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01/09/2010

(Pilote / K-Drama) My Girlfriend is a Gumiho : une comédie légère autour du plus improbable des duos


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La "saine concurrence", version chaînes sud-coréennes, c'est aussi une certaine tendance à lancer concomitamment des projets surfant sur des sujets proches, même si leur traitement peut ensuite se révéler très différent.  Tenez, pas plus tard que cette semaine, en lisant la news sur le projet mis en chantier par KBS autour d'un drama intitulé President, on se disait quand même que ce n'était pas si éloigné, du moins dans le sujet, d'un autre projet, développé actuellement (et aux dates de tournage constamment repoussées) par SBS, intitulé Daemul. La perspective d'aller découvrir les coulisses de la Maison Bleue à travers deux approches très différentes est bien évidemment excitante, mais cela ne change rien à cette impression qu'il y a comme un écho dans la sphère de l'entertainment sud-coréen.

Cet été, les dramas ont aussi fonctionné par paire. La guerre de Corée y a eu tout d'abord droit (Comrades / Road Number One). Et, enfin, c'est aussi le sort qui a été réservé au mythe du gumiho. On pourrait fustiger un problème sur le plan de la création, mais, au vu des résultats, ce reproche tombe peut-être de lui-même... En fait, c'est surtout l'occasion de constater la diversité de traitements possibles que peut offrir un même sujet. Le cas du gumiho l'illustre bien. Tandis que KBS2 optait pour une approche plus dramatique, avec un cadre historique, SBS ne visait sans doute pas exactement la même cible en lançant le 11 août 2010 sa propre révision du mythe, signée par les soeurs Hong (My Girl, Hong Gil Dong, You're Beautiful). My Girlfriend is a Gumiho se présentait a priori comme une comédie toute légère, aux allures innocentes. C'était d'ailleurs dans ce dernier aspect que résidait ma principale crainte, avant de me lancer dans la découverte de ce nouveau drama. Je sais par expérience que l'excès de légèreté peut parfois m'empêcher d'apprécier une série.

Au final, après deux épisodes, mes hésitations premières ont été en partie confirmées. J'ai pourtant passé un moment assez sympathique devant mon petit écran, même si je ne suis pas (encore ?) vraiment sous le charme (mes oreilles, en revanche, le sont de l'OST).

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My Girlfriend is a Gumiho est une comédie dont le concept de départ est parfaitement résumé dans son titre. Il s'agit de l'association d'une paire improbable, dont les étincelles vont rythmer le drama au fil de l'évolution respective de nos deux héros et du fait que se côtoyer l'un l'autre leur apprendra sans doute certaines choses. Ainsi présenté, il est clair que cette série ne va pas révolutionner les codes narratifs du genre : nous avons là une dynamique dans la plus pure tradition des comédies romantiques coréennes. Mais, pour mettre un peu de piment à l'ensemble, il y a quand même un sacré twist original : l'introduction d'un élément de fantastique qui permet, dans le même temps, une modernisation du mythe du gumiho.

Dans ce drama, l'histoire de notre créature légendaire débute il y a cinq siècles, lorsqu'elle fut relâchée sur la Terre par une des déesses du panthéon polythéiste de l'époque. Faisant tourner toutes les têtes masculines de Joseon au point de mettre en péril le royaume, la déesse, répondant aux suppliques de ses fidèles, lui retira ses attributs en la privant de ses neufs queues et captura la belle et troublante gumiho pour la figer dans un dessin. Cinq cents ans passèrent. Le monde moderne arriva. Et la peinture, dans laquelle la gumiho était prisonnière, devint un objet relevant du patrimoine culturel, conservé dans une maisonnée dépendant d'un temple. La belle aurait pu se morfondre encore longtemps, si les circonstances n'avaient pas placé sur sa route, un jeune homme, un brin dispersé.

Cha Dae Woong est en effet un étudiant, quelque peu rêveur, excessivement spontané, avec une tendance certaine à fuir les responsabilités comme les obligations. Beaucoup de prédispositions pour pleinement profiter du compte en banque bien fourni de grand-père, moins pour satisfaire les exigences de vie de ce dernier. Après une énième remise au point ponctuée par une fuite dans un style bien à lui, Dae Woong se retrouve finalement dans ce petit coin oublié, face à ce dessin... Se laissant convaincre, au cours d'une nuit d'orage, par la voix qui le presse de dessiner neuf queues au renard de la peinture, il libère ainsi sans le vouloir la gumiho. Mais, dans la précipitation, en s'échappant ensuite dans les bois, Dae Woong fait une lourde chute qui le laisse presque mourant. Comme il l'a libérée, la gumiho décide de le sauver en lui donnant une perle de son pouvoir, scellant ainsi le lien qui va unir ces deux êtres dont l'association forcée paraît a priori si improbable.

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La première caractéristique de My Girlfriend is a Gumiho qui est à la fois un de ses atouts, mais aussi une de ses immédiates limites, c'est l'instantanée sensation de légèreté qui se dégage de l'ensemble du drama. Nul doute que les scénaristes se positionnent ici dans le registre d'une comédie où, derrière l'apparente simplicité, s'installe une construction narrative alambiquée à souhait, parfaitement assumée et mise en scène sans arrière-pensée. Les retournements de situations et autres petits gags ne chercheront pas à faire dans l'originalité, ni dans la subtilité. On n'échappera pas à divers poncifs. Mais alors que dans d'autres dramas, certains passages auraient pu paraître franchement poussifs, voire indigestes, dans My Girlfriend is a Gumiho, le style lui permet de bénéficier d'un téléspectateur finalement plus réceptif ou conciliant (c'est selon). Car
tout ceci est en quelque sorte canalisé par une désarmante innocence d'écriture assez caractéristique de ce type de drama, qui confère aux situations mises en scène une sensation diffuse de fraîcheur.

S'imposer dans ce registre léger à l'excès permet à la série de pouvoir se reposer sur ce qui est sans doute son attrait majeur pour capter l'affectif du téléspectateur, à savoir, son couple principal. Fort logiquement, les rapports de ces deux personnages s'avèrent fortement chaotiques et hautement explosifs. Nul n'aurait pu imaginer une autre situation. Le rapport de force étant ce qu'il est - et la frayeur de Dae Woong de se retrouver face à une créature légendaire se trouvant décuplée par la découverte de la gravité des blessures qu'elle a permis de soigner -, s'installe entre eux une dynamique plaisante à suivre. Le twist fantastique permet une redistribution des cartes pas inintéressante pour une comédie romantique, même si on peut rapprocher la gumiho de la figure de la "femme forte" dans certaines fictions du genre. Reste qu'il y a cette pointe d'originalité : la vie de Dae Woong dépend désormais de sa capacité à satisfaire cette si troublante, mais pas forcément douce, gumiho. Les besoins de cette dernière sont d'ailleurs pour le moment d'un ordre purement et bassement alimentaire, permettant un running-gag récurrent autour des envies de viande de la belle. Tout cela s'emboîte de façon sympathique. Cela ne vole pas haut, ne présente pas de grandes ambitions, mais il y a une dimension humaine tout en candeur qui permet à la série d'imposer son ambiance et ses choix scénaristiques.

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Cependant, si sa légèreté offre la possibilité à My Girlfriend is a Gumiho de passer certains écueils sans encombre, le revers de la médaille est qu'elle confine d'emblée le drama dans une sphère narrative très restreinte. L'histoire, fonctionnant par à-coup, manque d'épaisseur, voire de consistance : on se perd un peu au milieu de la volatilité des multiples twists et retournements de situations. Il s'agit de s'amuser sans se prendre au sérieux (ou alors les sangliers seraient devenus carnivores en Corée ?). Ces enchaînements d'évènements, suivant un rythme opportunément élevé, paraissent parfois un peu excessifs, semant le téléspectateur en cours de route. Cette exploitation poussée de la fibre divertissement/comédie est encore plus criante en ce qui concerne les personnages secondaires, caricaturaux à l'extrême, qui se voient attribuer un rôle de faire-valoir des héros ou simplement de détenteurs de petites intrigues parallèles assez lourdement écrites (la tante).

