plus solides, à la hauteur des scénarios. Débutant avec un groupe de rêve, composé de Martin Sheen, John Spencer (La loi de Los Angeles), Allison Janney (Mr Sunshine), Bradley Whitford (Studio 60 on the Sunset Strip, The Good Guys), Richard Schiff (Past life), Rob Lowe (Brothers & Sisters, Parks & Recreation), Janel Moloney et Dulé Hill (Psych), on y croisera dans les saisons suivantes Stockard Channing (Out of Practice), Joshua Malina (Sports Night), Jimmy Smits (La loi de Los Angeles, New York Police Blues, Cane), Kristin Chenoweth (Pushing Daisies) ou encore Alan Alda.

Mais A la Maison Blanche, ce fut aussi de très nombreuses apparitions en guest-stars de visages déjà familiers du petit écran ou qui le deviendraient plus tard : Mary-Louise Parker (Weeds), Edward James Olmos (Battlestar Galactica), Elisabeth Moss (Mad Men), Gary Cole ou encore Jorja Fox (Les Experts) et Emily Procter (Les Experts Miami).

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Enfin, et c'est aussi pour cela qu'elle est si importante : A la Maison Blanche demeure irrémédiablement attachée à ce tournant du XXIe siècle aux États-Unis. Elle n'est pas vieille, puisqu'elle a été diffusée de 1999 à 2006. Mais elle est pourtant précisément datée et conservera toujours le parfum de son époque. Tour à tour contre-utopie, puis reflet-écho de la société américaine, la fiction a su rejoindre ou croiser le fer avec la réalité, supportant les comparaisons comme peu de fictions en sont capables. Elle s'est imposée et a marqué dans un contexte particulier. Si elle sera à jamais associée à Jed Bartlet, c'est aussi parce que l'idéalisation de cette figure sera sortie grandie du contraste avec la réalité offerte par son homologue texan d'alors. Plus généralement, c'est la série qui a su proposer le didactique et pédagogique Isaac & Ismaël dans les semaines immédiates qui ont suivi le 11 septembre.

Cependant, A la Maison Blanche n'a pas été seulement un refuge utopique démocrate dans une Amérique républicaine, ou une illustration de la supposée existence de deux Amériques, elle a aussi été, jusqu'au bout, une anticipation de politique fiction aboutie et, en un sens, visionnaire. Car cette série s'est conclu avec l'accession à la présidence de Matt Santos, figure construite sur le modèle et en s'inspirant de celui qui était alors seulement sénateur de l'Illinois, un certain Barak Obama. Tous les parallèles facilement identifiables entre ces deux politiciens, le premier fictif, le second réel, les verront partager jusqu'à leur destinée, empruntant la même route qui les conduira jusqu'à la Maison Blanche. En 2006, sur NBC, Matt Santos sera élu président des Etats-Unis, dans la dernière et septième saison de la série qui tira ainsi sa révérence ; en 2008, viendra le tour de Barak Obama.

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Bilan : Brillante et inspirante, traversée par une dynamique grisante, A la Maison Blanche est une grande série. De celles qui marquent durablement non seulement le petit écran, mais aussi le genre qu'elle a investi, démontrant toute l'étendue et les possibilités offertes par la fiction politique. Pour sa représentation de la société américaine, pour son parfum d'idéalisme qui aura su redonner foi au téléspectateur-citoyen, pour tous ces instants jubilatoires qu'elle nous aura faits vivre, pour ces discours que l'on aurait tant voulus, nous aussi, applaudir, A la Maison Blanche demeure incontournable, un de ces phares du paysage téléphagique.


Je n'ai plus 16 ans. J'ai vu depuis, au cours des années qui ont suivi, des centaines, des milliers de séries... Ma consommation télévisuelle actuelle n'a plus grand chose à voir avec mes programmations d'alors à prédominance américaine NBC-ienne. Mais je vais vous confier un secret : hier soir, j'ai re-visionné le pilote d'A la Maison Blanche et une chaleur particulière a envahi mon coeur. Il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Et j'en suis toujours fière.


