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03/11/2010

(J-Drama) Karei Naru Ichizoku : déchirement familial sur une toile de fond industrielle

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Une review en forme de bilan en ce premier mercredi asiatique du mois de novembre. Non que je manque de nouveautés à découvrir, aussi bien japonaises que sud-coréennes, mais parce que, comme annoncé durant l'été, je m'efforce de poursuivre en parallèle mon exploration de la télévision du pays du Soleil Levant, suivant notamment vos recommandations du mois d'août (en l'espèce, merci donc à lady et calcifer qui m'avaient parlé de ce drama). Car ce week-end, j'ai profité du changement d'heure pour terminer une série commencée il y a déjà quelques semaines : Karei Naru Ichizoku. Diffusée en 2007, sur la chaîne TBS, elle comporte 10 épisodes (le premier et le dernier durant 75 minutes, les huit autres, 45 minutes).

Au vu du résumé, je m'attendais à de l'économique, de l'industriel, une pointe d'ambiance sixties... J'ai eu bien plus que cela. C'est une série qui, par ses thématiques et la manière de les traiter, ne ressemble à aucune autre. Rien ne m'avait vraiment préparé, à la seule lecture du synopsis, à la force de l'histoire dans laquelle je me suis ainsi engagée. Dix épisodes plus tard, Karei Naru Ichizoku s'est imposé à mes yeux comme un incontournable du petit écran japonais. Pas pleinement séduite dès le départ, au final, ce récit dont la tension va crescendo, s'affirmant peu à peu, aura plus que mérité l'investissement réalisé. Si bien que, c'est en téléspectatrice sans doute pas encore complètement remise de ce visionnage que je vous propose un bilan aujourd'hui. Car il était inconcevable de reporter d'une seule semaine la critique de ce drama.

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Adaptation d'un roman de Yamazaki Toyoko, Karei Naru Ichizoku nous plonge au coeur de la réorganisation financière du Japon à la fin des années 60, à travers la destinée tumultueuse de la famille Manpyo, riche et puissante dynastie qui a fait fortune dans le domaine bancaire. A l'aube de l'entrée dans l'ère de l'économie moderne, la série offre un parfait reflet des tensions d'une époque, portrait contrasté d'une société hésitant entre crispation sur des acquis s'amenuisant et regard tourné vers le futur. A ce conflit, incarné par les deux figures centrales de la série, se superpose la description d'une relation - ou plutôt d'une non-relation, troublée et troublante, chargée d'incompréhension, entre un père et son fils.

Patriarche dirigiste, qui mène son entourage d'une main de fer, Manpyo Daisuke possède une importante banque en bonne santé financière. Mais cette dernière est mise en danger par les plans de restructuration du ministère qui prévoient, à terme, de créer de grandes concentrations bancaires, au sein desquelles les plus petites se dilueront. Parallèlement, son fils aîné, Teppei, qui n'a jamais manifesté le moindre attrait pour ces jeux d'argent, s'est pleinement investi dans l'industrie métallurgique. Rêvant de faire entrer le Japon parmi les pays les plus industrialisés, visionnaire quant aux futurs enjeux décisifs, Teppei dirige une entreprise de fabrication de métaux. Ses certitudes le portant vers des projets ambitieux, la grande réalisation qu'il souhaite accomplir est la construction d'un haut fourneau qui lui permettra d'acquérir une indépendance de fabrication et une assise matérielle pour partir à l'assaut de nouveaux marchés, notamment américains.

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Pour mener à bien ses idées, Teppei a besoin de soutiens financiers. C'est pourquoi il s'adressera logiquement à Daisuke, en dépit des rapports atypiques, dénués de tout sentiment qu'il a toujours entretenu avec lui, le fils se sentant comme étrangement rejeté par un père qui n'a eu d'yeux que pour le cadet, Ginpei. Aussi meurtri qu'il soit par cette attitude paternelle, Teppei continue obstinément de rechercher une trace de satisfaction dans le regard que son père peut poser sur lui. Seulement, pour ce dernier, la survie et la pérennité de la famille Manpyo ne sauraient passer que par la prospérité de leur banque. Ses manoeuvres pour permettre ce sauvetage vont l'amener à prendre des décisions difficiles et à orchestrer des manipulations brisant, sans arrière-pensée, plus d'un adversaire sur sa route. C'est ainsi sur une voie bien dangereuse qu'il conduit fermement une famille au bord de l'implosion. Daisuke se dit certes prêt à tout pour sauver sa banque, mais a-t-il vraiment songé au prix qu'il pourrait payer ? La famille Manpyo survivra-t-elle à ces soubressauts ? Quels seront les sacrifices à réaliser ?

A la seule lecture du synopsis, si on pressent le potentiel indéniable de Karei Naru Ichizoku, on peine à vraiment apprécier la multiplicité des thématiques que la série va développer et la force d'une histoire qui va tout simplement submerger le téléspectateur. Ce serait une erreur que de trop hâtivement la catégoriser dans un genre précis. Car un de ses principaux atouts va justement être de savoir transcender tous les thèmes mis en scène, pour finalement offrir un récit dense et surtout homogène, dont la maîtrise dans l'exploitation de ces différentes facettes, va dépasser toutes les attentes initiales.

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Tout d'abord, Karei Naru Ichizoku a évidemment les accents d'une saga industrielle au sens noble du terme. Nous plongeant dans les coulisses agitées et létales de la restructuration économique japonaise de la fin des année 60, elle manie avec dextérité le langage compliqué des financiers, tout comme les manipulations retorses des ambitieux qui peuplent ses réunions. Son incursion politique se révèle toute aussi désillusionnée, tant elle dévoile un monde corrompu aux alliances changeantes. Pour autant, ces passages complexes ne vont jamais rendre la série abrupte ou rébarbative. Au contraire, elle réussit à intégrer avec naturel ces enjeux, parfois excessivement abstraits mais toujours compréhensibles, dans les tensions émotionnelles sous-jacentes qui la parcourent.

Car voilà bien un des attraits les plus fascinants de Karei Naru Ichizoku : sa capacité constante à développer une empathie diffuse et sous-jacente tout au long de la série. Si le téléspectateur ne se sent jamais déconnecté de ces intrigues politico-industrielles, c'est parce que le récit n'y est jamais déshumanisé. C'est toujours par le facteur humain, les personnages, que l'histoire se construit, demeurant profondément liée aux aspirations et conflits internes qui les régissent. C'est ainsi que le téléspectateur va être capable de ressentir et de partager cette bouffée d'idéalisme mal contenue manifestée par Teppei, lorsque ce dernier décrit ses grands projets d'avenir, ou qu'il parle avec passion de l'industrie métallurgique. De même, on perçoit bien que les apparentes froides motivations de Daisuke cachent d'autres non-dits, d'autres blessures plus profondes et plus enfouies.

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Dans Karei Naru Ichizuku, si elle en est le décor principal, l'industrie n'est pas une fin en soi. Elle apparaît comme une extension, un univers qui se superpose à la famille, cette dernière restant le coeur véritable du drama. Car cette série est avant tout un véritable drame familial, dans tous les sens du terme. 

La puissance des Manpyo n'a d'égal que le malaise qui s'étend et se creuse dans une famille au bord de l'implosion. Placée sous la férule tyrannique et patriarcale d'un Daisuke pour qui chacun de ses enfants est un outil lui permettant d'oeuvrer à la protection de l'empire financier qu'il souhaite pérenniser, le téléspectateur s'aperçoit bien vite que la gangrène qui ronge les Manpyo est beaucoup plus profonde que de simples mariages arrangés. Il y a quelque chose de vicié dans ce portrait dressé d'une dynamique familiale, quelque chose qui va bien au-delà d'une simple histoire de moeurs et de cette maîtresse omniprésente, presque officiellement intronisée et qui s'arroge la place de l'épouse officielle. Face à ce ressort qui semble cassé, le téléspectateur est longtemps réduit à se perdre en conjectures, incapable d'identifier ce qui se cache derrière certains non-dits ou réactions disproportionnées.