Tout cela donne au final un ensemble pas toujours pleinement équilibré ; mais, surtout, ce qui est le plus dommageable, c'est que ces éléments inscrivent le drama dans le registre du "vite visionné, vite oublié". Le couple principal est attachant, le cocktail prend bien entre eux, et, de manière générale, la tonalité d'ensemble se suit avec plaisir, mais il manque quelque chose, un liant, une consistance, pour s'assurer du caractère marquant de la série. Pour proposer autre chose qu'un "visionnage sans conséquence", le drama devra sans doute essayer de gagner en nuances et en subtilités d'écriture.

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Si My Girlfriend is a Gumiho est parfois un peu juste en terme de contenu, elle est en revanche, sur la forme, en tout point aboutie et soignée. La réalisation alterne entre plans rapprochés et prises de vue d'ensemble, délivrant de magnifiques images, toujours très esthétiques et parfois mêmes assez poétiques. Les scènes dans le passé, notamment, sont particulièrement bien réussies. Au-delà de ce beau cadre ainsi porté à l'écran, le drama bénéficie d'un autre atout important : une superbe bande-son (mais c'est une caractéristique plus que récurrente des dramas sud-coréens), avec plusieurs chansons thématiques déjà marquantes et une utilisation inspirée qui permet de souligner la portée de certains passages. Voici donc un drama admirablement bien maîtrisé sur la forme.

Enfin, côté casting, comme nous nous situons dans le registre de la comédie, logiquement nous retrouvons une certaine tendance à verser dans le sur-jeu. Cela se ressent particulièrement du côté des acteurs secondaires, sans doute accentué par le creux de leurs storylines. En ce qui concerne les acteurs principaux, Shin Min Ah (A love to kill, The Devil) illumine l'écran à la manière de la gumiho qu'elle est sensée incarner. Jouant sur le décalage entre son apparence et sa nature de créature légendaire (son rapport à la viande, etc.), elle pétille en apportant une fraîcheur très agréable. Pour compléter le duo, Lee Seung Ki (Shining Inheritance) reprend un rôle nécessitant moins de retenue. Le personnage est théâtral, volontairement excessif dans ses réactions, si bien qu'il est logique que l'acteur investisse ce registre comique. A leurs côtés, la faible exploitation des autres acteurs ne leur permet pas pour l'instant de véritablement briller, même si Byun Hee Bong (My Girl, The Sons of Sol Pharmacy House) m'a décrochée quelques sourires, face aux attitudes qu'il peut adopter face à son petit-fils. On retrouve également à l'affiche No Min Woo (Pasta), Park Soo Jin (Loving you a thousand times, Queen Seon Deok) ou encore Yoon Yoo Sun (Robber, Queen Seon Deok).

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Bilan : My Girlfriend is a Gumiho s'impose instantanément comme une comédie très légère. Elle capitalise sur la sympathie qui se forme autour d'un duo principal très attachant, dont la dynamique insuffle une certaine fraîcheur à l'ensemble. Bénéficiant d'une écriture d'une désarmante innocence, ce drama se révèle plaisant à suivre, sans pour autant véritablement marquer. On se situe pour le moment dans le registre du "visionnage sans conséquence", n'échappant pas à certains lourds poncifs "comiques" et à un relatif manque d'épaisseur des intrigues qui s'avère parfois un peu gênant.

Au fond, l'appréciation de My Girlfriend is a Gumiho dépendra sans doute en partie d'un choix volontaire et conscient du téléspectateur : sa capacité à embrasser cette innocente fable amoureuse, sans arrière-pensée et sans exiger plus de densité. Pour s'inscrire dans la durée, il faudra surveiller si, à mesure que les storylines se complexifient et se croisent, la série est capable de gagner en consistance.


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce de la série :


Une des chansons de l'OST, interprétée par Lee Seung Ki (l'acteur principal), intitulée "Losing my mind" (avec sous-titres anglais) :

25/08/2010

(Pilote / K-Drama) I am Legend : la reprise en main d'une vie sur fond musical


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Après quatre mercredis asiatiques consécutifs à se promener à travers l'Asie sans vous parler de k-dramas, il était quand même grand temps de repartir en Corée du Sud. D'autant que ce n'est pas parce que je ne vous en parle pas que je cesse mes découvertes et explorations coréennes ; les sujets potentiels s'amoncellent et, malheureusement, il va falloir trier. Si j'aurais bien quelques bilans à dresser (peut-être revenir sur Coffee House ou JeJungWon), s'il faudrait aussi que je vous parle d'autres rattrapages de séries plus anciennes, comme Capital Scandal, commençons cependant par l'actualité la plus récente. C'est que plusieurs nouveautés ont investi les programmes depuis le début du mois d'août.

Tandis que je croise les doigts pour avoir l'occasion de découvrir Secret Investigation Record (en continuant de regarder une fois par jour la bande-annonce avec un froncement de sourcil toujours aussi perplexe), penchons-nous aujourd'hui sur la première série arrivée chronologiquement : I am Legend. Ce drama est diffusé sur SBS, les lundi et mardi soir, depuis le 2 août 2010. Et au vu de ces deux premiers épisodes, même si je reste encore réservée, il laisse cependant entrevoir un potentiel pas inintéressant.

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Les deux premiers épisodes de I am Legend donnent le ton, en choisissant de se concentrer résolument sur l'héroïne, laissant peu de place aux autres protagonistes. Cette entrée en matière est une invitation à suivre la reprise en main d'une jeune femme qui se révèle des plus rafraîchissantes et est rapidement attachante. Il faut dire que Jun Seol Hee détonne quelque peu dans le milieu où on la découvre dans ce pilote, milieu qu'elle a embrassé par mariage. Cha Ji Wook, son époux, brillant avocat récemment promu et qui caresse le doux rêve de se lancer en politique, est en effet issu d'une famille de haut standing, respectant des moeurs encore très traditionnelles. Loin de cette classe sociale, Jun Seol Hee aurait pu être un simple flirt sans conséquence... si elle n'était pas tombée enceinte. L'ignominie d'un enfant hors mariage n'étant pas concevable, la famille de Ji Wook s'empressa de les marier. A défaut d'approuver l'épouse, l'enfant à naître serait un héritier potentiel. Malheureusement, Seol Hee fit une fausse-couche dans les semaines qui suivirent la cérémonie.

Le ressentiment de sa belle-famille explosa avec cette tragédie. Traitée désormais ouvertement comme une source permanente d'embarras, exibée devant les photographes et dans les médias pour construire un mythe aux vagues allures de Cendrillon, Seol Hee est constamment brimée en privée, enjointe à obéir et à se taire, cantonnée dans un rôle de figuration où elle doit faire le moins de vague possible. Sa belle-mère, en particulier, se montre la plus véhémente, blessante et humiliante. L'hostilité familiale déteint progressivement sur Ji Wook, de plus en plus distant avec une épouse aux priorités manifestement peu en rapport avec ses ambitions. L'indifférence froide de ce dernier reste le plus dur à supporter pour Seol Hee. Tandis qu'il lui est, en plus, constamment rappelée qu'elle doit donner des héritiers à la famille, alors que Ji Wook semble à présent plutôt marié à son travail.

