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28/07/2010

(J-Drama / Pilote) Toubou Bengoshi : le Fugitif japonais est avocat.


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Dernier mercredi asiatique d'un mois qui aura été assez dense en la matière sur ce blog (le plus riche depuis sa création, avec 6 séries évoquées). Nous sommes fin juillet ; et qui dit été, dit nouvelle saison téléphagique au Japon, où les programmes télévisés se succèdent tous les trimestres. Je me suis engagée auprès de vous à être aventureuse, donc, cette semaine, je me suis risquée devant plusieurs pilotes déjà sous-titrés. Bon, pour le moment, je n'ai eu aucun coup de foudre. Si j'ai toujours plus éprouvé une curiosité réservée qu'une réelle passion pour le Japon (ce qui explique sans doute mon penchant moins naturel à explorer toutes ses fictions, ajouté au fait que nous sommes dans un paysage téléphagique que je fréquente moins et donc où il me manque certaines clés), ces derniers mois, je crois cependant avoir cerné mon idéal de séries japonaises : ce sont des Gaiji Keisatsu et autre Mother. Sauf que j'ai quand même un peu l'impression, sans vouloir trop m'avancer, qu'elles ne peuplent pas en majorité les grilles de programmes du pays du Soleil Levant.

En attendant la perle rare, je vadrouille donc. Je teste. Avec plus ou moins de succès. La démarche est d'autant plus difficile que j'ai beau vouloir me départir de mes réflexes de téléspectatrice occidentale, je dois avouer que certains dramas m'y font revenir instantanément. Franchement, est-ce qu'il est possible de regarder JOKER Yurusarezaru Sosakan sans dresser des parallèles avec Dexter ? Ou de découvrir Toubou Bengoshi sans penser au Fugitif ? Laissez-moi vous assurer que, si vous y parvenez, c'est que vous avez réussi à acquérir une indépendance culturelle que je n'ai manifestement pas. Pour couronner le tout, il y a certaines thématiques très prisées par les dramas japonais qui me laissent vraiment de marbre, notamment leurs rapports particuliers avec leurs professeurs de lycée ; quand on a pris la peine de regarder des Gokusen et autres DragonZakura, faut-il vraiment jeter un oeil sur Hammer Session! ?

Bref, notez bien que je fais des efforts, mais que le résultat n'est pas toujours à leur hauteur. Et si, aujourd'hui, je vais vous parler de Toubou Bengoshi, c'est en bonne partie dû au fait que j'ai toujours éprouvé une irrésistible attirance pour toute histoire de fugitif... Le fait que cela se passe au Japon est finalement l'occasion de renouveler le cadre géographique d'un thème pour lequel je signe toujours des deux mains.

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Toubou Bengoshi est donc un drama estival. Plus précisément, il s'agit d'une série diffusée sur Fuji TV, depuis le 6 juillet 2010. Comme son sous-titre anglais l'indique aux anglophones, "The Fugitive Lawyer", elle se propose de nous faire suivre la descente aux enfers d'un jeune avocat de Tokyo, Narita Makoto. Son patron, un juriste renommé, fervent protecteur des droits de la défense, est assassiné à son cabinet, tard un soir où il était resté travailler. Narita, venu rendre un dossier embarqué sans le vouloir, est assommé par le meurtrier qui prend la fuite. Or, en plus d'avoir été découvert sur place inanimé, la police met au jour, au cours de son enquête, des listing prouvant que Narita détournait de l'argent. Son patron l'aura découvert ; et il aurait donc tenté de se protéger par ce meurtre maladroit. Se retrouvant accusé d'un crime qu'il n'a pas commis, dans une affaire où toutes les preuves circonstancielles pointent vers lui, et où la peine encourue est la mort, Narita décide de s'enfuir pour essayer de prouver son innocence et découvrir le véritable coupable.

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Il réussit à s'échapper de l'hôpital où il se remettait, avant que la police ne procède à son arrestation. Commence alors une cavale mouvementée, où le fil conducteur va être la quête d'une vérité bien difficile à saisir, avec pour seul point de départ à son enquête, une secrétaire du cabinet qui a fait un faux témoignage à la police, brisant l'alibi du jeune homme pour l'heure du meurtre, et qui a ensuite disparu. En essayant d'élucider ce meurtre, Narita va croiser sur sa route différentes personnes, à l'existence brisée, qui ont, elles-aussi, connu leurs propres "accidents" de la vie. Parce qu'il n'a pas perdu cet idéalisme, rempli d'une certaine candeur, qui le caractérisait, Narita n'oublie pas ses chers textes de lois et délivre, au gré du hasard des rencontres, des consultations et conseils afin d'aider ces démunis rejetés hors du système.

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Présenter ainsi, vous devinez que nous sommes face à une série qui se rapproche par bien des aspects d'un formula show. A cela s'ajoute un fil rouge, formant une sorte de "mythologie" constituée par le premier meurtre et un ensemble de mystères, plus ou moins suggérés, qui viennent se greffer autour. Certes, il y a une certaine prévisibilité à suivre les avancées chaotiques, accompagnées de fuites toutes aussi mouvementées, de Narita. Pour autant, toute aussi calibrée qu'elle paraisse aux premiers abords, je dois dire que Toubou Bengoshi a aussi su me surprendre au cours de ses deux premiers épisodes.

Au-delà de ses apparences un peu manichéennes, les premières "affaires" du fugitif Narita se révèleront plus complexes et nuancées qu'attendues. L'ancien avocat ne fait pas de miracles et chaque cas a ses imprévus. Ainsi le premier se conclura d'une façon qui prend presque à contre-pied un téléspectateur qui l'avait déjà inconsciemment classé. Cela ne verse pas forcément dans une réelle originalité, mais les scénaristes démontrent des ressources pas inintéressantes. A voir s'ils sauront se renouveler et comment tout cela évolura.

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Parallèlement à ces "affaires du jour", l'enquête sur le meurtre du célèbre avocat progresse lentement (voire quasiment pas au cours des deux premiers épisodes). Lors du second, la police a depuis longtemps cessé de chercher d'autres suspects et, un an après les faits, Narita en est toujours au même point. S'il est devenu plus méfiant et prompt à se dissimuler lorsqu'il croise des forces de police, il recherche toujours l'ancienne secrétaire, s'accrochant au seul élément concret dont il dispose : ce faux témoignage qui a achevé de détruire sa crédibilité auprès des autorités.

