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18/08/2010

(C-Drama) The Legend of the Condor Heroes (2003) : un souffle épique dans votre petit écran.



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Au programme de ce mercredi asiatique, du dépaysement à l'assaut de nouveaux grands espaces, avec une série issue d'un pays dont c'est la première évocation sur ce blog. Après la Corée du Sud et le Japon, le drama dont il va être question aujourd'hui nous vient en effet directement de Chine. Un vrai c-drama (en provenance de la République populaire, non de Hong Kong), en mandarin, et qui reste à ce jour le seul que j'ai eu l'occasion de regarder.

Cela fait quelque temps que j'ai fini cette série, mais j'ai eu envie de prendre le temps de m'y arrêter aujourd'hui. Pourquoi ? Tout d'abord parce que ce drama appartient à un genre de fiction chinoise (Wuxia) que j'aimerai vraiment avoir le temps de découvrir plus avant (malheureusement ce n'est pas pour tout de suite). Egalement parce qu'il s'agit d'une adaptation parmi d'autres d'un grand classique incontournable. D'où ce billet découverte du jour.

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A l'origine de cette série, se trouve une suite de romans écrits dans les années 50-60 par Jin Yong, écrivain célèbre basé à Hong Kong, dont les livres font partie des grands classiques du genre Wuxia. Large source d'inspiration, ils ont surtout donné lieu à de nombreuses adaptations, au cinéma comme à la télévision. Sur petit écran, la référence demeure la version de la chaîne de Hong Kong, TVB, datant de 1983, considérée comme un classique. D'ailleurs, avant 2003, toutes les transpositions, sur grand comme sur petit écran, avaient eu pour seule origine Hong Kong. Et donc, la version de The Legend of the Condor Heroes, dont il est question ici, est la première adaptation proposée par la Chine, dont elle va profiter du somptueux cadre.

Cette suite de romans de Jin Yong constitue en fait une trilogie. Au cours de la dernière décennie, chaque tome a été porté à l'écran, pour un total final de 3 saisons, composées d'une quarantaine d'épisodes chacune. The Legend of the Condor Heroes (La légende du héros chasseur d'aigles, en version française littéraire) (2003 / saison 1) constitue la première partie de cette vaste fresque épique, qui se poursuit ensuite avec The Return of the Condor Heroes (Le Retour du héros chasseur d'aigles) (adaptée en 2006 / saison 2), pour se conclure enfin avec The Heaven Sword and Dragon Saber (L'Epée céleste et le sabre du dragon) (adaptée en 2009 / saison 3). L'histoire couvrant plusieurs générations, c'est une épopée titanesque ; mais si le récit forme un ensemble, le téléspectateur peut visionner chacune des séries indépendamment.

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The Legend of the Condor Heroes (2003) est donc une série chinoise, composée de 42 épisodes et diffusée sur CCTV. Attention à ne pas confondre avec une adaptation plus récente : il existe en effet une autre série éponyme, qui date de 2008, également chinoise, et qui, elle, fut diffusée sur KMTV-1. Comprenant 50 épisodes, cette dernière prend apparemment un peu plus de liberté avec le récit original. Le contexte historique du roman de Jin Yong reste cependant identique.

Jusqu'à présent, la seule fois où nous avions frôlé la Chine, sur ce blog, c'était à l'occasion de Bicheonmu. Souvenez-vous, la dynastie Yuan se désagrageait alors dans un chaos au sein duquel nos héros tentaient de survivre. Et, finalement, cela tombe bien car, avec la Trilogie du Condor, on repart sur des bases chronologiques peu éloignées (et les recherches effectuées pour comprendre le contexte de Bicheonmu peuvent être réinvesties ici). En effet, l'histoire débute, au cours de la première moitié du XIIIe siècle, dans une Chine dont le Nord est en proie aux attaques désordonnées des Mongols, force militaire émergente unifiée sous le commandement de Genghis Khan. Dans son ensemble, la trilogie du Condor s'étend sur plusieurs générations, du début du XIIIe siècle à la fin du XIVe siècle. Elle se propose de re-écrire un peu l'Histoire chinoise, des invasions mongoles jusqu'à l'avènement de la dynastie Ming.