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Compartimentant sa vie avec soin, Seol Hee suit donc une voie à la précarité évidente. S'éclipsant parfois pour fréquenter ses amies, notamment pour continuer leurs petites répétitions avec leur groupe de musique, elle aime aussi profiter pleinement des avantages de son nouveau statut social et ne s'en prive pas. Mais jusqu'où ces considérations matérialistes peuvent-elles lui faire oublier son mal-être constant ? La goutte d'eau qui va faire déborder un vase déjà bien trop plein est le sort de sa soeur. Révélant son cancer, ses chanes de survie sont liées à une possible greffe de moelle osseuse. Or, Seol Hee est la seule personne qui lui reste dans sa famille, seul donneur compatible immédiatement trouvable. La jeune femme va passer outre l'égoïste interdiction imposée par sa belle-mère, pour finalement prendre conscience de sa vie actuelle et commencer à réfléchir et à remettre en cause ses priorités... Pour commencer vraiment à vivre ?

Étonnamment, alors qu'au vu des thématiques abordées lors de ses débuts, I am Legend aurait facilement pu sombrer dans un pathos excessif, aux relents lacrymaux indigestes, ce qui se dégage de la série, c'est plutôt une impression diffuse de fraîcheur. Loin de se réduire à s'apitoyer sur le sort de Seol Hee qui a fait ses choix et paraît en un sens les assumer, même si elle admet qu'ils étaient peut-être erronés, ce drama se présente plutôt comme une invitation, résolument tourner vers l'avenir, à assister à la révolution intérieure d'une jeune femme qui redéfinit ses priorités sous nos yeux. Cela est en grande partie dû à la caractérisation réussie de l'héroïne, qui se détache des clichés attendus. Cette dernière n'est aucunement présentée comme une simple victime. Elle alterne les humeurs. Si elle étouffe et peine, elle se laisse aussi aller à savourer ce statut social qu'elle a acquis, sans s'en cacher. Son fort caractère lui octroie une liberté de ton très rafraîchissante qui permet de mettre en valeur l'ambivalence du personnage et d'explorer la complexité de ses motivations et des hésitations qui la troublent. Si bien que ce portrait plus subtile qu'il n'y paraît, dressé avec une certaine finesse, l'impose véritablement comme l'atout majeur et réussi de la série dans ces premiers épisodes, concentrant tant l'attention que l'intérêt du téléspectateur.

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En dépit du contexte excessivement dramaturgique du premier épisode, il faut souligner que ces évènements ne constituent qu'un catalyseur afin d'inviter Seol Hee à aller de l'avant. Sa soeur se remet ainsi rapidement et est expédiée - par la ficelle scénaristique la plus classique des k-dramas - "en convalescence" vers le fameux mirage Etats-Uniens. I am Legend, ce n'est pas seulement une série sur l'émancipation d'une jeune femme, c'est plus que cela. C'est un drama à forte dimension humaine et aux thématiques adultes, nous proposant une galerie de personnages avec leurs doutes, amenés à réfléchir sur leurs priorités, sur les décalages entre la vie menée et les rêves que l'on pouvait nourrir dans sa jeunesse. L'ambiance alterne efficacement les tonalités, souvent légères, parfois poignantes et pesantes.

Cependant, si I am Legend laisse entrevoir des choses intéressantes et un potentiel indéniable, ses deux premiers épisodes montrent aussi, par éclipse, quelques risques de dérives possibles. L'attractivité du personnage principal ne peut entièrement masquer le creux qui l'entoure, avec des protagonistes au caractère pour le moment  unidimensionnel à l'excès et peu intéressants. Cet aspect peut s'expliquer par le fait que les scénaristes se sont surtout attachés à introduire Seol Hee et ont donc moins travaillé les autres, mais il faudra corriger ce déséquilibre dans les prochains épisodes. A noter également que les figures féminines s'en sortent globalement bien mieux que leurs homologues masculins. Autre élément à surveiller, les ruptures de rythme occasionnées par certains passages, avec quelques longueurs qui viennent enrayer par moment la dynamique globale de la série, dont l'atout demeure ce ressenti diffus de fraicheur qu'elle doit soigner. Elle doit d'autant plus y prendre garde que semble poindre à l'horizon un carré "amoureux" potentiel, dont les ingrédients paraissent pour le moment pouvoir s'orienter aussi bien vers un habile portrait humain et adulte de ces jeunes trentenaires qui repensent leur vie, que tomber dans des poncifs indigestes, caricature soporifique d'un quatuor déséquilibré. I am Legend a donc du potentiel, mais il reste encore à faire pour confirmer.

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Sur la forme, la série bénéficie d'une réalisation lumineuse classique. Elle se déroule dans un cadre musical - le groupe de Seol Hee -, sans que la musique soit omni-présente. Au contraire, le drama semble plutôt bien géré cet aspect, en témoignent les dernières minutes du premier épisode. Une balade douce et mélancolique de Seol Hee y accompagne la prise de décision qu'elle vient de faire et la rupture annoncée, puis l'épisode se conclut sur une reprise de Killing me softly par le groupe. Des chansons qui correspondent parfaitement à la tonalité du passage et permettent de lui donner une dimension encore plus forte, preuve une fois encore de l'art sud-coréen d'allier musique et contenu dans leurs dramas.

Enfin, le casting reflète pour le moment l'image renvoyée par les personnages. Kim Jung Eun (Lovers) est superbe, particulièrement rafraîchissante et au diapason de son personnage, tour à tour digne, meurtrie ou exultante. Les autres acteurs ont moins l'occasion de se mettre en valeur, en partie à cause du moindre intérêt que les scénaristes leur réservent pour le moment. Kim Seung Soo (Jumong) incarne le froid époux de Seol Hee ; Lee Joon Hyuk (City Hall, Three Brothers), le ténébreux guitariste Tae Hyun ; et Jang Young Nam, une proche collège de travail de Ji Wook, ayant un passé avec Tae Hyun. Enfin, Jang Shin Young, Hong Ji Mi, Hyun Jyu Ni (Beethoven Virus, IRIS) et Go Eun Mi (Loving you a thousand times) sont les amies du groupe de Seol Hee.

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Bilan : Si I am Legend réussit plutôt bien son entrée en matière auprès du téléspectateur, elle le doit en grande partie à la surprenante fraîcheur de son héroîne, dont l'envie et le dynamisme tranche avec la prévisibilité des autres protagonistes, aux personnalités pour le moment peu explorés. On s'attache quasi instantanément. La thématique d'une émancipation, d'une reprise en main d'une vie, en retrouvant une passion un peu mise au placard en entrant dans l'âge adulte, la musique, a un potentiel indéniable, piquant l'intérêt du téléspectateur.

Cependant, l'équilibre paraît dans le même temps relativement fragile. Quelques longueurs, quelques recours à des poncifs relationnels trop éculés, viennent troubler la fraîcheur d'ensemble. I am Legend donne l'impression qu'il suffirait d'un rien pour qu'elle bascule dans une des deux facettes qu'elle laisse entre-apercevoir : oui, elle a le potentiel pour nous conter une belle histoire d'affirmation de soi, avec un cadre musical en arrière-plan, mais attention, elle peut tout aussi bien sombrer dans le mélo poussif avec un carré amoureux prévisible. Pour le moment, le fait qu'elle capitalise sur le dynamisme de son personnage principal joue pour elle, mais il faudra nécessairement explorer plus en avant les autres protagonistes. Reste que si elle s'épanouit bien dans cette direction, ce drama pourrait s'avérer très intéressant à suivre !


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce :


La chanson de fin du premier épisode, une reprise de Killing me softly :

18/08/2010

(C-Drama) The Legend of the Condor Heroes (2003) : un souffle épique dans votre petit écran.



