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18/01/2012

(J-Drama) Second Virgin : un drama troublant sur la confrontation des sentiments aux conventions sociales


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Avant de repartir, mercredi prochain, vers le petit écran sud-coréen de ces dernières semaines, je vous propose aujourd'hui un bilan de ma première série japonaise visionnée en 2012. Second Virgin s'était récemment invitée sur ma liste des dramas à voir suite à mon exploration de la filmographie de Hasegawa Hiroki (l'acteur n'ayant pas joué dans tant de séries que ça, l'objectif était pour une fois réalisable). Je ne pensais pas a priori la regarder de si tôt, mais un commentaire de Katzina, ainsi que la critique de Lynda l'an dernier, ont quelque peu précipité mon planning. Ce que je ne regrette absolument pas.

Comportant 10 épisodes de 45 minutes environ chacun, Second Virgin a été diffusé sur NHK, du 12 octobre au 14 décembre 2010. S'il a commencé avec de faibles audiences, le drama a peu à peu conquis un certain public, en dépit ou grâce (suivant les points de vue) aux controverses qu'ont pu susciter certaines scènes plutôt osées pour une série japonaise diffusée en prime-time. Un film a même été commandé et est sorti en septembre 2011 au Japon : il se déroule cinq ans après les faits relatés dans la série.

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Après s'être ouvert sur un flashforward assez dramatique qui laisse le sort d'un des personnages principaux en suspens, Second Virgin repart quelques années en arrière pour nous expliquer l'engrenage des évènements qui ont conduit à cette scène. Nakamura Rui est alors une femme d'affaires à succès qui fait partie de la direction d'une maison d'édition. Si sa vie professionnelle est une réussite, faisant preuve d'un sixième sens pour découvrir de nouveaux talents et publier les futurs best-stellers, sa vie personnelle est en revanche en ruine. Depuis son divorce, il y a des années, elle n'a plus connu de relation amoureuse, se consacrant entièrement à son métier, au point de faire élever son fils, désormais adulte, loin d'elle.

Par ses relations, elle rencontre un jour un jeune homme spécialisé dans la finance, Suzuki Kou. Ce dernier est animé d'une passion et d'une ambition qui retiennent son attention : il rêve de réformer les règles qui encadrent - et entravent à ses yeux - le marché japonais, pour en faire un concurrent direct aux pays voisins comme la Chine. Rui entreprend de lui faire écrire un livre que sa compagnie publiera. Au fil de leurs rencontres, quelque chose naît entre eux. Kou est pourtant marié, et a 17 ans de mois que Rui. Mais les conventions sociales s'effacent derrière la force des sentiments...

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S'intéressant à la nature et aux limites des relations humaines, le thème central de Second Virgin est celui de la confrontation des sentiments aux convenances imposées par la société. De manière récurrente, il éclaire et célèbre l'impuissance de chacun face à l'attachement et à l'amour qui peuvent naître sans crier gare d'une rencontre inattendue. Si la question de l'adultère restera la storyline principale, le drama dispose en plus de toute une galerie de personnages secondaires qui vont illustrer chacun à leur manière cette thématique relationnelle : les rapports du fils de Riu avec sa petite amie qui a quasiment l'âge de sa mère, ou encore le patron de Riu, gay, qui décide finalement de vivre avec celui qu'il aime, participent ainsi à l'exploration de ce sujet.

Pour autant, c'est bien la tonalité particulière conférée par le rapprochement de Riu et de Kou qui va faire l'originalité de ce drama. Une part de l'attrait de Second Virgin tient au frisson de l'interdit et au parfum sulfureux qui l'entourent, auxquels se mêle une constante ambivalence. Il surprend en effet par sa capacité à capturer l'intensité des émotions de chacun avec une retenue caractéristique des séries japonaises. Tout en mettant en scène la rigidité avec laquelle s'articulent des rapports sociaux très codifiés, a fortiori dans la sphère professionnelle, le drama joue habilement sur les contrastes, introduisant par intermittence des failles dans ce tableau trop policé : ce sont les scènes plutôt osées comme la première nuit ensemble de Rui et Kou, ou encore les soudaines confrontations durant lesquelles les masques tombent. Toutes ces brusques explosions de passion troublent justement du fait de leur caractère exceptionnel qui leur donne une amplitude et une portée supplémentaires.

