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29/05/2013

(J-Drama / Pilote) Haitatsu Saretai Watashitachi : les lettres d'un espoir

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En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Certes, la saison printanière n'y est pas très enthousiasmante, mais heureusement, on peut toujours compter sur la chaîne câblée WOWOW pour venir rompre la morosité ambiante. A condition que ces dramas parviennent jusqu'à nous, car hélas, pour l'instant, pas de trace de sous-titres pour Sodom no Ringo ou Lady Joker - ce dernier drama m'intéresse d'autant plus qu'il se situe dans le même univers que Marks no Yama, série datant de 2010 : il s'agit de l'adaptation d'un autre roman de Takamura Kaoru, et Kamikawa Takaya y reprend son rôle de détective. Tout en continuant d'espérer pour ces fictions, l'absence de sous-titres ne se rencontrera heureusement pas pour le dernier WOWOW sorti ce mois-ci.

Diffusé depuis le 12 mai 2013, Haitatsu Saretai Watashitachi comptera 5 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun environ. Il a la particularité d'être (librement) basé sur une histoire vraie, celle de Isshiki Nobuyuki, à qui a été confié l'écriture du scénario. Si l'histoire traite de thèmes sombres, puisqu'elle évoque dépression et projet de suicide, comme l'affiche colorée le suggérait, il ne s'agit pas de verser dans un registre trop larmoyant. L'idée directrice est de tenter de repartir de l'avant, et les premiers épisodes sont prometteurs. Habituellement, j'attends d'avoir tout vu avant de rédiger un billet sur les dramas de WOWOW du fait de leur durée courte, mais comme je préfère passer du temps à écrire sur des séries que j'ai appréciées plutôt que l'inverse, aujourd'hui sera une exception ! Rien ne m'interdit d'y revenir ultérieurement dessus ensuite.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

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Haitatsu Saretai Watashitachi est l'histoire de Sawano. Marié, père d'un petit garçon de 6 ans, ce trentenaire semble a priori tout avoir pour être épanoui. Mais, depuis 2 ans, il s'est comme éteint. Il a perdu goût à la vie, se détachant de toute émotion et d'un quotidien qui semble se poursuivre en l'oubliant sur le bas-côté. Sans travail, sous traitement médical, il ne fait rien de ses journées, sinon traîner son mal-être. Cette situation étant devenue pour lui intenable, il décide un jour d'en finir, choisissant de se suicider dans un cinéma abandonné. Il échoue dans son projet, mais découvre dans la salle une vieille sacoche de courriers qui contient encore 7 lettres intactes.

Sawano se fixe alors pour mission de délivrer à leurs destinataires ces enveloppes : 7 courriers à apporter qui vont constituer pour lui un nouveau décompte avant de mettre, cette fois-ci sans contre-temps, fin à ses jours. La première personne qu'il rencontre par cet intermédiaire est une coiffeuse, Yu, qui vient de perdre son père. La jeune femme trouve dans cette lettre qui a mis tant d'années à lui parvenir un réconfort inattendu. Reconnaissante et intriguée par cet étrange facteur, elle décide de tenter de lui redonner goût à la vie, tout en l'aidant à délivrer les lettres restantes.

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Haitatsu Saretai Watashitachi s'ouvre sur une première scène marquante : une jeune coiffeuse, isolée dans son salon, contemple un rasoir qu'elle a posé contre sa jugulaire. Plus tard dans l'épisode, nous sera également relatée l'échec de la tentative de suicide par pendaison de Sawano qui l'a conduit à la découverte des lettres égarées. Le ton est donc donné : ce drama aborde un sujet difficile. Pour autant, il va éviter sans difficulté l'écueil du pathos excessif. Certes, il met en scène un personnage désabusé et cynique qui n'aimerait rien tant que s'enfermer dans sa détresse personnelle et mener de manière détachée son nouveau compte-à-rebours pour en finir. Mais la remise de ces vieilles lettres qu'il a entreprise vient perturber de façon inattendue ses projets. Pour Yu, à qui il remet le premier courrier alors qu'elle tenait un rasoir contre sa gorge, l'écrit reçu est un électrochoc. Il lui apporte ce dont elle avait besoin dans ces circonstances de deuil qu'elle traverse. Se sentant redevable, la jeune femme se montre entreprenante : Sawano a peut-être baissé les bras, mais Yu se donne pour mission de changer cela, afin de lui rendre la pareille.

