Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/06/2013

(J-Drama) Tsumi to Batsu : est-il possible de s'arroger le droit de tuer ?

tsumitobatsu0_zpse20b2cad.jpg

En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Je vous propose de revenir sur ce qui semble devoir être le thème marquant de mon printemps sériephile : se glisser dans la tête d'un tueur. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas seulement d'être témoin de crimes ou de suivre une enquête, mais bien d'apprendre à connaître au quotidien, tout au long d'une série, un personnage principal ayant commis ou s'apprêtant à commettre un (ou des) meurtre(s). Dexter est passé par là, mais il y aurait sans doute tout un article à écrire (c'est d'ailleurs un de mes projets qui verra peut-être le jour) sur la façon de jouer sur cette intimité pour susciter le malaise. The Fall en Angleterre et Hannibal aux Etats-Unis ont décliné ce thème d'une façon qui leur est propre, c'est également le cas de la série japonaise sur laquelle je vais revenir aujourd'hui.

Tsumi to Batsu : A Falsified Romance est un renzoku de 6 épisodes qui a été diffusé du 29 avril au 3 juin 2012 sur la chaîne câblée WOWOW. 'Tsumi to Batsu' signifie littéralement 'Crime et Châtiment'. Il s'agit d'une adaptation d'un manga éponyme d'Ochiai Naoyuki, lui-même se réappropriant les thèmes d'un classique de la littérature russe, 'Crime et Châtiment' de Fiodor Dostoïevski. Par la noirceur des sujets mis en scène, Tsumi to Batsu s'inscrit dans la droite lignée d'une autre série proposée l'an passé sur WOWOW, Shokuzai (sortie au cinéma en France il y a quelques semaines). Marquante par l'approche directe avec laquelle elle traite ces thématiques, Tsumi to Batsu n'atteint cependant pas le rang d'incontournable de sa prédécesseur. Elle n'en reste pas moins un visionnage recommandé pour plusieurs raisons.

[La critique qui suit contient des spoilers sur le déroulement de l'intrigue.]

tsumitobatsuf_zps8f9cdfba.jpg

Tachi Miroku est un jeune homme, asocial et renfermé, qui rêve de devenir écrivain. Il a été profondément marqué par le suicide de son père dans sa jeunesse. Sa mère et sa soeur l'ont toujours couvé depuis, nourrissant d'importantes ambitions pour son futur. Mais après avoir été envoyé poursuivre ses études en ville, Miroku cesse rapidement d'assister aux cours de l'université. Il réussit à faire publier une première nouvelle, dont il reste insatisfait : en transposant à l'écrit les principes fantasmés d'un tueur dans son bon droit, c'est une oeuvre déconnectée de la réalité, formellement irréprochable, mais trop artificielle sur le fond pour toucher.

Un jour, Miroku est accosté par une jeune lycéenne, Risa, qui fait du racolage dans la rue. Un peu plus tard, il la recroise à un café. Il découvre alors qu'elle appartient à un groupe de lycéennes se prostituant, géré d'une main de fer par l'une d'entre elles, Baba Hikaru. Cette dernière a des liens avec un groupe de yakuza, leur remettant une partie des sommes gagnées par ces activités. Face à cette adolescente glaçante, Miroku songe à son livre, à l'idéal de tueur qu'il y avait décrit. Il décide de plannifier le meurtre de Hikaru. Mais les évènements ne vont pas se dérouler comme prévu... D'autant qu'une fois l'irréversible commis, le jeune homme peut-il vraiment rester ce tueur détaché qu'il fantasme ?

tsumitobatsuc_zps48946b3b.jpg

La première chose qui marque devant Tsumi to Batsu est l'extrême noirceur ambiante, à la fois troublante et malsaine. La série entraîne le téléspectateur dans les pires recoins de la nature humaine, avec un récit empreint d'un pessimisme pesant dont les manifestations vont être parfois très éprouvantes à visionner. Si l'histoire tourne autour de l'évolution de Miroku et des choix qu'il va faire, le meurtre n'est pas le seul thème glaçant de l'intrigue, puisque seront abordés et mis en scène, au cours des six épisodes, la prostitution, le proxénétisme, le viol ou encore le suicide... Le drama est d'autant plus marquant qu'il ne se limite à du simple suggestif, profitant de sa diffusion sur une chaîne câblée : outre les violences sexuelles filmées, c'est la mise en scène des meurtres de Miroku qui hante durablement le téléspectateur. L'inexpérience et la tension du moment troublent ses actes : la maladresse pleine de détermination avec laquelle le couteau s'abat, méthodiquement, par trois fois, sur l'adolescente qu'est Hikaru, avant qu'elle ne perde conscience, sont des images d'une force brute presque insoutenable. L'irréversible se réalise soudain, difficilement, et la réalité se change en horreur très concrète quittant le champ des seules idées.

Cependant, ce n'est pas juste par ces faits que Tsumi to Batsu marque, c'est aussi par l'approche psychologique  que le drama propose de son personnage central. Il nous glisse dans l'esprit troublé de Miroku, tentant (vainement) d'expliquer l'inexplicable raisonnement qui le conduit à tuer. Emmuré dans une colère irrationnelle face à des proches trop présents qui se sont obstinés à dépeindre en modèle un père qui a pourtant failli en tout auprès de sa famille, le jeune homme est animé d'une rage et d'une volonté d'émancipation qui l'entraînent dans des fantasmes dangereux. Se rêver écrivain, cela lui permet d'apposer sur le papier ses réflexions, de mettre en mots ses obsessions qui sont les reflets de ses propres ambitions : l'idée de séparer les faibles, les nuisibles, des supérieurs qui sont capables de prendre et d'assumer de légitimes décisions qui impliquent prendre une vie. Si bien que, quand il rencontre Hikaru, jeune femme à la cruauté froide et inaccessible, il veut la réduire au silence. Tuer cette lycéenne proxénète, c'est prendre le dessus sur elle, l'écraser et se prouver quelque chose à lui-même dans la logique tourmentée et paradoxale qui est la sienne : Miroku souffre d'un complexe d'infériorité, tout en aspirant à une supériorité, notamment morale, grâce à laquelle il entend se détacher du commun des mortels.