Les scénaristes distillent bien quelques indices, dévoilant d'obscures conversations ou attitudes équivoques qui soulèvent des questions chez le téléspectateur, mais tout paraît encore bien trop flou pour oser dresser la moindre conjecture. Si bien que l'on reste, pour le moment, dans l'expectative, au même niveau que Narita, s'interrogeant sans avoir les moyens de commencer à entre-apercevoir ce qui se cache réellement derrière ce meurtre et le piège qui s'est refermé sur lui. Un peu de mystère, voilà de quoi aiguiser notre curiosité ! Si bien que le reste des intrigues se déroulant sans anicroches, au final, Toubou Benhgoshi n'est pas déplaisante à suivre.

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Enfin, au casting, on retrouve des figures familières du petit écran japonais. Si je n'avais pas gardé de souvenirs de notre précédente rencontre (qui a dû avoir lieu, d'après sa filmographie, il y a fort longtemps, dans quelques scènes de Gokusen), Kamiji Yusuke (plus récemment vu dans Gyne ou Scrap Teacher) s'en sort plutôt de façon globalement satisfaisante dans son rôle de juriste qui voit toute sa vie bouleversée. A ses côtés,  Ishihara Satomi (vue dans Voice l'année dernière et que j'ai dû croiser, du temps de ma première exploration des j-dramas, dans Kimi wa Petto) incarne la fille aînée de l'avocat assassiné. Enfin, Kitamura Kazuki (Bambino!) joue le policier originellement en charge de l'enquête qui aura trouvé en Narita, le coupable aussi parfait qu'idéal.

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Bilan : Toubou Bengoshi se suit sans difficulté, ni déplaisir, mais sans non plus marquer le téléspectateur. Elle est proprement calibrée, parfois un peu trop prévisible. Cependant, sans faire dans l'originalité, elle s'offre aussi quelques développements intéressants, notamment dans son quotidien qui la rapprocherait plus d'une déclinaison de formula show, qui se révèlent plus subtiles et nuancés qu'il n'y paraîtrait a priori. Si bien qu'il n'est pas difficile pour un téléspectateur appréciant le concept de départ de se laisser prendre au jeu du mystère ambiant. Investissant un registre particulier au sein de la thématique policière, celui d'un Fugitif, Tobo Bengoshi remplit donc honnêtement son rôle. On regrettera peut-être qu'elle ne fasse pas preuve de plus d'ambition, mais peut-être le drama saura-t-il s'affirmer progressivement.


NOTE : 5,75/10


Quelques images de la série (à la fin du monologue de Kamiji Yusuke) :

16/06/2010

(J-Drama) Gaiji Keisatsu : jeux de dupes, jeux d'espions, au sein de l'antiterrorisme japonais


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Aujourd'hui, pas de test de pilote, mais le bilan d'une série entière. Mon coup de coeur asiatique de la semaine est une découverte inattendue en provenance du Japon, une immersion dans les services de lutte antiterroriste de la police de ce pays : Gaiji Keisatsu. En bien des points, je serais tentée de dire qu'il s'agit d'un drama juste parfait pour mettre l'été à profit afin d'élargir son horizon téléphagique et découvrir (enfin) une série asiatique. Pourquoi ? Pour vous situer son genre, essayons-nous à l'exercice des parallèles : sobre et magistralement menée, Gaiji Keisatsu traite de menaces sur la sécurité intérieure avec la paranoïa et la maîtrise d'un Spooks (MI-5) des grands jours. De plus, autre atout pour achever de convaincre les derniers récalcitrants : c'est une série courte. Son format lui permet de ne pas s'étaler inutilement et de maintenir constante la tension qui y règne, car elle ne compte en effet que six épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun.

Adaptation d'un roman éponyme d'Aso Iku, diffusée par NHK du 24 novembre au 19 décembre 2009, Gaiji Keisatsu (6 x 50') s'est donc révélée être l'excellente surprise de ce mois de juin dans mes programmations sériephiles. En résumé, c'est un peu ce qu'un drama comme IRIS aurait pu être, si ses scénaristes avaient mieux maîtrisé leur sujet.

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Gaiji Keisatsu nous plonge au coeur d'une branche à part des forces de police japonaise, celle qui s'occupe des Affaires étrangères, surveillant notamment les allées-venues sur le territoire national. En charge de la sécurité publique du pays, elle est celle qui lutte contre toutes les menaces internationales, tel que l'espionnage ou le terrorisme. Elle agit généralement de concert avec le bureau de la CIA basé à l'ambassade américaine, qui a historiquement été longtemps le donneur d'ordres de ce service. L'agence de renseignements américaine leur fournit d'ailleurs toujours des renseignements. Elle informe ainsi le directeur, Ariga Shotaro, d'une menace terroriste potentielle qui pèserait sur eux. Un mystérieux mercenaire très dangereux, connu sous le pseudonyme de "Fish", aurait infiltré le pays. L'enjeu est d'autant plus important que le Japon doit accueillir une cible de choix : une importante conférence internationale liée à l'antiterrorisme va prochainement s'y tenir.

Mais l'air n'est pas au tout sécuritaire, notamment au sein du gouvernement qui voit d'un mauvais oeil tous les crédits engloutis chaque année dans la division des Affaires étrangères. Le Japon n'a pas de tradition dans les services de renseignements. Mais, de toute façon, existe-t-il encore des menaces extérieures concrètes pour lui ? L'ambitieuse ministre aspire surtout à réduire le budget, quitte à privatiser une partie des forces de sécurité. Elle ne croit pas une seule seconde que le Japon puisse être une cible terroriste potentielle. Ne disposant pas d'éléments suffisants, le directeur Agira Shotaro n'insiste pas, mais il décide de poursuivre les investigations en cours afin d'identifier ce mystérieux "Fish" et savoir ce qu'il prépare. Pour cela, il a confié cette mission à l'unité dirigée par Sumimoto Kenji, un vétéran qui s'est longtemps occupé de démasquer les espions russes, avec des méthodes pas toujours très orthodoxes, mais généralement efficaces.

Parallèlement, Matsuzawa Hina est une jeune officier de police. Après un premier contact mouvementé avec l'unité de Sumimoto, alors qu'elle souhaitait interroger un étranger dans une affaire de viol, elle est transférée dans cette unité. Elle va rapidement découvrir que cette division agit à un niveau très différent des autres départements de police. Quand l'intérêt public est en jeu, l'intérêt des particuliers est facilement sacrifié ; d'autant plus que son supérieur hiérarchique, maître manipulateur, ne semble reculer devant rien pour mener à bien leur mission.