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Pourtant, dès le départ, on devine inconsciemment que tout tourne, comme la série elle-même, autour de cette relation père-fils dont la détérioration apparaît presque instantanément inéluctable. Telle la partition maîtrisée d'une tragédie à l'ancienne au destin déjà scellé, on assiste impuissant à l'engrenage qui s'opère. Cette incompréhension initiale, de deux êtres qui ont toujours été des étrangers l'un pour l'autre, se change progressivement en une concurrence, un temps seulement inconsciente, mais qui prend peu à peu toute sa force pour se conclure en un affrontement direct visant à l'anéantissement de l'autre. Cette inimité qui bascule dans une aversion unilatérale à travers laquelle Daisuke règle ses comptes avec son propre père, Teppei n'étant qu'une incarnation, à ses yeux, de cette figure paternelle tant haïe, est proprement glaçante à l'écran. Si les secrets de famille soigneusement gardés expliqueront bien des ressorts cassés au sein des Manpyo, rien ne pourra arrêter l'engrenage infernal initié par cette opposition destructrice. A mesure que la situation se détériore et que la possibilité d'une réconciliation s'éloigne, le téléspectateur perçoit très tôt - trop tôt - l'issue probable vers laquelle tout finit par tendre.

Le dernier acte de cette tragédie qu'est Karei Naru Ichizoku est à l'image de la série, reflet de toutes les désillusions que cet univers aura apporté. Plus que le contenu de cette fin, c'est l'extrême vanité de tous ces évènements qui reste le plus marquant. Ces luttes acharnées auxquelles on a assisté, ces sacrifices qui ont été faits jusqu'au plus ultime, nous auront entraîné et submergé dans un tourbillon émotionnel d'une ampleur rare. Mais, au final, ce sont d'autres forces, bien plus implacables, bien plus déshumanisées qu'une famille se déchirant, qui poursuivent leurs oeuvres, imperturbables, broyant sur leur passage tout ce qui peut se mettre au travers de leur route. C'est en cela que l'ambivalence de Karei Naru Ichizoku reste profondément dérangeante : certes, au sein de la famille Manpyo, la tradition l'a emporté sur la modernité, mais elle a déjà perdu la bataille finale. Ce n'est qu'un sursis un peu vain, qui donne au final un arrière-goût extrêmement amer (pas uniquement en raison du flot de larmes salées l'accompagnant), conclusion parfaite dans la droite lignée de la série.

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Sur la forme, si sa réalisation est classique, la photographie bénéficie d'une intéressante teinte un peu sepia. Reflet de son appartenance aux sixties, elle renforce aussi l'ambiance de reconstitution historique à la veille de grands changements qu'évoque le drama. Cependant, le registre dans lequel Karei Naru Ichizoku excelle plus que toute autre, c'est dans la composition de sa bande-son. Avec ses accents épiques un peu surprenants aux premiers abords, au vu du sujet traité, elle permet au récit d'atteindre une dimension supplémentaire, lui conférant un souffle fascinant, mais qui prend tout son sens devant la mise en scène de cet affrontement au parfum de tragédie dans laquelle l'histoire glisse progressivement. Minimaliste dans son recours à des chansons, c'est par des morceaux instrumentaux que ce volet musical s'impose. Omniprésente, sans que son utilisation paraisse pour autant excessive ou artificielle, il apparaît rapidement que la musique occupe la fonction d'un outil de narration, rythmant le récit, ses avancées et ses bouleversements, renforçant d'autant l'intensité émotionnelle de certains passages. Cela accroît également cette apparence théâtrale, étonnamment grandiloquente, mais dont la force emporte le téléspectateur comme rarement. C'est bien une des plus marquantes - et des plus belles - OST de j-dramas qu'il m'ait été donné d'écouter.  

Enfin, Karei Naru Ichizoku bénéficie d'un casting très solide. S'il s'appuie sur une riche galerie de personnages, le rôle principal est dévolu à un Kimura Takuya très convaincant. Même pour une relative néophyte en télévision japonaise telle que moi, cet acteur ne pouvait être un inconnu. Cependant, évènement notable, c'est la première fois que je parviens au bout d'un de ses dramas, après des essais infructueux devant Pride ou MR BRAIN. Face à lui, Kitaoji Kinya (Zettai Reido) incarne un père avec ses propres préoccupations, mais aussi blessures personnelles. A leurs côtés, on retrouve un large casting, composé notamment de Suzuki Kyoka, Hasegawa Kyokon, Yamamoto Koji, Yamada Yu, Aibu Saki, Fukiishi Kazue, Nakamura Toru, Inamori Izumi, Takigawa Yumi, Nishimura Masahiko ou encore Harada Mieko.

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Bilan : Entre épopée industrielle et saga familiale, Karei Naru Ichizoku est avant tout une histoire d'hommes. Avec pour toile de fond la modernisation économique du Japon, ce drame humain relate la détérioration progressive de la relation de deux êtres qui n'ont jamais su se trouver, ni se comprendre : un père et son fils aîné, dont les actions vont être une source de souffrance pour l'autre. A mesure que la série progresse, le récit acquiert une ampleur aussi fascinante que presque inattendue. Chaque épisode, chaque nouvelle prise de décision, renforce cette impression d'assister à un nouvel acte d'une sourde tragédie qui s'est inéluctablement mise en marche, et que rien ne paraît pouvoir arrêter. Entre tradition et modernité, entre amour et haine, il y a quelque chose de profondément désillusionné dans l'univers de cette série, illustré par la vanité finale de tous ces évènements. Vraiment dotée d'une intensité émotionnelle rare, Karei Naru Ichizoku ne laissera aucun téléspectateur indifférent.

Un incontournable du petit écran japonais.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


Le thème musical principal (superbe) :

06/10/2010

(J-Drama / Pilote) Gold : objectif Londres 2012

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Comme toujours, je cultive obstinément cette habitude de suivre la télévision japonaise à distance, maintenant un décalage entre les diffusions du pays du Soleil Levant et mes propres découvertes. Si bien que, généralement, c'est lorsque la nouvelle saison pointe le bout de ses programmes que je commence à me plonger sérieusement dans le trimestre téléphagique précédent. Cela a ses avantages, puisque j'ai tendance à suivre les conseils des uns et des autres, plus qu'à me fier à la seule lecture de synopsis souvent insuffisants.

C'est ainsi que la semaine passée, je vous avais présenté mon bilan de Atami no Sousakan, qui restera sans nul doute ma série japonaise préférée de cet été 2010. Poursuivant ma route, je me suis, ce week-end, penchée sur Gold, dont les sous-titres anglais sont moins avancés, mais qui était également chaudement recommandée (par ici). J'avoue avoir eu quelques réticences avant de tenter ce drama, comportant 11 épisodes et qui fut diffusé du 7 juillet au 16 septembre 2010 sur Fuji TV. La thématique sportive sous-tendant l'ensemble me semblait excessivement familière. Cependant, au-delà de cette seule thématique sur le sport, entrelacée avec celle de la famille, c'est face à une série, avec beaucoup de personnalité et une dimension humaine plus large que ce seul concept initial, que je me suis retrouvée. Les deux premiers épisodes visionnés m'ont intriguée ; en espérant poursuivre cette découverte.

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Le coeur de Gold réside dans la force, mais aussi l'attractivité, de sa figure centrale, dont le charisme supporte une bonne part des thématiques abordées dans ce drama. En effet, Saotome Yuri est une femme d'affaires à succés, surfant sur un empire mêlant sport, diététique et beauté. Héritière des ambitions sportives familiales, elle s'est construite toute une image médiatique façonnée autour de l'éducation de ses enfants, toute entière tournée vers des rêves de médaille d'or. Car Yuri est aussi restée la seule dépositaire des espoirs olympiques paternels, après la mort accidentelle de son frère aîné, qui était celui qui avait été programmé pour réaliser cette ambition.

