23/02/2014
(J-Drama) Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) : une fiction emplie d'une chaleur humaine communicative
Pour finir le week-end, un peu de réconfort : direction le Japon afin de revenir sur une série qui constitue une véritable petite bulle d'air frais dans les programmations télévisuelles. C'est une de ces fictions, pleine de chaleur, qui prend son temps et met du baume au cœur. Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) a en effet été un de mes visionnages coups de cœur de ces derniers mois. Il était donc grand temps que j'écrive quelques mots dessus.
Diffusé par la chaîne câblée WOWOW (qui se situe ici loin de son classique registre sombre "politico-médiatico-policier" de prédilection), du 21 juillet au 11 août 2013, ce drama est très court : il ne compte en effet que quatre épisodes de 50 minutes chacun. Il s'agit de l'adaptation d'un roman du même nom de Mure Yoko. La réalisation a été confiée à la cinéaste Matsumoto Kana. Et le travail de cette dernière est à saluer, car Pan to Supu to Neko Biyori est une expérience aussi bien visuelle que narrative. Il offre une invitation empreinte de calme et d'une certaine nostalgie à la culture japonaise.
Pan to Supu to Neko Biyori raconte le parcours d'Akiko et de tout un ensemble de personnages gravitant autour d'elle. Lorsque le drama débute, elle travaille pour une maison d'édition, aimant prendre part à la création de livres. De son côté, sa mère tient un restaurant, avec une ambiance qui lui est propre, dans une petite rue passante. Mais un jour, la mère d'Akiko décède brusquement. Akiko hérite alors du restaurant. Au même moment, une restructuration dans son entreprise l'éloigne du contact quotidien des écrivains.
Même si elle a déjà une carrière bien avancée, Akiko décide de quitter son travail et de reprendre le restaurant maternel. Dans ce nouvel établissement ainsi ouvert, elle choisit de ne servir que deux types de plats : des sandwichs et des soupes. Pour l'aider, elle se trouve vite une assistante dont la façon de fonctionner correspond à l'atmosphère qu'elle veut insuffler dans ce petit espace. Akiko tente peu à peu de trouver son style, mais aussi de se positionner par rapport à sa mère, et à la relation parfois compliquée qu'elles ont pu avoir sur laquelle elle réfléchit toujours...
Pan to Supu to Neko Biyori est un drama à part. C'est une fiction d'ambiance, assez contemplative, qui nous introduit dans les existences d'une poignée de personnages s'interrogeant sur leur vie, les choix qu'ils ont fait et ceux qu'ils leur restent à faire. L'intrigue y apparaît minimaliste : elle est faite d'instantanés du quotidien, de petites anecdotes inattendues et de rencontres. Le récit prend volontairement son temps, capturant les détails d'une scène et l'ensemble des échanges qui peuvent en résulter. Si le téléspectateur se laisse happer par cette narration particulière qui déjoue tout sensationnalisme et s'affranchit du format sériel un peu à la manière d'un Going My Home il y a deux ans, c'est parce que Pan to Supu to Neko Biyori sait lui parler, l'impliquer et le toucher. Le drama brasse en effet, avec pudeur et subtilité, des thèmes universels, cherchant à éclairer la manière dont chaque individu se construit peu à peu, et comment il appréhende, au fil de sa vie, l'empreinte laissée par la famille et le passé. Une de ses interrogations constante est notamment celle de la part d'héritage que chacun est prêt à accepter.
Par-delà la suite d'introspections personnelles dans laquelle la série nous glisse, c'est le relationnel qui reste au cœur de l'histoire. Rarement une fiction aura pris soin de cultiver une chaleur humaine communicative comme peut le réussir Pan to Supu to Neko Biyori. Il y a quelque chose de profondément réconfortant qui émane de ce drama. Ce dernier s'emploie à renouer des liens, notamment ceux distendus du passé, tout en étant aussi une invitation à s'ouvrir à de nouvelles connaissances. Le restaurant joue dans ce registre de socialisation un rôle clé : il apparaît à la fois comme un lieu de rencontres et un espace de travail. A partir de ce parti pris, le scénario se bâtit sur des conversations qui prennent souvent une tournure intime : il s'agit de mieux connaître l'autre, mais aussi d'apprendre à se connaître. Pour parachever la tonalité particulière, l'ensemble se développe suivant un fil culinaire que ne renierait aucun food drama. L'attention réservée au contenu des repas confirme à quel point cette série joue sur le ressenti du téléspectateur, pour lui offrir une incursion lente et posée dans un petit bout de société japonaise.
