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29/02/2012

(J-Drama / SP) Shikei Kijun : la peine de mort au coeur d'un drame humain

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Du rattrapage de tanpatsu au programme de ce mercredi asiatique, qui nous fait donc rester une semaine encore au Japon. C'est Kerydwen qu'il faut remercier pour avoir attiré, le mois dernier, mon attention sur le drama dont je vais vous parler aujourd'hui : Shikei Kijun. Ce dernier a été diffusé sur la chaîne WOWOW (oui, toujours elle !), le 25 septembre 2011. Il s'agit d'un tanpatsu comportant une seule partie d'une durée totale de 2 heures, inspiré d'un roman de Kamo Takayasu

Shikei Kijun se démarque par le thème qu'elle aborde, un sujet sensible qui retiendrait mon attention peu importe le pays, celui de la peine de mort. Cette dernière existe toujours au Japon. Un sondage réalisé en 2010, mentionné dans le drama, montrait une opinion publique majoritairement favorable à son maintien. Sur un tel thème, j'avais déjà lu des synopsis de dramas comme Mori no Asagao, mais l'absence de sous-titres en avait toujours rendu le visionnage irréalisable.

Ce tanpatsu a donc été ma première vraie incursion dans le système judiciaire japonais. Si le résultat n'a pas répondu à toutes mes attentes, il s'agit cependant d'un legal drama solide et efficace. 

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Otomo Kojiro est un avocat à qui tout semble avoir réussi. Homme médiatique, il s'est rapidement imposé comme une des figures de proue du mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort au Japon. Un de ses proches amis, Mito Yusuke, avec qui il a fait ses études de droit, le suit dans ces procès particuliers où la sentence encourrue peut être la mort. Car si ce dernier ne s'est jamais lancé dans une carrière de praticien, il enseigne à l'université et étudie les critères dégagés par la jurisprudence pour fonder le prononcé d'une telle peine. Sur les bancs de la fac, ils s'étaient également noués d'amitié avec Nagase Mariko qui, elle, a choisi une autre voie : celle du ministère public.

Ces trois amis vont voir leurs liens et leurs certitudes vasciller lorsqu'une tragédie les frappe de près. La femme de Kojiro est retrouvée morte, assassinée, chez elle. Un suspect est très arrêté. Son procès s'annonce. Face au tourbillon personnel, médiatique et judiciaire qui menace d'emporter nos trois protagonistes, comment chacun va-t-il se positionner face à ce cas qui les touche personnellement ? Que restera-t-il de leurs convictions antérieures face à ces épreuves ? 

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Shikei Kijun est un tanpatsu ambitieux qui, s'il a conscience d'évoluer sur un terrain sensible, ne va cependant pas hésiter à aborder toutes les facettes de cette problématique complexe qu'est la peine de mort. Dotée d'une approche très didactique, il a le mérite de s'intéresser à tous les points de vue, donnant la parole aussi bien aux proches de victimes, à l'accusé, mais aussi aux différents acteurs de la justice - la police, la défense, le ministère public, et même le juge, avec la responsabilité qu'il prend en prononçant la sentence. Le fait que les personnages vont tour à tour occuper différents rôles, avocat ou victime, théoricien ou praticien, permet aussi de souligner les contrastes des positionnements de chacun.

C'est dans cet effort d'offrir une large photographie du système judiciaire, et de tous les intervenants d'une procédure pénale, que se trouve la réussite principale du drama. Manquant parfois de subtilité, mais en conservant toujours cette volonté d'aborder le sujet de la façon la plus large possible, il va en effet éclairer les limites humaines inhérentes à la Justice, et les tensions qui la parcourent, arbitrage subtil entre ambitions personnelles, ordre public et intérêt de la société. On a donc un solide et consistant legal drama qui devrait retenir l'attention de tout téléspectateur s'intéressant à ces thèmes. 

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Cependant, si Shikei Kijun affiche de hautes ambitions en multipliant les angles d'attaque, il va laisser un arrière-goût d'inachevé. Paradoxalement, à trop vouloir tout s'approprier, il finit par en dire trop peu. Manquant de lisibilité, les esquisses de réflexion et les raisonnements restent trop souvent dans de l'informulé. Ils ont tendance à s'effacer derrière les émotions des différents protagonistes. La volonté de s'attacher uniquement aux destins personnels, en soulignant le contraste entre principes théoriques et réalité de la douleur lorsque le drame touche personnellement, était une idée intéressante ; mais elle brouille son propos et finit par faire perdre au drama sa ligne directrice. 

Certes, certains argumentaires sont un peu plus approfondis. D'un côté, il y a notamment la question de la place de la victime et de ses proches au sein de la procédure pénale : est-ce qu'une sentence doit être prononcée au nom de la société, ou au nom des proches pour apaiser leur douleur ? C'est un débat récurrent du droit pénal moderne, et ce drama a le mérite de (brièvement) l'esquisser. A l'opposé, l'autre versant est plus classique : contre la peine de mort, c'est le risque d'erreur judiciaire, amenant la justice à prendre la vie d'un innocent, qui s'impose. De manière générale, Shikei Kijun donne l'impression de vouloir tout couvrir, mais manque de direction et de structure pour mener à bien et jusqu'au bout ses questionnements. La conclusion, faisant le choix d'une relative facilité, est d'ailleurs révélatrice des limites du drama : une fiction judiciaire intéressante, mais non une réflexion aboutie sur son sujet central, celui de la peine de mort.  

