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09/05/2012

(J-Drama) Suzuki Sensei : un high school drama consistant et attachant

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique ! Je voudrais revenir aujourd'hui sur un drama dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises depuis l'automne dernier : Suzuki Sensei. Les sous-titres anglais avaient été placés en hiatus pendant un temps, mais ils ont finalement été complétés et j'ai donc pu reprendre mon visionnage (je tenais à avoir tout vu avant d'en rédiger une critique). Il faut dire que ce drama aura été une belle surprise, dans laquelle je me suis lancée initialement pour une raison qui vous fera sans doute sourire : son affiche bigarrée et colorée m'interpellait. Je suis habituellement peu versée dans les high school dramas, mais voilà bien l'exception qui confirme la règle.

Suzuki Sensei a été diffusé sur TV Tokyo du 25 avril au 27 juin 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un manga éponyme de Taketomi Kenzi. D'une durée de dix épisodes de 45 minutes environ, il sera complété par un film qui a été depuis annoncé - en dépit d'audiences pour le moins assez faibles. Outre le fait d'avoir réussi à me passionner pour une série ayant pour cadre un lycée, Suzuki Sensei aura aussi marqué ma première rencontre - juste avant Kaseifu no Mita - avec son acteur principal, Hasegawa Hiroki (que, sans y prendre garde, je ne quitte plus depuis - il a même un rôle secondaire dans mon actuel second coup de coeur japonais de 2012 qu'est Unmei no Hito).

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La lecture du synopsis de Suzuki Sensei ne laissait pas entrevoir la particularité de ce drama. En effet, il est présenté comme une série entendant s'intéresser tout particulièrement aux dynamiques parcourant une classe de lycéens, non seulement du point de vue des élèves, mais surtout en s'arrêtant sur leur professeur principal, Suzuki Akira. Ce dernier est un enseignant extrêmement dynamique, dont les méthodes atypiques et parfois provocantes ne font pas l'unanimité du corps professoral, mais lui permettent de jouir d'une solide popularité auprès de ses élèves.

En effet, il n'hésite pas à responsabiliser ces derniers, cherchant toujours à provoquer une réflexion chez ces adolescents en quête de repères. Loin de vouloir leur imposer une discipline rigide, il encourage au contraire les confrontations orales au sein de sa classe, orchestrant des échanges très animés permettant de crever les abcès de tension et de créer une dynamique de groupe agréable pour travailler. Essayant de développer leur sens critique, persuadé que c'est en faisant des erreurs que l'on apprend, il oblige ses élèves à se dévoiler et à se révéler, construisant peu à peu une vraie solidarité entre eux.

Les méthodes ne sont pas orthodoxes, mais le fil conducteur du drama dans lequel un professeur tente d'apporter des solutions aux problèmes d'adolescents reste familier. Outre la touche personnelle de l'enseignant, Suzuki Sensei aborde de front, sans tabou, des sujets qu'on a peu l'habitude de voir traiter aussi crûment et directement (notamment la question de l'éducation sexuelle), prenant parfois des positions loin de faire l'unanimité. Initiant le débat, c'est un drama qui retient l'attention.

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La réussite de Suzuki Sensei, au-delà de sa qualité de l'écriture et du soin apporté à la mise en scène, tient en premier lieu à l'empathie que la série va être capable de susciter auprès du téléspectateur. En s'efforçant de prendre le pouls d'une classe, mais aussi du métier d'enseignant, elle développe un versant émotionnel fort qui ne laisse pas indifférent. Ayant tendance à surligner les états d'âme des élèves comme de leur professeur, le drama semble parfois excessif dans les réactions qu'il dépeint. Pourtant, il se montre toujours touchant et, surtout, vivant. Car son grand atout est le travail réalisé sur la personnalité de chaque personnage. Adolescents comme adultes, leur caractérisation est dense et aboutie. Aucun n'est unidimensionnel, ni ne sert de faire-valoir. Chacun gagne en complexité et en profondeur tout au long de la saison, avec quelques scènes - notamment de discussions collectives - qui sont de vrais bijoux en terme d'échanges spontanés.

Cette dimension humaine très affinée explique le fort attachement que j'ai pu éprouver devant ce drama : c'est une suite de portraits que Suzuki Sensei dresse et affine au fil de ses épisodes. Ses protagonistes, avec leurs contradictions, leurs doutes et leurs certitudes, apparaissent entiers et authentiques. Les lycéens, ayant encore tant à apprendre sur la vie, se brûlent souvent les ailes pour apprendre certaines réalités ; mais ils le font avec l'intransigeance et l'aplomb de l'adolescence. La force de la série est également de ne pas se contenter de s'intéresser à quelques individualités, mais de montrer un intérêt sincère pour la vie d'un collectif. J'ai rarement assisté à une telle mise en scène réussie d'une ambiance de groupe, amenée avec une construction narrative cohérente et un final habile qui conclut tous les arcs ouverts et tire les conclusions - parfois même les plus difficiles - du semestre écoulé.