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L'histoire de The Legend of the Condor Heroes est d'une complexité propre à ces épopées historiques chinoises, avec une galerie conséquente de personnages et une géopolitique à vous donner le vertige, si bien qu'il est difficile de la réduire à un bref synopsis synthétique. Disons simplement que tout débute dans le chaos de la fin de la dynatie Song, entre invasions et corruptions, par une tragédie qui va sceller les destins des futurs personnages principaux.

Guo Xiaotian et Yang Tiexin sont deux amis unis par un serment, qui vivent avec leurs épouses enceintes dans un petit village. Ils se lient d'amitié avec un prêtre taoïste, Qiu Chuji, qui a tendance à jouer les redresseurs de torts contre les responsables officiels corrompus. Peu de temps après cette rencontre, un soir, la femme de Yang Tiexin, Bao Xiruo sauve un inconnu blessé qui tombe sous son charme. Ce dernier, souhaitant conquérir la jeune femme, chargera des officiers corrompus de le débarasser des deux hommes de la maisonnée. Qiu Chuji reviendra trop tard pour sauver ses amis, ne pouvant que constater la capture des deux épouses et jurant de trouver une façon de préserver leurs enfants.

Après quelques péripéties, les deux femmes virent leurs destins séparés, attérissant chacune dans des camps différents, à terme opposés. Bao Xiruo, vivant désormais à la cour du prince Jin qu'elle avait secouru cette nuit fatale, donna naissance à un fils qu'elle nomma Yang Kang et qui fut élevé avec les déférences dûes à une personne de sang royal. Tandis que Li Ping finit, elle, en territoires mongols, où son fils, Guo Jing, grandit sous la tutelle de Genghis Khan. Pendant les 18 années qui suivirent chacun des deux enfants reçut une éducation de maîtres réputés d'arts martiaux ; Qiu Chuji instruisit Yang Kang, tandis que les "Seven Freaks of Jiangnan" furent les mentors de Guo Jin. Cette différence d'éducation explique qu'ils devinrent deux jeunes gens très différents, tant dans leur personnalité que dans les valeurs auxquels ils obéissent. C'est sur leur histoire, reflet tumultueux de leur pays, que The Legend of the Condor Heroes va se concentrer.

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Plongeant dans une Chine tourmentée par les conflits, où le chaos règne, ce drama est donc traversé par un puissant souffle épique, assez galvanisant une fois que le téléspectateur est bien rentré dans l'histoire. J'avais cependant eu besoin de quelques épisodes d'adaptation au début, avant de me prendre au jeu d'un récit très solide. N'ayant jamais eu l'occasion de lire le livre d'origine, ni de voir d'autres adaptations, je ne pourrais évaluer le degré de fidélité de la série. Mais on y retrouve en tout cas mis en scène tous les ingrédients du genre : de l'action, des romances, des trahisons, des amitiés et, moteur de bien des tragédies en puissance, des vengeances. Il manque peut-être un peu de charisme à certains protagonistes dont on aimerait qu'ils s'imposent plus à l'écran, mais, même sans trop s'attacher, on se laisse emporter par le souffle épique qui balaie leurs vies. Si bien qu'en dépit de quelques longueurs (surtout les parenthèses plus sentimentales), le cocktail prend plutôt bien, s'installant de manière convaincante dans la durée.

Car The Legend of the Condor Heroes est typiquement une de ces longues histoires qui s'apprécie pleinement comme un investissement dans le temps. C'est un ensemble homogène dont il est difficile de dissocier les épisodes tant ils donnent l'impression de former un tout. L'action s'offrant une large part dans le récit (les amateurs d'arts martiaux chorégraphiés apprécieront), le rythme global en bénéficie favorablement. Les thématiques abordées restent des plus classiques. Le résultat proposé donne ainsi le sentiment d'être très traditionnel (mais encore une fois, je manque de références pour comparer), tout en sachant doser avec justesse tous ces composants. En somme, une fois passé le premier abord plus abrupt, l'intérêt du téléspectateur ne se démentira pas et il est bien difficile de ne pas aller au bout.