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Au programme de ce mercredi asiatique, du dépaysement à l'assaut de nouveaux grands espaces, avec une série issue d'un pays dont c'est la première évocation sur ce blog. Après la Corée du Sud et le Japon, le drama dont il va être question aujourd'hui nous vient en effet directement de Chine. Un vrai c-drama (en provenance de la République populaire, non de Hong Kong), en mandarin, et qui reste à ce jour le seul que j'ai eu l'occasion de regarder.

Cela fait quelque temps que j'ai fini cette série, mais j'ai eu envie de prendre le temps de m'y arrêter aujourd'hui. Pourquoi ? Tout d'abord parce que ce drama appartient à un genre de fiction chinoise (Wuxia) que j'aimerai vraiment avoir le temps de découvrir plus avant (malheureusement ce n'est pas pour tout de suite). Egalement parce qu'il s'agit d'une adaptation parmi d'autres d'un grand classique incontournable. D'où ce billet découverte du jour.

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A l'origine de cette série, se trouve une suite de romans écrits dans les années 50-60 par Jin Yong, écrivain célèbre basé à Hong Kong, dont les livres font partie des grands classiques du genre Wuxia. Large source d'inspiration, ils ont surtout donné lieu à de nombreuses adaptations, au cinéma comme à la télévision. Sur petit écran, la référence demeure la version de la chaîne de Hong Kong, TVB, datant de 1983, considérée comme un classique. D'ailleurs, avant 2003, toutes les transpositions, sur grand comme sur petit écran, avaient eu pour seule origine Hong Kong. Et donc, la version de The Legend of the Condor Heroes, dont il est question ici, est la première adaptation proposée par la Chine, dont elle va profiter du somptueux cadre.

Cette suite de romans de Jin Yong constitue en fait une trilogie. Au cours de la dernière décennie, chaque tome a été porté à l'écran, pour un total final de 3 saisons, composées d'une quarantaine d'épisodes chacune. The Legend of the Condor Heroes (La légende du héros chasseur d'aigles, en version française littéraire) (2003 / saison 1) constitue la première partie de cette vaste fresque épique, qui se poursuit ensuite avec The Return of the Condor Heroes (Le Retour du héros chasseur d'aigles) (adaptée en 2006 / saison 2), pour se conclure enfin avec The Heaven Sword and Dragon Saber (L'Epée céleste et le sabre du dragon) (adaptée en 2009 / saison 3). L'histoire couvrant plusieurs générations, c'est une épopée titanesque ; mais si le récit forme un ensemble, le téléspectateur peut visionner chacune des séries indépendamment.

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The Legend of the Condor Heroes (2003) est donc une série chinoise, composée de 42 épisodes et diffusée sur CCTV. Attention à ne pas confondre avec une adaptation plus récente : il existe en effet une autre série éponyme, qui date de 2008, également chinoise, et qui, elle, fut diffusée sur KMTV-1. Comprenant 50 épisodes, cette dernière prend apparemment un peu plus de liberté avec le récit original. Le contexte historique du roman de Jin Yong reste cependant identique.

Jusqu'à présent, la seule fois où nous avions frôlé la Chine, sur ce blog, c'était à l'occasion de Bicheonmu. Souvenez-vous, la dynastie Yuan se désagrageait alors dans un chaos au sein duquel nos héros tentaient de survivre. Et, finalement, cela tombe bien car, avec la Trilogie du Condor, on repart sur des bases chronologiques peu éloignées (et les recherches effectuées pour comprendre le contexte de Bicheonmu peuvent être réinvesties ici). En effet, l'histoire débute, au cours de la première moitié du XIIIe siècle, dans une Chine dont le Nord est en proie aux attaques désordonnées des Mongols, force militaire émergente unifiée sous le commandement de Genghis Khan. Dans son ensemble, la trilogie du Condor s'étend sur plusieurs générations, du début du XIIIe siècle à la fin du XIVe siècle. Elle se propose de re-écrire un peu l'Histoire chinoise, des invasions mongoles jusqu'à l'avènement de la dynastie Ming.

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L'histoire de The Legend of the Condor Heroes est d'une complexité propre à ces épopées historiques chinoises, avec une galerie conséquente de personnages et une géopolitique à vous donner le vertige, si bien qu'il est difficile de la réduire à un bref synopsis synthétique. Disons simplement que tout débute dans le chaos de la fin de la dynatie Song, entre invasions et corruptions, par une tragédie qui va sceller les destins des futurs personnages principaux.

Guo Xiaotian et Yang Tiexin sont deux amis unis par un serment, qui vivent avec leurs épouses enceintes dans un petit village. Ils se lient d'amitié avec un prêtre taoïste, Qiu Chuji, qui a tendance à jouer les redresseurs de torts contre les responsables officiels corrompus. Peu de temps après cette rencontre, un soir, la femme de Yang Tiexin, Bao Xiruo sauve un inconnu blessé qui tombe sous son charme. Ce dernier, souhaitant conquérir la jeune femme, chargera des officiers corrompus de le débarasser des deux hommes de la maisonnée. Qiu Chuji reviendra trop tard pour sauver ses amis, ne pouvant que constater la capture des deux épouses et jurant de trouver une façon de préserver leurs enfants.

Après quelques péripéties, les deux femmes virent leurs destins séparés, attérissant chacune dans des camps différents, à terme opposés. Bao Xiruo, vivant désormais à la cour du prince Jin qu'elle avait secouru cette nuit fatale, donna naissance à un fils qu'elle nomma Yang Kang et qui fut élevé avec les déférences dûes à une personne de sang royal. Tandis que Li Ping finit, elle, en territoires mongols, où son fils, Guo Jing, grandit sous la tutelle de Genghis Khan. Pendant les 18 années qui suivirent chacun des deux enfants reçut une éducation de maîtres réputés d'arts martiaux ; Qiu Chuji instruisit Yang Kang, tandis que les "Seven Freaks of Jiangnan" furent les mentors de Guo Jin. Cette différence d'éducation explique qu'ils devinrent deux jeunes gens très différents, tant dans leur personnalité que dans les valeurs auxquels ils obéissent. C'est sur leur histoire, reflet tumultueux de leur pays, que The Legend of the Condor Heroes va se concentrer.

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Plongeant dans une Chine tourmentée par les conflits, où le chaos règne, ce drama est donc traversé par un puissant souffle épique, assez galvanisant une fois que le téléspectateur est bien rentré dans l'histoire. J'avais cependant eu besoin de quelques épisodes d'adaptation au début, avant de me prendre au jeu d'un récit très solide. N'ayant jamais eu l'occasion de lire le livre d'origine, ni de voir d'autres adaptations, je ne pourrais évaluer le degré de fidélité de la série. Mais on y retrouve en tout cas mis en scène tous les ingrédients du genre : de l'action, des romances, des trahisons, des amitiés et, moteur de bien des tragédies en puissance, des vengeances. Il manque peut-être un peu de charisme à certains protagonistes dont on aimerait qu'ils s'imposent plus à l'écran, mais, même sans trop s'attacher, on se laisse emporter par le souffle épique qui balaie leurs vies. Si bien qu'en dépit de quelques longueurs (surtout les parenthèses plus sentimentales), le cocktail prend plutôt bien, s'installant de manière convaincante dans la durée.

Car The Legend of the Condor Heroes est typiquement une de ces longues histoires qui s'apprécie pleinement comme un investissement dans le temps. C'est un ensemble homogène dont il est difficile de dissocier les épisodes tant ils donnent l'impression de former un tout. L'action s'offrant une large part dans le récit (les amateurs d'arts martiaux chorégraphiés apprécieront), le rythme global en bénéficie favorablement. Les thématiques abordées restent des plus classiques. Le résultat proposé donne ainsi le sentiment d'être très traditionnel (mais encore une fois, je manque de références pour comparer), tout en sachant doser avec justesse tous ces composants. En somme, une fois passé le premier abord plus abrupt, l'intérêt du téléspectateur ne se démentira pas et il est bien difficile de ne pas aller au bout.