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Si Suzuki Sensei est capable d'interpeller le téléspectateur, il le doit aussi à son personnage principal. Suzuki Akira a a priori tous les traits classiques du professeur atypique si cher aux high school drama. S'exprimant avec une assurance communicative, il est charismatique et n'hésite pas à sortir des sentiers battus. Cependant il n'en demeure pas moins humain, avec les limites inhérentes à cette nature. En choisissant de nous faire partager certaines de ses pensées ou assister à ses rêves, la série éclaire toutes les facettes les plus ambivalentes du personnage. Certes il est sincèrement passionné par son métier, veut le bien pour ses élèves, mais il reste faillible. Non seulement, en se laissant emporter par ses convictions, il commet des erreurs relationnelles - vis-à-vis de collègues, mais aussi d'élèves - qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. Mais de plus, il reste un homme, ne contrôlant pas ses réactions : ses fantasmes sur une de ses étudiantes et le trouble qu'il mettra longtemps à contenir face à elle éclairent un versant plus sombre, bien éloigné du professeur idéalisé par ses élèves.

C'est cette part d'ambiguïté qui est la caractéristique marquante et l'apport de Suzuki Sensei. Les méthodes d'enseignement particulières de Suzuki encouragent les confrontations de points de vue, et permettent d'esquisser des débats de fond. En laissant la parole aux élèves, elles aboutissent à de sacrées introspections. Ce parti pris d'une réflexion collective peut paraître utopique - et la matûrité dont font preuve certains élèves peut surprendre -, mais il confère au drama une légitimité pour parler sans détour de problèmes et de questionnements d'adolescence, avec une triple problématique centrale : l'amour, le sexe et la morale. Le drama n'hésite pas à investir des sujets sensibles et à donner des réponses controversées. On ne partage pas forcément les vues de l'enseignant, mais la dynamique tranche avec toute approche manichéenne et consensuelle (évitant justement certains jugements). Mon principal regret, ici, est de connaître insuffisamment le Japon et sa société pour pouvoir recontextualiser la série (la place de l'éducation sexuelle, les débats qui existent sur le sujet...). Cependant, avec ses moyens, Suzuki Sensei offre un instantané nourri de paradoxes et de prises de position sujettes à discussion. Il essaie d'initier des questionnements ; et même s'il n'ira pas au bout de sa réflexion, la démarche est intéressante.

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Intrigante sur le fond, Suzuki Sensei m'a également agréablement surprise sur la forme. La réalisation est maîtrisée, bénéficiant de plans aboutis appréciables. Et, surtout, elle use habilement de filtres qui influent sur l'atmosphère de la série : l'image est en effet très travaillée, avec des couleurs saturées aux teintes sombres. C'est une identité visuelle que l'on n'aurait pas forcément associé à un high school drama, mais qui se justifie pleinement. Elle fonctionne d'autant mieux que la série bénéfice d'une excellente bande-son : la chanson rock du générique de début (cf. la vidéo en fin de billet) et celle plus dramatique qui vient conclure les épisodes sont extrêmement bien choisies ; et les instrumentaux qui accompagnent ont souvent quelque chose de déchirant, simples bruitages par moment, qui contribuent à construire la tonalité ambivalente du drama.

Enfin, Suzuki Sensei bénéficie d'un convaincant casting. Comme je l'ai déjà évoqué, le personnage principal est interprété par Hiroki Hasegawa (Second Virgin, Kaseifu no Mita, Seinaru Kaibutsutachi). Cela reste sans doute le meilleur rôle dans lequel j'ai pu voir l'acteur : énergique et charismatique, il parvient bien à capturer les ambiguïtés d'un professeur passionné qui n'en a pas moins d'importantes failles, et auquel on s'attache justement pour ces limites. Du côté des adultes, Usuda Asami (Kurumi no Heya) incarne sa petite amie, tandis que Tomita Yasuko joue une enseignante avec qui la concurrence va s'exacerber. Cependant, la grande réussite de ce drama vient tout particulièrement des jeunes acteurs (Tsuchiya Tao, Fujiwara Kaoru, Miki Honoka, Nishii Yukito...) interprétant les élèves : avec une spontanéité rafraîchissante, ils délivrent des performances sincères qui sonnent juste. L'homogénéité et l'authenticité qui émanent de cette galerie de lycéens renforcent la crédibilité et l'attachement que l'on peut porter à ce drama. 

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, abordant sans détour les sujets difficiles qui agitent l'adolescence en ayant l'habileté de présenter de manière consistante tant les points de vue du professeur que des élèves, Suzuki Sensei est un drama qui interpelle et ne laisse pas indifférent. Le téléspectateur s'attache à cette galerie de protagonistes dont les états d'âme, exacerbés, sonnent terriblement humains. C'est une oeuvre qui recherche et assume une intensité émotionnelle assez fascinante. Au-delà des prises de position à débattre, la mise en scène des dialogues et des questionnements rend ce high school drama particulièrement vivant et authentique. Une intéressante surprise.


NOTE : 8/10


Le générique :

02/05/2012

(J-Drama) The Quiz Show, saison 1 : un déstabilisant jeu télévisé

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Après quatre mercredis asiatiques consacrés à la fiction sud-coréenne, il est temps de retourner explorer le petit écran japonais. Je vous propose de reporter l'exploration des nouveautés printanières et de laisser de côté les bilans de l'hiver achevé (même si j'y reviendrai notamment pour vous parler d'une série en cours de sous-titrage, pour l'instant extrêmement prometteuse, et qui devrait devenir mon deuxième grand coup de coeur de l'année après Shokuzai). Aujourd'hui, nous allons nous arrêter sur un j-drama un peu plus ancien, carrément inclassable, qui figurait depuis quelques temps sur ma liste de séries à découvrir : The Quiz Show.