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Sur la forme, le drama datant de 2003, les images commencent à être quelque peu datées. La reconstitution était assurément ambitieuse et a eu les moyens d'imposer un style qui n'est pas déplaisant, mais l'oeil du téléspectateur moderne aura sans doute besoin de quelques épisodes d'ajustement. Sur ce point, l'intérêt de la série réside en partie dans sa capacité à utiliser l'immensité de son cadre, la caméra profitant du décor pour nous faire ressentir l'ampleur de l'épopée, d'autant que l'équipe de la série a pu se déplacer en Chine, afin de pouvoir coller au récit et le retranscrire en images. Même si, à mon goût, cela manque de plans larges pour le mettre pleinement en valeur, certains paysages sont très beaux et assurent le dépaysement.

Pour le reste, la réalisation classique ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, en grande partie parce que j'apprécie assez peu cette tendance de la caméra à traîner au sol, levant son objectif pour capter les personnages suivant un angle montant. C'est assez frustrant. Sinon, les chorégraphies des combats sont logiquement de style Wu Xia Pian. Par conséquent, le réalisme n'est pas l'objectif premier. Cela "vole" et fuse par-dessus des toits, avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme. L'ensemble est d'assez bonne facture pour l'année de conception.

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Cependant, le souvenir le plus vivace de The Legend of the Condor Heroes demeure sa bande-son, ou plutôt ses génériques, de début et de fin. Tant par leur esthétique, leur graphisme, que par les mélodies et chansons qui y retentissent, ils demeurent, à mes yeux, un des aspects les plus marquants de la série. La chanson du début, particulièrement, m'a toujours donné des frissons, fascinante par le souffle épique qu'elle sait insuffler derrière ses images. C'est un vibrant appel à s'embarquer dans l'épopée, comme j'en ai rarement vu d'aussi convaincant et attrayant à la télévision. Superbe. (Pour jugez par vous-même, il s'agit de la première vidéo en fin de billet.)

Du côté du casting, l'impression est plutôt mitigée. Les acteurs s'en sortent plus ou moins bien, mais ils ne sont pas toujours pleinement convaincants, surtout lorsqu'il s'agit de verser dans l'émotion. Aucun n'est vraiment sorti du lot, même si j'ai fini par m'habituer à leur façon de jouer (mais sur ce point, le mandarin est une langue que j'ai plus de difficulté à appréhender et apprécier que le coréen ou le japonais, donc cela a pu jouer dans ma perception). Si je n'en connaissais aucun, on retrouve notamment à l'affiche, Li Yapeng (Laughing in the wind), Zhou Xun (Taiping Tianguo), Zhou Jie (Young Justice Bao, The Legend and the Hero), Jiang Qinqin, Zhao Liang, Sun Haiying, Cao Peichang, You Yong (The Qin Empire, Journey to the West), Wang Weiguo ou Zhang Jizhong (Laughing in the wind, Journey to the West).

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Bilan : Si elle n'est pas d'une accroche des plus faciles, The Legend of the Condor Heroes (2003) est une série intéressante, qui ne démérite pas si on prend la peine de s'y investir et que l'on a quelques affinités avec le genre Wuxia. L'histoire se révèle dense et complexe, son parfum épique souffle sur un scénario solide. Si la forme est un peu datée, le fond demeure attrayant, même si le casting est sans doute perfectible et aurait gagné à être plus marquant pour s'imposer à l'écran.

L'expérience téléphagique n'est donc pas déplaisante. Certes je ne vais pas prétendre qu'il s'agit d'une série pouvant plaire à tout le monde. C'est sans doute plutôt une fiction prenante à réserver aux amateurs du genre, qui y trouveront un classique de Wuxia qui mérite leur attention. En somme, pour ceux qui apprécient le registre historique teinté de Fantasy, mais comportant aussi une bonne part d'action et des combats d'arts martiaux chorégraphiés à la wu xia pian, la découverte ne devrait pas manquer d'attrait.