Or, le plan de Miroku dérape quand une autre adolescente surgit sur les lieux où il vient de tuer Hikaru : Risa, innocente égarée et trop confiante, méprend ses motivations et en paiera le prix de sa vie. Suite à ces actes, Tsumi to Batsu s'intéresse à la manière dont ils vont affecter le jeune tueur. Car Miroku découvre après coup qu'il n'est pas ce prédateur fantasmé vers lequel il souhaitait tendre, et la mort de Risa le hante. L'introduction d'un nouveau personnage, Echika, une autre âme écorchée et brisée mais qui s'accroche, va provoquer une évolution. L'étrange relation qui se développe entre les deux est assurément inclassable. Elle aboutit à des échanges contradictoires, ambivalents, d'une rare intensité, esquissant des réflexions sur la dépendance et la solitude, sur le bonheur et le sacrifice fait en conscience pour blesser, sur l'amour et la violence légitime... Dans cette dernière partie, le drama sonne toujours aussi désespéré, mais après la dérive, vient le temps pour Miroku de faire face. La repentance implique d'expier ce qui a été commis. Poussé par Echika, il substitue, à son ancien idéal de supériorité détachée, une quête vers cette humanité qui lui fait tant défaut dans l'esprit troublé qui est le sien. Mesurer cette absence sera sa prise de conscience personnelle des actes qu'il a commis, venant ainsi conclure six épisodes de progressions et d'interrogations très éprouvants.

tsumitobatsuh_zpsabd6c013.jpg

Sur la forme, Tsumi to Batsu est un drama au-dessus de la moyenne dans le petit écran japonais : on y retrouve le soin généralement apporté aux séries proposées par WOWOW. La photographie reste dans l'ensemble volontairement froide, avec une réalisation qui est de très correcte facture. La bande-son n'est pas trop envahissante, avec certains passages dans lesquels transparaît musicalement la solennité propre au sujet. Cette ambiance musicale reflète assez bien la tonalité du récit, à l'image de la chanson qui vient conclure les épisodes est 'Mabushii Asa' du groupe Merengue (cf. la vidéo ci-dessous pour une écoute).

Enfin, Tsumi to Batsu bénéficie d'un casting qui saura trouver le ton juste pour porter à l'écran ces personnages et ces thèmes durs et complexes. Le rôle de Tachi Miroku est confié à Kora Kengo (Shotenin Michiru no Mi no Uebanashi), qui semble destiné à devoir incarner ces figures de tueur poussé à bout : souvenez-vous de son rôle dans Marks no Yama également sur WOWOW, dans Tsumi to Batsu, il reste dans un registre finalement pas si éloigné. A ses côtés, on retrouve Mizukawa Asami (Nodame Cantabile, Last Friends, Gou), une jeune femme qui va, par ses propres tragédies, réussir à atteindre Miroku. Baba Hikaru est interprétée par Hashimoto Ai (Hatsukoi). On retrouve également Ibu Masato (Koshonin, Rinjo, Last Money ~Ai no Nedan~), Sometani Shota (Hei no Naka no Chuugakkou, Gou, xxxHOLiC) ou encore Tanaka Tetsushi (Yakou Kanransha).

tsumitobatsuz_zps3aa3e8b4.jpg
tsumitobatsuz2_zps2601fb8f.jpg
tsumitobatsuy_zps738234f1.jpg

Bilan : Fiction extrêmement sombre, Tsumi to Batsu est un drama très dense et éprouvant à visionner, dont la façon brute et directe d'aborder des thèmes difficiles marque durablement. C'est un récit entièrement dédié à son personnage central : il ne s'agit pas seulement d'en suivre les actions, mais aussi de nous glisser dans son esprit. Au fil de ses réflexions et de la progression que Miroku connaît, une confusion ambiante difficile à appréhender ressort, pouvant dérouter le téléspectateur : elle n'est que le reflet des propres troubles du jeune tueur. Faire le choix de privilégier une telle approche psychologique était en soi un défi complexe, et Tsumi to Batsu n'évite pas quelques écueils. La narration manque aussi parfois de consistance dans sa façon de relier ses diverses storylines éclatées autour de sa figure principale. L'ambition n'en reste pas moins manifeste : cette expérience, même si elle n'est pas exempte de limites, mérite le coup d'oeil, et se démarque dans le petit écran japonais.


NOTE : 7,5/10


Le clip de la chanson qui conclut chaque épisode (
'Mabushii Asa', par Merengue) :

19/06/2013

(J-Drama) Tsugunai (The Unforgiven) : l'histoire d'une reconstruction personnelle

tsugunaib_zpsec237812.jpg

Retour au Japon en ce mercredi asiatique ! L'occasion de nous intéresser à un court renzoku diffusé à la fin de l'année dernière (du 17 novembre au 1er décembre 2012) sur NHK BS Premium : Tsugunai (The Unforgiven). Comptant en tout 3 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun, il s'agit de l'adaptation à l'écran d'un roman portant le même titre de Yaguchi Atsuko, publié en 2001. C'est une review de Kerydwen il y a quelques mois qui avait attiré mon attention sur cette fiction, son sujet paraissant prometteur : on y retrouve ce thème du retour à la vie (réussi ou non) qui reste prisé dans le petit écran japonais (pas plus tard qu'il y a trois semaines, souvenez-vous de Haitatsu Saretai Watashitachi par exemple). Mêlant un parcours introspectif personnel et des enquêtes criminelles, Tsugunai s'est révélée être une oeuvre intéressante à plus d'un titre, même si son approche n'est pas exempte de limites.

tsugunaii_zps82dc2a57.jpg

Autrefois brillant neurochirurgien promis à une belle carrière, Hidaka Eisuke privilégiait son métier à sa famille. Mais un jour, tout a déraillé dans cette vie parfaitement ordonnancée : alors que ses ambitions professionnelles se sont assombries, se retrouvant réduit à un rôle de bouc-émissaire pour l'hôpital suite à une plainte, Eisuke est incapable d'empêcher le brusque décès de son fils. Sa femme ne se le pardonnera pas : elle se suicidera sous ses yeux quelques temps plus tard. Eisuke s'enfonce alors dans une spirale de désespoir. S'estimant responsable de ces tragédies, ayant perdu goût à tout, il devient un marginal. N'ayant plus de domicile, il erre désormais sans but apparent, perdu dans sa propre douleur et persuadé qu'il mérite tout ce qui lui arrive.