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Sur la forme, Shikei Kijun est un drama classique et réussi. La réalisation est sobre, parfaitement maîtrisée, même si le décor principalement intérieur - notamment au tribunal - n'offre logiquement que peu d'occasions de mettre en valeur le cadre. La bande-son reste aussi utilisée avec parcimonie, ne venant jamais empiéter sur le propos même du drama, ni amoindrir l'intensité des échanges.

Enfin, un dernier atout de Shikei Kijun est son casting. On y croise un certain nombre de têtes familières du petit écran japonais, et chacun délivre des prestations homogènes qui conviennent à la tonalité du tanpatsu. Se partagent la tête d'affiche, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora), Ozawa Yukiyoshi et Toda Naho (Marks no Yama). A leurs côtés, on retrouve également Kashiwabara Takashi, Kyono Kotomi, Mitsuishi Ken, Yajima Kenichi, Sato Jiro, Kaneda Akio, Emoto Akira, Yamamoto Kei, Hirooka Yuriko et Kondo Yoshimasa. 

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Bilan : A défaut de réellement s'approprier les clés d'une réflexion seulement esquissée autour de la peine de mort, Shikei Kijun se révèle cependant être un drame judiciaire solide et efficace, reposant entièrement sur ses personnages et leurs émotions, derrière lesquelles s'effacent les enjeux plus théoriques. Peut-être victime de ses ambitions, en voulant offrir une photographie trop large d'un sujet complexe qui dépasse le seul cas d'espèce évoqué, cela reste une fiction riche et intéressante qui mérite un visionnage.


NOTE : 7/10

20/07/2011

(J-Drama) Marks no Yama : un polar troublant dans l'ombre du Mont Kita

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Petite parenthèse japonaise en ce mercredi asiatique ! Nous n'étions plus parti au pays du Soleil Levant depuis la mi-mai, et les j-dramas commençaient à me manquer. A défaut d'avoir testé les nouveautés de la saison estivale, je solde mes comptes des programmes des derniers mois puisque je vais vous parler d'une série datant de la fin de l'année dernière : Marks no Yama. Du policier feuilletonnant que j'étais très curieuse de pouvoir enfin voir en entier (le suspense de la sortie des sous-titres ayant été à son comble durant ces six derniers mois).

Marks no Yama a été diffusée du 17 octobre au 14 novembre 2010. Après l'expérience plus que concluante de Soratobu Taiya dernièrement, je poursuis donc mon exploration des dramas courts de WOWOW. En effet, cette série ne comprend que 5 épisodes d'une heure chacun. Si je serais sans doute moins enthousiaste que ma précédente expérimentation sur cette chaîne (qui s'inscrivait dans un registre très différent), il n'en reste pas moins que Marks no Yama s'est révélée être une série riche et prenante, loin des procedural show qui prédominent dans le genre policier.

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Les tragédies de Marks no Yama trouvent leur source deux décennies avant les évènements que la série va nous faire vivre. Tout commence dans le massif des Alpes japonaises, sur les pentes du second sommet le plus haut du pays, le mont Kita. Une nuit, errant dans ces montagnes enneigées, un jeune garçon est secouru, à moitié gelé, à moitié étranglé. Le corps de sa mère est découvert un peu plus loin, décédé de ce qui semble être un suicide. Vingt ans plus tard, dans les environs, les restes d'un corps sont mis à jour, réveillant les souvenirs de ce drame plus ancien.

Parallèlement, toujours dans le présent, à Tokyo cette fois, deux meurtres particuliers se produisent à quelques jours d'intervalle. Le crâne des victimes a été défoncé avec un objet long et pointu, suivant un mode opératoire très similaire. L'inspecteur Goda, dont l'équipe est déjà en charge du premier décès, se voit signifier l'ordre par sa hiérarchie de ne pas intervenr dans la seconde affaire, où un fonctionnaire du ministère de la Justice a trouvé la mort. Des réseaux d'influence, notamment constitués par les diplômés d'une prestigieuse université, semblent vouloir étouffer l'ensemble. Mais Goda est obstiné. Or dans le même temps, une jeune journaliste, enquêtant sur des histoires de corruption, commence également à faire des recoupements dangereux pour l'élite tokyoïte.

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Le premier atout de Marks no Yama est de se distinguer du drama d'enquête suivant le schéma invariable du formula show (un épisode = une enquête). La série appartient au genre policier du feuilletonnant : les cinq épisodes forme un seul arc qui va aller en se complexifiant, des évènements a priori déconnectés dévoilant des liens inattendus tandis que le puzzle global se forme. Rythmée et efficace, la narration se suit sans temps mort, particulièrement prenante. L'ensemble retient d'autant plus notre attention en raison du parti pris, plutôt original, qui a été choisi. En effet, ce n'est pas une seule affaire, mais bien plusieurs crimes, dont certains très anciens, qui vont s'entrecroiser, sans que la police ne dispose initialement de toutes les clés pour les comprendre.

