28/05/2011
(US) Justified, saison 2 : le temps de la maturité
On m'a souvent dit que la saison 2 d'une série (américaine) serait celle qui révèle la vraie valeur de l'oeuvre en question. La saison 1 prend la température, cherche le juste équilibre et son identité. La saison 2 démontre - ou non - la maîtrise et la vision des scénaristes. Si ce point de vue m'apparaît discutable, il est cependant tentant d'appliquer ce schéma à une série qui, de coup de coeur personnel l'an dernier, s'est imposée ce printemps comme une incontournable du petit écran d'outre-Atlantique.
Nul doute que j'avais aimé la première saison de Justified. J'étais tombée sous le charme de ses anachronismes westerniens, de son atmosphère atypique imprégnée du Kentucky profond, de ses personnages à la dualité fascinante, de ses acteurs charismatiques... Bref, il existait certainement mille et une raisons qui avaient fait de Justified une de mes séries américaines en cours de production préférées. Cela ne signifiait pas que cette première saison avait été exempte de défauts, la narration hésitante du procedural au feuilletonnant montrait bien que les scénaristes avaient cherché leur voie. Sauf que, voyez-vous, en ce printemps 2011, Justified a acquis une autre dimension.
Grâce à sa saison 2, elle a dépassé le stade de la série appréciable, correspondant parfaitement à mes goûts et se suivant avec plaisir, pour devenir progressivement le rendez-vous téléphagique hebdomadaire que j'attendais avec le plus d'impatience chaque semaine. Elle est entrée dans le cercle de ces séries qui savent procurer de vrais instants jubilatoires que l'on va tout particulièrement chérir. Une maturation et une forme de consécration qui viennent donc récompenser l'investissement du téléspectateur.
Cette saison 2 aura dans l'ensemble suivi un schéma de construction narrative similaire à la première, mais globalement mieux maîtrisé, renvoyant l'impression rassurante que les scénaristes savaient parfaitement où ils allaient en construisant pierre par pierre les confrontations à venir. Une fois la storyline de Floride - laissée en suspens l'an dernier - rapidement clôturée, Justified ne tergiversera pas. Cette fois, les quelques stand-alones du début sont non seulement vite éclipsés par les intrigues à dominante feuilletonnante, mais surtout ces premières escarmouches vont elles-mêmes être reliées aux grands arcs narratifs et leur servir de base. Si bien que c'est sous la forme d'un tout homogène et consistant que se présente cette saison 2, dont les différents actes traduisent la rigueur des scénaristes : la montée en puissance, le climax et, enfin, une vraie conclusion qui referme le chapitre.
Tout en reprenant les ingrédients qui avaient fait le charme de la première saison, Justified ne se contente pas de rester sur ses acquis. C'est une variante qui nous est en effet proposée, explorant et redéfinissant des thématiques qui ont ce mérite de n'être jamais figées. Les rapports de force, qui régulent sous nos yeux fascinés ce Kentucky profond qui vit suivant ses propres codes, restent constamment mouvants. La famille demeure une donnée centrale du récit, démontrant qu'au-delà des déchirements internes, les liens du sang semblent toujours l'emporter. Les trafics et petits arrangements avec la loi forment aussi toujours cette nébuleuse inaccessible à qui tenterait de la décrypter de l'extérieur. Cette saison, plus encore que dans la précédente, les scénaristes, en travaillant l'ambiguïté qui lui est inhérente, auront eu à coeur de faire ressortir cette atmosphère particulière qui place la série si loin de tous ces cop-shows aseptisés.
En dépit de tous ses efforts, les pas de Raylan le reconduisent toujours inévitablement vers Harlan County. Le lien du passé ne saurait se rompre ; mieux encore, il pèse sur chacun des personnages incapables de s'en défaire, biaisant leur jugement, et renforçant l'impression que ce qui se joue n'est qu'un énième acte d'un demi-siècle de confrontations au fin fond du Kentucky. A ce jeu vain d'une émancipation impossible, c'est sur l'introduction des Bennetts que va repose la dynamique de la saison. Affrontement moins personnel et consanguin que face aux Crowder, il est cependant tout aussi intime : le contentieux est déjà lourd avec les Givens, le clash adolescent de Raylan et d'un des fils n'ayant été qu'une piqûre de rappel parmi d'autres. Sauf que Mags Bennett est bien plus qu'une simple adversaire. Pilier d'un système, elle s'impose en matriarche pragmatique, à la fois dure mais également prompte à vouloir mener à bien de secrets espoirs pour le futur de sa famille. Si elle joue sur l'ambivalence que son image peut renvoyer, son personnage, avec ses multiples facettes, place cette confrontation à un autre niveau qu'un réducteur enjeu de vendetta ou de légalité.