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Si, derrière une apparence presque glacée, les étincelles de Second Virgin sont capables de toucher le téléspectateur, c'est aussi parce que l'autre thème sous-jacent de ce drama est celui de la recherche de soi, avec des personnages qui se découvrent eux-mêmes face à ces situations qu'ils n'avaient jamais envisagées. Ils doutent, tâtonnent, revoient leurs priorités. Cela permet de susciter une réelle empathie, qui n'est, une nouvelle fois, pas dénuée d'ambiguïté. Chaque personnage a ses failles, et il est impossible d'avoir une lecture manichéenne de la situation. Certes il est assez facile d'accompagner Nakamura Rui à la découverte des voies insoupçonnées par lesquelles son coeur s'exprime, mais cela reste un mariage qu'elle va briser. Quant à celui qui conquiert son amour, son égocentrisme et son ambition teintée d'arrogance sont à peine contrebalancées par cette énergie passionnée qui l'anime. C'est par les vulnérabilités que l'histoire fait naître en eux qu'ils s'humanisent. A leurs côtés, le personnage de Suzuki Marie restera le moins abouti et intéressant, longtemps trop binaire et sans nuance pour susciter la moindre compassion.

Au-delà de son exploration des relations humaines et sociales, la construction de Second Virgin n'est pas sans emprunter certains ingrédients plus proches d'un thriller. Si l'univers financier dans lequel évolue Kou restera toujours très abstrait, le flashforward ouvrant le premier épisode fait que l'on a conscience d'assister à un compte à rebours. Peu importe que les différents protagonistes semblent côtoyer un temps les sommets de leur domaine respectif et allier vie professionnelle et personnelle, le téléspectateur garde toujours à l'esprit que ce bonheur est éphémère. L'histoire n'est pas un aller-simple vers un happy end. Pour relater cet engrenage, le drama n'hésitera pas à jouer sur certains effets narratifs parfois assez grossiers, entre raccourcis et coïncidences directement inspirés du soap. Mais on pardonne au scénario ces défauts car l'enjeu est ailleurs. Éclairant les incertitude et volatilité amoureuses, Second Virgin nous plonge une mélancolie lancinante : son histoire n'est pas triste, c'est juste la vie et les limites qui lui sont inhérentes.

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Sur la forme, Second Virgin est un drama classique, avec une photographie typique du petit écran japonais - une alternance de teintes aux couleurs claires (bleuté, beige...). Si on retrouve une certaine tendance à la mise en scène un peu figée et théâtrale, il faut cependant noter que la série offrira aussi quelques passages intimistes qui, par contraste, marqueront encore plus le téléspectateur. Par ailleurs, le drama est accompagné d'une bande-son travaillée et plutôt originale, comme en témoigne l'utilisation de ce "bip-bip" qui en devient presque glaçant lorsque les personnages sont à la croisée des chemins et doivent faire des choix déterminants. Retentissent également des morceaux instrumentaux plus dynamiques qui suivent finalement parfaitement les hauts et les bas de chacun des protagonistes. Il s'agit par conséquent d'une série soignée qui, tout en restant classique, sait se construire une identité esthétique propre.

Enfin, Second Virgin bénéficie d'un intéressant casting, même si les performances du trio principal sont inégales. Suzuki Kyoka (Karei naru Ichizoku) est parfaite en femme d'affaires qui découvre soudainement la vulnérabilité que peuvent provoquer les sentiments. Hasegawa Hiroki (Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita) est excellent dans ce registre ambigü de l'ambitieux qui réussit, mais qui se retrouve emporté par ses passions presque autodestructrices et finit par voir tout lui échapper. Je serais en revanche plus mitigée sur Fukada Kyoko (Karei naru Spy) : censé dépeindre un personnage rigide à l'évolution narrativement assez chaotique, elle peine à susciter la moindre empathie pour Marie, à la fois trop inexpressive et trop dans le sur-jeu quand il s'agit de manifester des émotions. A leurs côtés, on retrouve une galerie de seconds rôles très convaincants, parmi lesquels on croise Danta Yasunori ou encore Kusabue Mitsuko.

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Bilan : Drama intrigant et original sur le relationnel, Second Virgin fascine par son ambivalence. Si son scénario cède parfois à des facilités discutables, il réussit admirablement à capturer l'intensité et le trouble des sentiments qui l'animent. Sa dimension sulfureuse n'a rien de racôleur, mais permet au contraire de mieux souligner le contraste entre des individus guidés par leurs émotions et la rigidité d'une société codifiée qui préfèrerait les étouffer. S'il y a parfois comme un arrière-goût un peu désespéré dans ce drama, on y trouve aussi une force surprenante : il faut saisir la vie et les opportunités qu'elle procure. Second Virgin est en ce sens une vraie tranche de vie, avec ses contradictions et ses souffrances, mais aussi ses instants de bonheur à chérir.