Par son étrange office de facteur retardataire, Sawano enclenche ce qui va être le véritable fil rouge du drama : une quête pour reprendre goût à la vie. En remettant leurs lettres à ces sept personnes laissées pour compte des services postaux, c'est sur lui-même que Sawano va agir, sans l'avoir anticipé. En effet, ces courriers apportent quelque chose de précieux à leurs destinataires : une information qui jette un nouvel éclairage sur certains évènements, un souvenir cher, ou bien encore une raison de repartir de l'avant après un temps d'égarement. L'écrit conserve de plus une force particulière à l'ère de la dématérialisation d'internet. Il est chargé d'émotions, et ce sont ces dernières qui, par ricochet, vont tenter d'atteindre ce messager récalcitrant qu'est Sawano. Ces lettres ne sont donc pas là pour réduire la série à une succession d'histoires individuelles poignantes : tout en conférant une dimension humaine au récit, ce qui importe est la manière dont elles peuvent toucher celui qui les remet... Sans le savoir, malgré lui, il s'est ouvert une possible voie vers un retour à la vie. Pour le moment, il y reste insensible. Rien ne dit qu'il saisira cette opportunité. Mais l'ouverture est là, et cela suffit pour impliquer le téléspectateur.

Tout en utilisant assez habilement son concept de départ, Haitatsu Saretai Watashitachi a aussi pour lui une justesse d'écriture très engageante. Les dialogues sonnent sincères et authentiques, avec une tonalité changeante bien dosée. Plus d'une fois, les scènes prennent à rebours les attentes dramatiques : qu'il s'agisse d'insuffler de brefs passages plus légers, voire décalés, ou bien de mettre en scène des confrontations explosives pour essayer de sortir Sawano de la léthargie dans laquelle il se laisse enfermé. L'ensemble apparaît donc solide. Par ailleurs, l'autre atout du drama est la manière dont il va mettre en mots la dépression dont souffre son héros, choisissant une approche directe appréciable : Sawano partage sans artifice, avec le téléspectateur, ses ressentis et essaie de retranscrire ce vide pesant qui s'est abattu sur lui. Cela donne des passages très poignants et forts - le vécu du scénariste joue sans doute ici un rôle important : c'est par exemple le cas du monologue de fin du premier épisode, où Yu découvre le mail de suicide inachevé de Sawano. Ces propos touchent en plein coeur, faisant preuve d'une sensibilité rare. Ils font office de déclic final pour parachever un pilote convaincant.

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Sur la forme, Haitatsu Saretai Watashitachi bénéficie d'une réalisation correcte. C'est par son ambiance musicale que le drama se démarque particulièrement. Je l'aurais probablement qualifiée d'envahissante si j'avais croisé cette bande-son dans toute autre série. Mais dans celle-ci, il y a une adéquation entre la tonalité du propos et les choix musicaux qui permet à l'ensemble de fonctionner, voire même d'insuffler une vitalité ou une dimension supplémentaire à certaines scènes, qu'il s'agisse des instrumentaux déchirants ou des morceaux plus légers et dynamiques. Le drama marche sur une fine ligne, mais semble ici tenir un cap intéressant. De plus, c'est une chanson très sympathique qui clôture les épisodes (Niji wo tsukamu hito, par Sano Motoharu), de façon à laisser le téléspectateur éteindre sa télévision sur une bonne note.

Côté casting, c'est à Tsukamoto Takashi (Manhattan Love Story, Tempest) qu'est confié le rôle de Sawano : interpréter une figure déprimée et sans émotion n'est pas un rôle qui sollicite beaucoup l'expressivité d'un acteur, il se glisse dans ce personnage sans difficulté. Ma satisfaction de ces deux premiers épisodes vient surtout de mes retrouvailles avec celle qui va jouer les trouble-fêtes dans le compte-à-rebours de Sawano, apportant une énergie qui vaut pour deux, à savoir Kuriyama Chiaki : c'est une actrice pour qui j'ai beaucoup d'affection depuis Hagetaka et Atami no Sousakan. Hasegawa Kyoko (M no Higeki, Yae no Sakura) joue quant à elle l'épouse de Sawano. Au cours du périple de ce dernier, il va être amené à croiser toute une galerie de personnages, interprétés par des acteurs pour beaucoup familiers du petit écran japonais, parmi lesquels on retrouve notamment Ishiguro Ken, Sato Jiro, Horibe Keisuke, Emoto Tasuku, Nishioka Tokuma, Kurotani Tomoka, Kaito Ken, Nakao Akiyoshi, Tabata Tomoko ou encore Kondo Yoshimasa.