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Gaiji Keisatsu se révèle être un thriller de haut standing, admirablement maîtrisé sur la forme comme sur le fond. En nous plongeant dans une intrigue de lutte contre le terrorisme, la série se réapproprie dans le même temps les codes scénaristiques des fictions d'espionnage. On y retrouve, particulièrement bien exploités, tous les ingrédients classiques du genre : de l'organisation secrète tirant les ficelles et obéissant à des objectifs plus lointains, aux trahisons et défections dans les deux camps, en passant par des double-jeux quotidiens et la gestion des "collaborateurs", informateurs au statut particulier de la police japonaise. Tout cela se déroule avec en toile de fond des menaces contre la sécurité du pays. Même l'omniprésente CIA vient se mêler à la bataille, pour des passages au fort accent anglophone. Au final, cela donne un cocktail explosif mis en scène de façon très convaincante.
 
Évoluant dans une ambiance très sombre, Gaiji Keisatsu va prendre plaisir à déstabiliser le téléspectateur par son imprévisibilité. Le drama glisse peu à peu dans une sourde paranoïa de circonstances qu'il va entretenir au fil des épisodes. Rapidement, c'est un tableau d'une complexité fascinante qui se dessine sous nos yeux. Riche en ambivalences et en contradictions, la situation se complique chaque jour davantage, à mesure que les enjeux réels se dévoilent. Car, si l'enquête visant la menace terroriste progresse lentement, dans ce terrain trouble sur lequel se déroule la série, le danger provient tout autant de l'extérieur que de l'intérieur même du service. C'est d'autant plus vrai que les frontières entre les camps ne sont pas figées, les loyautés fluctuant dangereusement au gré des opportunités.

Même la trahison semble y être une notion toute relative. Nous nous retrouvons dans un milieu où la fin justifie les moyens. Le sort personnel des individus impliqués s'efface, victimes collatérales de la raison d'État, pions sacrifiables dans cette vaste partie d'échec où ce sont les enjeux nationaux et les ambitions des plus hauts responsables qui dictent les règles du jeu. L'intérêt public prétendu semble souvent bien insaisissable. Dans un cadre où tout n'est que faux-semblants, il faut intégrer ce mode de fonctionnement ou risquer d'être broyé. La manipulation y est élevée au rang d'art, si bien qu'elle en devient une technique de management utilisée au sein même de l'unité d'investigation. Matsuzawa Hina devra rapidement rayer le mot "confiance" de son vocabulaire : jusqu'où ira-t-elle sur la voie impitoyable où elle s'est engagée sans s'y perdre elle-même ?
 
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En plus de parvenir à créer une atmosphère des plus intrigantes, Gaiji Keisatsu dispose d'un scénario très solide. A chaque épisode viennent se greffer de nouvelles complications et de nouvelles pièces du puzzle sont révélées, troublant la compréhension globale du téléspectateur qui ne conservera qu'un temps seulement Hina comme point d'ancrage sur lequel se reposer. La série se révèle admirable de maîtrise, construisant une tension sourde qui prend à peu le pas sur tout le reste. Chaque action indépendante finit par s'emboîter dans le complexe puzzle de l'intrigue principale, dévoilant un magistral "toutélié" qui retient toute l'attention du téléspectateur.
 
Ce drama forme un tout, avec un fil rouge qui s'étend tout au long des six épisodes : il s'agit de déjouer les projets du mystérieux "Fish" et surtout de découvrir ses commanditaires. C'est dans ce cadre que chaque épisode va marquer une avancée, ou un développement particulier pour accomplir cette mission. Mais les premières réponses obtenues paraissent presque vaines ; car à mesure que la série prend peu à peu toute son ampleur, elle révèle une complexité aussi déstabilisante que passionnante.
 
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Pour autant, aussi attrayant que soit le suspense principal, un des atouts de Gaiji Keisatsu est de ne pas négliger de développer sa dimension humaine. C'est aussi à travers les blessures intérieures de ses personnages que la série acquiert une véritable épaisseur. Ici, le thriller se conjugue avec la mise en scène de drames humains. C'est parfois dur, voire même poignant. Les scénaristes prennent le temps de s'interroger sur les motivations de chacun, explorant ses personnages avec beaucoup de soin. Tout cela permet au téléspectateur de s'investir émotionnellement dans ce drama.
 
De manière générale, les protagonistes de Gaiji Keisatsu s'inscrivent la droite lignée du scénario global, reflétant cette absence déconcertante de manichéisme et défiant toute classification trop rapide. Ils évoluent au fil de la série, gagnant en nuances et montrant d'autres facettes de leur personnalité. Si Hina fait au début figure d'innocente plongée dans un monde dont elle n'a pas encore les clés, repère solide du téléspectateur, elle intègre peu à peu les exigences de son nouveau travail. Encore versatile, en quête de certitudes, l'élève dépassera-t-elle le maître ? C'est ce dernier, Sumimoto Kenji, qui constitue le véritable personnage phare de la série. Froid et calculateur aux premiers abords, il pourrait paraître antipathique s'il n'était pas immédiatement aussi fascinant. Et le trouble le concernant va grandissant au fur et à mesure que la série progresse. De plus en plus ambivalent, le téléspectateur apprend à le connaître. A travers ses failles, on découvre un autre pan du personnage, plus émotionnel que l'image qu'il aime renvoyer.
 
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Sur la forme, Gaiji Keisatsu est au diapason de la tonalité de son contenu. La réalisation est volontairement nerveuse. Elle change souvent de styles, allant jusqu'à utiliser des plans pris caméra à l'épaule qui contribuent à dynamiser l'ensemble. Cependant, on reste à l'écran dans une sobriété toute japonaise. L'image est assez sombre (parfois même, peut-être un peu trop), allant du pastel au noir et évitant toute couleur chatoyante. La musique est utilisée avec beaucoup de retenue, uniquement lors de certains passages la justifiant. Il n'y a aucune chanson. Seulement des morceaux musicaux qui viennent souligner les moments de tension.
 
Enfin, le casting se révèle quant à lui très convaincant. D'une sobriété prenante, sans aucun sur-jeu, le téléspectateur n'en ressentira pas moins l'intensité émotionnelle de certains passages. Watabe Atsuro délivre une performance absolument magistral pour incarner le si troublant Sumimoto Kenji. Ono Machiko joue la jeune policière catapultée dans ce milieu si déstabilisant de l'antiterrorisme. A leurs côtés, on retrouve également Ishida Yuriko, Endo Kenichi, Yo Kimiko ou encore Ishibashi Ryo.