NOTE : 7,75/10


Un teaser (du film) :

03/11/2010

(J-Drama) Karei Naru Ichizoku : déchirement familial sur une toile de fond industrielle

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Une review en forme de bilan en ce premier mercredi asiatique du mois de novembre. Non que je manque de nouveautés à découvrir, aussi bien japonaises que sud-coréennes, mais parce que, comme annoncé durant l'été, je m'efforce de poursuivre en parallèle mon exploration de la télévision du pays du Soleil Levant, suivant notamment vos recommandations du mois d'août (en l'espèce, merci donc à lady et calcifer qui m'avaient parlé de ce drama). Car ce week-end, j'ai profité du changement d'heure pour terminer une série commencée il y a déjà quelques semaines : Karei Naru Ichizoku. Diffusée en 2007, sur la chaîne TBS, elle comporte 10 épisodes (le premier et le dernier durant 75 minutes, les huit autres, 45 minutes).

Au vu du résumé, je m'attendais à de l'économique, de l'industriel, une pointe d'ambiance sixties... J'ai eu bien plus que cela. C'est une série qui, par ses thématiques et la manière de les traiter, ne ressemble à aucune autre. Rien ne m'avait vraiment préparé, à la seule lecture du synopsis, à la force de l'histoire dans laquelle je me suis ainsi engagée. Dix épisodes plus tard, Karei Naru Ichizoku s'est imposé à mes yeux comme un incontournable du petit écran japonais. Pas pleinement séduite dès le départ, au final, ce récit dont la tension va crescendo, s'affirmant peu à peu, aura plus que mérité l'investissement réalisé. Si bien que, c'est en téléspectatrice sans doute pas encore complètement remise de ce visionnage que je vous propose un bilan aujourd'hui. Car il était inconcevable de reporter d'une seule semaine la critique de ce drama.

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Adaptation d'un roman de Yamazaki Toyoko, Karei Naru Ichizoku nous plonge au coeur de la réorganisation financière du Japon à la fin des années 60, à travers la destinée tumultueuse de la famille Manpyo, riche et puissante dynastie qui a fait fortune dans le domaine bancaire. A l'aube de l'entrée dans l'ère de l'économie moderne, la série offre un parfait reflet des tensions d'une époque, portrait contrasté d'une société hésitant entre crispation sur des acquis s'amenuisant et regard tourné vers le futur. A ce conflit, incarné par les deux figures centrales de la série, se superpose la description d'une relation - ou plutôt d'une non-relation, troublée et troublante, chargée d'incompréhension, entre un père et son fils.

Patriarche dirigiste, qui mène son entourage d'une main de fer, Manpyo Daisuke possède une importante banque en bonne santé financière. Mais cette dernière est mise en danger par les plans de restructuration du ministère qui prévoient, à terme, de créer de grandes concentrations bancaires, au sein desquelles les plus petites se dilueront. Parallèlement, son fils aîné, Teppei, qui n'a jamais manifesté le moindre attrait pour ces jeux d'argent, s'est pleinement investi dans l'industrie métallurgique. Rêvant de faire entrer le Japon parmi les pays les plus industrialisés, visionnaire quant aux futurs enjeux décisifs, Teppei dirige une entreprise de fabrication de métaux. Ses certitudes le portant vers des projets ambitieux, la grande réalisation qu'il souhaite accomplir est la construction d'un haut fourneau qui lui permettra d'acquérir une indépendance de fabrication et une assise matérielle pour partir à l'assaut de nouveaux marchés, notamment américains.

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Pour mener à bien ses idées, Teppei a besoin de soutiens financiers. C'est pourquoi il s'adressera logiquement à Daisuke, en dépit des rapports atypiques, dénués de tout sentiment qu'il a toujours entretenu avec lui, le fils se sentant comme étrangement rejeté par un père qui n'a eu d'yeux que pour le cadet, Ginpei. Aussi meurtri qu'il soit par cette attitude paternelle, Teppei continue obstinément de rechercher une trace de satisfaction dans le regard que son père peut poser sur lui. Seulement, pour ce dernier, la survie et la pérennité de la famille Manpyo ne sauraient passer que par la prospérité de leur banque. Ses manoeuvres pour permettre ce sauvetage vont l'amener à prendre des décisions difficiles et à orchestrer des manipulations brisant, sans arrière-pensée, plus d'un adversaire sur sa route. C'est ainsi sur une voie bien dangereuse qu'il conduit fermement une famille au bord de l'implosion. Daisuke se dit certes prêt à tout pour sauver sa banque, mais a-t-il vraiment songé au prix qu'il pourrait payer ? La famille Manpyo survivra-t-elle à ces soubressauts ? Quels seront les sacrifices à réaliser ?