Pan to Supu to Neko Biyori mise beaucoup sur sa faculté à toucher le téléspectateur. Si la série y parvient aussi efficacement, elle le doit également au style formel adopté. La réalisation est en effet particulièrement réussie : la caméra se réapproprie pleinement l'espace, maîtrisant très bien les plans larges et offrant aussi quelques jolis instantanés esthétiques de scènes du quotidien. Le récit respire une chaleur humaine qui est renforcée par une photographie soignée dans laquelle domine les teintes claires et les couleurs chaudes. Le tout est en plus accompagné par une bande-son discrète, mais parfaitement dosée, d'où ressortent notamment les chansons accompagnant les génériques de fin. Tout concourt donc à cultiver une ambiance très particulière qui laisse difficilement indifférent.
Enfin, Pan to Supu to Neko Biyori peut aussi s'appuyer sur un casting solide qui est au diapason de la tonalité recherchée. Il s'agit avant tout de faire ressortir la spontanéité, l'humanité, mais aussi la vulnérabilité de ces personnes qui s'interrogent, se cherchent - et finissent par se trouver en prenant des décisions. C'est Kobayashi Satomi (Don Quixote) qui interprète, avec une justesse jamais prise en défaut, Akiko. A ses côtés, on retrouve Kana, qui joue son assistante, Mitsuishi Ken (Lady Joker, Henshin Interviewer no Yuuutsu), Shiomi Sansei (Rondo, BOSS), Minami, Ichikawa Miwako (Mother, Kumo no Kaidan), Kase Ryo (Camouflage), Motai Masako (My Boss, My Hero) et Kishi Keiko (99-nen no Ai ~ Japanese Americans). Tous ces acteurs forment un casting homogène qui donne une assise solide au récit.
Bilan : Fiction calme, emplie de chaleur humaine, Pan to Supu to Neko Biyori est un drama qui s'affranchit en partie des contraintes calibrées du format sériel. Doté d'une écriture simple et pudique, il nous introduit avec sobriété dans le quotidien de différents protagonistes. Par sa façon de chérir les relations humaines et de s'interroger sur l'héritage que chacun doit au passé, il est une forme de retour aux sources, tout autant qu'une invitation à s'accomplir personnellement. S'il nous glisse dans un pan de culture japonaise, les questionnements existentiels qu'il fait partager, sur les choix à faire et la manière dont chacun peut trouver sa place, ont une résonance universelle qui interpellera tout téléspectateur. D'autant plus que, par-delà son sujet, la série se démarque par l'ambiance très particulière qu'elle parvient à installer.
En résumé, c'est un mets sériephile japonais à part, mais que je conseille de consommer sans modération.
NOTE : 8,25/10
L'ultime générique (chorégraphié) concluant la série (qui confirme le côté un peu "à part" du drama) :
18:47 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : j-drama, wowow, pan to supu to neko biyori, bread and soup and cat weather, kobayashi satomi, kana, mitsuishi ken, shiomi sansei, minami, ichikawa miwako, kase ryo, motai masako, kishi keiko | Facebook |
13/11/2013
(J-Drama / Pilote) Henshin Interviewer no Yuutsu : un mélange improbable de mystère et de comédie
En ce mercredi asiatique, je vous propose de prendre la direction du Japon et de commencer cette nouvelle saison d'automne par un instant de détente. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en m'installant devant Henshin Interviewer no Yuutsu, mais j'espérais cependant y retrouver cet humour décalé caractéristique des dramas de Miki Satoshi que j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier : en effet, Jikou Keisatsu, ou plus encore, Atami no Sousakan (qui reste un de mes grands coups de cœur japonais de ces dernières années), m'ont laissé de bons souvenirs.