Cependant, même si vous n'avez pas le temps, ou l'envie, de vous lancer dans cet investissement téléphagique, prenez deux minutes pour être curieux et laissez-vous au moins transporter par le générique d'ouverture dont la vidéo est juste ci-dessous.


NOTE : 6/10


Le générique d'ouverture :

 

Le générique de fin :


17/01/2010

(K-Drama) Bicheonmu (BiChunMoo / Fei Tian Wu) : des destinées tragiques en quête d'un art martial unique



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Un peu d'ouverture supplémentaire en ce dimanche asiatique, puisque le drama dont je vais vous parler aujourd'hui est une coproduction sino-coréenne, nous ouvrant donc à la Chine. Même si je dois vous prévenir que ce n'est pas un pays que vous retrouverez régulièrement dans ces colonnes, notamment en raison du fait que j'ai un peu de difficultés à me faire à la langue (cantonnais ? mandarin ? Je ne sais pas, mes compétences linguistiques en la matière sont proches du néant) -à la différence du japonais ou coréen- et que la longueur  de leurs dramas historiques (qui sont ceux qui m'intéressent le plus a priori) les rend assez imposant. Je n'en ai d'ailleurs vu qu'un seul jusqu'à présent, qui soit un pur c-drama (non une co-production) : il s'agissait d'une des versions du grand classique The Legend of the Condor Heroes, celle de 2003, je pense. De plus, en grande fresque historique, actuellement, je me suis promis de parvenir au bout de Jumong et de ses 81 épisodes (je vous annonce fièrement que j'approche la moitié -je crois que j'en ferais un bilan de mi-série, ou je risque d'oublier les 20 premiers épisodes d'ici que j'arrive à la fin). Une chose à la fois, donc, même si c'est un univers inexploré qu'il faudra que je prenne le temps de découvrir un jour. (D'autant qu'après, il faudra que j'enchaîne sur The Kingdom of the Wind.)

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Pour en revenir au drama qui fait l'objet de la note du jour, il va sans doute marquer une nouvelle étape dans mes découvertes en provenance de ce continent. Oh, il fallait bien que cela arrive un jour. Les dramas historiques sont rarement joyeux, se rapprochant plus d'une succession de tragédies placées sous le signe du destin. Vous savez aussi que j'ai la larme facile. Reste que, après trois ans de découvertes de séries asiatiques, si j'en ai vu des fins tragiques, si j'ai parfois eu les yeux humides, j'étais toujours restée stoïque devant mon petit écran. Jusqu'à Bicheonmu. Où toutes mes belles résolutions ont volé en éclat, tandis qu'une pyramide de mouchoirs se constituait progressivement sur la table basse de mon salon : j'étais déjà en larmes devant l'avant-dernier épisode...

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Bicheonmu fut diffusé en 2006 en Chine, et seulement en 2008 en Corée du Sud, suite à des problèmes de droits d'auteur. Les deux versions seraient différentes, mais je n'ai vu que celle coréenne. Adaptation d'un manhwa éponyme de Kim Hye Rin, cette histoire avait déjà fait l'objet d'un film, sorti en 2001 et disponible en DVD en France (sous le titre Bichunmoo). Contrairement à d'autres fresques historiques dont la longueur peut faire hésiter, il s'agit d'un drama relativement court pour les standards coréens, puisqu'il ne comporte que 14 épisodes (d'1 heure environ chacun).

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L'histoire est la suivante... Suite à l'assassinat, le jour de sa naissance, de ses parents dont il ignore tout, Jin-Ha a été élevé par un serviteur de son père qui s'est présenté comme son oncle. Il l'a initié aux techniques du BiChun, un art martial ancien et secret que l'on ne peut apprendre que grâce à un manuel unique, que son père a laissé en héritage à Jin-Ha, et dont la puissance attire toutes les convoitises. Coréens exilés du royaume de Goryeo, conquis par l'Empereur Mongol, les deux hommes ont vécu retiré dans la montagne chinoise, déménageant souvent. Jin-Ha croise un jour la belle Sul-Ri. Les deux jeunes gens tombent éperdument amoureux, tandis qu'ils se lient également d'amitié avec un héritier noble de passage, Namgong Jun Kwang. Mais Sul-Ri, fille d'une concubine d'un puissant général mongol, Tarooga, doit suivre son père, lorsqu'il rend une dernière visite à sa mère.