A la seule lecture du synopsis, si on pressent le potentiel indéniable de Karei Naru Ichizoku, on peine à vraiment apprécier la multiplicité des thématiques que la série va développer et la force d'une histoire qui va tout simplement submerger le téléspectateur. Ce serait une erreur que de trop hâtivement la catégoriser dans un genre précis. Car un de ses principaux atouts va justement être de savoir transcender tous les thèmes mis en scène, pour finalement offrir un récit dense et surtout homogène, dont la maîtrise dans l'exploitation de ces différentes facettes, va dépasser toutes les attentes initiales.

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Tout d'abord, Karei Naru Ichizoku a évidemment les accents d'une saga industrielle au sens noble du terme. Nous plongeant dans les coulisses agitées et létales de la restructuration économique japonaise de la fin des année 60, elle manie avec dextérité le langage compliqué des financiers, tout comme les manipulations retorses des ambitieux qui peuplent ses réunions. Son incursion politique se révèle toute aussi désillusionnée, tant elle dévoile un monde corrompu aux alliances changeantes. Pour autant, ces passages complexes ne vont jamais rendre la série abrupte ou rébarbative. Au contraire, elle réussit à intégrer avec naturel ces enjeux, parfois excessivement abstraits mais toujours compréhensibles, dans les tensions émotionnelles sous-jacentes qui la parcourent.

Car voilà bien un des attraits les plus fascinants de Karei Naru Ichizoku : sa capacité constante à développer une empathie diffuse et sous-jacente tout au long de la série. Si le téléspectateur ne se sent jamais déconnecté de ces intrigues politico-industrielles, c'est parce que le récit n'y est jamais déshumanisé. C'est toujours par le facteur humain, les personnages, que l'histoire se construit, demeurant profondément liée aux aspirations et conflits internes qui les régissent. C'est ainsi que le téléspectateur va être capable de ressentir et de partager cette bouffée d'idéalisme mal contenue manifestée par Teppei, lorsque ce dernier décrit ses grands projets d'avenir, ou qu'il parle avec passion de l'industrie métallurgique. De même, on perçoit bien que les apparentes froides motivations de Daisuke cachent d'autres non-dits, d'autres blessures plus profondes et plus enfouies.

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Dans Karei Naru Ichizuku, si elle en est le décor principal, l'industrie n'est pas une fin en soi. Elle apparaît comme une extension, un univers qui se superpose à la famille, cette dernière restant le coeur véritable du drama. Car cette série est avant tout un véritable drame familial, dans tous les sens du terme. 

La puissance des Manpyo n'a d'égal que le malaise qui s'étend et se creuse dans une famille au bord de l'implosion. Placée sous la férule tyrannique et patriarcale d'un Daisuke pour qui chacun de ses enfants est un outil lui permettant d'oeuvrer à la protection de l'empire financier qu'il souhaite pérenniser, le téléspectateur s'aperçoit bien vite que la gangrène qui ronge les Manpyo est beaucoup plus profonde que de simples mariages arrangés. Il y a quelque chose de vicié dans ce portrait dressé d'une dynamique familiale, quelque chose qui va bien au-delà d'une simple histoire de moeurs et de cette maîtresse omniprésente, presque officiellement intronisée et qui s'arroge la place de l'épouse officielle. Face à ce ressort qui semble cassé, le téléspectateur est longtemps réduit à se perdre en conjectures, incapable d'identifier ce qui se cache derrière certains non-dits ou réactions disproportionnées.

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Pourtant, dès le départ, on devine inconsciemment que tout tourne, comme la série elle-même, autour de cette relation père-fils dont la détérioration apparaît presque instantanément inéluctable. Telle la partition maîtrisée d'une tragédie à l'ancienne au destin déjà scellé, on assiste impuissant à l'engrenage qui s'opère. Cette incompréhension initiale, de deux êtres qui ont toujours été des étrangers l'un pour l'autre, se change progressivement en une concurrence, un temps seulement inconsciente, mais qui prend peu à peu toute sa force pour se conclure en un affrontement direct visant à l'anéantissement de l'autre. Cette inimité qui bascule dans une aversion unilatérale à travers laquelle Daisuke règle ses comptes avec son propre père, Teppei n'étant qu'une incarnation, à ses yeux, de cette figure paternelle tant haïe, est proprement glaçante à l'écran. Si les secrets de famille soigneusement gardés expliqueront bien des ressorts cassés au sein des Manpyo, rien ne pourra arrêter l'engrenage infernal initié par cette opposition destructrice. A mesure que la situation se détériore et que la possibilité d'une réconciliation s'éloigne, le téléspectateur perçoit très tôt - trop tôt - l'issue probable vers laquelle tout finit par tendre.