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Bilan : Gaiji Keisatsu est un petit bijou d'espionnage. Un thriller au scénario admirablement bien maîtrisé. La série nous plonge dans un univers de faux-semblants, sans aucun manichéisme, où les vrais enjeux demeurent longtemps cachés danss l'ombre. Tout est ambivalent dans cet univers trop sombre et impitoyable, où chacun manipule l'autre, suivant son propre agenda. La réussite de ce drama est aussi de ne pas se contenter seulement du suspense qu'il génère, mais d'investir une dimension humaine qui ajoute à la richesse, mais aussi aux ambivalences, de l'histoire. Gaiji Keisatsu est une série dense qui joue ainsi sur plusieurs tableaux. 

En somme, voici un drama à découvrir de toute urgence !


NOTE : 8,75/10


Un extrait vidéo des cinq premières minutes du premier épisode :

12/05/2010

(J-Drama / Pilote) Mother : un drame humain fascinant et bouleversant

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En ce mercredi asiatique, poursuivons la découverte des nouveautés de ce printemps 2010 au Japon, avec une série diffusée depuis le 14 avril 2010 sur la chaîne NTV, Mother. S'il est rare qu'un pilote atteigne directement une telle dimension, ce premier épisode m'a tout simplement laissée sans voix, tout autant bouleversée que fascinée par l'histoire qu'il esquisse.

Initialement, je pense avoir plutôt tendance à me tourner vers la télévision asiatique en quête de dépaysement et de détente. Cependant, ce serait très réducteur de ne retenir que cet aspect "divertissement léger" dans le paysage particulièrement éclectique qui y est proposé. Si j'ai l'habitude de ne faire que picorer dans les offres de la télévision japonaise, il y a une chose que cette expérience m'a fait retenir, c'est cette capacité inimitable des Japonais pour relater de véritables drames humains, parvenant à faire vibrer d'émotions le téléspectateur, sans jamais tomber dans un pathos larmoyant excessif et pesant. Avec une sobriété admirable, Mother s'inscrit dans cette lignée.
Cette série ne ressemble à aucun j-drama que j'ai pu voir par le passé. Mais devant ce pilote à la narration parfaitement maîtrisée, on ne peut que rester considérablement impressioné par la force du récit mis en scène. J'ai bien envie de sortir de ma réserve habituelle pour vous le conseiller chaudement, amateur de série asiatique ou non, il s'agit d'une histoire à la portée universelle.
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A la lecture de son synopsis, Mother laissait ouverte de nombreuses options dans la façon dont elle aborderait la thématique sensible qu'elle se proposait de traiter : maltraitance, enlèvement d'enfant, voire même interrogation sur la nature de la cellule familiale. Rien ne préjugeait de la tonalité qu'elle allait adopter. Les écueils à éviter étaient nombreux : du lourd mélodrame indigeste jusqu'à la dédramatisation glissante et inadéquate. C'était une histoire difficile, dans laquelle trouver le ton juste allait être déterminant. Or, le résultat dépasse en bien des points mes attentes. En adoptant une dimension à la fois intimiste et poignante, dans le cadre d'une narration admirable de retenue, cette transposition à l'écran renvoie une impression d'authenticité rare, qui accentue la force du récit ainsi délivré.
Mother raconte une histoire atypique et troublante. Suzuhara Nao est devenue une institutrice remplaçante dans une école primaire, à la suite de la perte de son emploi de biologiste à l'université. D'un naturel distant, elle ne s'anime que lorsqu'elle évoque ses chers oiseaux migrateurs, préférant s'isoler pour les observer plutôt que de rechercher le contact humain du quotidien. Elle n'éprouve ainsi aucune affinité à l'égard des enfants, ne voyant dans son travail qu'un salaire de subsistance, une parenthèse professionnelle qui devrait bientôt se clôturer. Le contact n'est pas des plus faciles avec ses élèves, mais l'attention de Nao va être attirée par l'une d'entre elles, Michiki Rena.
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Parfois dissipée, toujours très dynamique, l'enfant la prend en affection dès leurs premiers échanges. A mesure qu'elles se croisent, en dehors du cadre scolaire, maladroitement mais sûrement, des rapports privilégiés se nouent entre ces deux êtres, perdus chacun à leur manière sur le chemin de la vie. Aussi enjouée soit-elle en apparence, Rena subit un quotidien compliqué. Nao la découvre ainsi traînant dans les rues à la nuit tombée, ou se nourrissant régulièrement de crème glacée et de soda. Les soupçons de maltraitance se précisent à la vue des bleus qui marquent tout le corps de la petite fille. Mais les services sociaux, excessivement prudents, ne réagissent pas.
Un jour, Nao se rend chez Rena à l'improviste. Elle découvre l'enfant enfermée dans un sac poubelle jeté dans l'allée, avec les autres détritus. Sur la plage où elle la conduit ensuite pour lui faire admirer ses oiseaux migrateurs, Nao prend alors une décision radicale, agissant de manière impulsive. Elle annonce à Rena son intention de l'enlever, l'invitant à partir avec elle loin de cette région connue, dans un lieu où elles pourront former, ensemble, une "famille". Planifiant une mise en scène pour expliquer la disparition de Rena, l'adulte et la petite fille prennent ensuite un train, partant dans l'inconnu mener une vie basée sur le mensonge, et laissant derrière elles des soucis familiaux auxquelles elles ne pourront probablement pas éternellement échapper.
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Tout en nous narrant cet enchaînement d'évènements qui conduit à la prise de décision irrémédiable de Nao, c'est dans ses personnages principaux que ce pilote trouve sa première richesse. En effet, Mother fait preuve d'un tact et d'une nuance particulièrement matûres pour  dépeindre chacun des protagonistes.
Par quel qualificatif commencer pour décrire Rena ? Adorable et attachante, elle semble en apparence pleine de vie. Pourtant, en elle, quelque chose s'est déjà brisé. On frôle l'irréparable à plusieurs reprises au cours de ce pilote, tandis que le cercle vicieux s'accélère au sein de son cercle familial. Le petit ami de sa mère entraîne cette dernière toujours plus loin sur une voie dangereuse, la dressant progressivement contre son enfant. Le téléspectateur ne peut que sentir son coeur se serrer en assistant, impuissant, aux efforts faits naturellement par Rena pour maintenir un semblant de normalité dans un quotidien où la peur règne. Le simple plan de la caméra montrant le regard de Rena qui fixe un instant les chaussures du petit ami, laissées à l'entrée de la maison, lui indiquant qu'il est donc bien sur place, est plus fort et poignant que tous les discours. Entre brimades, humiliations et restrictions alimentaires, Rena survit, avec un pragmatisme enfantin. Elle a déjà perdu l'innocence de son âge ; mais elle reste capable de rechercher des chemins d'évasion pour continuer à aller de l'avant.
Mother contient des scènes particulièrement marquantes, voire choquantes, qui ne pourront laisser insensibles le téléspectateur, témoin privilégié du dérapage de plus en plus dangereux que prennent les choses. Rena voit ses livres et jouets jetés dehors, afin de s'en débarasser avec les ordures. Puis, c'est son cher hamster, qui ne la quittait pas, qui disparaît. Au-delà de la maltraitance, c'est à une progressive réification de la petite fille à laquelle on assiste. Réification qui culmine lors de ce face-à-face, d'une perversité malsaine, entre Rena et le petit-ami, où ce dernier la maquille. L'explosion de violence de la mère lorsqu'elle rentre entérine cette déshumanisation de l'enfant. L'habitude aidant, sa mère ne voit plus en elle qu'un poids dans sa vie, la réduisant à une simple chose avec laquelle on peut s'amuser, mais le plus souvent ennuyeuse et inutile.
Ce sont des moments qui sont particulièrement durs à regarder. La force de la série est de les relater avec une mise en scène d'une sobriété presque glaçante. Pas de pathos inutile, pas de mélodrame excessif, simplement des fragments bruts d'une réalité inavouable, qui laisse sous le choc.
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Si Rena joue impeccablement sur le registre le plus sensible, Mother prend également le temps d'explorer son autre personnage principal, adulte lui. Le pilote nous retrace ainsi l'évolution de Nao. En porte-à-faux avec son milieu professionnel, sans tendresse particulière pour les enfants, elle cache derrière cette apparence froide ses propres soucis et blessures personnelles. Son progressif attachement, puis sa prise de conscience du quotidien de l'enfant, sont des processus qui sont relatés avec beaucoup de justesse et de retenue. Sans assister à un épanchement sentimental inutile, le téléspectateur ressent pleinement l'implication émotionnelle de la jeune femme qui grandit, au fil de ses rapports avec Rena. Nao a pourtant aussi un passif conséquent qu'elle révèle en fin d'épisode à la petite fille et qui éclaire sous un jour nouveau sa terrible décision : la jeune femme a été abandonnée quand elle était enfant, et a été ensuite adoptée. Sa mère adoptive l'aime ; nul doute là-dessus, elle l'a toujours bien traitée. Mais quelques scènes nous apprennent à quel point leurs rapports sont détériorés, comme si le lien entre elles n'avait jamais pu être établi.
Mother est aussi un drame humain qui se joue à plusieurs niveaux, sur un plan personnel, mais aussi relationnel. Ce pilote nous raconte la rencontre de deux êtres, avec chacun un lourd passif, très différent. En toile de fond, se dessine une réflexion sur la famille, sur son immutabilité, et, plus généralement, sur les rapports et confusions pouvant naître entre les liens biologiques, juridiques et affectifs. Dans ce premier épisode, on retrouve une première réflexion des plus troublantes sur l'ambivalence des sentiments que l'on peut éprouver pour des personnes que nous sommes pourtant "programmés" à aimer. Avec beaucoup de tact et de nuance, sans préjugés moralisateurs, ce drama dresse un portrait d'une authenticité rare et d'une force fascinante.
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La forme se met parfaitement au service du fond, à la hauteur de la dimension atteinte par le contenu du drame qui nous est relaté. La tonalité d'ensemble de la série trouve en effet un reflet parfait dans sa bande-son. La musique consiste principalement en un superbe accompagnement au piano, tout en retenue. Magnifiant les scènes qu'elle accompagne, elle n'est jamais envahissante et ne verse à aucun moment dans la surenchère instrumentale pour souligner plus que de raison la portée de certains passages. En somme, tout est juste comme il faut, complément parfait à la sobriété globale de la série.