Ayant épousé un ancien sportif, lui-même médaillé d'or, Yuri a eu quatre enfants. Si elle vit désormais séparée de fait de ce dernier - mais maintenant les apparences aux yeux du public -, c'est elle qui est restée en charge d'élever leurs enfants. Elle a suivi l'idéal rigoriste qu'elle prône jusque dans les livres qu'elle publie sur le sujet. Mère intransigeante, fidèle à ses principes, elle a fait des trois premiers des athlètes à la carrière en devenir, tous trois s'entraînant dur en vue des Jeux Olympiques de Londres. Le plus jeune, de santé plus fragile, bénéficie en revanche d'un traitement particullier, qui le protège tout en l'excluant implicitement de cette émulation collective. Habile psychologue et manipulatrice hors paire, Yuri ne laisse rien au hasard. Même quand elle engage comme secrétaire la si jeune et innocente Nikura Rika.

Mais quel est le prix à payer pour atteindre ces rêves olympiques de grandeur ? Tous les sacrifices se justifient-ils au nom de l'or ?

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Initialement, je craignais un peu de me retrouver face à l'archétype de la série sportive, avec tous les poncifs que cela impliquait entre dépassement de soi et course à la réussite par l'effort. Or, Gold va dévoiler bien plus que cette seule dimension. Si en toile de fond, l'aspect sportif demeure une constante qui conditionne la vie de tous les personnages, c'est en amont, dans les dynamiques relationnelles qui s'initient entre les personnages, mais aussi dans les questions qu'elles soulèvent, que se situe la richesse de la série. Le drama bénéficie en plus de sa tonalité extrêmement directe, n'hésitant pas à aborder frontalement des thématiques compliquées. Ces dernières se révèlent d'ailleurs plus complexes et ambivalentes que les apparences premières avaient pu le laisser penser, ce qui permet aussi de prendre une certaine distance avec les théories prêchées par le personnage principal.

Le pilote, ou du moins sa première demi-heure, s'apparente à un pamphlet sans concession contre les méthodes d'éducation modernes. Jetez votre vieil exemplaire de Françoise Dolto aux oubliettes, voici la vision des choses telle que prônée par Yuri. Inflexible et exigeantes elle a élevé ses enfants "à la spartiate", comme le qualifie métaphoriquement le présentateur tv dans la séquence d'ouverture. Rejetant tout compassionnel, le discours parfaitement rodé de Yuri sert d'entrée en matière musclée dans la série. Il est loin de faire l'unanimité, mais cette quête vers l'excellence, ancrée dès le plus jeune âge, séduit également par l'élitisme ainsi affiché, par ce relatif déterminisme qui semble entériné et écarter tout hasard. La thématique est potentiellement glissante ; inconsciemment au moins, lorsque l'on découvre que Yuri s'est mariée avec un sportif lui-même médaillé, le terme "eugénisme" pointe en arrière-plan.

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C'est dans ce cadre que, précisément, la série va faire preuve d'une maîtrise narrative admirable, ne tombant dans aucun des pièges potentiels. Prenons pour exemple l'excellente scène d'ouverture du drama, qui donne parfaitement le ton immédiatement. Sa vraie réussite, c'est d'avoir offert un contradicteur - qu'elle ridiculise - à Yuri. Les indignations désordonnées et instinctives de ce dernier sont semblables à celles qui viennent naturellement au téléspectateur, face à une femme qui vous expose, avec un réel aplomb, ses certitudes concernant la division des enfants en plusieurs catégories, les gagnants contre les loosers, les "b-child" contre les "poor child", produits de l'éducation laxiste de leurs parents. Or le contradicteur fait ici office d'exutoire pour le téléspectateur : cette opposition, aussi peu inspirée qu'elle soit, permet de crever l'abcès avant qu'il ne s'infecte. L'entrée en matière de la série ainsi dédramatisée, le téléspectateur peut se concentrer non sur son déni réflexe des théories avancées (le rôle ayant déjà occupé), mais sur la figure qui formule de telles idées.

C'est à partir de là que la magie de Gold opère. Car, sous la surface si policée, les choses se révèlent plus complexes et ambivalentes que l'idéal prôné par Yuri. Cette dernière symbolise d'ailleurs à elle-seule toute la part de lumière, mais aussi d'ombre, qui sous-tend la série. Une brève rencontre avec son père nous révèle combien elle s'inscrit dans un schéma de reproduction sociale stricte ; elle transfère sur ses enfants sa propre éducation. De même qu'elle leur a transmis l'héritage laissé par son frère décédé, celui de remporter cette fameuse médaille d'or, une véritable course à l'excellence familiale. Au-delà de cette rigoureuse reproduction, Yuri est elle-même consciente des coûts et des ambiguïtés inhérentes à cette voie. Quand elle éclate en sanglots dans la voiture, après avoir été placée devant les contradictions de sa vie amoureuse, n'est-ce pas le poids de son impuissance à s'épanouir en tant que femme, dans le schéma de vie forcée qu'elle suit, qui est soudain trop lourd à porter ? Au fil des scènes, c'est un fascinant portrait féminin qui est peu à peu dressé.

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Si Yuri est incontestablement la figure centrale de ce drama, les autres personnages n'en sont pas pour autant oubliés. Il y a une réelle homogénéité d'ensemble, une complémentarité de tous, qui permet à la série de développer toute une dimension très humaine - peut-être un peu inattendue au vu du seul synopsis - et qui est très intéressante à suivre, sans doute parce que la qualité de l'écriture permet de trouver rapidement le juste équilibre entre chacun. Les enfants de Yuri, dont les plus âgés entrent bientôt dans l'âge adulte, avec leurs personnalités propres, plus ou moins affirmées, sont le produit d'une éducation, mas c'est aussi leur propre identité qui achève de se construire (et donc de s'affirmer). Témoins privilégiés de leurs motivations secrètes, de la façon dont ils appréhendent finalement le statut que leur mère a choisi pour eux, la très grande diversité que proposent les trois adolescents permet une prise de distance. Leurs failles paraissent ainsi comme rassurantes, face au déterminisme excessif de certaines certitudes de Yuri. C'est avec un intérêt jamais démenti que l'on assiste à ces conflits constants, entre impulsions premières, éducation et sentiments.

Enfin, dernière preuve de la maîtrise narrative dont font preuve ces deux premiers épisodes de Gold, le téléspectateur dispose d'un repère pour s'inviter peu à peu dans le quotidien de Yuri et de son entourage, avec l'introduction d'une nouvelle secrétaire, innocente à l'excès, Rika. C'est à ses côtés que l'on va découvrir les craquelures sous la surface et la réalité nuancée de la vie de cette famille. C'est aussi grâce à Rika que la série se permet de jouer quelque fois sur une fibre plus légère et comique, détendant l'atmosphère globale et occasionnant quelques ruptures narratives salvatrices. Ce personnage se révèle d'autant plus intéressant qu'elle trouve rapidement ses marques aux côtés de Yuri ; les deux femmes forment un duo très complémentaire, parfaitement détonnant, qui occasionne vraiment d'excellents échanges, avec des réparties bien dosées.

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Enfin, Gold bénéficie d'un excellent casting, où resplendit surtout une Amami Yuki (Last Present, BOSS) impressionnante de charisme, qui parvient avec beaucoup de talent à retranscrire à l'écran les différentes facettes de son personnage. Elle est parfaitement au diapason de cette figure centrale qu'elle incarne. C'est par rapport à elle que les autres se positionnent et trouvent finalement leur pendant logique, justifiant la façon dont ils abordent leurs personnages. On retrouve notamment Nagasawa Masami (Last Friends), dans le rôle de la secrétaire, et Sorimachi Takashi (HOTMAN), dans celui de l'entraîneur. Je suis un peu moins convaincue, pour le moment, par les acteurs incarnant les enfants de Yuri (Mikami Kensei, Matsuzaka Tori, Takei Emi), mais ils s'insèrent dans le cadre général du drama.