On retrouve à travers Mags Bennett une des forces constantes de la série : le soin tout particulier apporté à des personnages jamais interchangeables. De manière générale, tous les principaux protagonistes - voire au-delà - bénéficient de cette finesse d'écriture qui fait d'eux des figures nourries de certitudes et de paradoxes. Cette dimension humaine va se trouver encore renforcer dans cette saison 2. Non seulement les grands arcs narratifs, bien gérés, forment une seule et même histoire admirablement maîtrisée, mais, marquant la volonté de ne pas rester figée, la série apparaît placée sous le signe de l'évolution, ou du moins des tentatives, forme de quêtes existentielles un peu futiles mais inébranlables. Ainsi Boyd poursuit-il ses réflexions éthiques, recherchant un équilibre qui semble toujours se dérober. De façon plus affirmée et approfondie que précédemment, c'est toute la galerie de personnages gravitant autour de Raylan qui gagne en consistance et se complexifie.
Cependant, le marshall demeure, par l'importance de ses choix, la figure incontournable. S'il fascine toujours autant, c'est que, lui aussi, il va connaître des évolutions durant cette saison 2. Sa relation avec Winona, et la découverte de ce qu'il serait prêt à faire pour elle, bouleverse bien des certitudes sur son rapport à la loi. S'il a toujours cultivé cette indépendance, jusqu'où serait-il prêt à aller au nom des sentiments ? Quelque part, alors même qu'il commence à reparler futur, perce une pointe d'autodestruction dans l'attitude qu'il adopte, chevillée au corps (et au coeur) de façon peut-être encore plus criante. Durant toute la saison, Raylan tourne et se rapproche inexorablement de Harlan, de ces racines volontairement oubliés. Jusqu'à s'y brûler. Le season finale revêt ici une portée symbolique particulière. Si ses nerfs d'acier, comme l'assurance infaillible qu'il met en scène consciemment ou non, ne lui feront jamais défaut, il faudra par deux fois une intervention extérieure pour lui sauver la vie. Au fond, la saison poursuit le mythe inaccessible du cow boy indestructible, tout en le battant en brèche. Les derniers développements laissent entrevoir d'autres remises en cause pour la suite.
Bilan : La saison 2 de Justified aura été celle de la maturation. Parvenant à pleinement exploiter les atouts du concept fort sur lequel repose la série, les scénaristes auront aussi su ne pas se contenter de rester sur leurs acquis, faisant preuve d'une réelle ambition à saluer. Dotée cette fois d'une contruction narrative maîtrisée du début à la fin, des premières pierres jusqu'à la chute finale, la série aura réussi à proposer un feuilletonnant consistant et captivant, agrémenté de certains passages proprement jubilatoires qui marquent la récompense suprême de l'investissement du sériephile fidèle. A savourer sans modération !
NOTE : 9/10
Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :
Le générique de la série :
15:05 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : justified, fx, timothy olyphant, nick searcy, natalie zea, joelle carter, walt goggins, jacob pitts, erica tazel | Facebook |
Commentaires
Comme Orange rediffuse en ce moment la saison 1, je pense que je vais vite voir cette saison 2.
En tout les cas, ton article me laisse bien penser que je ne me suis pas trompé de série "à voir". Je n'ai pas regretté l'immersion dans ce drama en saison 1 et j'avais aussi trouvé la storyline Miami très mal dispersé et vite résolue en fin de saison mais avec un "to be continued" pour ma part.