Ce drama a été diffusé sur NTV du 6 juillet au 27 septembre 2008 le samedi dans la nuit. Sa première saison compte 12 épisodes de 23 minutes environ chacun. Une deuxième saison a été diffusée l'année suivante, conçue sur un format plus long (le classique 45 minutes par épisode), avec un casting différent. Il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une forme de suite, ou plutôt d'un remake exploitant les mêmes recettes. Ne l'ayant pas vue, ma critique portera uniquement sur la première saison qui s'apprécie indépendamment. Si je tiens tout particulièrement à cet article, c'est que The Quiz Show est une de ces belles surprises qui redonne foi en ces concepts à suspense où tout repose sur l'ingéniosité du scénario et ses acteurs. 

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The Quiz Show est le nom de l'émission de jeu télévisée que la série met en scène. Elle va s'intéresser à ses coulisses, tout en nous faisant vivre, comme un téléspectateur lambda, la participation de différents candidats pour tenter de remporter le premier prix. Ce dernier est alléchant : s'ils parviennent à répondre aux septs questions posées, ils peuvent remporter 10 millions de yens, ou bien, en continuant jusqu'au dernier niveau, voir leur rêve le plus cher devenir réalité, avec le soutien de la chaîne de télévision. Seulement, à chaque émission, ce qui commence par de simples questions de culture générale accessibles au participant prend progressivement un tour de plus en plus personnel, glissant dans leur vie intime pour les déstabiliser.

Car The Quiz Show n'est pas un jeu ordinaire. Son objectif est d'éclairer les failles de ses candidats, visant à exposer leurs sombres secrets au grand jour. Petit à petit, sous la pression, voire l'appât du gain, ces "victimes" initialement consententes finissent par dévoiler une part d'eux-mêmes qu'ils tiennent jalousement secrète. Certains mentent, d'autres se décomposent et perdent leurs moyens. Il y en a qui profitent de l'émission pour soulager leur conscience et expier un poids devenu trop lourd à porter, tandis que d'autres ressortent brisés de l'expérience. Mais de plus, en filigrane, un autre fil rouge mystérieux se superpose à cette succession de candidats-victimes. Ces derniers ne sont pas choisis au hasard : quelles motivations se cachent dans les coulisses de l'émission ? Animé par un présentateur exubérant dont le passé comporte ausis un confus et dramatique secret, The Quiz Show est produit par un inquiétant individu dont l'agenda caché semble déterminer toute l'émission. 

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The Quiz Show appartient à cette catégorie, prisée mais rare, des OTNI (object télévisuel non identifié). Ce sont ces fictions aux concepts intrigants, qui n'hésitent pas à expérimenter et où la gestion habile des prises de risque va palier les limites formelles et budgétaires. Lorsque ces dramas sont bien dosés, le télépectateur les savourent toujours avec une satisfaction particulière, justement parce qu'ils réhabilitent l'originalité : ils osent tenter des choses et sont capables d'explorer et de repousser les limites de leur univers. C'est exactement ce que j'ai ressenti en visionnant The Quiz Show. Faisant preuve d'une réelle maîtrise narrative, cette série va se construire une tension psychologique prenante et efficace, dont l'intensité va aller crescendo à mesure que la saison progresse.

Sa réussite tient tout d'abord à la manière dont elle s'approprie pleinement son concept : elle fait sienne les dynamiques propres à une émission de télévision, avec la dose de voyeurisme qui lui est inhérente. Mettant à profit sa durée relativement courte - une vingtaine de minutes par épisode - qui lui permet d'aller à l'essentiel, la structure de The Quiz Show repose principalement sur le jeu mis en scène, son rythme dépendant de la succession de questions et de la montée des tensions. Si le drama laisse entrevoir les coulisses de l'émission, avec des interventions de la régie à chaque dérapage durant le direct, son cadre principal reste le plateau de télévision. En dépit de la présence du public, des millions de téléspectateurs derrière leur écran, c'est bel et bien sur un ressenti de huis clos que joue la série. Car The Quiz Show va être une histoire de face à face. 

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En effet, ce drama repose sur une double confrontation dont les enjeux ne sont révélés que progressivement. La première, la plus évidente, est celle qui naît entre le présentateur et chaque candidat. Si The Quiz Show suit un schéma presque invariable, nous faisant assister à la déstabilisation progressive de la "victime" du jour, pour la conduire à exposer spontanément ou non un terrible secret, chaque émission a ses particularités. Tous les candidats ne sont pas placés sur le même plan : pour certains, leur personnalité et l'acte commis font qu'ils ne peuvent connaître aucune forme de rédemption et le présentateur se montre sans pitié ; pour d'autres, l'émission sert de confession expiatoire, plaçant la personne devant ses responsabilités et l'obligeant à cesser de fuir. Capable de se renouveler, la série a l'habileté de ne jamais se laisser enfermer dans son concept. Elle n'est pas manichéenne, ni moralisatrice - les brèves conclusions du présentateur restent de simples chutes finales. De plus, elle va savoir jouer sur l'empathie du téléspectateur et ses nuances. Les sentiments que suscitent les différents personnages sont en effet très variables : certains sont sympathiques, tandis que d'autres apparaissent profondément antipathiques.