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Sur la forme, le drama datant de 2003, les images commencent à être quelque peu datées. La reconstitution était assurément ambitieuse et a eu les moyens d'imposer un style qui n'est pas déplaisant, mais l'oeil du téléspectateur moderne aura sans doute besoin de quelques épisodes d'ajustement. Sur ce point, l'intérêt de la série réside en partie dans sa capacité à utiliser l'immensité de son cadre, la caméra profitant du décor pour nous faire ressentir l'ampleur de l'épopée, d'autant que l'équipe de la série a pu se déplacer en Chine, afin de pouvoir coller au récit et le retranscrire en images. Même si, à mon goût, cela manque de plans larges pour le mettre pleinement en valeur, certains paysages sont très beaux et assurent le dépaysement.

Pour le reste, la réalisation classique ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, en grande partie parce que j'apprécie assez peu cette tendance de la caméra à traîner au sol, levant son objectif pour capter les personnages suivant un angle montant. C'est assez frustrant. Sinon, les chorégraphies des combats sont logiquement de style Wu Xia Pian. Par conséquent, le réalisme n'est pas l'objectif premier. Cela "vole" et fuse par-dessus des toits, avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme. L'ensemble est d'assez bonne facture pour l'année de conception.

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Cependant, le souvenir le plus vivace de The Legend of the Condor Heroes demeure sa bande-son, ou plutôt ses génériques, de début et de fin. Tant par leur esthétique, leur graphisme, que par les mélodies et chansons qui y retentissent, ils demeurent, à mes yeux, un des aspects les plus marquants de la série. La chanson du début, particulièrement, m'a toujours donné des frissons, fascinante par le souffle épique qu'elle sait insuffler derrière ses images. C'est un vibrant appel à s'embarquer dans l'épopée, comme j'en ai rarement vu d'aussi convaincant et attrayant à la télévision. Superbe. (Pour jugez par vous-même, il s'agit de la première vidéo en fin de billet.)

Du côté du casting, l'impression est plutôt mitigée. Les acteurs s'en sortent plus ou moins bien, mais ils ne sont pas toujours pleinement convaincants, surtout lorsqu'il s'agit de verser dans l'émotion. Aucun n'est vraiment sorti du lot, même si j'ai fini par m'habituer à leur façon de jouer (mais sur ce point, le mandarin est une langue que j'ai plus de difficulté à appréhender et apprécier que le coréen ou le japonais, donc cela a pu jouer dans ma perception). Si je n'en connaissais aucun, on retrouve notamment à l'affiche, Li Yapeng (Laughing in the wind), Zhou Xun (Taiping Tianguo), Zhou Jie (Young Justice Bao, The Legend and the Hero), Jiang Qinqin, Zhao Liang, Sun Haiying, Cao Peichang, You Yong (The Qin Empire, Journey to the West), Wang Weiguo ou Zhang Jizhong (Laughing in the wind, Journey to the West).

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Bilan : Si elle n'est pas d'une accroche des plus faciles, The Legend of the Condor Heroes (2003) est une série intéressante, qui ne démérite pas si on prend la peine de s'y investir et que l'on a quelques affinités avec le genre Wuxia. L'histoire se révèle dense et complexe, son parfum épique souffle sur un scénario solide. Si la forme est un peu datée, le fond demeure attrayant, même si le casting est sans doute perfectible et aurait gagné à être plus marquant pour s'imposer à l'écran.

L'expérience téléphagique n'est donc pas déplaisante. Certes je ne vais pas prétendre qu'il s'agit d'une série pouvant plaire à tout le monde. C'est sans doute plutôt une fiction prenante à réserver aux amateurs du genre, qui y trouveront un classique de Wuxia qui mérite leur attention. En somme, pour ceux qui apprécient le registre historique teinté de Fantasy, mais comportant aussi une bonne part d'action et des combats d'arts martiaux chorégraphiés à la wu xia pian, la découverte ne devrait pas manquer d'attrait.

Cependant, même si vous n'avez pas le temps, ou l'envie, de vous lancer dans cet investissement téléphagique, prenez deux minutes pour être curieux et laissez-vous au moins transporter par le générique d'ouverture dont la vidéo est juste ci-dessous.


NOTE : 6/10


Le générique d'ouverture :

 

Le générique de fin :


11/08/2010

(J-Drama) Mousou Shimai (Paranoid Sisters) : une poésie téléphagique à vivre et ressentir


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Trois coups de coeur téléphagiques japonais en un été. Je crois qu'on peut officiellement dire que je me suis réconciliée avec le Japon, non ? Ce qui est enthousiasmant, c'est de constater que ces trois coups de coeur concernent des séries très différentes, traitant de thématiques qui n'ont rien à voir. Preuve de richesse d'un petit écran japonais cachant décidément en son sein des perles téléphagiques qui justifient vraiment cette quête vers l'inconnu, un peu abstraite, qui pousse le sériephile à l'exploration. Certes, j'ai passé sous silence tous mes échecs et vous épargnerez donc les reviews des quelques dizaines de pilotes non concluants qu'il aura fallu visionner pour dénicher ces trois petits bijoux, mais qu'importe.

Armée donc de votre liste de recommandations j-drama-esques, samedi dernier, j'ai lancé le premier épisode d'une des séries conseillées, Mousou Shimai. Il y avait une part d'excitation chez moi, mais aussi un peu d'appréhension. Il faut dire que la critique dythirambique qu'en avait rédigée Ladyteruki m'avait un peu effrayée : la peur de rompre la magie que faisait ressortir la review.

Sur ce point, j'avoue que le coup de foudre avec Mousou Shimai n'a pas été immédiat. Le premier épisode m'a autant intriguée que déroutée. Surprise, presque perplexe, j'ai poursuivi la découverte. C'est progressivement, au fil des minutes, que je suis rentrée dans cet univers. La soirée progressant, je n'ai bientôt plus réussi à me détacher de cette ambiance si particulière. Et c'est véritablement au cours du troisième épisode que la magie de ce drama m'a touchée en plein coeur. Pour ne plus me quitter jusqu'à la fin. Un moment de grâce téléphagique comme on en ressent peu, à chérir précieusement.

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Composé de 11 épisodes d'une durée moyenne de 25 minutes, sauf le dernier qui en dure une cinquantaine, Mousou Shimai fut diffusé sur la chaîne NTV du 17 janvier au 28 mars 2009.

Ce drama nous plonge dans l'intimité de trois soeurs qui vivent dans la grande maison familiale que leur a laissée leur père, décédé, entre ces mêmes murs, il y a vingt ans, dans des circonstances mystérieuses. Écrivain prestigieux, au talent reconnu par ses pairs et le public, sa mort est demeurée depuis inexpliquée. La pièce dans laquelle il se trouvait ayant été fermée de l'intérieur, et le corps ne portant aucune trace de blessure, ni ne contenant le moindre poison, les enquêteurs ne purent relever aucun indice permettant d'écarter ou de valider l'hypothèse du meurtre ou du suicide. Les trois soeurs ont continué leur vie et ont grandi, enterrant quelque part au fond de leur coeur ces questions douloureuses et sans réponse laissées par leur enfance. Ne prêtant plus vraiment attention au passé, elles sont devenues trois jeunes femmes, chacune au tempérament très différent. L'aînée, la maternelle et douce Akiko, s'occupe désormais du quotidien domestique, tout en veillant sur ses soeurs. La cadette, Fujio, profite pleinement de la vie, entièrement consacrée à son plaisir personnel. Enfin, Setsuko, rêveuse à la constitution fragile, se complaît dans son statut de benjamine de la maisonnée.