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Bilan : Bien plus qu'une énième déclinaison de fiction dite "sportive", Gold s'impose comme une série dotée d'une profonde dimension humaine, à la fois troublante et fascinante. Toutes les théories sur l'éducation de Yuri soulèvent de lourdes questions, frôlant déterminisme, voire eugénisme, mais pour le moment, la série évite admirablement bien tous les pièges potentiels en éclairant et développant toute l'ambivalence qui les entoure. Ce positionnement entre ombre et lumière fait prendre au drama toute son ampleur. Car ce sont des tensions constantes que met à jour cette série, par le biais d'une écriture étonnamment mâture, maîtrisant admirablement toute sa narration.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de clôture :

29/09/2010

(J-Drama) Atami no Sousakan : comme un faux air de Twin Peaks japonais, et bien plus encore...


Un intrigant mystère fantastico-policier à la frontière des genres

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A l'heure où les networks américains me confortent une nouvelle fois dans tout le mal que je pense d'eux, de manière salvatrice, les découvertes enthousiasmantes se succèdent jusqu'au pays du Soleil Levant. Mine de rien, je vais peut-être arriver à la dizaine de j-dramas visionnés au cours de l'année en cours. Je suis d'autant plus contente qu'ils s'inscrivent tous dans des genres très différents les uns des autres, prouvant s'il en était encore besoin, toute la diversité de la télévision japonaise et les perles que l'on s'y cache (si l'on sait où chercher, ou bien si l'on connaît des téléphages charitables qui feront du prosélytisme à bon escient - au hasard par là). Mon dernier coup de coeur en provenance du pays du Japon est une série toute récente, puisqu'elle a été diffusée au cours de cet été 2010, du 30 juillet au 17 septembre, sur TV Asahi. Il s'agit de Atami no Sousakan.

Composée de 8 épisodes, elle est signée du scénariste Miki Satoshi, à qui l'on doit notamment Jikou Keisatsu, un drama qui n'est pas sans avoir une certaine filiation avec Atami no Sousakan (dans l'esprit autant que dans le casting, puisqu'on retrouve dans les deux, le toujours si excellent Joe Odagiri, mais également Fuse Eri). Cette série s'inscrit cependant dans un registre moins léger et plus empreint d'un mystéro-fantastique policier fort attrayant. Au nombre des inspirations de ce jdrama, il est d'ailleurs difficile de ne pas établir des parallèles avec une autre institution téléphagique, américaine cette fois, Twin Peaks, les clins d'oeil se multipliant au cours du pilote pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur ravi. Si on tombe sous le charme d'Atami no Sousakan pour son ambiance, c'est sa mythologie qui nous marquera en conclusion.

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L'histoire d'Atami no Sousakan débute il y a trois ans. Un bus qui transportait 4 écolières pour ce qui devait être leur cérémonie de rentrée dans une école privée disparaît dans des conditions mystérieuses. Son chauffeur s'était arrêté sur le bas côté, en croisant un vieil homme étendu sur la route auquel il voulut porter secours. Mais il n'eut que le temps de se retourner pour voir son car reprendre son chemin et s'enfoncer dans le brouillard d'alors, ses 4 passagères à son bord. Plusieurs jours après, une des disparues, Mai Shinonome, est retrouvée à un arrêt de bus, inconsciente ; tandis que le sort de ses camarades demeure un mystère. Elle va rester plongée dans le coma pendant plusieurs années, jusqu'au jour où elle se réveille sans aucun souvenir de l'incident.

Espérant qu'elle retrouve la mémoire, deux agents spéciaux sont dépêchés sur place pour enquêter sur cette si complexe affaire dont Atami est encore profondément marquée. Kenzo Hoshizaki et Sae Kitajima découvrent une ville avec ses codes implicites, ses règles et ses non-dits, avec pour toile de fond une ambiance quelque peu indéfinissable qui semble cacher bien des choses... Très vite, des rebondissements interviennent dans le cours de leur enquête, apportant de nouveaux indices - le bus, notamment, étant retrouvé au fond de la mer - et jetant un éclairage nouveau sur les évènements passés. Que cachent ces disparitions ? Quel lien ou point commun unissait les quatre jeunes filles ? Les trois adolescentes encore manquantes peuvent-elles être toujours vivantes ? Aidé par les forces de police locale, notre duo d'enquêteurs de choc va finalement être amené à plonger aux sources des secrets d'Atami... En reviendront-ils ? Que découvriront-ils ?

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Le premier atout d'Atami no Sousakan réside dans l'incontestable, et si fascinante, richesse du cadre recréé. Un réel effort scénaristique a été fait pour poser les bases d'un univers à part, résolument décalé, d'où perce un diffus, mais lancinant, mystère. Tour à tour folklorique et inquiétant, il faut dire que tout demeure profondément intrigant dans cette ville dont la dynamique semble échapper à toute rationalisation. La série navigue entre le pittoresque pseudo-fantastique et la caricaturale vie provinciale quelque peu déphasée et en autarcie. Si l'étrangeté générale frappe d'emblée le téléspectateur, la force d'Atami no Sousakan est de parvenir à  façonner, autour d'une mise en scène regorgeant de petits détails typiques et de protagonistes assez uniques, une ambiance étonnante et  décalée qui fascine.

Aussi travaillé qu'ambitieux, le décor reflète l'investissement considérable qui a été réalisé pour soigner ce cadre. Le téléspectateur se laisse instantanément prendre au jeu, rapidement captivé par l'univers qui se met progressivement en place. De façon naturelle, des parallèles s'imposent entre cette indéfinissable atmosphère si résolument mystérieuse, et d'autres fictions du genre, au sein desquelles Twin Peaks exerce une influence prédominante. Il y a d'ailleurs quelque chose d'assez jubilatoire de voir reproduites certaines approches, sorte d'hommage nippon à une oeuvre classique de la télévision occidentale. Si l'atmosphère s'y fait plus légère, tendant plutôt vers une comédie diffuse, il pointe pourtant bel et bien un sourd, presque inquiétant, secret. 

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L'ambiance décalée fonctionne d'autant plus auprès du téléspectateur qu'elle est renforcée par des personnages  aussi loufoques qu'attachants. Kenzo Hoshizaki et Sae Kitajima forment ainsi un duo d'enquêteurs détonnant, aussi atypique que complémentaire. Très différents, les deux agents se révèlent pourtant aussi étonnamment complices dans la conduite de l'enquête. L'alchimie fonctionne parfaitement entre eux deux, renforçant l'impression d'une homogénéité d'ensemble, parfaitement maîtrisée, des protagonistes. Car c'est bien toute la galerie des personnages qui apportent leur contribution - même la plus modeste - et se fondent naturellement dans l'ambiance décalée du drama, contribuant à asseoir sa tonalité. De ce point de vue, la dimension humaine de Atami no Sousakan doit être saluée car elle rend la série particulièrement confortable à suivre pour un téléspectateur qui se surprend à se prendre d'affection pour certains, tandis que d'autres se chargent de nourrir ses questions.

Attachant, ce drama se révèle aussi très intrigant. Si le pan policier est pluôt décalé, l'enquête confère un liant à l'ensemble, permettant à la série de se construire sur et à partir de cette base. Il est difficile de prendre au sérieux les méthodes alternatives de Kenzo Hoshizaki, mais elles ont le mérite de s'intégrer à merveille à l'atmosphère globale et, surtout, de permettre de développer tout ce cadre sans jamais perdre de vue le fil rouge central qui est l'enquête sur la disparition du bus avec les adolescentes à son bord. Atami no Sousakan s'assure ainsi de retenir l'attention du téléspectateur. Le cocktail était audacieux, le burlesque côtoyant le mystérieux dramatique en un mélange des tons à l'équilibre fragile, mais le résultat est à la hauteur des ambitions.