De manière générale, The Quiz Show ne se départit jamais d'une ambiguïté, incarnée par ses principaux protagonistes. C'est particulièrement perceptible dans la deuxième confrontation qui se construit en filigrane : celle du présentateur et du producteur. La série sait ici prendre son temps : elle dévoile une à une ses cartes, intrigant d'abord, puis construisant progressivement l'antagonisme qui lie les deux hommes. Ce fil rouge est bien dosé, se faisant de plus en plus pesant à mesure que la saison progresse et que l'on comprend que même le choix des candidats dépend de ce face à face. The Quiz Show tiendra ses promesses, proposant une confrontation finale à la hauteur de la tension introduite. Elle l'orchestre de façon admirable sur les deux épisodes de fin. Elle respecte en plus jusqu'au bout les codes établis par les premières émissions, puisqu'il s'agit d'un affrontement, avec un voyeurisme expiatoire vengeur assumé, qui va remettre en cause les certitudes de certains et faire apparaître, dans la douleur, la vérité.

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Sur la forme, The Quiz Show tire partie de son budget limité et de son format relativement court pour entretenir la proximité avec le plateau de l'émission et les différences participants, contribuant ainsi au huis clos et à l'atmosphère si difficile à cerner de la série. Dès le générique d'introduction, la chanson rock déchirante proposée (Paralyzed ocean, de Pay money to my pain) donne le ton : elle apparaît comme un écho parfait au cri de désespoir dont le drama se fait le récit. Parfois pesant, pathétique, voire inquiétant, il y a une volatilité d'ensemble que la caméra va savoir capturer, grâce aux performances des acteurs.

The Quiz Show bénéficie en effet d'un convaincant casting. Une bonne partie de l'intensité de la série repose sur la performance énergique de Katagiri Jin (Chojin Utada), un acteur que je ne connaissais pas et qui m'a impressionnée dans ce rôle très particulier. Il a été capable de cerner toutes les ambivalences et facettes de son personnage, retranscrivant l'exubérance du présentateur, mais aussi ses failles, avec une interprétation ambiguë hantée par un douloureux passé inaccessible. Face à lui, on retrouve Totsugi Shigeyuki (Uta no Onii-san) qui reste initialement cantonné à un rôle machiavélique en retrait, mais va être en mesure de se révéler dans les deux derniers épisodes de la saison. De plus, il faut noter que le drama accueille aussi son lot de guest-stars notables parmi les candidats des différentes émissions : on retrouve notamment Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku) en chanteur has been, Takahashi Mai (Mousou Shimai) en mangaka ratée ou encore Sato Jiro (Uta no Onii-san, Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro) en astrologue ambitieux.

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Bilan : Drama intrigant et original qui entend exploiter sous toutes ses facettes le concept particulier qui est le sien, The Quiz Show nous introduit dans une émission télévisée déstabilisante au sein de laquelle se construit une tension psychologique des plus prenantes. Plaçant en son coeur une double thématique de vengeance et d'expiation, il se caractérise par une admirable maîtrise narrative tout au long de ses douze épisodes, capable de prendre son temps pour poser ses enjeux et offrir une résolution à la hauteur des attentes. C'est vraiment une expérience réussie des plus intéressantes, qui sort de l'ordinaire dans le paysage des dramas japonais.

En résumé, une curiosité à découvrir !


NOTE : 8/10


Le début du premier épisode (avec le générique d'ouverture de la série) :

07/03/2012

(J-Drama / SP) Hoshi Hitotsu no Yoru : une simple histoire d'amitié

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Un mercredi asiatique japonais, une nouvelle fois, sur My Télé is Rich!. Pour tout vous dire, je profite des quelques semaines actuelles surchargées professionnellement pour éviter d'entamer de nouvelles séries et plutôt regarder (enfin) différents tanpatsus que j'avais mis de côté depuis l'automne dernier. D'autant que je découvre sous ce format plus bref d'autres terrains à explorer dans le petit écran japonais, et quelques jolies oeuvres qui méritent un détour, même si elles ne sont pas sérialisées. 

Hoshi Hitotsu no Yoru est un tanpatsu qui a été diffusé sur Fuji Tv, le 25 mai 2007. Il dure 1h30. Ce qui avait initialement retenu mon attention, c'était la présence de deux acteurs que j'apprécie beaucoup : Watanabe Ken et Tamaki Hiroshi. Mais la lecture de son synopsis avait également aiguisé ma curiosité : en effet, Hoshi Hitotsu no Yoru appartient à ce genre des human dramas qui, s'ils sont réussis, savent réchauffer le coeur du téléspectateur. Et je ne vais pas faire durer le suspense : j'ai passé une très bonne soirée devant ce drama !