L'enchaînement tragique des évènements commence alors. Ayant passé trop de temps au même endroit, des hommes, qui n'ont jamais cessé de rechercher le précieux manuel d'art martial, surgissent et tuent l'oncle de Jin-Ha. Ce dernier, découvrant peu à peu ses origines, sent son désir de vengeance s'affirmer. D'autant que Namgong Jun Kwang, aveuglé par son amour inconditionnel sur Sul-Ri, profite de l'absence de Jin-Ha pour faire pression sur la jeune femme afin qu'elle l'épouse. Leurs parents s'étaient déjà combattus pour le manuel du BiChun ; le général Tarooga ayant décoché la flèche fatale au père de Jin-Ha, sur ordre du père de Namgong Jun Kwan. Les enfants vont devenir les dépositaires de haines qui ne vont que grandir, tandis que l'amour qui unit Jin-Ha à Sul-Ri ne va, lui, jamais flétrir. Autour d'eux, l'Empire Mongol de la dynastie Yuan se désagrège peu à peu, plongeant le pays dans l'anarchie, bouleversant un peu plus leur univers.

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Comme souvent dans les dramas historiques, la multiplicité des clans (et des peuples représenté ici : coréens, chinois et mongols), les alliances fluctuantes et les noms composés qu'un occidental ne retient pas forcément du premier coup, font que la complexité de la géopolitique mise en scène nous échappe parfois dans les premiers épisodes. Parce que, même s'il y a des indications pour situer chaque personnage, vous êtes peut-être aussi familier que moi avec l'histoire de la Chine (c'est-à-dire, je l'avoue, avec des connaissances proches du néant).

Comme cela m'a tracassé et amené à faire des recherches, autant les partager avec vous. Voici donc le cadre historique de ce drama : Bicheonmu se déroule au XIVe siècle, à la fin de la période de la dynastie mongole des Yuan. Le territoire chinois est alors sous la domination d'un peuple étranger, les Mongols, suite aux conquêtes initiées, un siècle et demi plus tôt, par Gengis Kahn, dont le petit-fils fut le premier empereur de la dynastie Yuan. Secoué de soubressauts et d'affrontements claniques internes, c'est un empire qui sert de champ de batailles, dans le cadre duquel se déroule ce drama. Le héros, Jin-Ha, est, lui, coréen. Son père, dignitaire militaire proche du roi coréen vaincu, était venu en Chine en tant qu'otage. Car, en effet, le royaume de Goryeo (équivalent à la Corée) a été conquis par les Mongols, par le biais de plusieurs invasions successives. Le père de Jin-Ha fut tué par des dignitaires mongols, qui souhaitaient s'approprier le fameux manuel du BiChun. Finalement, Jin-Ha finira par soutenir une famille chinoise, dont la bataille finale du drama va asseoir l'autorité. Cette dernière fera abdiquer la dynastie mongole déclinante et fondera ainsi une nouvelle dynastie : celle des Ming.

Si le drama n'est qu'une reconstitution romancée de l'Histoire, voici à peu près le cadre global à avoir en tête pour bien comprendre les enjeux qui sont posés dans la série.

*C'était la parenthèse culturelle de ce blog (qui a dit que la télévision ne permettait pas de se cultiver ?).*

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C'est donc avec, en toile de fond, cette agitation politique et militaire, que Bicheonmu va prendre toute sa dimension. Il s'agit d'un splendide et puissant drama historique, aux ressorts scénaristiques très classiques mais efficacement mis en scène. La durée relativement courte de la série permet d'éviter toute baisse de rythme : ainsi, l'intensité ne cesse de croître au fil des épisodes, captant le téléspectateur dans le souffle épique et tragique des destins qui se jouent sous ses yeux. En effet, bien plus qu'une simple série traitant de complots et de jeux de pouvoirs dans un cadre médiéval, ce qui frappe, lors de la découverte de cette fiction, c'est la force qui émane de ce récit.