Débuté le 21 octobre 2013 sur la chaîne TBS, Henshin Interviewer no Yuutsu promettait un mélange de mystère et de comédie. Ses deux premiers épisodes sonnent indéniablement sympathiques, en dépit de quelques excès. De plus, la durée relativement brève des épisodes (30 minutes seulement) permet à l'ensemble de conserver un rythme soutenu. Si bien que, même s'il est trop tôt pour savoir précisément jusqu'où nous entraînera ce drama qui surfe sur une diffuse excentricité, je pense pouvoir m'y laisser prendre sans difficulté.
Shirakawa Jiro est un écrivain prolifique qui a publié, depuis ses débuts, 99 romans à mystère. Il doit désormais s'atteler à ce qui sera rien moins que son centième livre. Seulement, en dépit des pressions de sa maison d'édition, l'auteur est frappé par le syndrome de la page blanche. Il a déjà plus de trois mois de retard dans les délais qui lui étaient fixés, et pas le moindre début d'intrigue à coucher sur le papier. En quête d'inspiration, il surfe sur le net en recherchant quelques mystères irrésolus qui pourraient éveiller son imagination.
Jiro tombe alors sur une étrange affaire : un double meurtre, ayant eu lieu dans une petite ville, dont la mise en scène interpelle, et qui n'a jamais été élucidé. Il décide de se rendre sur place pour en apprendre plus, et peut-être trouver là une base pour son nouveau roman. Il entraîne dans cette excursion la jeune Kahima Rika, son éditrice. Pour interagir avec de potentiels témoins, Jiro est cependant contraint de se déguiser, son accoutrement habituel provoquant plus la fuite que les confidences de ceux qu'il croise. Sous un pseudonyme, il entreprend donc de percer le mystère de cet étrange meurtre... dans une bien étrange ville.
Extravagants et décalés à souhait, les débuts de Henshin Interviewer no Yuutsu sont sympathiques. Le drama manie avec versatilité un humour oscillant entre absurdités et excès, répétitions se changeant en running gag et chutes improbables. Il en fait souvent trop, mais sait entraîner le téléspectateur dans la dynamique d'ensemble du récit et sa diffuse graine de folie. Le duo principal, une association détonante, tient pour l'instant ses promesses. Shirakawa Jiro a tout du prodige spécialisé dans les mystères, mais insortable en société. Poussant ce concept à son maximum, le scénariste ajoute à cela l'idée de lui faire jouer un rôle déguisé pour mener l'enquête : la mise en scène de la métamorphose de Jiro est certainement la plus improbable qui soit. Mais l'épisode 2 démontre que la série pourra avoir une carte supplémentaire à jouer grâce à la dualité du personnage : de quoi nourrir quelques ressorts humoristiques à défaut de convaincre de sa crédibilité.
Afin de s'assurer la fidélité du téléspectateur, Henshin Interviewer no Yuutsu met tout ce versant comique au service d'un fil rouge mystérieux qui rapproche l'histoire d'une fiction d'enquête. Cette dernière prend vite des accents pour le moins surréalistes. Au double meurtre initial, se greffent d'étranges coïncidences et des récits qui laissent songeurs. Pour construire son ambiance, le drama a recourt au cadre le plus classique qui soit, une recette immuable qui fonctionne : celle de la petite ville isolée, avec ses secrets, ses particularités et son omerta face aux étrangers. Intrigante, voire inquiétante à ses heures, l'histoire regorge de figures secondaires décalées, exploitées à la fois dans le registre de l'humour mais aussi pour apporter à l'enquête. Il est difficile pour l'instant d'apprécier vers quoi nos deux héros nous emmènent, mais la curiosité du téléspectateur est piquée.
Sur la forme, Henshin Interviewer no Yuutsu compose sans budget. Cela donne une réalisation minimaliste, très dynamique et souvent brouillonne, avec une caméra énergique qui frôle l'effet mal de mer par moment. La bande-son est assez passe-partout, et la chanson du générique de fin (par KAT-TUN - l'acteur principal faisant partie de ce groupe) ne restera pas dans les annales même si elle a ce petit côté entraînant qui sied à la série.