Mais le jour du vingtième anniversaire de la mort de leur père, elles reçoivent une lettre qui va bouleverser ce petit quotidien bien huilé. Elle émane de leur père lui-même, qui l'a écrite juste avant sa mort. Le message est cryptique. Tout en leur demandant pardon, il laisse entendre qu'il leur a laissé un secret, dans sa bibliothèque qu'il aimait tant. L'enveloppe contient également une petite clé qui leur donne accès à un coffre-fort caché derrière les rayonnages des livres. A l'intérieur, les soeurs y trouvent onze ouvrages, qui paraissaient manquant dans la collection de leur père. A côté, ce dernier a laissé une instruction sibylline : elles doivent les lire dans l'ordre où il les a laissés. A partir de là, les jeunes femmes vont se plonger dans les histoires suggestives, parfois érotiques, de ces romans. En s'identifiant dans les héroïnes qu'elles mettent en scène, c'est une part d'elles-mêmes qu'elles vont découvrir.

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Cette première présentation laisse déjà présager l'étrange mélange des genres que va proposer Mousou Shimai. C'est une série qui ne ressemble à aucun drama que j'avais eu l'occasion de découvrir jusqu'à présent. Étrange assortiment, troublant, presque indéfinissable, illuminé par une beauté esthétique comme émotionnelle, aussi éblouissante que poétique, qui rend impossible toute classification, si ce n'est la certitude que seuls les japonais doivent être capables d'une telle création. Car Mousou Shimai est d'une richesse étonnante, investissant des thématiques qui se déclinent sur plusieurs niveaux de lecture.

Tout d'abord, ce drama est une enthousiasmante ode à la littérature. Une forme de déclaration d'amour, sans retenue, à ces histoires intenses, émouvantes, passionnelles, dont regorgent les livres dormant sur les étages de nos bibliothèques. C'est d'ailleurs à travers un point de vue de lecteur que les scénaristes vont nous faire vivre le parcours intimiste des trois soeurs qui prend rapidement un tournant de quête identitaire, troublant un peu plus nos repères. Car c'est sur elles-mêmes, autant que sur leur père, que va porter cette introspection littéraire. Chaque épisode est l'occasion de pénétrer, de s'immerger dans un ouvrage. Et chaque histoire ouvre un peu plus leur coeur, mais aussi celui d'un téléspectateur qui ne peut se détacher de ce tumulte émotionnel en train de naître. Mousou Shimai nous glisse ainsi aux côtés des héroînes de chacun des romans, par le biais d'une reconstitution où l'une des soeurs incarne le personnage principal.

Là où la magie opère, c'est que la série va réussir à transmettre au téléspectateur un ressenti diffus, difficile à décrire, mais absolument unique : l'impression d'être en train de lire devant notre télévision. Comment s'y prend-elle ? En parvenant à introduire des ingrédients propre à lecture dans sa narration. Mousou Shimai, c'est de la poésie téléphagique. Cela se concrétise par une ambiance profondément contemplative et poétique, où l'empathie domine et où le fond et la forme fusionnent. Cela passe aussi par des procédés techniques, comme l'incrustation à l'écran de  certaines phrases du roman, lues à voix haute par une des soeurs. Ce sont aussi les échanges, souvent passionnés, qu'elles ont à la fin de chaque récit, et qui renforcent cette sensation par la vivacité et l'authenticité qui s'en dégagent. Le résultat est troublant car, au-delà même du sujet abordé, et comme s'il y avait plusieurs enjeux, plusieurs degrés de lecture, cette série apparaît tout d'abord comme un hommage d'une sincérité profonde à la littérature. 

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Outre ce choix narratif, Mousou Shimai, c'est aussi une histoire d'amour. Ou plutôt, il s'agit d'une histoire - ou d'une réflexion - sur l'amour. A mesure qu'elles progressent dans la collection de leur père, les soeurs vont explorer l'intensité, la versatilité, la diversité, la dangerosité, mais aussi la richesse, d'un sentiment a priori si volatile, si irrationnel, sur lequel elles ne se sont jamais vraiment penchées. D'une manière semblable à la construction de certaines fables, chaque histoire lue contient un apport, ou un enseignement, sur cette thématique centrale qu'est l'amour. Les soeurs suivent les pas d'héroïnes dont le destin fut commandé par ce sentiment. L'expérience est d'autant plus intense que les histoires mises en scène m'ont plus d'une fois laissée sans voix devant mon écran, y allant de ma petite larme. Car en entreprenant d'explorer des facettes multiples et différentes de l'amour, elles flirtent bien souvent avec la tragédie.

Pourtant, ne vous y trompez pas, Mousou Shimai n'est pas une série triste. Au contraire. Si l'amour et la mort semblent tout deux constamment, fatalement, imbriqués, ils le sont en reflet d'un lien plus profond, transcendant, qui unit deux êtres mortels. La narration conserve toujours une distance salutaire. Le rappel qu'il s'agit d'un roman est régulier, mais il est normal de se laisser toucher par des reconstitutions, dont le but premier est d'agir sur ses personnages, et par ricochet sur le téléspectateur. Les débats et analyses cliniques qu'en font les soeurs à la fin ne remettent d'ailleurs jamais en cause la décharge émotionnelle que constitue le récit brut que l'on vient de vivre ; le simple fait d'en discuter en accentue l'impact. Le tout est mis en scène de façon très contemplative, sans rapport avec les codes de narration occidentaux. C'est une mosaïque d'images et de ressentis qui se mélangent, d'où se dégage une authenticité émotionnelle rare. Dépourvue d'artifices, elle vous touche en plein coeur en un instant, sans que vous y preniez garde, vous submergeant le temps d'une parenthèse fictive au détour d'une page. Ce drama ouvre le coeur des soeurs, comme celui du téléspectateur. Et c'est tout simplement magique.

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Expérience littéraire, introspection sentimentale, le tableau de Mousou Shimai se complète enfin d'un fil rouge aux accents policiers. La résolution de l'énigme que constitue la mort de leur père demeure l'objectif de ce parcours initiatique à travers la collection qu'il leur a laissée. Si le mystère semble souvent un peu lointain et l'enjeu parfois presque ailleurs, pour un téléspectateur que les immersions romanesques fascinent plus, cela insuffle cependant une dynamique supplémentaire au récit. Notre seule peur, c'est peut-être qu'une réponse trop terre-à-terre vienne briser la magie que la série a su créer. Dans cette perspective, la conclusion se révèlera finalement être en parfaite continuité avec la tonalité d'ensemble du drama. Toute aussi déstabilisante aussi.

Il est d'autant plus facile d'apprécier pleinement cette série que les trois héroïnes, à travers leurs différences et leurs oppositions, se révèlent toutes attachantes, chacune à leur manière, avec les contrastes qu'elles offrent. Les tensions qui se créent entre elles, au fil de l'expérience que leur père est en train de leur faire vivre, sonnent toujours avec beaucoup de justesse. Toute cette dynamique est vivante, et redonne une touche très humaine à une réflexion aux allures parfois un peu abstraites.

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Cependant si Mousou Shimai est une oeuvre véritablement aboutie, elle l'est aussi parce que le fond et la forme se conjuguent en un tout indissociable, où la technique devient un ingrédient à part entière, faisant partie intégrante du récit. La réalisation s'avère être non seulement le reflet fidèle de la poésie émanant de l'ensemble, mais la magie ressentie lors des immersions littéraires se traduit également à l'écran par une photographie dont la beauté est à couper le souffle. Qu'il s'agisse des jeux de teintes et de couleurs ou du cadre choisi pour certaines scènes, Mousou Shimai compose sous nos yeux, qui oscillent entre émerveillement et fascination, de véritables oeuvres d'art, utilisant tout le savoir-faire japonais en la matière. En somme, c'est une belle histoire qui est également belle pour les yeux.


