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02/05/2012

(J-Drama) The Quiz Show, saison 1 : un déstabilisant jeu télévisé

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Après quatre mercredis asiatiques consacrés à la fiction sud-coréenne, il est temps de retourner explorer le petit écran japonais. Je vous propose de reporter l'exploration des nouveautés printanières et de laisser de côté les bilans de l'hiver achevé (même si j'y reviendrai notamment pour vous parler d'une série en cours de sous-titrage, pour l'instant extrêmement prometteuse, et qui devrait devenir mon deuxième grand coup de coeur de l'année après Shokuzai). Aujourd'hui, nous allons nous arrêter sur un j-drama un peu plus ancien, carrément inclassable, qui figurait depuis quelques temps sur ma liste de séries à découvrir : The Quiz Show.

Ce drama a été diffusé sur NTV du 6 juillet au 27 septembre 2008 le samedi dans la nuit. Sa première saison compte 12 épisodes de 23 minutes environ chacun. Une deuxième saison a été diffusée l'année suivante, conçue sur un format plus long (le classique 45 minutes par épisode), avec un casting différent. Il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une forme de suite, ou plutôt d'un remake exploitant les mêmes recettes. Ne l'ayant pas vue, ma critique portera uniquement sur la première saison qui s'apprécie indépendamment. Si je tiens tout particulièrement à cet article, c'est que The Quiz Show est une de ces belles surprises qui redonne foi en ces concepts à suspense où tout repose sur l'ingéniosité du scénario et ses acteurs. 

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The Quiz Show est le nom de l'émission de jeu télévisée que la série met en scène. Elle va s'intéresser à ses coulisses, tout en nous faisant vivre, comme un téléspectateur lambda, la participation de différents candidats pour tenter de remporter le premier prix. Ce dernier est alléchant : s'ils parviennent à répondre aux septs questions posées, ils peuvent remporter 10 millions de yens, ou bien, en continuant jusqu'au dernier niveau, voir leur rêve le plus cher devenir réalité, avec le soutien de la chaîne de télévision. Seulement, à chaque émission, ce qui commence par de simples questions de culture générale accessibles au participant prend progressivement un tour de plus en plus personnel, glissant dans leur vie intime pour les déstabiliser.

Car The Quiz Show n'est pas un jeu ordinaire. Son objectif est d'éclairer les failles de ses candidats, visant à exposer leurs sombres secrets au grand jour. Petit à petit, sous la pression, voire l'appât du gain, ces "victimes" initialement consententes finissent par dévoiler une part d'eux-mêmes qu'ils tiennent jalousement secrète. Certains mentent, d'autres se décomposent et perdent leurs moyens. Il y en a qui profitent de l'émission pour soulager leur conscience et expier un poids devenu trop lourd à porter, tandis que d'autres ressortent brisés de l'expérience. Mais de plus, en filigrane, un autre fil rouge mystérieux se superpose à cette succession de candidats-victimes. Ces derniers ne sont pas choisis au hasard : quelles motivations se cachent dans les coulisses de l'émission ? Animé par un présentateur exubérant dont le passé comporte ausis un confus et dramatique secret, The Quiz Show est produit par un inquiétant individu dont l'agenda caché semble déterminer toute l'émission. 

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The Quiz Show appartient à cette catégorie, prisée mais rare, des OTNI (object télévisuel non identifié). Ce sont ces fictions aux concepts intrigants, qui n'hésitent pas à expérimenter et où la gestion habile des prises de risque va palier les limites formelles et budgétaires. Lorsque ces dramas sont bien dosés, le télépectateur les savourent toujours avec une satisfaction particulière, justement parce qu'ils réhabilitent l'originalité : ils osent tenter des choses et sont capables d'explorer et de repousser les limites de leur univers. C'est exactement ce que j'ai ressenti en visionnant The Quiz Show. Faisant preuve d'une réelle maîtrise narrative, cette série va se construire une tension psychologique prenante et efficace, dont l'intensité va aller crescendo à mesure que la saison progresse.

Sa réussite tient tout d'abord à la manière dont elle s'approprie pleinement son concept : elle fait sienne les dynamiques propres à une émission de télévision, avec la dose de voyeurisme qui lui est inhérente. Mettant à profit sa durée relativement courte - une vingtaine de minutes par épisode - qui lui permet d'aller à l'essentiel, la structure de The Quiz Show repose principalement sur le jeu mis en scène, son rythme dépendant de la succession de questions et de la montée des tensions. Si le drama laisse entrevoir les coulisses de l'émission, avec des interventions de la régie à chaque dérapage durant le direct, son cadre principal reste le plateau de télévision. En dépit de la présence du public, des millions de téléspectateurs derrière leur écran, c'est bel et bien sur un ressenti de huis clos que joue la série. Car The Quiz Show va être une histoire de face à face. 