La réalisation est également de bonne facture, avec une image assez épurée et des teintes globalement froides qui cadrent bien avec l'atmosphère du drama. La caméra profite aussi pleinement du décor glacial et dépaysant de la petite ville portuaire où se déroule l'action pour proposer quelques très beaux plans en extérieur, entre neige et mer.
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Enfin, le casting se révèle très solide, même si, pour le moment, le pilote nous a surtout permis d'apprécier ses deux figures centrales. Matsuyuki Yasuko (First Kiss) incarne avec une certaine ambiguïté et une retenue savamment dosée cette institutrice qui n'est pas d'un relationnel facile, mais qui va progressivement s'ouvrir au contact de Rena. Cette dernière est interprétée, avec une innocence et un enthousiasme communicatif à l'écran, par la petite Ashida Mana, absolument adorable.
A leurs côtés, on retrouve des habitués du petit écran japonais, tel Yamamoto Koji, Sakai Wakana, Kurashina Kana, Kawamura Yosuke, Ichikawa Miwako ou encore Otoo Takuma.

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Bilan : Le pilote de Mother pose les bases d'un superbe drama humain, d'une sobriété poignante. Bénéficiant d'un cadre assez intimiste, la série se révèle d'une grande justesse pour aborder le difficile sujet de la maltraitance. Tout en esquissant une réflexion sur la cellule familiale, sa nature et les sentiments qui peuvent la traverser, ce drama réunit deux personnages très différents, une adulte et une enfant, dans une relation étonnante d'authenticité et de naturel.

Fascinante dans la mise en scène de son récit, Mother est aussi un drama très dur, chargé émotionnellement, mais qui contient également des scènes difficilement supportables. On ne ressort pas indemne du visionnage de ce pilote. Cependant, la découverte de ce drama est sans doute à classer dans les indispensables.


NOTE : 8,5/10


Une vidéo reprenant quelques images du pilote, avec en fond sonore la chanson principale de la série (Nakigao Smile, interprétée par Hinaco) :


05/05/2010

(J-Drama / Pilote) Sunao ni Narenakute : du virtuel à la rencontre IRL, portrait d'une socialisation moderne



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Un "mercredi asiatique" original aujourd'hui : ce n'est pas en Corée du Sud mais au Japon que je vous emmène pour explorer cette saison 2010 et ses nouveautés. Car ma téléphagie a connu un nouveau tournant, parmi les cycles qui l'animent. Cela devait faire plus d'un an que je n'avais plus regardé de j-dramas. Et bien, je vous annonce qu'après de longs mois d'hibernation, il semblerait que mon intérêt pour le Japon se soit soudain réveillé au cours de la semaine passée. En somme, il est fort probable que ce pays ne soit plus une destination si exceptionnelle que ça, dans le cadre du mercredi asiatique (même si la Corée du Sud demeure privilégiée).