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Cependant, au-delà de l'univers même, la fascination qu'exerce Atami no Sousakan s'explique par une forme d'indéfinissable ambivalence. Certes, la série tend résolument vers la comédie. Elle n'hésite pas à décliner, pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur amené maintes fois à sourire, gags naïfs et mises en scène excessives. Pour autant, la série est bien plus qu'une trop facilement catégorisable "comédie'.Elle se révèle bien plus ambiguë, défiant les classifications et les genres. Car on sent confusément poindre, au fil des épisodes, quelque chose de plus sombre, un secret au coeur de cette ville, sans que le téléspectateur puisse véritablement identifier la source de son diffus malaise. Ce sont des répliques apparemment anodines, des indices ou des réactions dont la logique nous échappe, qui entretiennent cette ambiguïté, génère des doutes et des interrogations informulées qui restent à la lisière de notre conscience. Finalement, apparaît, de façon de plus en plus perceptible, une étrange mélancolie, à mesure que la rationnalité du cadre s'étiole.

La conclusion du drama offre une vraie fin à Atami no Sousakan, bouclant cette boucle dont on sentait confusément l'existence sans forcément la théoriser. Elle a aussi le mérite d'être suffisamment ouverte pour laisser à chacun toute liberté de faire ses propres interprétations. Si elle peut surprendre ou rendre perplexe dans un premier temps, avec le recul et après réflexion, je trouve qu'elle s'inscrit parfaitement dans la construction de la série et dans le glissement narratif qui s'opère peu à peu. Moi qui m'agace si souvent contre ces séries mythologiques qui s'essouflent, usent leur concept et tombent à plat pour notre plus grande frustration, Atami no Sousakan représente le modèle inverse qu'il faut saluer. Le résultat est d'autant plus remarquable que c'est d'une manière subtile, fonctionnant par petites esquisses et sous-entendus que toutes les pièces du puzzle s'emboîtent peu à peu. La construction mythologique ne se fonde pas sur une problématique clairement énoncée, mais fonctionne sur des non-dits ; une approche des plus rafraîchissantes.

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Sur la forme, Atami no Sousakan parvient à prolonger la fascination qu'elle sait susciter par son contenu. Si le décor occupe une place centrale et aussi déterminante dans l'ambiance intrigante créée, c'est en partie grâce à la réalisation, soignée et singulière, qui prend soin de s'attacher aux plus petits détails, mettant en avant les ingrédients les plus anecdotiques pour former au final un ensemble décalé très homogène. La caméra n'est pas non plus avare en plans plus larges, exploitant ces paysages côtiers de campagne. En guise de complément rapidement indispensable, il convient également de saluer la bande-son de la série, parfaite pour distiller cette dose de mystère où la comédie se mêle à quelque chose de plus sombre et mélancolique, indiscernable jusqu'à la fin pour le téléspectateur, mais dont la chanson qui clôture chaque épisode est une parfaite illustration.

Enfin, le casting s'avère juste parfait, réjouissant de décalages et proposant une interprétation reflétant merveilleusement bien l'atmosphère étrange dans lequel baigne ce drama. Il faut dire qu'il était a priori composé de valeurs sûres. Une fois n'est pas coutume, je connaissais même déjà tous les acteurs principaux, à l'égard desquels j'avais un très bon a priori. J'ai certes plus l'habitude de croiser Odagiri Joe au cinéma (tout récemment, il était à l'affiche du troublant/fascinant film japonais sorti en juin dans nos salles, Air Doll) ; voici vraiment un acteur dont j'adore la versatilité et la capacité à alterner les styles avec brio. Quant à Kuriyama Chiaki, si j'avais déjà eu l'occasion de la voir dans d'autres séries, cet été, je l'ai appréciée dans mon j-drama/découverte phare de l'été, le somptueux Hagetaka. Cela m'a fait d'autant plus plaisir de les retrouver que ces deux-là forment à l'écran, dans Atami no Sousakan, un duo d'enquêteurs extras, complice et complémentaire, tout autant que très atypique. C'est savoureux à suivre, en partie grâce à la capacité des deux acteurs à se fondre parfaitement dans leur rôle respectif. A leurs côtés, on retrouve d'autres habitués du petit écran japonais, comme Tanaka Tetsushi, Matsushige Yutaka ou encore Fuse Eri.

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Bilan : Atami no Sousakan se révèle être une série d'une richesse fascinante, dont la mise en scène soignée, aux décalages travaillés, est un délice pour un téléspectateur qui perçoit une filiation Twin Peaks-ienne assumée. Mêlant avec un aplomb tout japonais et beaucoup de maîtrise, mystère fantastique intriguant presque inquiétant et comédie policière atypique défiant toute classification, ce drama ne saurait pourtant se réduire à sa seule apparente légèreté de ton. Car c'est une indicible ambivalence qui s'esquisse peu à peu, sur fond d'un cadre mythologique restant dans l'informulé. Une énième étrangeté dans laquelle la mélancolie de la chanson du générique de fin trouve un écho particulier.

Oeuvre complète, Atami no Sousakan réussit ainsi la synthèse admirable de genres très différents, dont l'agencement offre un résultat intrigant qui mérite le détour à plus d'un titre. Une expérience téléphagique à tenter.


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


La chanson qui clôture chaque épisode - Welcome to the Heaven :

熱海の捜査官 天国へようこそ

11/08/2010

(J-Drama) Mousou Shimai (Paranoid Sisters) : une poésie téléphagique à vivre et ressentir


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Trois coups de coeur téléphagiques japonais en un été. Je crois qu'on peut officiellement dire que je me suis réconciliée avec le Japon, non ? Ce qui est enthousiasmant, c'est de constater que ces trois coups de coeur concernent des séries très différentes, traitant de thématiques qui n'ont rien à voir. Preuve de richesse d'un petit écran japonais cachant décidément en son sein des perles téléphagiques qui justifient vraiment cette quête vers l'inconnu, un peu abstraite, qui pousse le sériephile à l'exploration. Certes, j'ai passé sous silence tous mes échecs et vous épargnerez donc les reviews des quelques dizaines de pilotes non concluants qu'il aura fallu visionner pour dénicher ces trois petits bijoux, mais qu'importe.

Armée donc de votre liste de recommandations j-drama-esques, samedi dernier, j'ai lancé le premier épisode d'une des séries conseillées, Mousou Shimai. Il y avait une part d'excitation chez moi, mais aussi un peu d'appréhension. Il faut dire que la critique dythirambique qu'en avait rédigée Ladyteruki m'avait un peu effrayée : la peur de rompre la magie que faisait ressortir la review.

Sur ce point, j'avoue que le coup de foudre avec Mousou Shimai n'a pas été immédiat. Le premier épisode m'a autant intriguée que déroutée. Surprise, presque perplexe, j'ai poursuivi la découverte. C'est progressivement, au fil des minutes, que je suis rentrée dans cet univers. La soirée progressant, je n'ai bientôt plus réussi à me détacher de cette ambiance si particulière. Et c'est véritablement au cours du troisième épisode que la magie de ce drama m'a touchée en plein coeur. Pour ne plus me quitter jusqu'à la fin. Un moment de grâce téléphagique comme on en ressent peu, à chérir précieusement.

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Composé de 11 épisodes d'une durée moyenne de 25 minutes, sauf le dernier qui en dure une cinquantaine, Mousou Shimai fut diffusé sur la chaîne NTV du 17 janvier au 28 mars 2009.