Côté casting, les excentricités des uns, le sur-jeu des autres, correspondent à l'atmosphère de comédie recherchée dans le drama. Nakamaru Yuichi (Machigawarechatta Otoko) s'en sort à peu près honorablement dans ce rôle central de l'écrivain/interviewer autour duquel se construit l'histoire. Son assistante/éditrice est interprétée par Kimura Fumino (Kumo No Kaidan). Les deux trouvent assez bien leurs marques ensemble. Les habitués des dramas de Miki Satoshi retrouveront en personnages secondaires quelques figures familières, comme Fuse Eri (Jikou Keisatsu, Atami no Sousakan) ou encore Matsuo Suzuki (Atami no Sousakan). On croise également Mashima Hiekazu, Mitsuishi Ken, Murasugi Seminosuke ou encore Morishita Yoshiyuki.
Bilan : Comédie d'enquête cultivant ses décalages, Henshin Interviewer no Yuutsu entremêle excentricité et mystère dans un style assez caractéristique des œuvres de Miki Satoshi. Une partie du charme du drama, par-delà ses excès qui rebuteront sans doute certains publics, repose sur son art de la chute et sur sa façon de multiplier les détails détonnants. Sans se prendre au sérieux, la série pique la curiosité du téléspectateur et, surtout, l'amuse. Le défi sera de parvenir à obtenir une résolution à peu près cohérente de l'intrigue, mais ce parcours humoristique reste l'objet véritable du drama. A tester, pour les amateurs de j-drama qui recherchent une comédie divertissante.
NOTE : 6,5/10
Une bande-annonce du drama :
19:51 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, tbs, henshin interviewer no yuutsu, nakamaru yuichi, kimura fumino, fuse eri, matsuo suzuki, mashima hidekazu, nakamura yuko, shoji yusuke, machida mari, mishima yutaka, pe jyonmyon, mitsuishi ken, murasugi seminosuke, morishita yoshiyuki, iwamatsu ryo, matsushige yutaka | Facebook |
29/02/2012
(J-Drama / SP) Shikei Kijun : la peine de mort au coeur d'un drame humain
Du rattrapage de tanpatsu au programme de ce mercredi asiatique, qui nous fait donc rester une semaine encore au Japon. C'est Kerydwen qu'il faut remercier pour avoir attiré, le mois dernier, mon attention sur le drama dont je vais vous parler aujourd'hui : Shikei Kijun. Ce dernier a été diffusé sur la chaîne WOWOW (oui, toujours elle !), le 25 septembre 2011. Il s'agit d'un tanpatsu comportant une seule partie d'une durée totale de 2 heures, inspiré d'un roman de Kamo Takayasu.
Shikei Kijun se démarque par le thème qu'elle aborde, un sujet sensible qui retiendrait mon attention peu importe le pays, celui de la peine de mort. Cette dernière existe toujours au Japon. Un sondage réalisé en 2010, mentionné dans le drama, montrait une opinion publique majoritairement favorable à son maintien. Sur un tel thème, j'avais déjà lu des synopsis de dramas comme Mori no Asagao, mais l'absence de sous-titres en avait toujours rendu le visionnage irréalisable.
Ce tanpatsu a donc été ma première vraie incursion dans le système judiciaire japonais. Si le résultat n'a pas répondu à toutes mes attentes, il s'agit cependant d'un legal drama solide et efficace.
Otomo Kojiro est un avocat à qui tout semble avoir réussi. Homme médiatique, il s'est rapidement imposé comme une des figures de proue du mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort au Japon. Un de ses proches amis, Mito Yusuke, avec qui il a fait ses études de droit, le suit dans ces procès particuliers où la sentence encourrue peut être la mort. Car si ce dernier ne s'est jamais lancé dans une carrière de praticien, il enseigne à l'université et étudie les critères dégagés par la jurisprudence pour fonder le prononcé d'une telle peine. Sur les bancs de la fac, ils s'étaient également noués d'amitié avec Nagase Mariko qui, elle, a choisi une autre voie : celle du ministère public.
Ces trois amis vont voir leurs liens et leurs certitudes vasciller lorsqu'une tragédie les frappe de près. La femme de Kojiro est retrouvée morte, assassinée, chez elle. Un suspect est très arrêté. Son procès s'annonce. Face au tourbillon personnel, médiatique et judiciaire qui menace d'emporter nos trois protagonistes, comment chacun va-t-il se positionner face à ce cas qui les touche personnellement ? Que restera-t-il de leurs convictions antérieures face à ces épreuves ?