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En effet, ce drama repose sur une double confrontation dont les enjeux ne sont révélés que progressivement. La première, la plus évidente, est celle qui naît entre le présentateur et chaque candidat. Si The Quiz Show suit un schéma presque invariable, nous faisant assister à la déstabilisation progressive de la "victime" du jour, pour la conduire à exposer spontanément ou non un terrible secret, chaque émission a ses particularités. Tous les candidats ne sont pas placés sur le même plan : pour certains, leur personnalité et l'acte commis font qu'ils ne peuvent connaître aucune forme de rédemption et le présentateur se montre sans pitié ; pour d'autres, l'émission sert de confession expiatoire, plaçant la personne devant ses responsabilités et l'obligeant à cesser de fuir. Capable de se renouveler, la série a l'habileté de ne jamais se laisser enfermer dans son concept. Elle n'est pas manichéenne, ni moralisatrice - les brèves conclusions du présentateur restent de simples chutes finales. De plus, elle va savoir jouer sur l'empathie du téléspectateur et ses nuances. Les sentiments que suscitent les différents personnages sont en effet très variables : certains sont sympathiques, tandis que d'autres apparaissent profondément antipathiques.

De manière générale, The Quiz Show ne se départit jamais d'une ambiguïté, incarnée par ses principaux protagonistes. C'est particulièrement perceptible dans la deuxième confrontation qui se construit en filigrane : celle du présentateur et du producteur. La série sait ici prendre son temps : elle dévoile une à une ses cartes, intrigant d'abord, puis construisant progressivement l'antagonisme qui lie les deux hommes. Ce fil rouge est bien dosé, se faisant de plus en plus pesant à mesure que la saison progresse et que l'on comprend que même le choix des candidats dépend de ce face à face. The Quiz Show tiendra ses promesses, proposant une confrontation finale à la hauteur de la tension introduite. Elle l'orchestre de façon admirable sur les deux épisodes de fin. Elle respecte en plus jusqu'au bout les codes établis par les premières émissions, puisqu'il s'agit d'un affrontement, avec un voyeurisme expiatoire vengeur assumé, qui va remettre en cause les certitudes de certains et faire apparaître, dans la douleur, la vérité.

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Sur la forme, The Quiz Show tire partie de son budget limité et de son format relativement court pour entretenir la proximité avec le plateau de l'émission et les différences participants, contribuant ainsi au huis clos et à l'atmosphère si difficile à cerner de la série. Dès le générique d'introduction, la chanson rock déchirante proposée (Paralyzed ocean, de Pay money to my pain) donne le ton : elle apparaît comme un écho parfait au cri de désespoir dont le drama se fait le récit. Parfois pesant, pathétique, voire inquiétant, il y a une volatilité d'ensemble que la caméra va savoir capturer, grâce aux performances des acteurs.

The Quiz Show bénéficie en effet d'un convaincant casting. Une bonne partie de l'intensité de la série repose sur la performance énergique de Katagiri Jin (Chojin Utada), un acteur que je ne connaissais pas et qui m'a impressionnée dans ce rôle très particulier. Il a été capable de cerner toutes les ambivalences et facettes de son personnage, retranscrivant l'exubérance du présentateur, mais aussi ses failles, avec une interprétation ambiguë hantée par un douloureux passé inaccessible. Face à lui, on retrouve Totsugi Shigeyuki (Uta no Onii-san) qui reste initialement cantonné à un rôle machiavélique en retrait, mais va être en mesure de se révéler dans les deux derniers épisodes de la saison. De plus, il faut noter que le drama accueille aussi son lot de guest-stars notables parmi les candidats des différentes émissions : on retrouve notamment Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku) en chanteur has been, Takahashi Mai (Mousou Shimai) en mangaka ratée ou encore Sato Jiro (Uta no Onii-san, Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro) en astrologue ambitieux.

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Bilan : Drama intrigant et original qui entend exploiter sous toutes ses facettes le concept particulier qui est le sien, The Quiz Show nous introduit dans une émission télévisée déstabilisante au sein de laquelle se construit une tension psychologique des plus prenantes. Plaçant en son coeur une double thématique de vengeance et d'expiation, il se caractérise par une admirable maîtrise narrative tout au long de ses douze épisodes, capable de prendre son temps pour poser ses enjeux et offrir une résolution à la hauteur des attentes. C'est vraiment une expérience réussie des plus intéressantes, qui sort de l'ordinaire dans le paysage des dramas japonais.