Ce drama nous plonge dans l'intimité de trois soeurs qui vivent dans la grande maison familiale que leur a laissée leur père, décédé, entre ces mêmes murs, il y a vingt ans, dans des circonstances mystérieuses. Écrivain prestigieux, au talent reconnu par ses pairs et le public, sa mort est demeurée depuis inexpliquée. La pièce dans laquelle il se trouvait ayant été fermée de l'intérieur, et le corps ne portant aucune trace de blessure, ni ne contenant le moindre poison, les enquêteurs ne purent relever aucun indice permettant d'écarter ou de valider l'hypothèse du meurtre ou du suicide. Les trois soeurs ont continué leur vie et ont grandi, enterrant quelque part au fond de leur coeur ces questions douloureuses et sans réponse laissées par leur enfance. Ne prêtant plus vraiment attention au passé, elles sont devenues trois jeunes femmes, chacune au tempérament très différent. L'aînée, la maternelle et douce Akiko, s'occupe désormais du quotidien domestique, tout en veillant sur ses soeurs. La cadette, Fujio, profite pleinement de la vie, entièrement consacrée à son plaisir personnel. Enfin, Setsuko, rêveuse à la constitution fragile, se complaît dans son statut de benjamine de la maisonnée.

Mais le jour du vingtième anniversaire de la mort de leur père, elles reçoivent une lettre qui va bouleverser ce petit quotidien bien huilé. Elle émane de leur père lui-même, qui l'a écrite juste avant sa mort. Le message est cryptique. Tout en leur demandant pardon, il laisse entendre qu'il leur a laissé un secret, dans sa bibliothèque qu'il aimait tant. L'enveloppe contient également une petite clé qui leur donne accès à un coffre-fort caché derrière les rayonnages des livres. A l'intérieur, les soeurs y trouvent onze ouvrages, qui paraissaient manquant dans la collection de leur père. A côté, ce dernier a laissé une instruction sibylline : elles doivent les lire dans l'ordre où il les a laissés. A partir de là, les jeunes femmes vont se plonger dans les histoires suggestives, parfois érotiques, de ces romans. En s'identifiant dans les héroïnes qu'elles mettent en scène, c'est une part d'elles-mêmes qu'elles vont découvrir.

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Cette première présentation laisse déjà présager l'étrange mélange des genres que va proposer Mousou Shimai. C'est une série qui ne ressemble à aucun drama que j'avais eu l'occasion de découvrir jusqu'à présent. Étrange assortiment, troublant, presque indéfinissable, illuminé par une beauté esthétique comme émotionnelle, aussi éblouissante que poétique, qui rend impossible toute classification, si ce n'est la certitude que seuls les japonais doivent être capables d'une telle création. Car Mousou Shimai est d'une richesse étonnante, investissant des thématiques qui se déclinent sur plusieurs niveaux de lecture.

Tout d'abord, ce drama est une enthousiasmante ode à la littérature. Une forme de déclaration d'amour, sans retenue, à ces histoires intenses, émouvantes, passionnelles, dont regorgent les livres dormant sur les étages de nos bibliothèques. C'est d'ailleurs à travers un point de vue de lecteur que les scénaristes vont nous faire vivre le parcours intimiste des trois soeurs qui prend rapidement un tournant de quête identitaire, troublant un peu plus nos repères. Car c'est sur elles-mêmes, autant que sur leur père, que va porter cette introspection littéraire. Chaque épisode est l'occasion de pénétrer, de s'immerger dans un ouvrage. Et chaque histoire ouvre un peu plus leur coeur, mais aussi celui d'un téléspectateur qui ne peut se détacher de ce tumulte émotionnel en train de naître. Mousou Shimai nous glisse ainsi aux côtés des héroînes de chacun des romans, par le biais d'une reconstitution où l'une des soeurs incarne le personnage principal.

Là où la magie opère, c'est que la série va réussir à transmettre au téléspectateur un ressenti diffus, difficile à décrire, mais absolument unique : l'impression d'être en train de lire devant notre télévision. Comment s'y prend-elle ? En parvenant à introduire des ingrédients propre à lecture dans sa narration. Mousou Shimai, c'est de la poésie téléphagique. Cela se concrétise par une ambiance profondément contemplative et poétique, où l'empathie domine et où le fond et la forme fusionnent. Cela passe aussi par des procédés techniques, comme l'incrustation à l'écran de  certaines phrases du roman, lues à voix haute par une des soeurs. Ce sont aussi les échanges, souvent passionnés, qu'elles ont à la fin de chaque récit, et qui renforcent cette sensation par la vivacité et l'authenticité qui s'en dégagent. Le résultat est troublant car, au-delà même du sujet abordé, et comme s'il y avait plusieurs enjeux, plusieurs degrés de lecture, cette série apparaît tout d'abord comme un hommage d'une sincérité profonde à la littérature. 

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Outre ce choix narratif, Mousou Shimai, c'est aussi une histoire d'amour. Ou plutôt, il s'agit d'une histoire - ou d'une réflexion - sur l'amour. A mesure qu'elles progressent dans la collection de leur père, les soeurs vont explorer l'intensité, la versatilité, la diversité, la dangerosité, mais aussi la richesse, d'un sentiment a priori si volatile, si irrationnel, sur lequel elles ne se sont jamais vraiment penchées. D'une manière semblable à la construction de certaines fables, chaque histoire lue contient un apport, ou un enseignement, sur cette thématique centrale qu'est l'amour. Les soeurs suivent les pas d'héroïnes dont le destin fut commandé par ce sentiment. L'expérience est d'autant plus intense que les histoires mises en scène m'ont plus d'une fois laissée sans voix devant mon écran, y allant de ma petite larme. Car en entreprenant d'explorer des facettes multiples et différentes de l'amour, elles flirtent bien souvent avec la tragédie.

Pourtant, ne vous y trompez pas, Mousou Shimai n'est pas une série triste. Au contraire. Si l'amour et la mort semblent tout deux constamment, fatalement, imbriqués, ils le sont en reflet d'un lien plus profond, transcendant, qui unit deux êtres mortels. La narration conserve toujours une distance salutaire. Le rappel qu'il s'agit d'un roman est régulier, mais il est normal de se laisser toucher par des reconstitutions, dont le but premier est d'agir sur ses personnages, et par ricochet sur le téléspectateur. Les débats et analyses cliniques qu'en font les soeurs à la fin ne remettent d'ailleurs jamais en cause la décharge émotionnelle que constitue le récit brut que l'on vient de vivre ; le simple fait d'en discuter en accentue l'impact. Le tout est mis en scène de façon très contemplative, sans rapport avec les codes de narration occidentaux. C'est une mosaïque d'images et de ressentis qui se mélangent, d'où se dégage une authenticité émotionnelle rare. Dépourvue d'artifices, elle vous touche en plein coeur en un instant, sans que vous y preniez garde, vous submergeant le temps d'une parenthèse fictive au détour d'une page. Ce drama ouvre le coeur des soeurs, comme celui du téléspectateur. Et c'est tout simplement magique.

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Expérience littéraire, introspection sentimentale, le tableau de Mousou Shimai se complète enfin d'un fil rouge aux accents policiers. La résolution de l'énigme que constitue la mort de leur père demeure l'objectif de ce parcours initiatique à travers la collection qu'il leur a laissée. Si le mystère semble souvent un peu lointain et l'enjeu parfois presque ailleurs, pour un téléspectateur que les immersions romanesques fascinent plus, cela insuffle cependant une dynamique supplémentaire au récit. Notre seule peur, c'est peut-être qu'une réponse trop terre-à-terre vienne briser la magie que la série a su créer. Dans cette perspective, la conclusion se révèlera finalement être en parfaite continuité avec la tonalité d'ensemble du drama. Toute aussi déstabilisante aussi.

Il est d'autant plus facile d'apprécier pleinement cette série que les trois héroïnes, à travers leurs différences et leurs oppositions, se révèlent toutes attachantes, chacune à leur manière, avec les contrastes qu'elles offrent. Les tensions qui se créent entre elles, au fil de l'expérience que leur père est en train de leur faire vivre, sonnent toujours avec beaucoup de justesse. Toute cette dynamique est vivante, et redonne une touche très humaine à une réflexion aux allures parfois un peu abstraites.