Un aperçu de la photographie de la série :

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Pour porter ce récit troublant, Mousou Shimai bénéficie enfin d'un trio d'actrices qui vont toutes être à la hauteur de la poésie de l'histoire. La superbe Kichise Michiko illumine chacune des scènes d'une grâce discrète et assurée, incarnant Akiko, l'aînée des trois soeurs. Konno Mahiru, plus intense et assumée en apparence, offre sans doute le plus de contrastes dans les attitudes qu'elle adoptera de façon toujours maîtrisée. Enfin, Takahashi Mai capte à merveille la fragilité sensible et innocente de son personnage.

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Bilan : Le visionnage de Mousou Shimai constitue en soi une expérience téléphagique. C'est une oeuvre à part, qu'il est difficile d'analyser de façon désincarnée dans une review. C'est une fiction contemplative, intimiste, profondément poétique et très métaphorique, qui se situe en dehors et au-delà des classifications. C'est une série pour les amoureux de littérature, qui retrouveront ce ressenti enivrant dans lequel on s'immerge lorsque l'on ouvre et se plonge dans un livre. C'est aussi un parcours initiatique, une réflexion d'une étonnante authenticité émotionnelle qui se révèle très touchante.

L'ambiance et la tonalité surprennent au départ, pouvant déstabiliser un téléspectateur occidental qui voit ses repères narratifs brouillés. Mais c'est une expérience qui mérite d'être vécue. Et si l'amour et la mort paraissent à jamais lier en son sein, Mousou Shimai n'a rien d'un drame. C'est un magnifique hymne à l'amour, reconnaissant, célébrant la beauté, la pureté et la noblesse de ce sentiment.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

(via Ladytelephagy)

04/08/2010

(J-Drama) Hagetaka (Road to rebirth) : sur les ruines du capitalisme financier, destins croisés et vies à reconstruire




"Someone said there’s only two kinds of tragedy.
The first, having no money. Second, having too much of it.
The world is made of money, and money bears tragedies."

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Attention, petit bijou téléphagique en ce premier mercredi asiatique du mois d'août !

La découverte de la semaine est d'autant plus appréciable qu'elle aura été difficile à dénicher. La vie du sériephile est faite de frustrations. Cette curiosité inassouvie qui le pousse constamment vers de nouveaux horizons a un côté sombre : les découvertes ne sont pas toujours à la hauteur. Pour dix pilotes testés, combien d'essais concluants ? Le ratio est encore plus disproportionné quand je m'essaye à la télévision japonaise. Comme je vous l'ai déjà confié, actuellement, je m'intéresse plus particulièrement à ce pays. J'ai testé divers dramas de la saison estivale, tous genres et toutes chaînes confondues... sans grand succès. J'ai bien trouvé quelques programmes suffisamment accrocheurs pour que l'on est envie de poursuivre le visionnage, mais rien de marquant.

Insatisfaite, j'ai donc entrepris de remonter un peu le temps, me rendant dans des recoins plus reculés, encore inconnus de la relative profane en télévision japonaise que je suis. Ce week-end, je commençais à désespérer, achevant de m'auto-convaincre que le problème venait de mes goûts personnels et qu'aucune histoire d'amour sur le long terme ne serait peut-être jamais possible avec le pays du Soleil Levant (un coup de coeur pour combien de tentatives ?). Et puis, soudain, ce fut l'étincelle tant espérée ! Dès les premières minutes, j'ai bien senti qu'entre Hagetaka et moi, cela pourrait coller. Deux heures plus tard, les deux premiers épisodes visionnés à la suite, je m'étais réconciliée avec le Japon, à nouveau captivée, impressionnée, fascinée, par un jdrama ! Car voyez-vous, Hagetaka, c'est une de ces gifles téléphagiques qui vous font le plus grand bien, raniment une passion et vous redonnent foi dans le Dieu du petit écran.

Si bien qu'avant de vous en parler plus précisément, je profite de ce billet pour lancer un appel à vous, chers lecteurs ; car, motivée comme je le suis actuellement, c'est le moment ou jamais de me proposer des séries japonaises. Mais j'ai beau y mettre beaucoup de bonne volonté, je me perds trop souvent dans cette offre si riche. Si on récapitule, mes gros coups de coeur de ces derniers mois, en provenance du pays du Soleil Levant, furent Mother, Gaiji Keisatsu et, donc, Hagetaka. Quelles autres découvertes pourriez-vous me conseiller ? Sachant que les comédies ne m'intéressent pas et que j'ai fait une overdose de high school dramas lors de mon précédent cycle japonais.

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Hagetaka est une série qui fut diffusée sur NHK en 2007. Elle comporte six épisodes d'une heure chacun.

Adaptée d'un roman éponyme de Mayama Jin, elle nous plonge dans un cadre original, celui des rouages de la finance, pour nous relater les destins croisés, teintés de tragédies, de plusieurs personnages aux vies imbriquées. Dotée d'une réelle dimension humaine, elle s'intéressera à leurs évolutions, s'étalant sur presque une décennie, de la fin des années 90 au début des années 2000. Son premier épisode nous introduit dans un Japon encore affaibli par la crise que le pays connut lors de l'explosion de la bulle financière au début des années 90. Le modèle économique sur lequel il s'était reconstruit, après la Seconde Guerre Mondiale, est alors mis à mal par les excès d'un capitalisme forcené, dont les assauts font vaciller ses fondements. Ses anciennes valeurs fondatrices, patriarcales, apparaissent désormais obsolètes, étrangères et dépassées pour les nouveaux acteurs des marchés financiers.

Hagetaka débute en 1998. Une des banques les plus importantes du pays est alors en situation critique, considérablement fragilisée par la crise. Ses débiteurs n'étant plus en mesure de payer en respectant les échéances, sa dette s'est envolée. Pour éviter la banqueroute, elle n'a d'autre choix que d'accepter les propositions d'achat d'une partie de ses dettes par un fonds d'investissement étranger, Japan Horizon. Ce dernier est dirigé par un de ses anciens employés, Washizu Masahiko, pour qui cette tractation marque le retour au pays après plusieurs années passées aux Etats-Unis. Il avait à l'époque quitté précipitamment ses fonctions à la suite d'un drame, le suicide d'un de ses clients, conséquence de son refus d'accéder à sa demande de prêt.

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Se comportant désormais comme un véritable "hagetaka" (= vautour), Washizu assure la liquidation rapide et déshumanisée des dettes reprises. Faisant peu de cas de l'opinion modératrice émanant de son ancien supérieur, Shibano Takeo, il traite notamment de manière particulièrement expéditive le dossier d'une vieille auberge familiale. Une histoire qui se terminera, une nouvelle fois, en tragédie. Mais la culpabilité appartient désormais au passé ; le temps n'est plus aux regrets. Cette première incursion dans l'économie japonaise est le début d'une bien plus vaste offensive de la part de Japan Horizon et de ses capitaux internationaux. "Let's buy Japan out !" est le mot d'ordre venu de New York.