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Bilan : Haitatsu Saretai Watashitachi signe des débuts réussis, en parvenant à exploiter avec habileté cette thématique lourde et difficile qu'est celle de la dépression et du suicide. Mettant en avant une dimension humaine appréciable et pouvant s'appuyer sur une écriture qui démontre beaucoup de justesse et de sobriété, ce drama apparaît comme une quête pour retrouver goût à la vie. Si Sawano ne veut pas être sauvé, ses remises de lettres égarées vont influer sur le destin de leurs destinataires, lui ouvrant indirectement de nouvelles perspectives. On retrouve ainsi dans Haitatsu Saretai Watashitachi une vitalité inattendue, en dépit de la détresse manifeste de son personnage principal. Du fait de l'arc narratif suivi, c'est une série dont la pleine portée s'appréciera au terme de ses cinq épisodes, mais ses débuts sont indéniablement riches et prometteurs. A suivre !


NOTE : 7,75/10

29/02/2012

(J-Drama / SP) Shikei Kijun : la peine de mort au coeur d'un drame humain

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Du rattrapage de tanpatsu au programme de ce mercredi asiatique, qui nous fait donc rester une semaine encore au Japon. C'est Kerydwen qu'il faut remercier pour avoir attiré, le mois dernier, mon attention sur le drama dont je vais vous parler aujourd'hui : Shikei Kijun. Ce dernier a été diffusé sur la chaîne WOWOW (oui, toujours elle !), le 25 septembre 2011. Il s'agit d'un tanpatsu comportant une seule partie d'une durée totale de 2 heures, inspiré d'un roman de Kamo Takayasu

Shikei Kijun se démarque par le thème qu'elle aborde, un sujet sensible qui retiendrait mon attention peu importe le pays, celui de la peine de mort. Cette dernière existe toujours au Japon. Un sondage réalisé en 2010, mentionné dans le drama, montrait une opinion publique majoritairement favorable à son maintien. Sur un tel thème, j'avais déjà lu des synopsis de dramas comme Mori no Asagao, mais l'absence de sous-titres en avait toujours rendu le visionnage irréalisable.

Ce tanpatsu a donc été ma première vraie incursion dans le système judiciaire japonais. Si le résultat n'a pas répondu à toutes mes attentes, il s'agit cependant d'un legal drama solide et efficace. 

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Otomo Kojiro est un avocat à qui tout semble avoir réussi. Homme médiatique, il s'est rapidement imposé comme une des figures de proue du mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort au Japon. Un de ses proches amis, Mito Yusuke, avec qui il a fait ses études de droit, le suit dans ces procès particuliers où la sentence encourrue peut être la mort. Car si ce dernier ne s'est jamais lancé dans une carrière de praticien, il enseigne à l'université et étudie les critères dégagés par la jurisprudence pour fonder le prononcé d'une telle peine. Sur les bancs de la fac, ils s'étaient également noués d'amitié avec Nagase Mariko qui, elle, a choisi une autre voie : celle du ministère public.

Ces trois amis vont voir leurs liens et leurs certitudes vasciller lorsqu'une tragédie les frappe de près. La femme de Kojiro est retrouvée morte, assassinée, chez elle. Un suspect est très arrêté. Son procès s'annonce. Face au tourbillon personnel, médiatique et judiciaire qui menace d'emporter nos trois protagonistes, comment chacun va-t-il se positionner face à ce cas qui les touche personnellement ? Que restera-t-il de leurs convictions antérieures face à ces épreuves ? 