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Hoshi Hitotsu no Yoru, c'est l'histoire d'une rencontre, puis d'une amitié qui va se forger entre deux personnes qui appartiennent à deux mondes très différents et n'ont a priori rien de commun, si ce n'est leur propre isolement. Nonoyama Hiroji est un homme récemment sorti de prison après y avoir purgé une longue peine. Il travaille comme agent d'entretien et de nettoyage dans une salle de spectacle. Lors de son service, un soir, après une représentation, il trouve un manteau oublié sur un siège. Une des poches contient une liasse de billets d'un total de 500.000 yen.

Troublé devant cette petite fortune, il imagine que cela doit beaucoup compter pour le propriétaire de la veste. Une enveloppe le renseigne sur le nom de ce dernier, un certain Iwasaki Daiki, et sur son adresse. Hiroji décide de lui rapporter le soir-même l'habit, avec la somme intacte. Il découvre un jeune homme solitaire, un peu maladroit socialement, qui, vivant dans une luxueuse résidence, ne semble avoir aucune conscience de la valeur de l'argent. Daiki insiste pour le remercier financièrement, ce que Hiroji refuse. Intrigués chacun par l'autre, c'est à partir de là qu'une amitié va peu à peu naître entre ces deux hommes en porte-à-faux par rapport au reste de la société... 

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Le charme de Hoshi Hitotsu no Yoru tient à un mélange savamment dosé d'humanité et de simplicité. Avec une authenticité rafraîchissante, il nous raconte la naissance d'une amitié sincère et sans arrière-pensée, telle qu'elle peut s'esquisser dans la réalité : avec sa part de maladresses initiales, son lot d'hésitations, mais aussi et surtout cette progressive ouverture sur l'autre qui l'accompagne, véritable petit miracle des relations sociales. Ce drama joue admirablement dans un registre assez minimaliste, lié à l'intime des personnages, qui lui permet de toucher le téléspectateur lui-même. Centré sur les rapports entre Hiroji et Daiki, c'est une oeuvre entièrement dédiée au relationnel qui fait preuve d'une justesse d'écriture rare. Ses scènes les plus convaincantes seront ainsi celles des tête-à-tête entre les deux personnages principaux, où les silences et les flottements en disent aussi longs que les mots.   

Si elle fait sien le thème de l'amitié, Hoshi Hitotsu no Yoru séduit aussi par une tonalité où pointe un optimisme diffus. En effet, c'est à une forme de double renaissance à laquelle on assiste au fil du tanpatsu. Hiroji et Daiki ont chacun besoin, à leur manière, d'un soutien pour aller de l'avant. Les rapports à l'argent de Daiki, sa quasi-dépendance à un mode de vie qui lui permet de gagner des fortunes sans voir personne, l'ont coupé du reste du monde. Hiroji est celui qui va l'inciter à se réouvrir aux autres, et notamment à son amie, en dépit de ses mauvaises expériences passées. Quant à l'ancien prisonnier, il a lui perdu une décennie de sa vie derrière les barreaux ; ces quelques mois dehors ne lui ont rien rendu de sa vie antérieure. Les initiatives de Daiki le prendront au dépourvu, mais elles vont lui permettre de commencer à bâtir de nouvelles fondations, pour se tourner vers l'avenir et imaginer un futur Et, si chacun apprend au contact de l'autre, la sincérité du traitement de ce relationnel en reste la constante et l'atout principal.  

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Maîtrisé sur un plan narratif, Hoshi Hitotsu no Yoru l'est aussi sur la forme. Il s'agit dans l'ensemble d'un drama soigné. Si la caméra propose une réalisation classique, elle apporte aussi quelques plans inspirés, et la mise en scène du duo principal est généralement très convaincante. La photographie, qui alterne différentes teintes plutôt pâles, correspond bien à l'atmosphère de la fiction. Quant à la bande-son, relativement minimaliste, ses instrumentaux savent bien faire ressortir les passages importants, sans rompre l'équilibre ambiant. 

Enfin si Hoshi Hitotsu no Yoru mérite un coup d'oeil, c'est aussi pour son casting, ou plus précisément pour les deux acteurs qui partagent la tête d'affiche. Concernant Watanabe Ken, je crois qu'il faut que je commence à surveiller ses tanpatsus, tant le visionnage de Hei no Naka no Chuugakkou s'était déjà révélé, à l'automne dernier, très intéressant. Quant à Tamaki Hiroshi (Love Shuffle, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna), s'il a parcouru du chemin depuis, je garderai toujours une affection particulière pour cet acteur, puisque Nodame Cantabile fut un de mes deux premiers j-dramas visionnés. Les deux acteurs délivrent une performance nuancée et solide, très crédibles pour mettre en avant les failles et doutes de leurs personnages respectifs. Leurs échanges fonctionnent vraiment bien à l'écran ; et ce fut un vrai plaisir de les accompagner. A leurs côtés, on retrouve notamment Kuninaka Ryoko, Sasano TakashiIshida Ayumi, Fukuda Saki ou encore Akaya Miyoko.

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Bilan : Tanpatsu profondément humain, bénéficiant d'une écriture sincère et authentique qui ne saurait laisser insensible, Hoshi Hitotsu no Yoru est une belle et simple histoire d'amitié. Elle est le récit d'un rapprochement presque providentiel entre deux individus aux expériences de vie sans aucun rapport, et qui réapprennent grâce à l'autre à s'ouvrir et à accorder leur confiance. C'est touchant, avec un certain optimisme qui fait chaud au coeur : en résumé, un joli drama plein d'humanité ! A découvrir. 