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Cependant si Mousou Shimai est une oeuvre véritablement aboutie, elle l'est aussi parce que le fond et la forme se conjuguent en un tout indissociable, où la technique devient un ingrédient à part entière, faisant partie intégrante du récit. La réalisation s'avère être non seulement le reflet fidèle de la poésie émanant de l'ensemble, mais la magie ressentie lors des immersions littéraires se traduit également à l'écran par une photographie dont la beauté est à couper le souffle. Qu'il s'agisse des jeux de teintes et de couleurs ou du cadre choisi pour certaines scènes, Mousou Shimai compose sous nos yeux, qui oscillent entre émerveillement et fascination, de véritables oeuvres d'art, utilisant tout le savoir-faire japonais en la matière. En somme, c'est une belle histoire qui est également belle pour les yeux.


Un aperçu de la photographie de la série :

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Pour porter ce récit troublant, Mousou Shimai bénéficie enfin d'un trio d'actrices qui vont toutes être à la hauteur de la poésie de l'histoire. La superbe Kichise Michiko illumine chacune des scènes d'une grâce discrète et assurée, incarnant Akiko, l'aînée des trois soeurs. Konno Mahiru, plus intense et assumée en apparence, offre sans doute le plus de contrastes dans les attitudes qu'elle adoptera de façon toujours maîtrisée. Enfin, Takahashi Mai capte à merveille la fragilité sensible et innocente de son personnage.

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Bilan : Le visionnage de Mousou Shimai constitue en soi une expérience téléphagique. C'est une oeuvre à part, qu'il est difficile d'analyser de façon désincarnée dans une review. C'est une fiction contemplative, intimiste, profondément poétique et très métaphorique, qui se situe en dehors et au-delà des classifications. C'est une série pour les amoureux de littérature, qui retrouveront ce ressenti enivrant dans lequel on s'immerge lorsque l'on ouvre et se plonge dans un livre. C'est aussi un parcours initiatique, une réflexion d'une étonnante authenticité émotionnelle qui se révèle très touchante.

L'ambiance et la tonalité surprennent au départ, pouvant déstabiliser un téléspectateur occidental qui voit ses repères narratifs brouillés. Mais c'est une expérience qui mérite d'être vécue. Et si l'amour et la mort paraissent à jamais lier en son sein, Mousou Shimai n'a rien d'un drame. C'est un magnifique hymne à l'amour, reconnaissant, célébrant la beauté, la pureté et la noblesse de ce sentiment.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

(via Ladytelephagy)

04/08/2010

(J-Drama) Hagetaka (Road to rebirth) : sur les ruines du capitalisme financier, destins croisés et vies à reconstruire




"Someone said there’s only two kinds of tragedy.
The first, having no money. Second, having too much of it.
The world is made of money, and money bears tragedies."

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Attention, petit bijou téléphagique en ce premier mercredi asiatique du mois d'août !

La découverte de la semaine est d'autant plus appréciable qu'elle aura été difficile à dénicher. La vie du sériephile est faite de frustrations. Cette curiosité inassouvie qui le pousse constamment vers de nouveaux horizons a un côté sombre : les découvertes ne sont pas toujours à la hauteur. Pour dix pilotes testés, combien d'essais concluants ? Le ratio est encore plus disproportionné quand je m'essaye à la télévision japonaise. Comme je vous l'ai déjà confié, actuellement, je m'intéresse plus particulièrement à ce pays. J'ai testé divers dramas de la saison estivale, tous genres et toutes chaînes confondues... sans grand succès. J'ai bien trouvé quelques programmes suffisamment accrocheurs pour que l'on est envie de poursuivre le visionnage, mais rien de marquant.

Insatisfaite, j'ai donc entrepris de remonter un peu le temps, me rendant dans des recoins plus reculés, encore inconnus de la relative profane en télévision japonaise que je suis. Ce week-end, je commençais à désespérer, achevant de m'auto-convaincre que le problème venait de mes goûts personnels et qu'aucune histoire d'amour sur le long terme ne serait peut-être jamais possible avec le pays du Soleil Levant (un coup de coeur pour combien de tentatives ?). Et puis, soudain, ce fut l'étincelle tant espérée ! Dès les premières minutes, j'ai bien senti qu'entre Hagetaka et moi, cela pourrait coller. Deux heures plus tard, les deux premiers épisodes visionnés à la suite, je m'étais réconciliée avec le Japon, à nouveau captivée, impressionnée, fascinée, par un jdrama ! Car voyez-vous, Hagetaka, c'est une de ces gifles téléphagiques qui vous font le plus grand bien, raniment une passion et vous redonnent foi dans le Dieu du petit écran.

Si bien qu'avant de vous en parler plus précisément, je profite de ce billet pour lancer un appel à vous, chers lecteurs ; car, motivée comme je le suis actuellement, c'est le moment ou jamais de me proposer des séries japonaises. Mais j'ai beau y mettre beaucoup de bonne volonté, je me perds trop souvent dans cette offre si riche. Si on récapitule, mes gros coups de coeur de ces derniers mois, en provenance du pays du Soleil Levant, furent Mother, Gaiji Keisatsu et, donc, Hagetaka. Quelles autres découvertes pourriez-vous me conseiller ? Sachant que les comédies ne m'intéressent pas et que j'ai fait une overdose de high school dramas lors de mon précédent cycle japonais.

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Hagetaka est une série qui fut diffusée sur NHK en 2007. Elle comporte six épisodes d'une heure chacun.

Adaptée d'un roman éponyme de Mayama Jin, elle nous plonge dans un cadre original, celui des rouages de la finance, pour nous relater les destins croisés, teintés de tragédies, de plusieurs personnages aux vies imbriquées. Dotée d'une réelle dimension humaine, elle s'intéressera à leurs évolutions, s'étalant sur presque une décennie, de la fin des années 90 au début des années 2000. Son premier épisode nous introduit dans un Japon encore affaibli par la crise que le pays connut lors de l'explosion de la bulle financière au début des années 90. Le modèle économique sur lequel il s'était reconstruit, après la Seconde Guerre Mondiale, est alors mis à mal par les excès d'un capitalisme forcené, dont les assauts font vaciller ses fondements. Ses anciennes valeurs fondatrices, patriarcales, apparaissent désormais obsolètes, étrangères et dépassées pour les nouveaux acteurs des marchés financiers.

Hagetaka débute en 1998. Une des banques les plus importantes du pays est alors en situation critique, considérablement fragilisée par la crise. Ses débiteurs n'étant plus en mesure de payer en respectant les échéances, sa dette s'est envolée. Pour éviter la banqueroute, elle n'a d'autre choix que d'accepter les propositions d'achat d'une partie de ses dettes par un fonds d'investissement étranger, Japan Horizon. Ce dernier est dirigé par un de ses anciens employés, Washizu Masahiko, pour qui cette tractation marque le retour au pays après plusieurs années passées aux Etats-Unis. Il avait à l'époque quitté précipitamment ses fonctions à la suite d'un drame, le suicide d'un de ses clients, conséquence de son refus d'accéder à sa demande de prêt.

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Se comportant désormais comme un véritable "hagetaka" (= vautour), Washizu assure la liquidation rapide et déshumanisée des dettes reprises. Faisant peu de cas de l'opinion modératrice émanant de son ancien supérieur, Shibano Takeo, il traite notamment de manière particulièrement expéditive le dossier d'une vieille auberge familiale. Une histoire qui se terminera, une nouvelle fois, en tragédie. Mais la culpabilité appartient désormais au passé ; le temps n'est plus aux regrets. Cette première incursion dans l'économie japonaise est le début d'une bien plus vaste offensive de la part de Japan Horizon et de ses capitaux internationaux. "Let's buy Japan out !" est le mot d'ordre venu de New York.