Lorsque le drama débute, ses pas le ramènent pourtant, malgré lui, dans sa ville de départ. Un soir, il est témoin du début d'un incendie dans un immeuble. Ayant donné l'alerte, il est vite suspecté par les policiers lorsque l'autopsie des victimes du feu révèle une agression antérieure. L'interrogatoire au commissariat fait ressurgir son identité, et le renvoie à un passé qu'il aurait aimé laisser derrière lui. Il est contraint de renouer avec une connaissance d'autrefois qui souhaite l'aider à sortir de l'enfer personnel dans lequel il s'est enfermé. Forcé de rester sur place sur ordre des autorités, Eisuke se retrouve en plus confronté à de nouveaux meutres dans le même quartier où a lieu l'incendie.

Impliqué dans l'enquête sur l'insistance des policiers, Eisuke voit ses soupçons se porter vers une personne qu'il a sauvée il y a 12 ans. A-t-il aussi sa part de responsabilité dans ces drames qui frappent la ville ?

tsugunaij_zps0c17cdfe.jpg

Tsugunai est un drama bâti autour de deux volets : il met en avant une approche intime qui va être l'histoire d'une reconstruction, tout en l'imbriquant dans une suite d'enquêtes criminelles. Ces dernières font office de fil rouge, mais restent pourtant en arrière-plan dans les enjeux, car il ne s'agit pas d'une fiction policière classique. L'intérêt de ce versant d'investigation tient à la collaboration exigée de la part d'Eisuke, laquelle va servir de catalyseur, d'électrochoc pour provoquer des rencontres et remobiliser l'ancien chirurgien. Ce qui est au coeur du récit, ce sont avant tout ses personnages ; les enquêtes n'ont d'intérêt que pour l'impact qu'elles ont sur ces derniers. Cela explique certaines limites : elles progressent à leur rythme, sans vraiment chercher ni tension, ni suspense. Si Tsugunai s'en tire au final assez honorablement pour proposer une résolution cohérente les différents crimes - connectés ou non -, le téléspectateur doit cependant passer outre un certain nombre de raccourcis ou de facilités auxquels cède le scénario, que les quelques twists attendus ne parviennent pas à masquer. Outre cette fonction de fil conducteur déclencheur, ce versant policier a aussi le mérite d'apporter au récit un duo d'enquêteurs à la dynamique intéressante,  dont les rapports avec Eisuke vont s'avérer déterminants.

Cependant, c'est dans son thème central, celui de la quête expiatoire, que Tsugunai forge son ambiance particulière. Un questionnement sous-tend l'ensemble du récit : une personne brisée peut-elle guérir ? Ceux dont l'âme même a été atteinte peuvent-ils retrouver, d'une façon ou d'une autre, grâce au temps ou à des évènements, ce goût à la vie perdu ? Le drama propose un récit très humain et personnel en suivant les pas d'Eisuke. Les circonstances lui offrent, pour ce retour dans la ville où tout a commencé, une voie possible vers la reconstruction. Entraîné dans les enquêtes policières malgré lui, il est contraint de sortir de sa léthargie. Des réflexes oubliés ressurgissent alors, et il s'implique à nouveau dans la vie de personnes qu'il croise, et il va même agir, à son niveau, sur leur existence. Dans ce cadre, la série ne ménage pas le recours à des parallèles symboliques pour caractériser le parcours d'Eisuke, lui faisant renouer avec son passé, mais aussi faire face aux conséquences d'anciennes actions. Cela permet la mise en scène d'une évolution progressive d'Eisuke (il n'y a pas de miracle du jour au lendemain), rendue touchante par le partage de ses états d'âme. Le téléspectateur s'implique ainsi à ses côtés. De plus, l'expiation et la guérison seront des thèmes qui toucheront au-delà du protagoniste principal : en lui offrant la possibilité d'aider certains, c'est lui-même qu'il va aider.

tsugunaik_zps7aab3f24.jpg

Sur la forme, Tsugunai bénéficie d'une mise en scène relativement soignée, avec une photographie bien dosée aux couleurs souvent épurées. Le temps caniculaire dans lequel se déroule le drama se traduit par quelques effets à l'écran illustrant la vague de chaleur et qui renforcent un ressenti d'atmosphère poisseuse et lourde. De manière générale, il se dégage de l'ensemble une sobriété et un ton posé, renforcés par une bande-son qui reste sur la réserve, accompagnant l'histoire sans jamais se faire envahissante.

Enfin, côté casting, Tsugunai offre avant tout une belle occasion à Tanihara Shosuke (Love Shuffle, Mop Girl, Magma) de s'exprimer pleinement dans un rôle qui ne laisse pas insensible. L'acteur se révèle capable d'apporter ce qu'il faut de nuance à la douleur et à la prostration dans laquelle son personnage semble s'être noyé, apportant progressivement à ce portrait des touches de ce retour à la vie qu'il connaît. A ses côtés, on retrouve notamment Kimura Tae (LADY~Saigo no Hanzai Profile~), Ashina Sei (Cleopatra na Onnatachi, Yae no Sakura), Imai Yuki (Shima no Sensei), Komoto Masahiro (Marks no Yama, Magma) ou encore Nakahara Takeo (Hagetaka, Zettai Reido).

tsugunail_zps20331820.jpg

Bilan : Récit empreint d'humanité, Tsugunai est une déclinaison particulière, engageante et assez convaincante, de ce thème fort qui est celui de la guérison, d'un retour à la vie aux accents de reconstruction. L'histoire retient l'attention avant tout pour le parcours personnel mis en scène, le volet policier étant un fil rouge provoquant ces évolutions, sans prendre le pas sur elles. Si le drama se concentre sur Eisuke, il faut cependant saluer le fait qu'il sait créer différentes dynamiques relationnelles intéressantes, même si le format court ne permet pas de toutes les explorer pleinement. La narration se heurte à certaines limites et cède à des facilités, mais Tsugunai reste une histoire simple et touchante, sur la manière de clôturer les tragédies du passé afin de pouvoir envisager un futur, qui se visionne avec plaisir.