Shikei Kijun est un tanpatsu ambitieux qui, s'il a conscience d'évoluer sur un terrain sensible, ne va cependant pas hésiter à aborder toutes les facettes de cette problématique complexe qu'est la peine de mort. Dotée d'une approche très didactique, il a le mérite de s'intéresser à tous les points de vue, donnant la parole aussi bien aux proches de victimes, à l'accusé, mais aussi aux différents acteurs de la justice - la police, la défense, le ministère public, et même le juge, avec la responsabilité qu'il prend en prononçant la sentence. Le fait que les personnages vont tour à tour occuper différents rôles, avocat ou victime, théoricien ou praticien, permet aussi de souligner les contrastes des positionnements de chacun.
C'est dans cet effort d'offrir une large photographie du système judiciaire, et de tous les intervenants d'une procédure pénale, que se trouve la réussite principale du drama. Manquant parfois de subtilité, mais en conservant toujours cette volonté d'aborder le sujet de la façon la plus large possible, il va en effet éclairer les limites humaines inhérentes à la Justice, et les tensions qui la parcourent, arbitrage subtil entre ambitions personnelles, ordre public et intérêt de la société. On a donc un solide et consistant legal drama qui devrait retenir l'attention de tout téléspectateur s'intéressant à ces thèmes.
Cependant, si Shikei Kijun affiche de hautes ambitions en multipliant les angles d'attaque, il va laisser un arrière-goût d'inachevé. Paradoxalement, à trop vouloir tout s'approprier, il finit par en dire trop peu. Manquant de lisibilité, les esquisses de réflexion et les raisonnements restent trop souvent dans de l'informulé. Ils ont tendance à s'effacer derrière les émotions des différents protagonistes. La volonté de s'attacher uniquement aux destins personnels, en soulignant le contraste entre principes théoriques et réalité de la douleur lorsque le drame touche personnellement, était une idée intéressante ; mais elle brouille son propos et finit par faire perdre au drama sa ligne directrice.
Certes, certains argumentaires sont un peu plus approfondis. D'un côté, il y a notamment la question de la place de la victime et de ses proches au sein de la procédure pénale : est-ce qu'une sentence doit être prononcée au nom de la société, ou au nom des proches pour apaiser leur douleur ? C'est un débat récurrent du droit pénal moderne, et ce drama a le mérite de (brièvement) l'esquisser. A l'opposé, l'autre versant est plus classique : contre la peine de mort, c'est le risque d'erreur judiciaire, amenant la justice à prendre la vie d'un innocent, qui s'impose. De manière générale, Shikei Kijun donne l'impression de vouloir tout couvrir, mais manque de direction et de structure pour mener à bien et jusqu'au bout ses questionnements. La conclusion, faisant le choix d'une relative facilité, est d'ailleurs révélatrice des limites du drama : une fiction judiciaire intéressante, mais non une réflexion aboutie sur son sujet central, celui de la peine de mort.
Sur la forme, Shikei Kijun est un drama classique et réussi. La réalisation est sobre, parfaitement maîtrisée, même si le décor principalement intérieur - notamment au tribunal - n'offre logiquement que peu d'occasions de mettre en valeur le cadre. La bande-son reste aussi utilisée avec parcimonie, ne venant jamais empiéter sur le propos même du drama, ni amoindrir l'intensité des échanges.
Enfin, un dernier atout de Shikei Kijun est son casting. On y croise un certain nombre de têtes familières du petit écran japonais, et chacun délivre des prestations homogènes qui conviennent à la tonalité du tanpatsu. Se partagent la tête d'affiche, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora), Ozawa Yukiyoshi et Toda Naho (Marks no Yama). A leurs côtés, on retrouve également Kashiwabara Takashi, Kyono Kotomi, Mitsuishi Ken, Yajima Kenichi, Sato Jiro, Kaneda Akio, Emoto Akira, Yamamoto Kei, Hirooka Yuriko et Kondo Yoshimasa.