Bref, vivement la saison 2 outre-atlantique, c'est à dire dans mon salon :)
Écrit par : David | 29/05/2011
@ David : L'investissement était mérité en effet (bel instinct téléphagique ;) ). Honnêtement, j'aimais bien Justified, mais cette saison 2 m'a vraiment agréablement surprise par sa qualité et son ambition narrative ! Je t'envie qu'elle reste pour toi encore à découvrir ; savoure car c'était vraiment une des meilleures américaines des 6 derniers mois ! ;)
Écrit par : Livia | 01/06/2011
Bien d'accord avec cette review.
Une saison 2 qui approfondit de manière plus aboutie ce que l'on entrapercevait au cours d'une première saison régulièrement jouissive mais aussi inégale.
Écrit par : Fred | 01/06/2011
Oyo, c est sur que c est tout de même mieux que la saison 1 c était pas difficile vous me direz. pour moi cette deuxième saison commence uniquement à partit du sixième épisode pas avant le reste est un long (trop) prologue qui met en place du manière confuse et chaotique tout le reste de la série.
Olyphant commence tout juste à être un acteur il plisse les yeux comme Eastwood mais il est loin d'en avoir son charisme Goggins croit a moitié à son role (tellement mieux dans the shield) avec son air de chouette pris dans les phares d'une voiture n ai pas Nicholson qui veut et enfin Natalie Zea qui m avais litteralement scotché dans la premiere saison de Hung est sous exploité dans cette série meme chose pour Rebecca Creskoff qui toujours dans Hung est bien meilleure que sa courte apparition dans cette saison
Tout ça pour dire les scripts sont sur la bonne voie c'est à voir mais pour moi ces 6 derniers mois en série US il y a tellement mieux la liste est bien trop longue bon ok j'en balance quelques unes Terriers Big C Hung S2 In treatement S3 Bored to death S2 (un must)Good wife S2 j arrete là j ai plus de place...
Ride ON
Écrit par : Dibs | 04/06/2011
@ Fred : Heureuse de lire que tu as également apprécié cette saison !
@ Dibs : C'est fou combien il est possible d'avoir des vues diamétralement opposées sur une fiction. Autant les reproches (brouillon, commençant à l'épisode 6) me semblaient justifier durant la 1ère saison, autant dans cette saison 2, la maîtrise narrative m'a semblé beaucoup plu aboutie. J'ai vraiment eu l'impression de scénaristes qui ont pris la mesure de leur concept, investissant pleinement leur cadre (le Kentucky) et toute cette galerie de personnages bigarrés, sans tout faire reposer sur Raylan. Bref, pour moi, c'était vraiment consistant. ;)
Pour les acteurs, autant j'ai toujours eu un peu de difficulté avec Goggins, autant j'avoue avoir toujours défendu (parfois un peu contre vents et marées) Timothy Olyphant. Mais autant certains de ses rôles pouvaient être critiqués, autant dans ce type précis de personnage, je le trouve parfait dans ce côté un peu coincé/un brin caricatural.
Sinon, parmi les séries "incontournables" de la saison 2010-2011, je n'aurais pas forcément choisi les mêmes dans les 6 derniers mois. J'aurais cité Big Love, Friday Night Lights (parmi les séries dont je n'ai pas parlé)...
Terriers, je la rapproche de Justified justement, parce que la montée en puissance de la s1 m'a précisément rappelé la manière dont Justified s'est peu à peu imposée. Pour The Good Wife, je n'ai pas vu la saison 2, mais pour ce que j'en ai vu en s1, je l'aurais imaginée plutôt un cran en-dessous ; peut-être s'est-elle améliorée elle-aussi.
Sinon, merci de me rappeler qu'il faut absolument que je prenne le temps de rattraper que la HBO-ienne convaincue que je suis doit vraiment mettre à profit cet été pour rattraper certains incontournables dont elle a raté les débuts pour des raisons indépendantes de sa volonté, et qui depuis la nargue. ^_^ Mais en même temps, tu sais, c'est aussi rassurant de savoir qu'il me reste des séries "de côté" à découvrir ! ;)
(Pour The Big C, par contre, je suis désolée, ce sera sans moi.)
Écrit par : Livia | 08/06/2011
"(Pour The Big C, par contre, je suis désolée, ce sera sans moi.)"
C'était pas mal pourtant The Big C.