NOTE : 7/10

29/05/2013

(J-Drama / Pilote) Haitatsu Saretai Watashitachi : les lettres d'un espoir

haitatsusaretaiwatashitachi0_zps6117b33a.jpg

En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Certes, la saison printanière n'y est pas très enthousiasmante, mais heureusement, on peut toujours compter sur la chaîne câblée WOWOW pour venir rompre la morosité ambiante. A condition que ces dramas parviennent jusqu'à nous, car hélas, pour l'instant, pas de trace de sous-titres pour Sodom no Ringo ou Lady Joker - ce dernier drama m'intéresse d'autant plus qu'il se situe dans le même univers que Marks no Yama, série datant de 2010 : il s'agit de l'adaptation d'un autre roman de Takamura Kaoru, et Kamikawa Takaya y reprend son rôle de détective. Tout en continuant d'espérer pour ces fictions, l'absence de sous-titres ne se rencontrera heureusement pas pour le dernier WOWOW sorti ce mois-ci.

Diffusé depuis le 12 mai 2013, Haitatsu Saretai Watashitachi comptera 5 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun environ. Il a la particularité d'être (librement) basé sur une histoire vraie, celle de Isshiki Nobuyuki, à qui a été confié l'écriture du scénario. Si l'histoire traite de thèmes sombres, puisqu'elle évoque dépression et projet de suicide, comme l'affiche colorée le suggérait, il ne s'agit pas de verser dans un registre trop larmoyant. L'idée directrice est de tenter de repartir de l'avant, et les premiers épisodes sont prometteurs. Habituellement, j'attends d'avoir tout vu avant de rédiger un billet sur les dramas de WOWOW du fait de leur durée courte, mais comme je préfère passer du temps à écrire sur des séries que j'ai appréciées plutôt que l'inverse, aujourd'hui sera une exception ! Rien ne m'interdit d'y revenir ultérieurement dessus ensuite.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

haitatsusaretaiwatashitachim_zps183990c8.jpg

Haitatsu Saretai Watashitachi est l'histoire de Sawano. Marié, père d'un petit garçon de 6 ans, ce trentenaire semble a priori tout avoir pour être épanoui. Mais, depuis 2 ans, il s'est comme éteint. Il a perdu goût à la vie, se détachant de toute émotion et d'un quotidien qui semble se poursuivre en l'oubliant sur le bas-côté. Sans travail, sous traitement médical, il ne fait rien de ses journées, sinon traîner son mal-être. Cette situation étant devenue pour lui intenable, il décide un jour d'en finir, choisissant de se suicider dans un cinéma abandonné. Il échoue dans son projet, mais découvre dans la salle une vieille sacoche de courriers qui contient encore 7 lettres intactes.

Sawano se fixe alors pour mission de délivrer à leurs destinataires ces enveloppes : 7 courriers à apporter qui vont constituer pour lui un nouveau décompte avant de mettre, cette fois-ci sans contre-temps, fin à ses jours. La première personne qu'il rencontre par cet intermédiaire est une coiffeuse, Yu, qui vient de perdre son père. La jeune femme trouve dans cette lettre qui a mis tant d'années à lui parvenir un réconfort inattendu. Reconnaissante et intriguée par cet étrange facteur, elle décide de tenter de lui redonner goût à la vie, tout en l'aidant à délivrer les lettres restantes.

haitatsusaretaiwatashitachic_zpsd0d9db41.jpg

Haitatsu Saretai Watashitachi s'ouvre sur une première scène marquante : une jeune coiffeuse, isolée dans son salon, contemple un rasoir qu'elle a posé contre sa jugulaire. Plus tard dans l'épisode, nous sera également relatée l'échec de la tentative de suicide par pendaison de Sawano qui l'a conduit à la découverte des lettres égarées. Le ton est donc donné : ce drama aborde un sujet difficile. Pour autant, il va éviter sans difficulté l'écueil du pathos excessif. Certes, il met en scène un personnage désabusé et cynique qui n'aimerait rien tant que s'enfermer dans sa détresse personnelle et mener de manière détachée son nouveau compte-à-rebours pour en finir. Mais la remise de ces vieilles lettres qu'il a entreprise vient perturber de façon inattendue ses projets. Pour Yu, à qui il remet le premier courrier alors qu'elle tenait un rasoir contre sa gorge, l'écrit reçu est un électrochoc. Il lui apporte ce dont elle avait besoin dans ces circonstances de deuil qu'elle traverse. Se sentant redevable, la jeune femme se montre entreprenante : Sawano a peut-être baissé les bras, mais Yu se donne pour mission de changer cela, afin de lui rendre la pareille.

Par son étrange office de facteur retardataire, Sawano enclenche ce qui va être le véritable fil rouge du drama : une quête pour reprendre goût à la vie. En remettant leurs lettres à ces sept personnes laissées pour compte des services postaux, c'est sur lui-même que Sawano va agir, sans l'avoir anticipé. En effet, ces courriers apportent quelque chose de précieux à leurs destinataires : une information qui jette un nouvel éclairage sur certains évènements, un souvenir cher, ou bien encore une raison de repartir de l'avant après un temps d'égarement. L'écrit conserve de plus une force particulière à l'ère de la dématérialisation d'internet. Il est chargé d'émotions, et ce sont ces dernières qui, par ricochet, vont tenter d'atteindre ce messager récalcitrant qu'est Sawano. Ces lettres ne sont donc pas là pour réduire la série à une succession d'histoires individuelles poignantes : tout en conférant une dimension humaine au récit, ce qui importe est la manière dont elles peuvent toucher celui qui les remet... Sans le savoir, malgré lui, il s'est ouvert une possible voie vers un retour à la vie. Pour le moment, il y reste insensible. Rien ne dit qu'il saisira cette opportunité. Mais l'ouverture est là, et cela suffit pour impliquer le téléspectateur.