Bilan : A défaut de réellement s'approprier les clés d'une réflexion seulement esquissée autour de la peine de mort, Shikei Kijun se révèle cependant être un drame judiciaire solide et efficace, reposant entièrement sur ses personnages et leurs émotions, derrière lesquelles s'effacent les enjeux plus théoriques. Peut-être victime de ses ambitions, en voulant offrir une photographie trop large d'un sujet complexe qui dépasse le seul cas d'espèce évoqué, cela reste une fiction riche et intéressante qui mérite un visionnage.
NOTE : 7/10
17:46 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, wowow, shikei kijun, yamamoto koji, ozawa yukiyoshi, toda naho, kashiwabara takashi, kyono kotomi, mitsuishi ken, yajima kenichi, sato jiro, kaneda akio, emoto akira, yamamoto kei, hirooka yurika, kondo yoshimasa | Facebook |
16/03/2011
(J-Drama) BOSS : une série policière versatile et attachante
Comme annoncé, le mois de mars sera bien en partie policier. En attendant de pouvoir jeter un oeil à plusieurs épisodes d'une nouveauté sud-coréenne, Crime Squad, dont la diffusion a commencé la semaine dernière, c'est au Japon que nous conduit ce troisième mercredi asiatique de mars, avec une critique sous forme de bilan d'un drama qui figurait sur ma liste de "séries à rattraper" dressée en début d'année, en partie pour les échos positifs que j'avais pu glaner, mais également pour la présence d'acteurs que j'apprécie beaucoup dans son casting : BOSS.
Diffusée au printemps 2009, sur la chaîne Fuji TV, sa première saison comporte 11 épisodes, de 45 minutes chacun (sauf pour le premier et le dernier d'une durée d'1h). La série fait également partie de ces quelques dramas qui obtiennent un renouvellement (disposer d'une deuxième saison reste une exception au Japon). La saison 2 était initialement annoncée pour ce printemps, à partir du mois d'avril ; l'actualité obligeant à mettre ceci au conditionnel. (EDIT : La diffusion de la saison 2 est officiellement annoncée pour le 14 avril prochain.)
BOSS se propose de nous plonger dans le quotidien et les enquêtes d'une unité spéciale de la police japonaise. La série s'ouvre en effet sur la création d'une équipe annoncée et présentée aux médias comme une formation d'élite destinée à répondre à l'inquiétude suscitée par l'augmentation de crimes particulièrement violents. Osawa Eriko est nommée à sa tête, bénéficiant du soutien d'un des dirigeants de la police qui est un ancien de sa promotion. Cette femme de poigne au caractère bien trempé rentre tout juste d'une formation aux Etats-Unis. Très compétente, sa vie professionnelle a malheureusement souffert de sa vie privée, ce qui explique cet exil américain temporaire. Si elle revient avec des ambitions intactes, elle va cependant vite déchanter en découvrant la réalité du projet dont elle obtient la direction.
En effet, la supposée unité d'élite se révèle n'être qu'une maladroite façade médiatique. Loin de la promesse de se voir assigner les plus brillants éléments des différents services, ce sont au contraire les officiers posant problème, les "moutons noirs" dont on souhaite se débarrasser, qui lui ont été envoyés. C'est donc une équipe dans laquelle on a regroupé tous les agents dont personne ne voulait. Sans être foncièrement incompétents, par leur attitude ou leur façon de concevoir leur métier, ces derniers sont loin de représenter le stéréotype du policier idéal tel que le conçoit l'institution, navigant entre rébellion, défiance de l'organisation ou difficulté à réagir comme un officier. Eriko va non seulement devoir diriger et résoudre les enquêtes qui lui sont confiées, mais elle va aussi apprendre à créer et construire une solidarité et un esprit d'équipe qui apparaît illusoire au premier abord. Affaires policières et gestion humaine, voici donc les deux grandes thématiques que BOSS va investir.