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Il faut dire que je passais trop de temps à lire des reviews de séries japonaises, en quête de la petite étincelle, pour échapper éternellement au prosélytisme d'un internaute qui me convaincrait de sauter le pas et de rompre cette distance prise avec le petit écran du pays du Soleil Levant. Le tournant s'est donc produit la semaine passée : sur le blog Ladytelephagy (une mine d'or, notamment en découvertes de pilotes de tous les horizons, que je soupçonne constituée grâce à l'utilisation d'une machine à voyager dans le temps pour réussir à regarder tout cela en le reviewant), la critique proposée sur un des nouveaux dramas de ce printemps a aiguisé ma curiosité : elle concernait Sunao ni Narenakute. Série présentée a priori un peu comme la rencontre improbable de classiques comme Last Friends et Densha Otoko, je suis ressortie très satisfaite de cette découverte.

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Sunao ni Narenakute est un drama diffusé depuis le 14 avril 2010 sur Fuji TV. Projet assez ambitieux à la base, disposant d'un casting accrocheur, la série a la particularité d'avoir choisi comme concept de départ, un outil très actuel : twitter. Cette inspiration n'est pas le propre du Japon, puisque des scénaristes aux quatre coins de la planète (aux Etats-Unis, par exemple) commencent à s'intéresser au potentiel narratif se cachant derrière ces micro-messages du quotidien  et leurs frustrants 140 caractères. Cependant, plus qu'un drama sur cet outil de communication particulier, Sunao ni Narenakute s'empare d'une thématique relativement générale : celle de la place du virtuel dans la construction du lien social au sein de nos sociétés modernes, initiant par ce biais une réflexion sur ses rapports avec la vie réelle. La représentation de twitter dans ce drama le rapproche d'ailleurs un peu d'une forme d'ersatz de chat privé, tant les différents followers paraissent former une communauté fermée (même si la suite du drama nous montre que ce n'est, malheureusement peut-être pour certains, pas le cas).

Sunao ni Narenakute
nous introduit donc dans les vies compliquées de plusieurs jeunes adultes, habitués à échanger leurs dernières réactions sur leur vie via internet. Un quotidien personnel qu'ils présentent évidemment sous un jour biaisé, cédant facilement à la tentation de l'embellir ou de ne sélectionner que certaines informations à partager avec leurs followers. Cependant, le maintien facile de cette fiction, générée par la distance, va voler en éclat le jour où l'un d'entre eux propose une rencontre IRL ("in real life"). La série va alors explorer cette composante spécifique des relations humaines entretenues sur internet, la présentant avec une sobriété et une justesse qui sonnent profondément authentiques. Ne perdant pas de temps en introduction inutile, le pilote présente immédiatement les enjeux. S'y déroule ainsi la première réunion, dans la vraie vie, entre Nakaji (Keisuke), Haru (Tsukiko), Doctor (Seonsu), Linda (Kaoru) et Peach (Hikaru), une amie de Haru se laissant entraîner par l'enthousiasme de cette dernière.

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Le premier attrait de ce drama réside dans la mise en valeur de sa dimension humaine. Signe de la maturité de son écriture, la série aborde des thèmes adultes, n'hésitant pas à traiter de sujets difficiles. Si l'amour demeure invariablement une dynamique centrale, il se place loin d'une présentation fleur bleue idéalisée. Et, surtout, viennent s'y greffer des maux modernes, entravant bien plus sûrement que le jeu des sentiments, le quotidien de chacun des personnages. Certes les premiers épisodes n'évitent pas toujours le recours aux accents du mélodrame. Pour autant, la série ne verse jamais dans un pathos excessif dans lequel l'ambiance se ferait trop pesante. Agrémentée de scènes plus légères, où le collectif soudé permet d'alléger l'ensemble en se tournant résolument vers l'avenir, Sunao ni Narenakute se révèle souvent touchante, voire émouvante. Elle propose une exploitation pleine et entière de toute la large palette d'émotions humaines. Le mélange de ces différents ingrédients fonctionne : il se dégage de l'ensemble une véritable vitalité communicative.

Les scénaristes parviennent instinctivement à un équilibre fragile, mais convaincant, pour le moment, entre les diverses tonalités, réussissant à alterner le drame et les moments d'éclaircie marqués par ce besoin irrépressible d'aller de l'avant. Dans cette perspective, une des forces de Sunao ni Narenakute, qui assoit sa portée, reste d'avoir choisi une approche frontale et explicite pour nous relater les problèmes rencontrés par ses héros. Car, au sein de cette galerie de personnages très différents, rapprochés par une solitude que les rapports virtuels ne peuvent pleinement compenser, leur point commun semble être la façon dont la vie a pu, ou continue de, les abîmer. Nous sommes en effet face à des individus plus ou moins brisés, plongés dans des situations difficiles, voire intenables, pour lesquels cette rencontre IRL va peut-être pouvoir être une bouée de sauvetage. Apprendre ou re-apprendre l'amitié, l'amour... Sunao ni Narenakute, c'est aussi une réponse à l'isolement de l'homme moderne dont le salut passe par la force du collectif.

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Il faut dire que nos héros ont bien besoin de tirer parti de la maxime suivant laquelle "l'union fait la force". Car ils doivent face fae à de vrais problèmes, à bien des égards insolubles. Ainsi, Haru est une jeune professeur qui découvre son métier. Son absence de confiance en elle, qui se manifeste par un manque d'assurance chronique, rejaillit dans sa vie professionnelle, mais aussi personnelle. Nakaji, lui, se rêve artiste-photographe ; mais il navigue pour le moment entre un rôle d'assistant et réalisateur de photos de charme. Plus précaire encore, Doctor a immigré de Corée du Sud il y a quelques années. S'étant créé une identité de médecin dans le monde virtuel, il se heurte en réalité à l'environnement professionnel hostile des commerciaux, subissant quotidiennement humiliations et brimades de la part de ses supérieurs (une forme de racisme ?). Dans cette catégorie "très compliquée", il est également possible d'y classer la vie de Peach, laquelle semble avoir perdu tout sens. Mal dans sa peau, la jeune femme a l'impression d'être cernée de toute part. Entretenant une liaison sans futur possible avec un homme marié, elle pense être enceinte. Cherchant un exutoire dans l'automutilation, c'est un appel au secours qu'elle lance à ses nouveaux amis. Enfin, prouvant que les apparences peuvent être trompeuses, Linda paraît avoir la vie professionnelle la plus épanouie. Mais le jeune homme est confronté aux avances de plus en plus pressantes de sa supérieure hiérarchique. Une situation de harcèlement qui n'arrange pas ses problèmes physiques rencontrés lors de l'acte sexuel lui-même.