Tout en utilisant assez habilement son concept de départ, Haitatsu Saretai Watashitachi a aussi pour lui une justesse d'écriture très engageante. Les dialogues sonnent sincères et authentiques, avec une tonalité changeante bien dosée. Plus d'une fois, les scènes prennent à rebours les attentes dramatiques : qu'il s'agisse d'insuffler de brefs passages plus légers, voire décalés, ou bien de mettre en scène des confrontations explosives pour essayer de sortir Sawano de la léthargie dans laquelle il se laisse enfermé. L'ensemble apparaît donc solide. Par ailleurs, l'autre atout du drama est la manière dont il va mettre en mots la dépression dont souffre son héros, choisissant une approche directe appréciable : Sawano partage sans artifice, avec le téléspectateur, ses ressentis et essaie de retranscrire ce vide pesant qui s'est abattu sur lui. Cela donne des passages très poignants et forts - le vécu du scénariste joue sans doute ici un rôle important : c'est par exemple le cas du monologue de fin du premier épisode, où Yu découvre le mail de suicide inachevé de Sawano. Ces propos touchent en plein coeur, faisant preuve d'une sensibilité rare. Ils font office de déclic final pour parachever un pilote convaincant.

haitatsusaretaiwatashitachil_zpse3567df9.jpg

Sur la forme, Haitatsu Saretai Watashitachi bénéficie d'une réalisation correcte. C'est par son ambiance musicale que le drama se démarque particulièrement. Je l'aurais probablement qualifiée d'envahissante si j'avais croisé cette bande-son dans toute autre série. Mais dans celle-ci, il y a une adéquation entre la tonalité du propos et les choix musicaux qui permet à l'ensemble de fonctionner, voire même d'insuffler une vitalité ou une dimension supplémentaire à certaines scènes, qu'il s'agisse des instrumentaux déchirants ou des morceaux plus légers et dynamiques. Le drama marche sur une fine ligne, mais semble ici tenir un cap intéressant. De plus, c'est une chanson très sympathique qui clôture les épisodes (Niji wo tsukamu hito, par Sano Motoharu), de façon à laisser le téléspectateur éteindre sa télévision sur une bonne note.

Côté casting, c'est à Tsukamoto Takashi (Manhattan Love Story, Tempest) qu'est confié le rôle de Sawano : interpréter une figure déprimée et sans émotion n'est pas un rôle qui sollicite beaucoup l'expressivité d'un acteur, il se glisse dans ce personnage sans difficulté. Ma satisfaction de ces deux premiers épisodes vient surtout de mes retrouvailles avec celle qui va jouer les trouble-fêtes dans le compte-à-rebours de Sawano, apportant une énergie qui vaut pour deux, à savoir Kuriyama Chiaki : c'est une actrice pour qui j'ai beaucoup d'affection depuis Hagetaka et Atami no Sousakan. Hasegawa Kyoko (M no Higeki, Yae no Sakura) joue quant à elle l'épouse de Sawano. Au cours du périple de ce dernier, il va être amené à croiser toute une galerie de personnages, interprétés par des acteurs pour beaucoup familiers du petit écran japonais, parmi lesquels on retrouve notamment Ishiguro Ken, Sato Jiro, Horibe Keisuke, Emoto Tasuku, Nishioka Tokuma, Kurotani Tomoka, Kaito Ken, Nakao Akiyoshi, Tabata Tomoko ou encore Kondo Yoshimasa.

haitatsusaretaiwatashitachij_zps295e6471.jpg
haitatsusaretaiwatashitachin_zps6435ec2c.jpg

Bilan : Haitatsu Saretai Watashitachi signe des débuts réussis, en parvenant à exploiter avec habileté cette thématique lourde et difficile qu'est celle de la dépression et du suicide. Mettant en avant une dimension humaine appréciable et pouvant s'appuyer sur une écriture qui démontre beaucoup de justesse et de sobriété, ce drama apparaît comme une quête pour retrouver goût à la vie. Si Sawano ne veut pas être sauvé, ses remises de lettres égarées vont influer sur le destin de leurs destinataires, lui ouvrant indirectement de nouvelles perspectives. On retrouve ainsi dans Haitatsu Saretai Watashitachi une vitalité inattendue, en dépit de la détresse manifeste de son personnage principal. Du fait de l'arc narratif suivi, c'est une série dont la pleine portée s'appréciera au terme de ses cinq épisodes, mais ses débuts sont indéniablement riches et prometteurs. A suivre !


NOTE : 7,75/10

22/05/2013

(J-Drama / SP) Ri Kouran : une artiste entre Chine et Japon

rikouran0_zpseacb97fd.jpg

En ce mercredi asiatique, poursuivons l'exploration du petit écran japonais avec un tanpatsu historique datant de quelques années. Ri Kouran a en effet été diffusé sur TV Tokyo en février 2007. C'est une mini-série en deux parties, de 2 heures chacune, qui nous entraîne dans la Chine des années 30 et 40, notamment dans la Mandchourie sous la tutelle du Japon impérial. Son thème, celui d'une personnalité s'efforçant d'être un pont entre les peuples chinois et japonais dans ce contexte très difficile, rappellera aux plus anciens lecteurs de ce blog un intéressant tanpatsu, datant de 2003, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Ce dernier relatait l'union d'un prince chinois de la dynastie Qing et d'une jeune noble japonaise.

Couvrant la même période, Ri Kouran propose lui d'aborder le sujet des rapports entre la Chine et le Japon sous un autre angle : celui du biopic d'une célèbre chanteuse et actrice japonaise qui se fit passer pour chinoise et fit d'abord carrière dans ce pays qui l'avait vue grandir. Le drama est d'ailleurs basé sur l'autobiographie de cette dernière, "Ri Kouran" wo Ikite: Watashi no Rirekish. Pour ceux qui ont vu Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, vous vous rappelerez peut-être que Ri Kouran y apparaissait brièvement : elle était alors interprétée par Amami Yuki [Vous pouvez revoir sa scène d'introduction par là]. Pour ce qui est de ce tanpatsu, le rôle a été confiée à Ueto Aya. Si Ri Kouran n'atteint pas la même ampleur que Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, il partage avec lui un sujet fort et une dimension culturelle et historique qui méritent un éclairage. 

rikourand_zps6bb413c5.jpg

Ce drama s'intéresse à la période que Ri Kouran, de son vrai nom Yamagushi Yoshiko, passa en Chine, donc à ses vingt-cinq premières années (elle est née en 1920). Ce n'est d'ailleurs qu'à l'âge adulte que la jeune femme découvrira pour la première fois le Japon. En effet, Yoshiko est née et a grandi dans la Mandchourie occupée, bientôt érigée en Etat pantin, Mandchoukouo. Depuis toujours, elle a été immergée dans la culture chinoise. Non seulement son père, professeur de langue enseignant le mandarin, s'est-il assuré qu'elle serait bilingue, mais elle devient aussi la fille adoptive de dignitaires chinois, amis de ses parents. Elle est même envoyée faire ses études à Pekin, alors que les tensions sino-japonaises sont au plus fort.