Le show est porté à bout de bras par Laura Linney, mais comme elle y est excellente, ça fonctionne bien.
Bon sinon, j'ajoute ma pierre à celle de Dibs pour conseiller les saisons 2 de Hung et Bored to death.
Au rayon FX cancellé, Terriers bien sûr mais aussi Lights out, pas mal foutue du tout.
Écrit par : Fred | 08/06/2011
"C'était pas mal pourtant The Big C.
Le show est porté à bout de bras par Laura Linney, mais comme elle y est excellente, ça fonctionne bien."
J'aime beaucoup Laura Linney, mais là c'est juste le thème. Je ne peux pas regarder une série sur ce sujet, c'est pour une raison purement personnelle.
"Bon sinon, j'ajoute ma pierre à celle de Dibs pour conseiller les saisons 2 de Hung et Bored to death."
Je vais me programmer Hung pour cet été. Pour Bored to Death, je suis curieuse mais hésitante. Rappelez-vous mes rapports compliqués avec tout ce qui est comédie.
"Au rayon FX cancellé, Terriers bien sûr mais aussi Lights out, pas mal foutue du tout."
FX va finir par me déprimer avec toutes ces annulations. :'(
Écrit par : Livia | 10/06/2011
Ciao tutti
@Lydia c est dommage que tu es une réticence sur The Big C il y un un super casting une fin d' Anthologie j ai pris claque sur claque entre les 2 dernières minutes de Big C et de Weeds S6 finissant la même semaine (moi qui pensait à l'époque que Weeds était la saison de trop mal m'en a pris).
Bon j avoue il y a un sérieux trou d air au milieu de la saison de Big C mais cela reste a voir. pour ce qui est de Bored to death allez un petit effort cela ne dure que 20mn l'ep. un humour potache qui parfois cache un deuxième degrés beaucoup plus fin et dévastateur que ne renierait pas Woddy Allen à ses débuts... et puis je me suis tellement fendu la poire rien que sur le mot Orangina ils sont vraiment fort ces ricains.
Autre série qui reste à voir mais bon c' est pas une obligation parce que il faut bien avoir une vie sociale saperlipopette
The Chicago Code pour les beaux yeux de Jennifer et l intensité et la tension palpable qui peut y avoir entre Beals et Delroy Lindo (et oui encore un Britannique
qui joue brillamment) avec tout de même Jason Clarke en deçà de ses prestations habituelles. Un et puis pour la route un petit Detroit 187; bof au début; très bon pour la suite et une fin sans éclat et originalités dommage...
Enfin Lone Star la nouvelle série la plus prometteuse pour moi cette saison, planté magistralement par la Fox au bout de 2 épisodes. I like it!
Ride On
Écrit par : Dibs | 10/06/2011
Magistrale ? Envoutante ? Puissante ?
Je pourrai faire un mélange subtil pour définir la saison 2, mais voilà, le résultat est bien là. Plus fouillée et bien meilleure, en effet, que la saison 1, alors que la saison avait déja conquis ma salle TV, la saison 2 m'a surpris. En effet, nous sommes dans une continuité entre les deux saisons, c'est énorme. Il y a encore quelques mystères non résolus en fin de saison 2 pour se dire que Justified pourrait s'étaler sur autant de saisons qu'ils veulent si ils arrivent à tenir le bon bout. Qu'est-il advenu de Crowder en fin de saison 2 ? On tiens là une véritable pépite que nous ne sommes pas près de voir sur le hertzien, abonné depuis longtemps à des séries calibrées pour notre cerveau. Sortez les flingues pour découvrir cette série.
C'est Justifié !
Écrit par : Le Dav' | 27/10/2011
@ Le Dav' : Heureuse de voir que tu as également été agréablement surpris par cette saison 2. Elle m'a impressionnée à plus d'un titre. Espérons que la s3 poursuive sur cette voie et maintienne cette qualité ! :D
Écrit par : Livia | 30/10/2011
Oui souhaitons le. Franchement, quand j'ai découvert cette série je me doutais et de loin que ça allait me prendre aux tripes comme ça. Mention spéciale à la famille complétement déjantée de cette saison quand même ;)
Écrit par : Le Dav' | 31/10/2011
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