Le dernier acte de cette tragédie qu'est Karei Naru Ichizoku est à l'image de la série, reflet de toutes les désillusions que cet univers aura apporté. Plus que le contenu de cette fin, c'est l'extrême vanité de tous ces évènements qui reste le plus marquant. Ces luttes acharnées auxquelles on a assisté, ces sacrifices qui ont été faits jusqu'au plus ultime, nous auront entraîné et submergé dans un tourbillon émotionnel d'une ampleur rare. Mais, au final, ce sont d'autres forces, bien plus implacables, bien plus déshumanisées qu'une famille se déchirant, qui poursuivent leurs oeuvres, imperturbables, broyant sur leur passage tout ce qui peut se mettre au travers de leur route. C'est en cela que l'ambivalence de Karei Naru Ichizoku reste profondément dérangeante : certes, au sein de la famille Manpyo, la tradition l'a emporté sur la modernité, mais elle a déjà perdu la bataille finale. Ce n'est qu'un sursis un peu vain, qui donne au final un arrière-goût extrêmement amer (pas uniquement en raison du flot de larmes salées l'accompagnant), conclusion parfaite dans la droite lignée de la série.

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Sur la forme, si sa réalisation est classique, la photographie bénéficie d'une intéressante teinte un peu sepia. Reflet de son appartenance aux sixties, elle renforce aussi l'ambiance de reconstitution historique à la veille de grands changements qu'évoque le drama. Cependant, le registre dans lequel Karei Naru Ichizoku excelle plus que toute autre, c'est dans la composition de sa bande-son. Avec ses accents épiques un peu surprenants aux premiers abords, au vu du sujet traité, elle permet au récit d'atteindre une dimension supplémentaire, lui conférant un souffle fascinant, mais qui prend tout son sens devant la mise en scène de cet affrontement au parfum de tragédie dans laquelle l'histoire glisse progressivement. Minimaliste dans son recours à des chansons, c'est par des morceaux instrumentaux que ce volet musical s'impose. Omniprésente, sans que son utilisation paraisse pour autant excessive ou artificielle, il apparaît rapidement que la musique occupe la fonction d'un outil de narration, rythmant le récit, ses avancées et ses bouleversements, renforçant d'autant l'intensité émotionnelle de certains passages. Cela accroît également cette apparence théâtrale, étonnamment grandiloquente, mais dont la force emporte le téléspectateur comme rarement. C'est bien une des plus marquantes - et des plus belles - OST de j-dramas qu'il m'ait été donné d'écouter.  

Enfin, Karei Naru Ichizoku bénéficie d'un casting très solide. S'il s'appuie sur une riche galerie de personnages, le rôle principal est dévolu à un Kimura Takuya très convaincant. Même pour une relative néophyte en télévision japonaise telle que moi, cet acteur ne pouvait être un inconnu. Cependant, évènement notable, c'est la première fois que je parviens au bout d'un de ses dramas, après des essais infructueux devant Pride ou MR BRAIN. Face à lui, Kitaoji Kinya (Zettai Reido) incarne un père avec ses propres préoccupations, mais aussi blessures personnelles. A leurs côtés, on retrouve un large casting, composé notamment de Suzuki Kyoka, Hasegawa Kyokon, Yamamoto Koji, Yamada Yu, Aibu Saki, Fukiishi Kazue, Nakamura Toru, Inamori Izumi, Takigawa Yumi, Nishimura Masahiko ou encore Harada Mieko.

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Bilan : Entre épopée industrielle et saga familiale, Karei Naru Ichizoku est avant tout une histoire d'hommes. Avec pour toile de fond la modernisation économique du Japon, ce drame humain relate la détérioration progressive de la relation de deux êtres qui n'ont jamais su se trouver, ni se comprendre : un père et son fils aîné, dont les actions vont être une source de souffrance pour l'autre. A mesure que la série progresse, le récit acquiert une ampleur aussi fascinante que presque inattendue. Chaque épisode, chaque nouvelle prise de décision, renforce cette impression d'assister à un nouvel acte d'une sourde tragédie qui s'est inéluctablement mise en marche, et que rien ne paraît pouvoir arrêter. Entre tradition et modernité, entre amour et haine, il y a quelque chose de profondément désillusionné dans l'univers de cette série, illustré par la vanité finale de tous ces évènements. Vraiment dotée d'une intensité émotionnelle rare, Karei Naru Ichizoku ne laissera aucun téléspectateur indifférent.

Un incontournable du petit écran japonais.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


Le thème musical principal (superbe) :