Initiée au chant par une professeure russe lorsqu'elle était adolescente pour raffermir des poumons maladifs, elle fait ses débuts en tant que chanteuse et actrice chinoise, sous le nom de Li Xianglan (Ri Kouran en japonais). Si elle pensait avec la naïveté de la jeunesse que l'art pouvait unir les peuples, elle se retrouve vite embrigadée dans des oeuvres de propagande japonaise en Mandchourie, apparaissant dans des films qui déclenchent plus d'une controverse. Son étoile et son statut n'en continuent pas moins de s'élever, son chant traversant les nationalités et les frontières, sa popularité atteignant même le Japon.

Mais cette carrière initiée à la fin des années 30 est rattrapée par la réalité des conflits et la guerre. Ri Kouran est prise entre deux peuples, et deux loyautés. Après la reddition du Japon en 1945, elle est arrêtée et menacée d'être exécutée comme traître à la Chine.

rikouranp_zps60ae5371.jpg

Si Ri Kouran est le récit d'une destinée personnelle, son intérêt tient d'abord au fait qu'il relate une vie menée malgré les tourbillons d'une Histoire difficile. Il offre un éclairage complet sur la période des décennies 30-40 en Asie. En effet, suivre les pas de Yoshiko à travers la Chine, de la Mandchourie jusqu'à Shangai en passant par Pekin, est l'occasion de proposer en filigrane une riche reconstitution historique. Dès son plus jeune âge, celle qui deviendra Ri Kouran est témoin des exactions japonaises - notamment une exécution qui la marquera profondément. La politique expansionniste du Japon impérial se poursuivant, Yoshiko assiste impuissante à la montée des tensions. 1937 signe un premier tournant, avec le début de la guerre sino-japonaise. Au gré de ses périples, la jeune femme croisera différentes figures historiques, comme Kawashima Yoshiko, princesse mandchoue qui restera dans la mémoire collective surnommée la "Mata Hari orientale".

Par ailleurs, la jeune actrice-chanteuse ne sera pas seulement touchée par le conflit avec la Chine, voyant des amis chinois embrasser la lutte contre le Japon, elle perdra aussi des êtres chers dans l'escalade qui se poursuit, cette fois, avec la Guerre du Pacifique. A travers ses yeux, le drama relate de façon synthétique et didactique tous les évènements qui, de Pearl Harbor aux bombes atomiques, en passant par la bataille des Philippines et Iwo Jima, vont conduire à la reddition japonaise de 1945. Se voulant rigoureuse, la narration manque parfois un peu de fluidité. Mais il faut y voir surtout le sérieux avec laquelle tout cela est rapporté, car il y a une volonté manifeste de fidélité pour transposer à l'écran les passages les plus marquants de l'autobiographie dont le drama est l'adaptation. Cela occasionne des déchirements jusqu'aux dernières minutes du drama, lorsque Yoshiko apprend que les parents de sa meilleure amie russe furent victimes de l'unité 731.

rikouranf_zpsab6b2bfb.jpg

Cependant si Ri Kouran est une occasion intéressante pour évoquer tout un pan d'Histoire, le drama se démarque d'autres fictions du genre en raison de la particularité de sa figure principale : ce n'est pas seulement l'histoire d'une japonaise, c'est surtout le portrait d'une figure profondément liée à la Chine, et qui va donc se retrouver prise entre deux cultures, écartelée entre deux loyautés qui ne peuvent qu'être antagonistes dans le contexte d'alors. Les premières années de la carrière de Ri Kouran sont d'ailleurs placées sous le signe de cette ambivalence constante, le drama n'hésitant pas à mettre en exergue ses rapports ambigus avec le Japon. Sa carrière se construit et se nourrit du flou entretenu autour de sa nationalité : parfaitement bilingue du fait de son éducation, elle peut sans difficulté se prétendre chinoise, et c'est ce qui lui sera demandé.

Du haut de son adolescence et d'une jeunesse forcément empreinte de naïveté, elle pense qu'une artiste peut s'élever par-dessus les frontières et les peuples, pour constituer un pont, un point d'union par-delà les tensions. D'une certaine façon, elle va réussir à trouver un écho auprès de ses deux peuples qui lui sont chers, mais au prix d'une instrumentalisation par l'industrie japonaise du spectacle installée en Mandchourie. Ri Kouran découvre en effet un monde de la culture politisé, aussi marqué par les tensions que le reste de la société, au sein duquel les oeuvres deviennent des outils de propagande. Ce n'est que progressivement qu'elle prend conscience du poids des images et des responsabilités qu'elle doit porter lorsqu'elle accepte de tourner des scènes très mal accueillies par son public chinois. Entre l'idéal de communion de ces deux cultures qu'elle chérit et l'époque dans laquelle elle vit, il y a un gouffre qu'elle ne pourra combler. Mais à son niveau, avec ses moyens, elle gardera ses certitudes et ses convictions, jusqu'à la chute finale du drama où c'est désormais une Yoshiko âgée, qui tout en ayant conscience du lourd passif existant entre la Chine et le Japon, reste sur ses positions de conciliation, pour réunir ces deux cultures qui sont toujours chacune une part d'elle-même.

rikourana_zps5767275c.jpg

Sur la forme, Ri Kouran mérite surtout le détour pour l'ambiance musicale dans laquelle elle immerge le téléspectateur, retraçant ces premières années de la carrière de Ri Kouran en proposant quelques unes de ses oeuvres les plus emblématiques (pour des exemples, cf. les vidéos ci-dessous). Ces chansons chinoises confèrent au drama un charme certain. La narration trouve le juste équilibre entre ces quelques parenthèses musicales et le récit, évitant tout excès de chant. La réalisation est en revanche plus limitée : si la reconstitution historique est honnête, avec le recours opportun à des images d'archives pour apporter une dimension plus authentique, Ri Kouran ne parvient à recréer l'impression d'immersion dans une véritable fresque à laquelle parvenait Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei. La caméra et les effets d'images restent en retrait, se limitant à quelques effets de teinte colorés.