NOTE : 7,5/10

29/02/2012

(J-Drama / SP) Shikei Kijun : la peine de mort au coeur d'un drame humain

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Du rattrapage de tanpatsu au programme de ce mercredi asiatique, qui nous fait donc rester une semaine encore au Japon. C'est Kerydwen qu'il faut remercier pour avoir attiré, le mois dernier, mon attention sur le drama dont je vais vous parler aujourd'hui : Shikei Kijun. Ce dernier a été diffusé sur la chaîne WOWOW (oui, toujours elle !), le 25 septembre 2011. Il s'agit d'un tanpatsu comportant une seule partie d'une durée totale de 2 heures, inspiré d'un roman de Kamo Takayasu

Shikei Kijun se démarque par le thème qu'elle aborde, un sujet sensible qui retiendrait mon attention peu importe le pays, celui de la peine de mort. Cette dernière existe toujours au Japon. Un sondage réalisé en 2010, mentionné dans le drama, montrait une opinion publique majoritairement favorable à son maintien. Sur un tel thème, j'avais déjà lu des synopsis de dramas comme Mori no Asagao, mais l'absence de sous-titres en avait toujours rendu le visionnage irréalisable.

Ce tanpatsu a donc été ma première vraie incursion dans le système judiciaire japonais. Si le résultat n'a pas répondu à toutes mes attentes, il s'agit cependant d'un legal drama solide et efficace. 

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Otomo Kojiro est un avocat à qui tout semble avoir réussi. Homme médiatique, il s'est rapidement imposé comme une des figures de proue du mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort au Japon. Un de ses proches amis, Mito Yusuke, avec qui il a fait ses études de droit, le suit dans ces procès particuliers où la sentence encourrue peut être la mort. Car si ce dernier ne s'est jamais lancé dans une carrière de praticien, il enseigne à l'université et étudie les critères dégagés par la jurisprudence pour fonder le prononcé d'une telle peine. Sur les bancs de la fac, ils s'étaient également noués d'amitié avec Nagase Mariko qui, elle, a choisi une autre voie : celle du ministère public.

Ces trois amis vont voir leurs liens et leurs certitudes vasciller lorsqu'une tragédie les frappe de près. La femme de Kojiro est retrouvée morte, assassinée, chez elle. Un suspect est très arrêté. Son procès s'annonce. Face au tourbillon personnel, médiatique et judiciaire qui menace d'emporter nos trois protagonistes, comment chacun va-t-il se positionner face à ce cas qui les touche personnellement ? Que restera-t-il de leurs convictions antérieures face à ces épreuves ? 

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Shikei Kijun est un tanpatsu ambitieux qui, s'il a conscience d'évoluer sur un terrain sensible, ne va cependant pas hésiter à aborder toutes les facettes de cette problématique complexe qu'est la peine de mort. Dotée d'une approche très didactique, il a le mérite de s'intéresser à tous les points de vue, donnant la parole aussi bien aux proches de victimes, à l'accusé, mais aussi aux différents acteurs de la justice - la police, la défense, le ministère public, et même le juge, avec la responsabilité qu'il prend en prononçant la sentence. Le fait que les personnages vont tour à tour occuper différents rôles, avocat ou victime, théoricien ou praticien, permet aussi de souligner les contrastes des positionnements de chacun.

C'est dans cet effort d'offrir une large photographie du système judiciaire, et de tous les intervenants d'une procédure pénale, que se trouve la réussite principale du drama. Manquant parfois de subtilité, mais en conservant toujours cette volonté d'aborder le sujet de la façon la plus large possible, il va en effet éclairer les limites humaines inhérentes à la Justice, et les tensions qui la parcourent, arbitrage subtil entre ambitions personnelles, ordre public et intérêt de la société. On a donc un solide et consistant legal drama qui devrait retenir l'attention de tout téléspectateur s'intéressant à ces thèmes. 

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Cependant, si Shikei Kijun affiche de hautes ambitions en multipliant les angles d'attaque, il va laisser un arrière-goût d'inachevé. Paradoxalement, à trop vouloir tout s'approprier, il finit par en dire trop peu. Manquant de lisibilité, les esquisses de réflexion et les raisonnements restent trop souvent dans de l'informulé. Ils ont tendance à s'effacer derrière les émotions des différents protagonistes. La volonté de s'attacher uniquement aux destins personnels, en soulignant le contraste entre principes théoriques et réalité de la douleur lorsque le drame touche personnellement, était une idée intéressante ; mais elle brouille son propos et finit par faire perdre au drama sa ligne directrice. 

Certes, certains argumentaires sont un peu plus approfondis. D'un côté, il y a notamment la question de la place de la victime et de ses proches au sein de la procédure pénale : est-ce qu'une sentence doit être prononcée au nom de la société, ou au nom des proches pour apaiser leur douleur ? C'est un débat récurrent du droit pénal moderne, et ce drama a le mérite de (brièvement) l'esquisser. A l'opposé, l'autre versant est plus classique : contre la peine de mort, c'est le risque d'erreur judiciaire, amenant la justice à prendre la vie d'un innocent, qui s'impose. De manière générale, Shikei Kijun donne l'impression de vouloir tout couvrir, mais manque de direction et de structure pour mener à bien et jusqu'au bout ses questionnements. La conclusion, faisant le choix d'une relative facilité, est d'ailleurs révélatrice des limites du drama : une fiction judiciaire intéressante, mais non une réflexion aboutie sur son sujet central, celui de la peine de mort.  