En somme, nous voilà donc aux prises avec des personnages bien écornés, parfois de façon irrémédiable. Le flirt avec une issue tragique est continuel. Le flashforward d'ouverture du premier épisode, spoiler dispensable mais qui pose un enjeu majeur, ne fait que souligner une évidence, que Peach mettra la première en acte. En dépit de ce cadre guère festif, Sunao ni Narenakute évite l'écueil de l'apitoiement : c'est un message où perce l'espoire que véhiculent les premiers épisodes de la série, posant finalement les bases optimistes d'une possible amitié. Le drama est d'autant plus dense qu'aucun de ses personnages ne se réduit à ses seules difficultés. Chacun présente plusieurs facettes, que le pilote ne permet que d'entre-apercevoir. Il esquisse des personnalités complexes, très loin d'être unidimensionnelles. Conservant ainsi l'attention du téléspectateur, ce sont autant de promesses pour les épisodes à venir, et de développements potentiels que l'on attendra avec curiosité.

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L'autre grande problématique évoquée par Sunao ni Narenakute correspond à ce portrait de socialisation moderne que le drama introduit. Sa description du passage du virtuel à la rencontre IRL sonne d'ailleurs très juste : sont exposés les différents stades de ce processus, au sein desquels le téléspectateur familier d'internet s'y retrouve aisément, des hésitations initiales jusqu'aux petits flottements et nécessaires ajustements à réaliser lorsque l'on se côtoie ensuite dans la vraie vie. La série est une occasion de permettre l'initiation d'une réflexion sur les rapports nés des réseaux sociaux. Plus globalement, elle traite de la socialisation des générations actuelles, mais aussi de la solitude engendrée par le rythme de vie d'une société qui s'agite autour de chaque individu, sans se préoccuper des sorts particuliers. A ce titre, il faut souligner certains dialogues particulièrement bien écrits, aux accents très authentiques, notamment les moments où les personnages exposent les raisons pour lesquelles chacun a éprouvé le besoin d'échanger sur twitter, puis de se rencontrer dans la réalité. Ces passages intéressants touchent une fibre sensible.

Au-delà des lourds problèmes individuels introduits, Sunao ni Narenakute met en exergue des maux plus profonds dont souffrent les sociétés modernes, soulignant cette déstabilisante perte de repères, conséquence d'une rupture du lien social au sein de milieux pourtant surpeuplés comme l'espace des grandes villes. Chacun s'y croise, mais personne ne se voit, en témoigne la scène du début où Haru et Nakaji traversent le même pont sans échanger un regard. Instinctivement, l'être humain recherche des palliatifs, pour corriger ce sentiment d'isolement. La série est aussi une invitation pour découvrir jusqu'où nos outils de communication et toute cette technologie peuvent nous conduire et nous aider sur cette voie, peut-être aussi à double tranchant.

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Sur un plan formel, la série se révèle des plus solides. La réalisation reste classique, mais offre quelques bons plans. A l'occasion, le découpage de l'écran et les balayages de changement de scènes s'insèrent sans souci dans la narration globale. La bande-son est plutôt sympathique et plaisante, collant bien à l'ambiance générale ; il faut cependant noter la forte présence de chansons anglophones.

Enfin, si tous ces arguments déjà énoncés ne vous ont pas encore convaincu de laisser sa chance à Sunao ni Narenakute, son casting devrait lui attirer les faveurs de quelques téléspectateurs supplémentaires, au vu des têtes connues qui s'y pressent. On retrouve en effet à l'affiche un couple phare composé de Eita et Ueno Juri (ce qui ne fait, certes, que renforcer la tentation du téléspectateur de faire des parallèles avec Last Friends). Pour assurer une touche d'international, le chanteur coréen Hero JaeJoong (membre de DBSQ) est venu pratiquer son japonais. Tamayama Tetsuji et Seki Megumi complètent ce casting assez homogène et plutôt solide.

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    Bilan : Série aux premiers abords assez sombres, Sunao ni Narenakute dresse le portrait désenchanté du quotidien d'une génération plongée dans une société où le lien social s'est dilué. S'intéressant à un nouvel outil de socialisation (twitter), elle esquisse une réflexion sur ces réseaux sociaux capables de faire naître des relations qui, à terme, peuvent devenir tout aussi tangibles et solides. Fable sur l'amitié, tout autant que questionnement sur les rapports et la place du virtuel et du réel, ce drama se rélève très riche en émotions les plus diverses, alternant scènes poignantes et instants d'éclaircie salvateurs. Ses premiers épisodes remplissent efficacement leur office, permettant de s'attacher aux différents protagonistes et donnant envie au téléspectateur de s'investir.


    NOTE : 7,5/10


    Une brève présentation de la série :


    21/03/2010

    (J-Drama) Chakushin Ari : vous ne regarderez plus votre téléphone de la même façon


    Il y a quelques semaines, je vous avez raconté comment j'avais réussi à me traumatiser en regardant Coma. Avant cette première vraie série d'horreur - je ne crois pas que mes nerfs supporteront une nouvelle avant quelques mois, voire années -, la seule incursion timide que j'avais réalisée dans ce genre, était un drama japonais, beaucoup plus soft, adaptation télévisée d'une suite de films à succès éponymes, s'inscrivant dans la longue tradition de l'horreur asiatique : il s'agissait de Chakushin Ari (One Missed Called). Diffusé sur TV Asahi en fin d'année 2005, il comprend en tout 10 épisodes.

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    Le premier préalable à mettre au clair au regard de cette série, c'est qu'en en dépit de sa source d'inspiration première, Chakushin Ari n'est pas un drama destiné à vous faire dormir la lampe de chevet allumée pour le reste de la semaine suivant le visionnage. Il attire par sa thématique en apparence fantastique, l'aspect policier des enquêtes qu'il met en scène, ou encore le suspense, diffus, qu'il sait très bien distillé... Mais, concrètement, pour ce qui est de sa capacité à nous faire cauchemarder, ce drama n'en a manifestement pas ni les moyens, ni même le but. En effet, il faut plutôt le voir comme une occasion offerte aux téléspectateurs un brin frileux - dont je fais partie - de flirter avec les codes scénaristiques typiques de l'horreur, sans pour autant devoir ensuite s'imposer une thérapie afin de surmonter la frayeur ressentie devant son petit écran. Certes, Chakushin Ari reprend un grand classique asiatique : une malédiction qui se propagerait à travers une technologie. Si les cassettes de The Ring sont sans doute les plus connues en Occident, ici, la transmission létale s'opère via les téléphones portables. Une sonnerie a priori innocente, que vous trouverez rapidement lugubre et entêtante, retentit. Le destinataire de l'appel qui décroche s'entend alors mourir à l'autre bout du fil, d'une façon généralement assez violente. Il s'agit d'un aperçu du futur, les morts ainsi annoncées semblant ensuite se reproduire de façon invariable.