Fidèle à son genre, BOSS démarre sur les bases d'un procedural (cop) show classique : elle va tout d'abord mettre en scène des enquêtes ayant vocation à seulement durer le temps d'un épisode. N'hésitant pas à relater des crimes très violents, la série cède souvent à une recherche de sensationnalisme parfois un peu excessive. Cependant, au fur et à mesure que la saison avance, le drama va progressivement glisser vers un feuilletonnant qui s'avère plus consistant et satisfaisant pour le téléspectateur. Un fil rouge finit d'ailleurs même par apparaître, permettant ainsi de conclure tous les arcs de façon autrement plus ambitieuse dans le dernier épisode.
Dans l'ensemble, en dehors de quelques cas plus finement traités, les affaires policières se laissent globalement suivre sans forcément retenir pleinement l'attention. Mais il est important de souligner que, au fil de la série, cette dernière gagne incontestablement en maîtrise dans la gestion de ces storylines, mais aussi en subtilité lorsqu'elle parvient à l'occasion à se détacher de la dynamique d'opposition manichéenne entre le criminel et la police. Cependant, si ce cadre policier sert la série, l'atout de BOSS est ailleurs. En effet, il va résider dans la dimension humaine que va être capable d'investir la série.
Car si BOSS marque le téléspectateur, c'est sans doute prioritairement dans le domaine de l'affectif. Conduite par une Eriko à la présence particulièrement charismatique, la série bénéficie d'une galerie de personnages secondaires, extrêmement colorée et bigarrée, dont la diversité n'empêche pas une complémentarité efficace et des intéractions aussi pimentées que convaincantes. La dynamique d'ensemble fonctionne bien, tant dans l'opposition initiale que dans les relations qui se nouent peu à peu. Les liens entre chacun des protagonistes ne vont d'ailleurs jamais se figer, se consolidant avec le temps. Chacun finit ainsi, à sa manière, par trouver sa place au sein de cette unité atypique.
Si certains n'échappent pas à la caricature - mais c'est le lot des seconds rôles des comédies -, ils sont tous extrêmement attachants, et c'est avec un vrai plaisir que le téléspectateur les suit dans des enquêtes dont la finalité semble autant être d'attraper le criminel, que de servir de révélateurs à des personnages qui gagnent en épaisseur à mesure que l'image qu'ils renvoient se nuance. Comment rester insensible au manque d'estime de Kimoto qui cherche encore sa voie et pour laquelle la figure tutélaire d'Eriko va être déterminante ? Comment ne pas vouloir en savoir plus sur les non-dits et blessures du passé qui ont conduit Katagiri dans cet état désillusionné, où il a perdu toute foi en son métier ? Et puis, en dehors de l'équipe, comment ne pas se laisser séduire par les flirts incessants et la légèreté cultivée et mise en scène de Nodate ? Tous ces éléments sont autant de fils rouges à connotation humaine que l'on suit avec un intérêt presque plus prononcé que pour l'enquête policière du jour.
Enfin, au-delà des thématiques classiques ainsi portées à l'écran, il faut souligner que BOSS n'est pas dénuée d'une identité propre. Son originalité va venir de la tonalité adoptée par la série. Si j'insiste dessus, c'est que rarement aura-t-on vu un ton aussi volatile et versatile que celui cultivé avec beaucoup de soin dans ce drama. Face à cette alternance constante et entêtante, entre comédie et cop show plus dramatique, le téléspectateur reste aux premiers abords un peu décontenancé, se demandant si les scénaristes n'ont pas des difficultés pour choisir son genre. Mais au contraire, loin d'être une problème de tergiversation narrative, c'est dans cette résistance à toute catégorisation que BOSS s'affirme et se distancie de ses modèles d'inspiration plus traditionnels.
Bénéficiant d'un rythme d'ensemble très énergique, la série pourra ainsi nous proposer des scènes fortes émotionnellement à l'intensité avant tout dramatique, tout en enchaînant quelques minutes plus tard sur des répliques décalées, parfois vraiment jubilatoires, qui sauront susciter plus d'un sourire. D'ailleurs, elle n'hésite pas à utiliser les codes de la comédie, versant parfois dans un certain burlesque ou une légèreté qui permettent de prendre de la distance par rapport aux intrigues plus pesantes. Pour autant, elle peut aussi en un instant redevenir autrement plus sérieuse, nous faisant assister à un meurtre ou à de vraies confrontations entre les protagonistes. BOSS reste donc comme une fiction entre deux tons, défiant obstinément toute catégorisation.