Menant une politique agressive de spéculation, les froides recherches de rentabilité du fonds d'investissement viennent achever de bouleverser le modèle entrepreneurial traditionnel du Japon. Hagetaka dépeint avec un réalisme minutieux, mais jamais rébarbatif - bien au contraire -, les coulisses de milieux financiers où l'affrontement est permanent, guidés par une quête constante du profit. Dans ce cadre, acteurs et victimes vont et viennent, ne cessant de se croiser, évoluant au sein d'un même système qui cannibalise tout sur son passage. Drame humain autant que thriller financier, Hagetaka va prendre le temps de s'intéresser à ses personnages aux motivations plus insaisissables que les apparences ne le laisseraient penser. Au fil des épisodes et des années, c'est une forme de parcours initiatique qui s'esquisse sous les yeux du téléspectateur. Un voyage sur une "road to rebirth", pour essayer de faire la paix avec soi-même, même si toute faiblesse peut être fatale.

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L'argent est donc l'élément central, moteur, de l'univers de Hagetaka, en témoigne la première phrase que j'ai reprise au début de cet article, prononcée en guise d'introduction par Washizu. La symbolique de la scène d'ouverture de la série mériterait d'ailleurs à elle-seule un développement entier, tout comme le générique de fin, aussi troublant que poétique. Je me contenterai de souligner que ce drama est bien plus qu'une simple démonstration des ressorts broyeurs du capitalisme financier. Ici, pas de morale univoque, ni de vérité facilement accessible. Le but n'est pas de pointer des responsabilités, la série s'attache simplement - mais avec une rigueur ambitieuse - à décrire le fonctionnement d'un système, avec ses limites et ses injustices.

L'aspect humain ne s'oppose pas au vecteur financier. Les deux ne s'excluent pas, mais doivent, au contraire, se combiner et trouver un équilibre. Le danger réside dans les excès. La réussite de Hagetaka, c'est justement cette capacité à amener le téléspectateur à s'interroger, sans prétendre asséner de réponses miracles. Le drama trouble, interpelle, mais ne préjuge jamais. Sa portée est d'autant plus forte que derrière ce portrait sombre et pessimiste qu'il dépeint, les thématiques abordées marquent également par leur frappante actualité avec le monde réel. L'histoire relatée - et les dérives mises en lumières - trouve un écho particulier dans notre propre situation économique (l'impression amère que tout se répète en quelque sorte, sans que les enseignements aient été tirés).

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Cependant Hagetaka va bien au-delà de son seul cadre financier de départ. Si l'ensemble renvoie une image faussement déshumanisée, c'est pourtant bien une histoire aux accents terriblement humains que la série relate. L'émotion perce presque malgré la volonté de certains personnages. Comment arbitrer ses sentiments, son parcours personnel, voire même son éthique professionnelle, quand on est seulement un simple rouage dans un système qui s'auto-alimente ? Le capitalisme, même poussé à l'extrême, ne peut entraîner la négation complète de l'individu qui met en oeuvre sa logique. La force de Hagetaka est de refuser de céder à la tentation d'une approche manichéenne, optant pour un réalisme d'une rare acuité.

Il n'y a pas de chevalier blanc, pas de personnage pour incarner un "méchant" dénué de toute conscience. Il y a seulement des êtres humains, à la fois acteur et victime de ce système dont ils ne maîtrisent pas les règles. Les situations sont difficiles et la bonne solution évidente n'existe pas. Au fil des épisodes, chaque protagoniste gagne en épaisseur. Acculés dans des impasses qui les placent en porte-à-faux avec eux-même, ils révèlent peu à peu toute leur complexité, dévoilant des motivations plus obscures et des contradictions parfois fatales. Aussi vivant que troublé, c'est un tableau tout en nuances qui se peint finalement sous nos yeux fascinés.

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Aussi dense et passionnant que soit son contenu, Hagetaka ne serait pas ce qu'elle est sans sa somptueuse bande-son signée Sato Naoki (plus connu pour avoir réalisé celle de Pandora, par exemple). Le téléspectateur est presque surpris de découvrir, dès les premières minutes, un tel accompagnement musical pour une série qui aura su éviter tous les écueils dus à la technicité de son sujet. Insufflant un souffle épique dans chaque scène, subtile et sobre quand il le faut, vertigineuse et entraînante en parfaite adéquation avec l'importance du passage à d'autres moments, elle constitue un véritable petit bijou à elle toute seule. Pour couronner le tout, l'ensemble est complété par un langoureux générique, mélancolique à souhait, qui donne des frissons au téléspectateur.

Dans le même temps, Hagetaka est tout aussi sérieuse dans sa réalisation, proposant des plans soignés, ne renonçant pas à cette poésie des images que l'on retrouve dans les dramas japonais réussis. Elle a également recours à des jeux de lumière intéressants qui lui permettent de s'approprier pleinement son univers.

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Enfin, dernier compliment - mais non des moindres -, celui qui doit être adressé au casting qui se révèle juste impeccable. Faisant preuve d'une sobriété pesée et calculée, en adéquation avec la tonalité d'ensemble du drama, les différents acteurs parviennent également, sans jamais se départir de leur réserve, à exprimer une réelle intensité dramatique lors des passages les plus poignants. Leurs performances m'ont bluffée, en particulier le duo principal dont l'interprétation nuancée, de figures pourtant particulièrement complexes, fut d'une justesse jamais prise en défaut.

Nao Omori réussit ainsi à capter parfaitement l'ambivalence des conflits internes animant un Washizu Masahiko qui se révèle bien loin d'être un simple "hagetaka" ; tandis que Kyohei Shibata dépeint, avec beaucoup de subtilité et de retenue, ce personnage renvoyant une image toujours si solide qu'est Shibano Takeo. A leurs côtés, Chiaki Kuriyama (Mishima Yuka) apporte une touche de fraîcheur, mais aussi de foi et d'espérance en certains personnages, qui s'avère touchante. Plus en retrait, enfin, Ryuhei Matsuda (Osanu Nishino) colle parfaitement à l'affirmation d'un fils brisé par le suicide de son père, chez qui le désir de vengeance finira par tout obscurcir.

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Bilan : Hagetaka, c'est une de ces claques téléphagiques salvatrices que l'on rêverait de rencontrer plus souvent dans ses explorations du petit écran. A partir d'une thématique originale, mais également très ardue, qui ne manquait pas de complexité et pouvait décontenancer a priori, la série s'affirme comme un drama de haut standing, sublimant et dépassant son cadre financier. Bénéficiant d'une écriture subtile, d'une justesse troublante, sa richesse est de proposer une lecture à plusieurs niveaux. Elle dresse le portrait nuancé d'un Japon économiquement affaibli, au sortir des années 90, au croisement de deux voies semblant destinées à se confronter, entre une tradition industrielle forgée dans les liens familiaux et un capitalisme impersonnel presque sauvage. C'est une société en crise, où les situations renvoient à des images de l'actualité récente.

Mais Hagetaka, ce sont aussi des histoires personnelles, un chemin timide vers la rédemption entrepris par des personnages cherchant à faire la paix avec eux-mêmes, tous acteurs d'un système capitaliste outrancier, dont les rouages broyeurs les ont, à des degrés divers, brisés. Agresseurs ou victimes, les rôles se révèlent bien moins clairs que ce que les apparences peuvent laisser croire a priori. Détachée de tout manichéisme, Hagetaka est une série sombre, relativement pessimiste, qui choisit de traiter avec beaucoup de réalisme des problématiques compliquées, tout en parvenant à captiver le téléspectateur tout au long de ses six épisodes.


En résumé - en espérant avoir réussi à retranscrire au moins une partie de mon enthousiasme dans cette review -, il s'agit d'une série tout simplement incontournable. Et par sa thématique qui transcende les frontières, elle parlera à tout téléspectateur, qu'il soit familier ou non avec les fictions japonaises. Indispensable.


NOTE : 9,5/10


Le superbe générique de fin :



Une bande-annonce (pour le premier épisode) :