Enfin, côté casting, du fait du sujet du drama, Ri Kouran repose en grande partie sur les épaules de Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido). L'actrice n'a sans doute pas une palette de jeu la plus étendue qui soit, mais elle trouve la plupart du temps le ton qui convient pour interpréter ce personnage de star malmenée par les évènements et des circonstances si difficiles, et qui tente dont de trouver sa voie et de s'affirmer. A ses côtés, ce sont respectivement Hashizume Isao et Natori Yuko qui jouent les parents de Ri Kouran. On retrouve également au fil du drama Kikuawa Rei, Nakamura Shido, Sawamura Ikki, Ozawa Yukiyoshi, Ono Takehiko, Nakamura Fukusuke, Kaneda Akio, Tsuruta Shinobu, Nishida Ken ou encore Nakayami Megumi. L'ensemble demeure correct, même si quelques-uns versent dans le sur-jeu.

rikourans_zps5159a450.jpg
 rikourani_zps2fad1e68.jpg
rikourann_zpsb92431f1.jpg

Bilan : Ri Kouran est un tanpatsu intéressant qui repose sur un sujet fort, bénéficiant d'une figure centrale magnétique dont les rapports avec la Chine et le Japon sont chargés d'une ambivalence à part. Entremêlant la destinée personnelle de cette star et les violents soubresauts de la grande Histoire, le drama se fait souvent assez didactique, mais il reste capable d'impulser à l'ensemble une vitalité appréciable. Cependant certaines limites d'écriture et de mise en scène l'empêchent d'exploiter tout son potentiel. Sur ce dernier point, il est aussi possible que Ri Kouran souffre du fait que je l'ai visionné après Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Les thèmes des deux tanpatsus sont proches, mais je retiens du premier une oeuvre plus aboutie capable de marquer émotionnellement. Reste que ce sont toutes deux des fictions qui méritent assurément un coup d'oeil pour leur éclairage sur cette période, et pour leur message, porteuses chacune à leur manière d'espoir et de conciliation entre la Chine et le Japon.


NOTE : 6,5/10


Un extrait (musical) du drama :

Une chanson de Ri Kouran (avec des photos de la chanteuse/actrice) :

08/05/2013

(J-Drama / Pilote) Kumo no Kaidan : la naissance de désirs et d'ambitions, et leurs dérives

kumonokaidanb_zps0f4df2ef.jpg

Après un hiver plutôt positif côté petit écran japonais, revenons en ce mercredi asiatique sur la saison printanière qui a commencé depuis quelques semaines au pays du soleil levant. Sur le papier, il faut dire que peu de dramas donnaient vraiment envie de leur donner une chance. Il y en avait malgré tout quelques-uns, comme, par exemple, Take Five en grande partie grâce à son casting, mais le manque de moyens de la série l'empêche d'exploiter de façon convaincante un concept qui aurait pu être sympathique. Il y avait aussi Kumo no Kaidan : un synopsis qui disait peu de choses et n'était pas des plus engageants, mais un poster promotionnel troublant et plus sombre qu'attendu... et Hasegawa Hiroki dans le rôle principal (oui, si j'avais été honnête, j'aurais dû commencer par ce dernier argument pour expliquer mon choix).

Sauf que Kumo no Kaidan rappelle que l'on peut débuter une série sans avoir forcément de bonnes raisons pour venir s'installer devant, et y trouver des motifs légitimes pour y revenir la semaine suivante. J'ai été agréablement surprise par ce drama, peut-être parce que je n'avais a priori pas d'attentes particulières. Adaptation d'un roman du même nom de Watanabe Junichi publié en 1985, Kumo no Kaidan a débuté le 17 avril sur NTV, étant diffusé dans le créneau de 22h. La durée des épisodes varie entre 45 minutes et 1 heure. Si la série réussit à intriguer, c'est que derrière ses atours de medical drama, elle se concentre et exploite des ressorts humains chargés d'ambivalence, difficiles à catégoriser. C'est avant tout un human drama sur l'affirmation de soi et ses dérives qui tient là un thème intéressant.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des trois premiers épisodes.]

kumonokaidann_zps49655b90.jpg

Kumo no Kaidan débute dans une petite île (fictive) de moins de 500 habitants, Mikotojima, située dans l'archipel d'Izu au large de Tokyo. Pour satisfaire aux besoins médicaux des locaux, il existe sur place une petite clinique qui doit fonctionner avec des moyens et des effectifs réduits. Elle est dirigée par le seul médecin de l'île, Muraki Eiji. Pour l'assister, il utilise de plus en plus fréquemment les services du secrétaire de l'établissement, Aikawa Saburo. Autodidacte plongé dans ses livres de médecine, ce dernier ne réalise pas seulement des soins bénins : il est encouragé et poussé par le directeur à pratiquer des opérations chirurgicales autrement plus importantes. Saburo ne sait comment se positionner face à cela, d'autant qu'il est confronté à l'hostilité de ses collègues qui n'apprécient guère l'idée de voir exercer quelqu'un sans licence médicale, ce qui constitue une infraction pénale.