En résumé, une curiosité à découvrir !


NOTE : 8/10


Le début du premier épisode (avec le générique d'ouverture de la série) :

11/08/2010

(J-Drama) Mousou Shimai (Paranoid Sisters) : une poésie téléphagique à vivre et ressentir


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Trois coups de coeur téléphagiques japonais en un été. Je crois qu'on peut officiellement dire que je me suis réconciliée avec le Japon, non ? Ce qui est enthousiasmant, c'est de constater que ces trois coups de coeur concernent des séries très différentes, traitant de thématiques qui n'ont rien à voir. Preuve de richesse d'un petit écran japonais cachant décidément en son sein des perles téléphagiques qui justifient vraiment cette quête vers l'inconnu, un peu abstraite, qui pousse le sériephile à l'exploration. Certes, j'ai passé sous silence tous mes échecs et vous épargnerez donc les reviews des quelques dizaines de pilotes non concluants qu'il aura fallu visionner pour dénicher ces trois petits bijoux, mais qu'importe.

Armée donc de votre liste de recommandations j-drama-esques, samedi dernier, j'ai lancé le premier épisode d'une des séries conseillées, Mousou Shimai. Il y avait une part d'excitation chez moi, mais aussi un peu d'appréhension. Il faut dire que la critique dythirambique qu'en avait rédigée Ladyteruki m'avait un peu effrayée : la peur de rompre la magie que faisait ressortir la review.

Sur ce point, j'avoue que le coup de foudre avec Mousou Shimai n'a pas été immédiat. Le premier épisode m'a autant intriguée que déroutée. Surprise, presque perplexe, j'ai poursuivi la découverte. C'est progressivement, au fil des minutes, que je suis rentrée dans cet univers. La soirée progressant, je n'ai bientôt plus réussi à me détacher de cette ambiance si particulière. Et c'est véritablement au cours du troisième épisode que la magie de ce drama m'a touchée en plein coeur. Pour ne plus me quitter jusqu'à la fin. Un moment de grâce téléphagique comme on en ressent peu, à chérir précieusement.

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Composé de 11 épisodes d'une durée moyenne de 25 minutes, sauf le dernier qui en dure une cinquantaine, Mousou Shimai fut diffusé sur la chaîne NTV du 17 janvier au 28 mars 2009.

Ce drama nous plonge dans l'intimité de trois soeurs qui vivent dans la grande maison familiale que leur a laissée leur père, décédé, entre ces mêmes murs, il y a vingt ans, dans des circonstances mystérieuses. Écrivain prestigieux, au talent reconnu par ses pairs et le public, sa mort est demeurée depuis inexpliquée. La pièce dans laquelle il se trouvait ayant été fermée de l'intérieur, et le corps ne portant aucune trace de blessure, ni ne contenant le moindre poison, les enquêteurs ne purent relever aucun indice permettant d'écarter ou de valider l'hypothèse du meurtre ou du suicide. Les trois soeurs ont continué leur vie et ont grandi, enterrant quelque part au fond de leur coeur ces questions douloureuses et sans réponse laissées par leur enfance. Ne prêtant plus vraiment attention au passé, elles sont devenues trois jeunes femmes, chacune au tempérament très différent. L'aînée, la maternelle et douce Akiko, s'occupe désormais du quotidien domestique, tout en veillant sur ses soeurs. La cadette, Fujio, profite pleinement de la vie, entièrement consacrée à son plaisir personnel. Enfin, Setsuko, rêveuse à la constitution fragile, se complaît dans son statut de benjamine de la maisonnée.

Mais le jour du vingtième anniversaire de la mort de leur père, elles reçoivent une lettre qui va bouleverser ce petit quotidien bien huilé. Elle émane de leur père lui-même, qui l'a écrite juste avant sa mort. Le message est cryptique. Tout en leur demandant pardon, il laisse entendre qu'il leur a laissé un secret, dans sa bibliothèque qu'il aimait tant. L'enveloppe contient également une petite clé qui leur donne accès à un coffre-fort caché derrière les rayonnages des livres. A l'intérieur, les soeurs y trouvent onze ouvrages, qui paraissaient manquant dans la collection de leur père. A côté, ce dernier a laissé une instruction sibylline : elles doivent les lire dans l'ordre où il les a laissés. A partir de là, les jeunes femmes vont se plonger dans les histoires suggestives, parfois érotiques, de ces romans. En s'identifiant dans les héroïnes qu'elles mettent en scène, c'est une part d'elles-mêmes qu'elles vont découvrir.