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Sur la forme, Shikei Kijun est un drama classique et réussi. La réalisation est sobre, parfaitement maîtrisée, même si le décor principalement intérieur - notamment au tribunal - n'offre logiquement que peu d'occasions de mettre en valeur le cadre. La bande-son reste aussi utilisée avec parcimonie, ne venant jamais empiéter sur le propos même du drama, ni amoindrir l'intensité des échanges.

Enfin, un dernier atout de Shikei Kijun est son casting. On y croise un certain nombre de têtes familières du petit écran japonais, et chacun délivre des prestations homogènes qui conviennent à la tonalité du tanpatsu. Se partagent la tête d'affiche, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora), Ozawa Yukiyoshi et Toda Naho (Marks no Yama). A leurs côtés, on retrouve également Kashiwabara Takashi, Kyono Kotomi, Mitsuishi Ken, Yajima Kenichi, Sato Jiro, Kaneda Akio, Emoto Akira, Yamamoto Kei, Hirooka Yuriko et Kondo Yoshimasa. 

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Bilan : A défaut de réellement s'approprier les clés d'une réflexion seulement esquissée autour de la peine de mort, Shikei Kijun se révèle cependant être un drame judiciaire solide et efficace, reposant entièrement sur ses personnages et leurs émotions, derrière lesquelles s'effacent les enjeux plus théoriques. Peut-être victime de ses ambitions, en voulant offrir une photographie trop large d'un sujet complexe qui dépasse le seul cas d'espèce évoqué, cela reste une fiction riche et intéressante qui mérite un visionnage.


NOTE : 7/10

22/02/2012

(J-Drama) Shokuzai : l'expiation impossible

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique pour poursuivre l'exploration de la saison hivernale 2012. Comme annoncé la semaine dernière, je me suis donc lancée dans le j-drama dont j'attendais le plus en ce début d'année : Shokuzai. Il y a quelque chose de très rassurant et de réellement réconfortant quand une série ne déçoit pas les espoirs que vous aviez placés préalablement en elle... et j'ai le plaisir d'écrire que ça a été le cas cette semaine.

Diffusée du 8 janvier au 5 février 2012 au Japon, Shokuzai est une adaptation, scénarisée par Kurosawa Kiyoshi, d'un roman de Minato Kanae. Elle avait a priori sur le papier tout pour retenir mon attention : elle était proposée par la chaîne câblée WOWOW qui, si elle a aussi connu ses ratés (Prisoner...), reste une des plus fiables qui soient (et correspondant à mes goûts) ; elle disposait d'une longueur qui promettait une histoire condensée et peu de risque de s'égarer (5 épisodes) ; et son synopsis était intriguant. Construite autour d'une thématique dramatique troublante, celle de l'expiation, Shokuzai se sera révélée être une solide (et sombre) série. 

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La tragédie qui conditionne tous les destins personnels que va nous relater Shokuzai s'est produite il y a 15 ans. Alors que ses parents viennent d'emménager en provenance de Tokyo, la petite Emiri découvre l'école élémentaire locale. Sae, Maki, Akiko et Yuka deviennent rapidement ses compagnes de jeu. Mais un jour qu'elles s'amusent dans la cour de l'école, un homme vient demander de l'aide pour fixer un problème de ventilation qu'il ne peut atteindre. Emiri accepte de le suivre, seule. Un peu plus tard, se rendant compte que leur amie n'est toujours pas revenue, les quatre écolières rentrent à leur tour dans le gymnase où elles l'ont vue partir. Elles y découvrent, effarées, le corps sans vie d'Emiri.

Quelques mois plus tard, alors que la vie reprend difficilement son cours, les quatre jeunes filles sont invitées par la mère d'Emiri, Asako, en l'honneur de leur amie disparue. Il faut dire que, malheureusement, leurs témoignages n'ont guère été utiles à la police, aucune n'ayant été en mesure de décrire le suspect qui les avaient approchées. Asako se montre particulièrement dure à leur encontre, les considérant responsables de la non-arrestation du coupable. Elle leur promet solennellement que si le meurtrier n'est pas retrouvé, elles devront expier cette faute impardonnable. Les filles quittent ensuite secouées et marquées la maisonnée.

Quinze ans plus tard, jeunes adultes ayant chacune grandies de leur côté, sans plus aucun contact entre elles, ce drame du passé hante pourtant toujours leur vie, et conditionne leurs choix et leurs réactions. Le temps de l'expiation est-il venu ?