Cependant, les talents évidents de Saburo vont se révéler déterminants en plusieurs occasions. Tout d'abord lorsqu'une jeune femme, en visite sur l'île, doit subir une intervention d'urgence alors que le directeur est absent : Saburo assure l'opération et sauve ainsi la vie de Tasaka Akiko. Or, cette dernière est la fille du directeur d'un prestigieux hôpital de Tokyo. Enfermée dans la vie que ses parents lui ont tracé, Akiko est touchée par la gentillesse de Saburo à son égard, loin des médecins froids et cliniques qu'elle a l'habitude de fréquenter. Elle entreprend de se rapprocher de celui qu'elle croit médecin. Saburo ne la repousse pas vraiment, même s'il a entamé une relation avec une infirmière de la clinique, Suzuki Akiko. Les deux femmes laissent entrevoir plusieurs voies possibles pour Saburo, notamment celle de poursuivre l'exercice illégal de la médecine hors de l'île, Tasaka Akiko pouvant lui ouvrir bien des portes...

kumonokaidank_zps12ddbd06.jpg

Loin de se réduire à un simple medical drama ou à un dilemme amoureux, Kumo no Kaidan propose une histoire ambivalente qui éclaire et s'interroge sur les motivations humaines. Cette série entend avant tout mettre en scène l'ambiguïté et l'affirmation des désirs, des ambitions et des sentiments. L'écriture est assez minimaliste, efficace dans sa façon de suggérer les personnalités des différents protagonistes, sans en dire trop, laissant à l'interprétation du téléspectateur une part d'ombre et d'inconnu en chacun. Le triangle amoureux annoncé suit cette même tonalité duale, loin de l'intensité émotionnelle d'un Second Virgin. L'ensemble intrigue : le récit se construit autour d'indices ou d'informations laissés qui, à mesure que l'histoire progresse, dévoilent d'autres facettes des personnages. La série a pour fil rouge la progressive affirmation des souhaits de chacun, et surtout de la part d'ombre qui accompagne cette évolution - comme l'illustre la jalousie d'Akiko face à sa jeune rivale. La figure la plus emblématique de cette approche reste Saburo, protagoniste équivoque et difficile à cerner. Quelques éléments, comme sa compréhension et son intervention auprès de la jeune Akiko lorsqu'elle envisage le suicide, ne trompent pas sur l'existence d'un pan plus sombre, avec des blessures ou épreuves qu'il dissimule. Mais, à l'image de son passé, il reste avant tout un mystère.

Initialement, tout semble le désigner comme quelqu'un de passif et de maléable. Ce sont les circonstances et les ordres du directeur qui l'entraînent peu à peu dans la pratique illégale de la médecine. Lui hésite, refuse d'exprimer à haute voix ce qu'il souhaite, comme incapable de vouloir quelque chose. Pourtant, plusieurs signes sont révélateurs qu'il y a plus en lui que cet effacement volontaire : s'il fuit instinctivement les responsabilités, tremble longtemps après une opération, il reconnaît aussi l'excitation ressentie en salle d'opération. Peu à peu, il prend conscience de ce qu'il peut réaliser. A mesure qu'il s'affirme, il laisse entrevoir d'autres facettes qui l'éloignent de l'homme trop humble des débuts. En trois épisodes, le personnage évolue considérablement : le téléspectateur assiste à la naissance de nouveaux désirs, d'ambitions qui avaient été oubliées sur cette île perdue. C'est alors une voie dangereuse qui se dessine, loin de l'innocence des débuts : il ne s'agit plus d'aider des gens, mais de s'aider soi-même. Par ailleurs, si les sentiments des deux Akiko à son encontre sont évidents, ceux de Saburo restent flous, ambivalents, à l'image de son personnage. Le fait que l'histoire soit racontée, a posteriori, du point de vue de l'infirmière amoureuse renforce la construction dramatique du récit, annonçant un engrenage de décisions qui ne tend pas vers un happy end. Cela donne donc un drama intriguant dont le téléspectateur est curieux de connaître les transformations à venir.

kumonokaidanq_zps615b23b7.jpg

Sur la forme, Kumo no Kaidan est un drama avec un certain nombre de limites. L'atout de ces débuts tient au cadre offert par la petite île dans laquelle l'action s'ouvre : il offre à la caméra quelques beaux paysages et jolis bords de mer, de quoi apporter du dépaysement au téléspectateur, loin d'une Tokyo qui reste cependant à portée de transport des protagonistes. Cependant, dans l'ensemble, la réalisation reste très académique. Un mieux se perçoit en revanche progressivement du côté de la bande-son qui, dans le premier épisode, avait tendance à aller à contre-tonalité et à se faire inutilement envahissante. Elle parvient à bien se fixer dès le deuxième. On y trouve notamment un thème récurrent presque inquiétant qui est souvent utilisé à bon escient et apporte sa marque à l'ambiance intriguante de la série.

Enfin, Kumo no Kaidan peut s'appuyer sur un casting globalement solide. Hasegawa Hiroki (Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita) hérite à nouveau d'un rôle ambivalent et difficile à cerner, qui pourra rappeler par certains moments celui qu'il campait dans Second Virgin. Dans ces premiers épisodes, il joue quelqu'un d'assez passif et maléable, dont on sent cependant qu'il ne faudrait que peu d'encouragement pour une prise en main qui le conduirait sur la dangereuse voie de l'ambition et du mensonge. L'évolution du personnage promet d'être intéressante, et, dans ces différents registres qui s'annoncent, Hasegawa Hiroki a déjà prouvé qu'il s'en sortait très bien. Face à lui, pour compléter le triangle amoureux en formation, Inamori Izumi (Cleopatra na Onnatachi) joue une infirmière officiant sur l'île, un des rares soutiens de Saburo à la clinique. Ce qui explique leur rapprochement. Mais leur idylle est troublée par l'arrivé du personnage joué par Kimura Fumino (Sodom no Ringo). A leurs côtés, on retrouve également Naito Takashi, Hagiwara Masato, Aoyagi Sho, Kimura Midoriko ou encore Otomo Kohei.

kumonokaidane_zps7cd87ef2.jpg
kumonokaidanj_zps71ec1a7d.jpg
kumonokaidand_zpsefbc29d2.jpg

Bilan : Derrière les codes empruntés au medical drama ou son esquisse de triangle amoureux, Kumo no Kaidan se révèle être avant tout un drama sur l'affirmation de soi, sur le réveil des ambitions, des sentiments, des désirs, et sur la manière dont ces derniers peuvent vous égarer, avec tous les principes que l'on sera prêt à sacrifier pour atteindre ses objectifs. C'est un récit volontairement ambivalent, mettant en scène des personnages qui le sont tout autant. S'il sait prendre son temps, l'ensemble progresse de manière efficace : la fin du troisième épisode marque une première rupture dans le récit, dont il faudra surveiller l'orientation. Pour le moment, les débuts de Kumo no Kaidan ont donc rempli leur office : à suivre !


NOTE : 7/10


Un (bref) trailer conceptuel :