NOTE : 9,5/10


Le générique de la série :

26/02/2011

[TV Meme] Day 26. OMG WTF season finale

La sensibilité du téléphage à ce jour du TV Meme est un des symptômes de sa passion. Elle représente la capacité des scénaristes à lui fixer un rendez-vous qu'il n'oubliera pas, celui qui aura lieu dans quelques mois pour le retour des inédits de la série. Dans la construction narrative d'une fiction dont le format lui permet de s'étendre sur plusieurs années, la gestion de ces transitions est fondamentale. Cela signifie pas que ces fins de saisons seront automatiquement des ruptures. Certaines optent pour une simple continuité à peine perturbée, laissant le téléspectateur à son confort déjà bien rodé. De manière générale, entre la sobriété d'une season finale sans à-coup et les excès de remises en cause versant dans la surenchère, je préfèrerais toujours la première.

En somme, jouer avec les nerfs du téléphage, c'est grisant. Mais attention, il existe un art du cliffhanger  pour ne pas laisser un arrière-goût désagréable d'artificialité à un téléspectateur qui n'aime pas non plus la manipulation à outrance.

 

J'ai tendance à penser qu'un cliffhanger réussi sera tout simplement un passage qui restera dans notre mémoire téléphagique. Tous n'ont pas à être "explosifs". On a aussi connu ces conclusions emportant d'innombrables questions existentielles, voire plus superficielles, qui laisseront un aspect particulier en suspens sans empêcher le téléspectateur de dormir pour les prochains mois. La vie personnelle des héros peut en susciter plus d'un. En symbolique de cet effet d'annonce facile, mais dont je garde un souvenir plein de tendresse : la demande en mariage particulière dans Lois & Clark, saison 2, avec le "who's asking Clark or Superman ?" (oui, j'étais une adolescente un tantînet fleur bleue !). Mais l'élément introduit peut être autrement plus dérangeant, comme découvrir la personne à côté de laquelle Lorelai se réveille à la fin de la saison 6 de Gilmore Girls.

Lois & Clark : Les nouvelles aventures de Superman, saison 2


Néanmoins, les cliffhangers les plus aboutis, ceux dont on se souvient encore parfaitement lorsque l'on jette un regard rétrospectif sur la série, ce seront avant tout ceux qui auront fait vasciller les bases même du récit. S'ils sont bien maîtrisés, ils peuvent être géniaux. En leur sein, deux grandes catégories se distinguent : ceux qui optent pour le suggestif, en laissant la storyline en suspens (par exemple en mettant en danger la vie d'un (ou plusieurs) personnage mais sans que l'on sache ce qu'il va lui advenir), et ceux qui provoquent le bouleversement avant la fin, pour nous abandonner devant un "to be continued" qui n'aura jamais été aussi frustrant que lorsque vous venez d'assister à une telle redistribution des cartes.


Des season finale appartenant à la première catégorie, parmi ceux qui me viennent instinctivement à l'esprit, je citerais notamment : certaines des fins de saison de Spooks (MI-5), série qui nous laissa plus d'une fois sans voix notamment lors de ses deux premières saisons ; mais également Babylon 5 (saison 3 - Za'ha'dum) ; ou encore Farscape qui en a fait une spécialité maîtrisée (saison 2 - Die Me Dichotomy ; saison 4 - Bad Timing) ; et enfin The West Wing, saison 1 : What Kind of Day Has It Been ?. Le seul que j'ai vécu pleinement (c'est-à-dire pour lequel je n'ai pas pu lancer le DVD de l'épisode suivant dans la foulée) est le dernier, c'est sans doute pourquoi il demeure emblématique dans mon esprit, tout en mettant en scène un indémodable classique : une fusillade. Plus que le contenu, ceci s'explique par les conditions (compliquées) dans lesquelles je l'ai suivi : dans l'anonymat des soirées du vendredi de l'été 2001, France 2 avait confidentiellement diffusé la saison 1. Elle ne reprit sa diffusion de la saison 2 à destination des noctambules que plusieurs années après (2005 ?). Entre temps, je vous rassure, j'avais pu me ruiner en investissant dans les coffrets DVD sortis. Il reste que c'est sans doute le season final que j'ai ressenti le plus intensément parce que j'ai été forcée de respecter ce délai théoriquement imparti entre les deux saisons. Ce qui m'amène à penser que pour qu'un cliffhanger puisse être vraiment apprécié, il faut que son visionnage respecte le rythme de diffusion pour lequel il a été conçu ; mais aussi éviter de tomber dans cette chasse aux spoilers quasi-obsessionnels pour certains. Il faut rester dans sa bulle et apprécier le récit pour ce qu'il est (une utopie à notre époque).