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Shikei Kijun est un tanpatsu ambitieux qui, s'il a conscience d'évoluer sur un terrain sensible, ne va cependant pas hésiter à aborder toutes les facettes de cette problématique complexe qu'est la peine de mort. Dotée d'une approche très didactique, il a le mérite de s'intéresser à tous les points de vue, donnant la parole aussi bien aux proches de victimes, à l'accusé, mais aussi aux différents acteurs de la justice - la police, la défense, le ministère public, et même le juge, avec la responsabilité qu'il prend en prononçant la sentence. Le fait que les personnages vont tour à tour occuper différents rôles, avocat ou victime, théoricien ou praticien, permet aussi de souligner les contrastes des positionnements de chacun.

C'est dans cet effort d'offrir une large photographie du système judiciaire, et de tous les intervenants d'une procédure pénale, que se trouve la réussite principale du drama. Manquant parfois de subtilité, mais en conservant toujours cette volonté d'aborder le sujet de la façon la plus large possible, il va en effet éclairer les limites humaines inhérentes à la Justice, et les tensions qui la parcourent, arbitrage subtil entre ambitions personnelles, ordre public et intérêt de la société. On a donc un solide et consistant legal drama qui devrait retenir l'attention de tout téléspectateur s'intéressant à ces thèmes. 

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Cependant, si Shikei Kijun affiche de hautes ambitions en multipliant les angles d'attaque, il va laisser un arrière-goût d'inachevé. Paradoxalement, à trop vouloir tout s'approprier, il finit par en dire trop peu. Manquant de lisibilité, les esquisses de réflexion et les raisonnements restent trop souvent dans de l'informulé. Ils ont tendance à s'effacer derrière les émotions des différents protagonistes. La volonté de s'attacher uniquement aux destins personnels, en soulignant le contraste entre principes théoriques et réalité de la douleur lorsque le drame touche personnellement, était une idée intéressante ; mais elle brouille son propos et finit par faire perdre au drama sa ligne directrice. 

Certes, certains argumentaires sont un peu plus approfondis. D'un côté, il y a notamment la question de la place de la victime et de ses proches au sein de la procédure pénale : est-ce qu'une sentence doit être prononcée au nom de la société, ou au nom des proches pour apaiser leur douleur ? C'est un débat récurrent du droit pénal moderne, et ce drama a le mérite de (brièvement) l'esquisser. A l'opposé, l'autre versant est plus classique : contre la peine de mort, c'est le risque d'erreur judiciaire, amenant la justice à prendre la vie d'un innocent, qui s'impose. De manière générale, Shikei Kijun donne l'impression de vouloir tout couvrir, mais manque de direction et de structure pour mener à bien et jusqu'au bout ses questionnements. La conclusion, faisant le choix d'une relative facilité, est d'ailleurs révélatrice des limites du drama : une fiction judiciaire intéressante, mais non une réflexion aboutie sur son sujet central, celui de la peine de mort.  

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Sur la forme, Shikei Kijun est un drama classique et réussi. La réalisation est sobre, parfaitement maîtrisée, même si le décor principalement intérieur - notamment au tribunal - n'offre logiquement que peu d'occasions de mettre en valeur le cadre. La bande-son reste aussi utilisée avec parcimonie, ne venant jamais empiéter sur le propos même du drama, ni amoindrir l'intensité des échanges.

Enfin, un dernier atout de Shikei Kijun est son casting. On y croise un certain nombre de têtes familières du petit écran japonais, et chacun délivre des prestations homogènes qui conviennent à la tonalité du tanpatsu. Se partagent la tête d'affiche, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora), Ozawa Yukiyoshi et Toda Naho (Marks no Yama). A leurs côtés, on retrouve également Kashiwabara Takashi, Kyono Kotomi, Mitsuishi Ken, Yajima Kenichi, Sato Jiro, Kaneda Akio, Emoto Akira, Yamamoto Kei, Hirooka Yuriko et Kondo Yoshimasa. 

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Bilan : A défaut de réellement s'approprier les clés d'une réflexion seulement esquissée autour de la peine de mort, Shikei Kijun se révèle cependant être un drame judiciaire solide et efficace, reposant entièrement sur ses personnages et leurs émotions, derrière lesquelles s'effacent les enjeux plus théoriques. Peut-être victime de ses ambitions, en voulant offrir une photographie trop large d'un sujet complexe qui dépasse le seul cas d'espèce évoqué, cela reste une fiction riche et intéressante qui mérite un visionnage.


NOTE : 7/10