Menant une politique agressive de spéculation, les froides recherches de rentabilité du fonds d'investissement viennent achever de bouleverser le modèle entrepreneurial traditionnel du Japon. Hagetaka dépeint avec un réalisme minutieux, mais jamais rébarbatif - bien au contraire -, les coulisses de milieux financiers où l'affrontement est permanent, guidés par une quête constante du profit. Dans ce cadre, acteurs et victimes vont et viennent, ne cessant de se croiser, évoluant au sein d'un même système qui cannibalise tout sur son passage. Drame humain autant que thriller financier, Hagetaka va prendre le temps de s'intéresser à ses personnages aux motivations plus insaisissables que les apparences ne le laisseraient penser. Au fil des épisodes et des années, c'est une forme de parcours initiatique qui s'esquisse sous les yeux du téléspectateur. Un voyage sur une "road to rebirth", pour essayer de faire la paix avec soi-même, même si toute faiblesse peut être fatale.

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L'argent est donc l'élément central, moteur, de l'univers de Hagetaka, en témoigne la première phrase que j'ai reprise au début de cet article, prononcée en guise d'introduction par Washizu. La symbolique de la scène d'ouverture de la série mériterait d'ailleurs à elle-seule un développement entier, tout comme le générique de fin, aussi troublant que poétique. Je me contenterai de souligner que ce drama est bien plus qu'une simple démonstration des ressorts broyeurs du capitalisme financier. Ici, pas de morale univoque, ni de vérité facilement accessible. Le but n'est pas de pointer des responsabilités, la série s'attache simplement - mais avec une rigueur ambitieuse - à décrire le fonctionnement d'un système, avec ses limites et ses injustices.

L'aspect humain ne s'oppose pas au vecteur financier. Les deux ne s'excluent pas, mais doivent, au contraire, se combiner et trouver un équilibre. Le danger réside dans les excès. La réussite de Hagetaka, c'est justement cette capacité à amener le téléspectateur à s'interroger, sans prétendre asséner de réponses miracles. Le drama trouble, interpelle, mais ne préjuge jamais. Sa portée est d'autant plus forte que derrière ce portrait sombre et pessimiste qu'il dépeint, les thématiques abordées marquent également par leur frappante actualité avec le monde réel. L'histoire relatée - et les dérives mises en lumières - trouve un écho particulier dans notre propre situation économique (l'impression amère que tout se répète en quelque sorte, sans que les enseignements aient été tirés).

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Cependant Hagetaka va bien au-delà de son seul cadre financier de départ. Si l'ensemble renvoie une image faussement déshumanisée, c'est pourtant bien une histoire aux accents terriblement humains que la série relate. L'émotion perce presque malgré la volonté de certains personnages. Comment arbitrer ses sentiments, son parcours personnel, voire même son éthique professionnelle, quand on est seulement un simple rouage dans un système qui s'auto-alimente ? Le capitalisme, même poussé à l'extrême, ne peut entraîner la négation complète de l'individu qui met en oeuvre sa logique. La force de Hagetaka est de refuser de céder à la tentation d'une approche manichéenne, optant pour un réalisme d'une rare acuité.

Il n'y a pas de chevalier blanc, pas de personnage pour incarner un "méchant" dénué de toute conscience. Il y a seulement des êtres humains, à la fois acteur et victime de ce système dont ils ne maîtrisent pas les règles. Les situations sont difficiles et la bonne solution évidente n'existe pas. Au fil des épisodes, chaque protagoniste gagne en épaisseur. Acculés dans des impasses qui les placent en porte-à-faux avec eux-même, ils révèlent peu à peu toute leur complexité, dévoilant des motivations plus obscures et des contradictions parfois fatales. Aussi vivant que troublé, c'est un tableau tout en nuances qui se peint finalement sous nos yeux fascinés.

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Aussi dense et passionnant que soit son contenu, Hagetaka ne serait pas ce qu'elle est sans sa somptueuse bande-son signée Sato Naoki (plus connu pour avoir réalisé celle de Pandora, par exemple). Le téléspectateur est presque surpris de découvrir, dès les premières minutes, un tel accompagnement musical pour une série qui aura su éviter tous les écueils dus à la technicité de son sujet. Insufflant un souffle épique dans chaque scène, subtile et sobre quand il le faut, vertigineuse et entraînante en parfaite adéquation avec l'importance du passage à d'autres moments, elle constitue un véritable petit bijou à elle toute seule. Pour couronner le tout, l'ensemble est complété par un langoureux générique, mélancolique à souhait, qui donne des frissons au téléspectateur.

Dans le même temps, Hagetaka est tout aussi sérieuse dans sa réalisation, proposant des plans soignés, ne renonçant pas à cette poésie des images que l'on retrouve dans les dramas japonais réussis. Elle a également recours à des jeux de lumière intéressants qui lui permettent de s'approprier pleinement son univers.

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Enfin, dernier compliment - mais non des moindres -, celui qui doit être adressé au casting qui se révèle juste impeccable. Faisant preuve d'une sobriété pesée et calculée, en adéquation avec la tonalité d'ensemble du drama, les différents acteurs parviennent également, sans jamais se départir de leur réserve, à exprimer une réelle intensité dramatique lors des passages les plus poignants. Leurs performances m'ont bluffée, en particulier le duo principal dont l'interprétation nuancée, de figures pourtant particulièrement complexes, fut d'une justesse jamais prise en défaut.

Nao Omori réussit ainsi à capter parfaitement l'ambivalence des conflits internes animant un Washizu Masahiko qui se révèle bien loin d'être un simple "hagetaka" ; tandis que Kyohei Shibata dépeint, avec beaucoup de subtilité et de retenue, ce personnage renvoyant une image toujours si solide qu'est Shibano Takeo. A leurs côtés, Chiaki Kuriyama (Mishima Yuka) apporte une touche de fraîcheur, mais aussi de foi et d'espérance en certains personnages, qui s'avère touchante. Plus en retrait, enfin, Ryuhei Matsuda (Osanu Nishino) colle parfaitement à l'affirmation d'un fils brisé par le suicide de son père, chez qui le désir de vengeance finira par tout obscurcir.

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Bilan : Hagetaka, c'est une de ces claques téléphagiques salvatrices que l'on rêverait de rencontrer plus souvent dans ses explorations du petit écran. A partir d'une thématique originale, mais également très ardue, qui ne manquait pas de complexité et pouvait décontenancer a priori, la série s'affirme comme un drama de haut standing, sublimant et dépassant son cadre financier. Bénéficiant d'une écriture subtile, d'une justesse troublante, sa richesse est de proposer une lecture à plusieurs niveaux. Elle dresse le portrait nuancé d'un Japon économiquement affaibli, au sortir des années 90, au croisement de deux voies semblant destinées à se confronter, entre une tradition industrielle forgée dans les liens familiaux et un capitalisme impersonnel presque sauvage. C'est une société en crise, où les situations renvoient à des images de l'actualité récente.

Mais Hagetaka, ce sont aussi des histoires personnelles, un chemin timide vers la rédemption entrepris par des personnages cherchant à faire la paix avec eux-mêmes, tous acteurs d'un système capitaliste outrancier, dont les rouages broyeurs les ont, à des degrés divers, brisés. Agresseurs ou victimes, les rôles se révèlent bien moins clairs que ce que les apparences peuvent laisser croire a priori. Détachée de tout manichéisme, Hagetaka est une série sombre, relativement pessimiste, qui choisit de traiter avec beaucoup de réalisme des problématiques compliquées, tout en parvenant à captiver le téléspectateur tout au long de ses six épisodes.


En résumé - en espérant avoir réussi à retranscrire au moins une partie de mon enthousiasme dans cette review -, il s'agit d'une série tout simplement incontournable. Et par sa thématique qui transcende les frontières, elle parlera à tout téléspectateur, qu'il soit familier ou non avec les fictions japonaises. Indispensable.


NOTE : 9,5/10


Le superbe générique de fin :



Une bande-annonce (pour le premier épisode) :