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Shokuzai porte parfaitement son titre, puisque son thème central, autour duquel elle va proposer diverses variations, est celui de l'expiation. La mort d'Emiri, le fait de l'avoir  laissée partir seule, mais aussi de n'avoir pu aider la police ensuite, s'apparentent à un lent poison qui, d'une façon ou d'une autre, ronge chacune des protagonistes. Portés par la voix accusatrice d'Asako, ils conduisent sur une voie létale. La série met ainsi en scène un véritable effet domino aux conséquences destructrices glaçantes.  En suivant une narration atypique, chaque épisode étant consacré à un personnage, elle va nous montrer combien le premier drame a influé, parfois bloqué, voire détruit, cinq vies, celles des quatre amies d'Emiri, mais aussi celle de mère qui, prostrée de douleur, n'en est pas moins aussi une victime.  

Prenant pleinement la mesure de son sujet, Shokuzai est logiquement un drama particulièrement sombre et troublant. Il expose des ressorts psychologiques qu'il est plus confortable de laisser inexplorés : ceux qui actionnent consciemment ou non une culpabilité pesante, et les manières dont celle-ci va se manifester. Chacune des filles a intégré le drame, et ce qu'il représente pour elle, suivant sa personnalité et son vécu d'alors. Si elles le vivent de façon très personnelle, elles partagent une même faille, nourrie de la détresse émotionnelle dans laquelle elles ont été submergées il y a 15 ans, mais aussi de ressentiments qu'elles éprouvent envers elles-mêmes. Ces éléments font d'elles de véritables bombes à retardement. 

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Au fil du drama, l'expiation réclamée par Asako apparaît comme ce moment où, confrontées à une situation qui menace leur équilibre psychologique, quelque chose se rompt dans chacune de ces désormais jeunes femmes. Le plus perturbant - et réussi - dans cette mise en scène tient à la narration subjective choisie : l'histoire nous est en effet racontée du point de vue du personnage central de l'épisode, offrant donc une vue biaisée de tout ce qui l'entoure. Entraîné aux confins de la subjectivité, percevant les scènes et les dialogues à travers les yeux de l'héroïne de l'heure, le téléspectateur est amené plus d'une fois à s'interroger sur l'éventuelle distance pouvant exister entre la réalité et la perception des personnages, abusés qu'ils sont par leurs préconceptions forgées dans le drame passé.

Si les épisodes ne sont pas tous égaux en terme de qualité narrative, leur réussite est de parvenir à proposer à chaque fois un récit émotionnellement fort, qui ne laisse pas indifférent le téléspectateur. Si chaque fille a tenté de préserver, à sa façon, sa santé mentale, les épisodes s'apparentent à un compte à rebours inquiétant qu'on devine sans happy end. C'est le premier, parce qu'il donne le ton, qui restera pour moi le plus dérangeant : il met en scène une jeune fille qui a cessé de grandir, souhaitant se couper du monde. Acceptant une non-vie dans laquelle c'est elle-même qu'elle perd, sa tentative de fuite et les sacrifices occasionnés seront pourtant inutile. La prise de conscience de cela lui sera insupportable, et conduira à un drame. Enfin, notons que le dernier épisode referme opportunément la boucle en tendant à Asako un miroir pour lui faire vivre, à son tour, ce que les quatre autres ont traversé. 

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Ce qui contribue également beaucoup à la réussite de Shokuzai, c'est le fait que la série paraissent particulièrement aboutie sur le plan formel. La réalisation est impeccable, bénéficiant d'une mise en scène millimétrée à l'esthétique superbe. La photographie est très travaillée, s'adaptant à l'ambiance de chaque passage : elle glisse des teintes colorées du début à une image tendant vers le noir et blanc, d'où toute couleur semble avoir été drainée, à mesure que chaque personnage voit sa vie s'étioler. La bande-son est pareillement maîtrisée : avec une sobriété caractéristique, on trouve dans ce drama avant tout tout beaucoup de silences, mais également quelques instrumentaux utilisés à propos.

Enfin, Shokuzai dispose d'une galerie d'actrices très convaincantes qui prennent bien la mesure de leur rôle et des ambivalences de chaque personnages. Koizumi Kyoko (Manhattan Love Story) incarne cette mère meurtrie qui pleure son enfant tout en espérant que justice soit rendue, sans qu'on sache précisément dans quelle mesure elle a vraiment conscience que c'est la vie des quatre autres jeunes filles qu'elle a peut-être détruit lors de cette discussion sur l'expiation, quinze ans auparavant. Ces dernières sont interprétées respectivement par Aoi Yu (Camouflage), Koike Eiko (Smile), Ando Sakura (Kaze no Hate) et Ikewaki Chizuru (Fuurin Kazan, Keiji no Genba).

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Bilan : Shokuzai est un drama troublant, expliquant comme des vies peuvent être détruites par un passé qui influence toutes les réactions et perceptions de ses protagonistes. La thématique de l'expiation entraîne inexorablement les différents personnages sur un chemin autodestructeur où la logique et la fatalité empêchent de déterminer s'ils ont conscience de ce qui est réellement en jeu. En dépit de la surenchère dans laquelle versent certains développements, j'ai aimé l'ambiance sombre et le fait que le drama laisse souvent la place à l'interprétation du téléspectateur. Dotée d'une mise en scène sobre, avec un sens parfois presque contemplatif du drame propre à ce petit écran japonais, Shokuzai a donc été un série qui m'a beaucoup intrigué et fasciné. Mon j-drama de l'hiver 2012.  


NOTE : 8,25/10