Si la tonalité attrayante de la série marque sur le fond, il est intéressant de noter que la forme s'efforce de se mettre au diapason. La réalisation est extrêmement dynamique, multipliant les effets de style à l'écran. D'images saccadés qui accentuent surtout les passages les plus comiques à des split screen qui permettent de suivre la même scène de différentes perspectives, le réalisateur expérimente beaucoup. Même si certains effets ne sont pas complètement maîtrisés, avec notamment une tendance à recourir à certains gros plans pas toujours opportuns, tout ce travail insuffle un réel dynamisme. Une fois passée la surprise initiale, le téléspectateur s'habitue rapidement.
De plus, cette impression de fraîcheur orientée vers la comédie est renforcée par une bande-son sympathique, composée de petits interludes musicaux entraînants. La chanson utilisée dans l'ending (My Best of my life de superfly - dont le pv est disponible à la fin de ce billet) apparaît finalement comme un pendant bienvenu plus calme et posé, par rapport au reste de l'épisode.
Enfin, BOSS n'atteindrait sans doute pas le degré d'attachement qu'elle parvient à susciter sans la présence d'un casting rarement pris en défaut, dont les premiers comme les seconds rôles méritent vraiment d'être salués. Si j'avoue que je partais avec un a priori très positif pour plusieurs d'entre eux, ayant déjà pu apprécier leur performance dans d'autres dramas, mes attentes n'ont pas été déçues. Tout d'abord, Amami Yuki (Last present, Fumo Chitai, GOLD) s'impose de manière convaincante dans ce rôle de dirigeante de l'unité, femme de poigne dont la compétence frôle à l'occasion l'arrogance. Mais si BOSS parvient à trouver un équilibre et une homogénéité au sein de ses personnages, c'est aussi parce que tous les autres acteurs qui l'entourent se révèlent à la hauteur. Takenouchi Yutaka (Fumo Chitai, Nagareboshi) trouve instantanément (dès la scène d'ouverture) une dynamique parfaite avec Eriko, vraiment excellent en directeur flirtant constamment.
Parmi les membres de l'équipe, j'ai beaucoup aimé Toda Erika (beaucoup plus que dans LIAR GAME), parfaite en scientifique qui se cherche et qu'Eriko va prendre sous son aile. J'ai aussi tout particulièrement apprécié retrouver Tamayama Tetsuji (je confesse soupçonne que sa seule présence pourrait me faire suivre n'importe quel drama) (Sunao ni Narenakute), en policier solitaire ayant perdu sa confiance en l'institution depuis un incident il y a quelques années. A leus côtés, on croise également Mizobata Junpei (Shinzanmono), Kichise Michiko (Mousou Shimai), Kendo Kobayashi, Nukumizu Youichi, Shiomi ansei, Hasegawa Hiromi, HILUMA, Mitsuishi Ken, Aijima Kazuyuki ou encore Maruyama Tomomi.
Bilan : Série policière à la tonalité volatile, alternance pimentée de comédie et de drama procédural classique, BOSS est une fiction attachante et plaisante à suivre. Particulièrement rythmé, le drama cultive un dynamisme qui se ressent tant sur le fond que sur la forme, et qui sait capter et retenir l'attention d'un téléspectateur aisément charmé par cette ambiance particulière. Si certaines enquêtes policières n'échappent pas toujours aux sirènes d'un sensationnalisme un peu naïf, la série gagne en consistante et en nuance au fil des épisodes, l'aspect feuilletonnant parachevant de manière convaincante cette maturation. BOSS s'impose donc comme un agréable divertissement que j'ai pris beaucoup de plaisir à visionner.
NOTE : 7,25/10
La chanson de l'ending de chaque épisode (My best of my life, par superfly - PV) :
20:04 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j-drama, fuji tv, boss, amami yuki, takenouchi yutaka, tamayama tetsuji, toda erika, mizobata junpei, kichise michiko, kendo kobayashi, nukumizu youichi, shiomi sansei, hasegaa hiromi, hiluma, mitsuishi ken, aijima kazuyuki, maruyama tomomi | Facebook |