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Cette première présentation laisse déjà présager l'étrange mélange des genres que va proposer Mousou Shimai. C'est une série qui ne ressemble à aucun drama que j'avais eu l'occasion de découvrir jusqu'à présent. Étrange assortiment, troublant, presque indéfinissable, illuminé par une beauté esthétique comme émotionnelle, aussi éblouissante que poétique, qui rend impossible toute classification, si ce n'est la certitude que seuls les japonais doivent être capables d'une telle création. Car Mousou Shimai est d'une richesse étonnante, investissant des thématiques qui se déclinent sur plusieurs niveaux de lecture.

Tout d'abord, ce drama est une enthousiasmante ode à la littérature. Une forme de déclaration d'amour, sans retenue, à ces histoires intenses, émouvantes, passionnelles, dont regorgent les livres dormant sur les étages de nos bibliothèques. C'est d'ailleurs à travers un point de vue de lecteur que les scénaristes vont nous faire vivre le parcours intimiste des trois soeurs qui prend rapidement un tournant de quête identitaire, troublant un peu plus nos repères. Car c'est sur elles-mêmes, autant que sur leur père, que va porter cette introspection littéraire. Chaque épisode est l'occasion de pénétrer, de s'immerger dans un ouvrage. Et chaque histoire ouvre un peu plus leur coeur, mais aussi celui d'un téléspectateur qui ne peut se détacher de ce tumulte émotionnel en train de naître. Mousou Shimai nous glisse ainsi aux côtés des héroînes de chacun des romans, par le biais d'une reconstitution où l'une des soeurs incarne le personnage principal.

Là où la magie opère, c'est que la série va réussir à transmettre au téléspectateur un ressenti diffus, difficile à décrire, mais absolument unique : l'impression d'être en train de lire devant notre télévision. Comment s'y prend-elle ? En parvenant à introduire des ingrédients propre à lecture dans sa narration. Mousou Shimai, c'est de la poésie téléphagique. Cela se concrétise par une ambiance profondément contemplative et poétique, où l'empathie domine et où le fond et la forme fusionnent. Cela passe aussi par des procédés techniques, comme l'incrustation à l'écran de  certaines phrases du roman, lues à voix haute par une des soeurs. Ce sont aussi les échanges, souvent passionnés, qu'elles ont à la fin de chaque récit, et qui renforcent cette sensation par la vivacité et l'authenticité qui s'en dégagent. Le résultat est troublant car, au-delà même du sujet abordé, et comme s'il y avait plusieurs enjeux, plusieurs degrés de lecture, cette série apparaît tout d'abord comme un hommage d'une sincérité profonde à la littérature. 

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Outre ce choix narratif, Mousou Shimai, c'est aussi une histoire d'amour. Ou plutôt, il s'agit d'une histoire - ou d'une réflexion - sur l'amour. A mesure qu'elles progressent dans la collection de leur père, les soeurs vont explorer l'intensité, la versatilité, la diversité, la dangerosité, mais aussi la richesse, d'un sentiment a priori si volatile, si irrationnel, sur lequel elles ne se sont jamais vraiment penchées. D'une manière semblable à la construction de certaines fables, chaque histoire lue contient un apport, ou un enseignement, sur cette thématique centrale qu'est l'amour. Les soeurs suivent les pas d'héroïnes dont le destin fut commandé par ce sentiment. L'expérience est d'autant plus intense que les histoires mises en scène m'ont plus d'une fois laissée sans voix devant mon écran, y allant de ma petite larme. Car en entreprenant d'explorer des facettes multiples et différentes de l'amour, elles flirtent bien souvent avec la tragédie.