L'enjeu ne tient pas à la découverte du coupable, car la notion même de "coupable" prête ici à confusion. De manière troublante, la répartition des rôles entre victime et meurtrier apparaît interchangeable. Aussi impitoyable qu'il puisse être, 'Marks' a subi un traumatisme tellement profond que sa responsabilité même dans ses actions pose question. Loin de toute approche manichéenne, sachant faire naître des sympathies inattendues et perturbantes, le drama finit aussi par emprunter quelques codes aux thrillers de vengeance pour brouiller un peu plus les pistes. Il est dommage que la conclusion, assez expédiée, cède à des facilités et poncifs qui amoindrissent quelque peu la portée du récit mené jusqu'alors. Cependant, la tension demeure constante, pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur happé par l'histoire.

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Au-delà de ses accents de policier à suspense, l'autre aspect que j'ai apprécié dans Marks no Yama est le portrait sans concession proposé des différentes grandes administrations. Aussi bien les codes et rivalités, voire concurrence, que le sens exacerbé d'appartenance à ces "organisations", sont vraiment bien mis en avant. Loin des partis pris plus conceptuels de certains dramas policiers qui créent des équipes "atypiques", ici, la manière dont l'enquête est conduite paraît très authentique. C'est par exemple le cas pour le fonctionnement de l'unité de police. On assiste à ses réunions quotidiennes d'état d'avancement, dans cet univers exclusivement masculin où chaque duo tente de marquer des points - 'parce que la concurrence saine permet une meilleure productivité'. Pour autant, on constate aussi que les manoeuvres internes s'effacent lorsque l'unité est confrontée à une autre organisation : la solidarité de groupe entre alors en action.

Si l'évolution de ces rapports intra et inter-administrations est un élément vraiment intéressant qui contribue à l'ambiance de la série, l'ensemble laissera cependant un regret. En effet, en arrière-plan, c'est une thématique de corruption des élites qui se dessine peu à peu. Les réseaux d'influence, composés d'une élite solidement implantée qui se protège contre tout élément perturbateur extérieur et s'auto-régule elle-même, sont spécialement mis en lumière. Les collusions qui se créent dans ces cercles, où se côtoient indistinctement tous les dirigeants de la société, yakuza, politiciens, élite économique, génèrent un système, imperméable aux critiques et aux accusations. La hiérarchie, indéboulonable quelque soit ses compromissions, réduit à néant toute initiative. Si la série aborde tous ces sujets de manière incidente, elle aurait pu aller plus avant dans l'exploitation de ce thème. Cependant, cela tient sans doute beaucoup à sa durée : cinq épisodes, c'était sans doute trop court pour dresser un tableau plus précis.

Si Marks no Yama laisse donc un petit goût d'inachevé, n'exploitant pas tout le potentiel qu'elle laisse entre-apercevoir, elle propose un polar noir intéressant, mais aussi addictif, qui se visionne d'une traite avec plaisir.

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Sur la forme, Marks no Yama dispose d'une réalisation classique, alternant les filtres (beige, bleuté, etc.), avec une dominante plutôt sombre qui sied parfaitement à l'atmosphère générale qui se dégage du drama. Pour l'accompagner, elle bénéficie d'une bande-son plus surprenante, avec un morceau de musique classique à la puissance et au rythme galvanisant. Si au début, cette invasion musicale semble exagérée, par la suite, le téléspectateur s'habitue et finit par apprécier ces notes retentissantes (dont vous avez un aperçu dans la deuxième vidéo ci-dessous). Une OST, donc pas toujours bien calibrée, mais résolument marquante !

Enfin le casting se révèle très solide. La sobriété y est pour beaucoup, même si le, certes rare, recours à certains clichés pour stigmatiser les "méchants" était dispensable... mais il faut dire que le rire démoniaque a la vie dure au pays du Soleil Levant. On retrouve dans ce drama, notamment, Kamikawa Takaya, Kora Kengo, Ishiguro Ken, Konishi Manami, Kohinata Fumiyo, Toda Naho, Osugi Ren, Suzuki Anju, Sano Shiro, Ishibashi Renji, Komoto Masahiro ou encore Hakamada Yoshihiko.

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Bilan : Polar efficace, Marks no Yama se démarque des séries policières classiques par sa construction feuilletonnante, mais aussi par sa capacité à dépasser toute lecture manichéenne. Dotée d'une intrigue solide qui retient l'attention du téléspectateur de bout en bout, son contenu est particulièrement riche. Son format de seulement cinq épisodes l'empêche sans doute d'exploiter pleinement certains aspects de son récit (notamment le portrait des élites), mais il n'affaiblit cependant pas l'enquête principale.

Un drama donc intéressant à plus d'un titre. Pour les amateurs de policier, mais pas seulement.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le thème musical principal de l'OST :