    Au milieu de la propagation de cette malédiction fatale (le drama jouant admirablement bien sur l'interrogation de savoir s'il y a ou non une explication fantastique - ou très rationnelle - derrière cette mise en scène), la série va parvenir à fidéliser le téléspectateur grâce à la tension diffuse et intrigante qu'elle va parvenir à générer, bien aidée par la dimension humaine apportée par ses personnages. Si les seconds rôles, assez caricaturaux, offrent surtout prétexte à plus de légèreté, avec un côté assez déjanté très marqué manga, le duo central d'enquêteurs, étrange paire très dissemblable, fonctionne bien à l'écran. Yumi (Kikukawa Rei), journaliste scientifique affectée à un magazine d'un genre très particulier, traquant les légendes urbaines, se révèle d'une force de caractère particulièrement solide confrontée à l'adversité, sachant prendre ses responsabilités pour parvenir à ses fins. Tandis que Sendo (Ishiguro Ken), le policier en charge officiellement de l'enquête, a paradoxalement souvent bien plus de mal à maintenir les apparences lorsqu'il se retrouve confronté à la réalité du terrain. Si cette paire reproduit la dynamique des plus classiques de l'association forcée, dont les ratés et non-dits initiaux forgent une complémentarité ultérieure, les deux personnages s'affirment peu à peu et vont constituer à la fois le point fixe du téléspectateur, afin de naviguer à travers ces morts brutales, mais aussi une partie du mystère qui s'épaissit au fil des épisodes. Le téléspectateur n'a ainsi aucun mal à les accompagner dans les détours d'un scénario qui prend plaisir à distiller le doute, nous amenant à nous interroger avec eux sur les multiples fausses pistes et rebondissements sur lesquelles les scénaristes les envoient au cours de leur enquête, pour découvrir l'origine et la cause de ces mystérieux appels.

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    Chakushin Ari joue donc bien avec un contexte marqué par les codes de la fiction d'horreur. En toile de fond, les morts violentes s'enchaînent, quelque fois sanguinolentes à souhait, mais dans l'ensemble, les évidentes restrictions budgétaires n'auront pas permis à la série de vraiment exploiter cet aspect, l'obligeant à rester relativement soft dans cette marche macabre exécutée au pas de course. Cependant, plus généralement, en dépit de ce décor funèbre, si Chakushin Ari crée une tension chez le téléspectateur qui pique sa curiosité et retiendra son attention tout le long du drama, il ne va pas pour autant jusqu'à véritablement faire peur. On reste bien souvent dans un suggestif de façade, inquiétant seulement. Au final, le drama paraît plus chercher à divertir en exploitant cette thématique populaire, qu'à réellement tenter de s'imposer comme une histoire d'horreur. C'est d'autant plus vrai qu'il paraît jouer sur les tonalités, enchaînant des scènes à suspense, d'autres toutes droit issues d'enquête policière classique, mais proposant aussi des parenthèses décalées plus humoristiques. Au fond, il permet surtout une incursion dans le suspense fantastique, sans véritablement franchir la ligne qui lui ferait embrasser réellement le genre avec lequel il flirte. A mon sens, cette approche reste un point fort - même si les amateurs de frisson en seront sans doute pour leurs frais - car elle constitue son originalité première, tranchant avec l'univers classique des j-drama.

    En fait, le principal écueil rencontré par cette série réside dans les moyens qui lui ont été alloués pour porter cette histoire à l'écran. Si elle n'est pas si vieille que cela, sa réalisation, et surtout la teinte de ses images, renvoie une impression de drama très cheap, renforçant son aspect "série B". Sans doute dotée d'un budget assez restreint, la mise en scène demeure donc assez limitée, avec des effets spéciaux assez rares, qui ne cherchent pas vraiment à être convaincants, mais plutôt à créer une ambiance un peu à part, assez décalée. Ces limites formelles peuvent sans doute quelque peu rebuter dans un premier temps. Cependant, elles accentuent le côté quelque peu intimiste de la série, dédramatisant son sujet d'horreur et permettant donc d'apprécier l'histoire avec plus de distance ; et, pour les plus endurcis des téléspectateurs, cela fait probablement naître un certain second degré qui confinerait presque à de l'humour. Ce côté étriqué ne m'a pas dérangé, au contraire. Si j'ai toujours pris soin d'éteindre consciencieusement mon téléphone avant d'oser lancer un épisode, et si la sonnerie glaçante a résonné quelques temps dans ma tête, j'ai apprécié la forme comme un parti pris afin d'alléger un peu l'ambiance. Volontairement ou non (je soupçonne fortement que cela n'a pas été fait à dessein), elle laisse ainsi au téléspectateur le choix de rentrer dans l'intrigue et de se laisser entraîner dans cet enchaînement macabre. Ce qui fait que ceux qui rechercheraient un vrai drama d'horreur pourront peut-être déçu en découvrant Chakushin Ari.

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    Bilan : Chakushin Ari est un divertissement fantastique, qui s'approprie les codes de l'horreur, sans pour autant embrasser totalement ce genre. Tranchant dans les sujets classiques des séries japonaises, elle propose une histoire prenante, assez tendue, dans laquelle le téléspectateur n'a aucun souci pour s'immerger, en dépit de limites formelles un peu dommageable. Bref, pour qui cherche à élargir son horizon téléphagique au-delà des univers classiquement portés à l'écran par la télévision japonaise, Chakushin Ari est une expérience intéressante (et non traumatisante !).


    NOTE : 6/10


    (Suite à une rédaction technique et temporelle assez compliquée aujourd'hui - vous avez été à deux doigts de ne  pas avoir de dimanche asiatique -, je n'ai pas pu faire de screen-captures afin d'illustrer cet article. La photo centrale est issue de l'article consacré à ce drama sur le blog de Nakayomi (qui ne m'en voudra pas j'espère), que je vous invite à aller lire : ici.)