Pourtant, ne vous y trompez pas, Mousou Shimai n'est pas une série triste. Au contraire. Si l'amour et la mort semblent tout deux constamment, fatalement, imbriqués, ils le sont en reflet d'un lien plus profond, transcendant, qui unit deux êtres mortels. La narration conserve toujours une distance salutaire. Le rappel qu'il s'agit d'un roman est régulier, mais il est normal de se laisser toucher par des reconstitutions, dont le but premier est d'agir sur ses personnages, et par ricochet sur le téléspectateur. Les débats et analyses cliniques qu'en font les soeurs à la fin ne remettent d'ailleurs jamais en cause la décharge émotionnelle que constitue le récit brut que l'on vient de vivre ; le simple fait d'en discuter en accentue l'impact. Le tout est mis en scène de façon très contemplative, sans rapport avec les codes de narration occidentaux. C'est une mosaïque d'images et de ressentis qui se mélangent, d'où se dégage une authenticité émotionnelle rare. Dépourvue d'artifices, elle vous touche en plein coeur en un instant, sans que vous y preniez garde, vous submergeant le temps d'une parenthèse fictive au détour d'une page. Ce drama ouvre le coeur des soeurs, comme celui du téléspectateur. Et c'est tout simplement magique.

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Expérience littéraire, introspection sentimentale, le tableau de Mousou Shimai se complète enfin d'un fil rouge aux accents policiers. La résolution de l'énigme que constitue la mort de leur père demeure l'objectif de ce parcours initiatique à travers la collection qu'il leur a laissée. Si le mystère semble souvent un peu lointain et l'enjeu parfois presque ailleurs, pour un téléspectateur que les immersions romanesques fascinent plus, cela insuffle cependant une dynamique supplémentaire au récit. Notre seule peur, c'est peut-être qu'une réponse trop terre-à-terre vienne briser la magie que la série a su créer. Dans cette perspective, la conclusion se révèlera finalement être en parfaite continuité avec la tonalité d'ensemble du drama. Toute aussi déstabilisante aussi.

Il est d'autant plus facile d'apprécier pleinement cette série que les trois héroïnes, à travers leurs différences et leurs oppositions, se révèlent toutes attachantes, chacune à leur manière, avec les contrastes qu'elles offrent. Les tensions qui se créent entre elles, au fil de l'expérience que leur père est en train de leur faire vivre, sonnent toujours avec beaucoup de justesse. Toute cette dynamique est vivante, et redonne une touche très humaine à une réflexion aux allures parfois un peu abstraites.

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Cependant si Mousou Shimai est une oeuvre véritablement aboutie, elle l'est aussi parce que le fond et la forme se conjuguent en un tout indissociable, où la technique devient un ingrédient à part entière, faisant partie intégrante du récit. La réalisation s'avère être non seulement le reflet fidèle de la poésie émanant de l'ensemble, mais la magie ressentie lors des immersions littéraires se traduit également à l'écran par une photographie dont la beauté est à couper le souffle. Qu'il s'agisse des jeux de teintes et de couleurs ou du cadre choisi pour certaines scènes, Mousou Shimai compose sous nos yeux, qui oscillent entre émerveillement et fascination, de véritables oeuvres d'art, utilisant tout le savoir-faire japonais en la matière. En somme, c'est une belle histoire qui est également belle pour les yeux.


Un aperçu de la photographie de la série :

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Pour porter ce récit troublant, Mousou Shimai bénéficie enfin d'un trio d'actrices qui vont toutes être à la hauteur de la poésie de l'histoire. La superbe Kichise Michiko illumine chacune des scènes d'une grâce discrète et assurée, incarnant Akiko, l'aînée des trois soeurs. Konno Mahiru, plus intense et assumée en apparence, offre sans doute le plus de contrastes dans les attitudes qu'elle adoptera de façon toujours maîtrisée. Enfin, Takahashi Mai capte à merveille la fragilité sensible et innocente de son personnage.

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Bilan : Le visionnage de Mousou Shimai constitue en soi une expérience téléphagique. C'est une oeuvre à part, qu'il est difficile d'analyser de façon désincarnée dans une review. C'est une fiction contemplative, intimiste, profondément poétique et très métaphorique, qui se situe en dehors et au-delà des classifications. C'est une série pour les amoureux de littérature, qui retrouveront ce ressenti enivrant dans lequel on s'immerge lorsque l'on ouvre et se plonge dans un livre. C'est aussi un parcours initiatique, une réflexion d'une étonnante authenticité émotionnelle qui se révèle très touchante.

L'ambiance et la tonalité surprennent au départ, pouvant déstabiliser un téléspectateur occidental qui voit ses repères narratifs brouillés. Mais c'est une expérience qui mérite d'être vécue. Et si l'amour et la mort paraissent à jamais lier en son sein, Mousou Shimai n'a rien d'un drame. C'est un magnifique hymne à l'amour, reconnaissant, célébrant la beauté, la pureté et la noblesse de ce sentiment.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

(via Ladytelephagy)