The West Wing, saison 1 : What Kind of Day Has It Been ?



Cependant, les fins les plus marquantes restent sans conteste celles qui ont su bouleverser vraiment les bases narratives de la série, celles qui ont remis en cause tout ce quotidien confortable dans lequel le téléspectateur avait pris ses habitudes, faisant voler en éclat toutes ses certitudes conquises après plusieurs saisons à fréquenter les personnages et la dynamique d'ensemble. Ne nous voilons pas la face : ce sont aussi les cliffhanger les plus risqués. Il est si facile de trop en faire, d'égarer la recette de la série, voire de jump-er the shark en étant ensuite incapable de rebondir à partir des nouvelles données.

Parmi ces cliffhangers les plus ambitieux, deux me viennent tout particulièrement à l'esprit. Tout d'abord, celui de la fin de la saison 2 d'Alias. Je vous l'ai déjà dit : je n'aime pas le style de J. J. Abrams ; quelque part au milieu de Ses conceptualisations mythologiques, de sa gestion d'écriture et des personnages, j'ai un jour eu une réaction épidermique de rejet que je n'ai depuis jamais surmontée. Alias fut la dernière série que j'ai, un temps (2 saisons), pu apprécier - je crois qu'elle est aussi celle qui m'a vacciné de l'illusion des fictions mythologiques. Mais j'ai beau nourrir nombre de griefs à l'encontre du scénariste, je suis la première à reconnaître que ce final de la saison 2 était... magistral ! Je m'en souviens encore comme si c'était hier : il mêlait absolument tous les ingrédients, une vraie remise à plat générale, avec du mystère, de la mythologie et des instants shipper. Je me rappelle trépignant devant ma télé en m'écriant (intérieurement) : "non, ce n'est pas possible !".

L'autre grand final de ce genre conclut aussi une saison 2, il s'agit de  Battlestar Galatica (Lay down your burden). Sur New Caprica, les colons sont désormais installés, Gaïus est président... Une illusion de presque happy end balayée et réduite à néant en un instant, par ces quelques dernières minutes qui relancent ce cycle fatal sans fin : l'arrivée des cylons.

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Pour autant, si la science-fiction offre des possibilités fascinantes pour conclure une saison, j'ai aujourd'hui opté pour un autre genre de bouleversement. Une fin plus basique mais tout aussi intense qui vient consacrer, de la plus terrible des façons, une autre spirale : un glissement hors de contrôle déjà perceptible, désormais irréversible. Il s'agit d'une mort particulière, comme un symbole, celle qui vient marquer la fin de la saison 5 de The Shield.

Ce meurtre glaçant prend au dépourvu par ses circonstances, tant par la victime que par l'identité du tueur... Elle marque véritablement la fin de l'idée même de la Strike Team, telle qu'on a pu la connaître en dépit de tous les aléas. La sentence de Vic, à la toute fin de l'épisode, où il promet une vengeance implacable nous confirme que plus rien ne pourra être comme avant. Même s'il ne le sait pas encore, la confrontation avec Shane se profile irrémédiablement à l'horizon. L'engrenage infernal lancé des années plus tôt vient soudain de s'accélérer dangereusement, le téléspectateur étant pleinement conscient que cela ne peut que mal se terminer.

The Shield, le superbe teaser de la saison 6 :



The Shield
- Entre la 5 et la 6, un webisode effectuait un lien entre les saisons :