Car Bicheonmu s'inscrit dans la tradition la plus pure de ces tragédies antiques, où les destinées paraissent, dès le départ, déjà écrites dans le sang. Pèse, sur les protagonistes, le poids amer d'une prédestination à laquelle ils ne peuvent échapper. Le téléspectateur assiste, à la fois impuissant et fasciné, à la naissance de sentiments, qui vont poser les germes des trahisons futures, et aux prises de décisions les plus irréversibles, scellant ainsi des désirs de vengeance insubmersibles qui les conduiront à leur perte. Les différents personnages se retrouvent happés, sans toujours en prendre conscience, par ce tourbillon du destin, au sein duquel ils se débattent, mais qu'ils vont toujours finir par accompagner et nourrir.

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Les thèmatiques abordées n'innovent en rien le genre, mais elles sont exposées de façon telle que l'on ne peut être que submergé par cette histoire poignante, sans aucune arrière-pensée. Tous les ingrédients d'une grande épopée tragique sont présents : des triangles amoureux, où les sentiments croisés ne sont pas réciproques, un peuple exilé et opprimé qui aspire à la liberté, un Empire en décrépitude où le pouvoir est en jeu entre les différentes factions qui s'affrontent et un art martial puissant au coeur de toutes les convoitises. Au milieu de tout cela, seule certitude immuable, l'amour, devenu impossible, qui unit Sul-Ri à Jin-Ha, en dépit des distances et des circonstances. Mêlant superbement sentiments et actions, se rapprochant par ce biais de la tradition des films Wu Xia Pian, la force de ce drama réside dans les émotions qu'il sait faire naître, tant auprès du téléspectateur que chez ses personnages.

Si ces derniers paraissent tous enfermés dans une prédestination tragique, dont ils ne peuvent se défaire, héritant de haines mortelles et de rivalités, gravées bien avant leur naissance, ils ne sont pour autant jamais unidimensionnels et vont tous progressivement évoluer au fil du drama. Emportés par leurs choix, le téléspectateur devine le moment où ils dépassent le point de non-retour, scellant définitivement le sort tragique qui les attend. Cette conscience accroît l'impression que tous se mouvent vers une destinée dont ils ne sont pas maîtres, sorte de fatalité chargée d'amertume, à laquelle, en tant qu'observateur extérieur, il est très difficile de rester insensible.

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Pour faire vivre cette histoire, le casting, bi-national comme le drama, se révèle globalement solide. Jin-Ha est interprété de façon assez convaincante par Joo Jin Mo (Dream), lequel parvenant efficacement à traduire l'évolution du personnage, de l'insouciance teintée de naïveté des débuts, jusqu'à la mélancolie douloureuse du chef de guerre endurci par les épreuves que la vie lui a réservées. Park Ji Yoon, même si elle est parfois un peu trop stoïque, incarne avec une grâce certaine l'amour de sa vie, la belle Sul-Ri. Dans le casting principal, le seul acteur avec lequel j'ai eu quelques difficultés est Wang Ya Nan, qui joue Namgong Jun Kwang, l'ancien ami de Jin-Ha qui le trahira pour obliger Sul-Ri à l'épouser. Sa performance ne m'a pas convaincu, trop statique, ses émotions donnaient l'impression d'être vraiment forcées lorsqu'il essayait de les exprimer. Enfin, du côté, des personnages plus secondaires, il faut saluer la présence de Niu Li, en jeune femme noble qui tombera fatalement amoureuse de Jin-Ha, et de son serviteur, dont la fidélité fluctuera, Shi Jun, interprété par Kim Kang Woo (qui jouait Chae Do Woo, dans Story of a Man / The Slingshot).

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Cependant, plus que l'histoire, efficace mais somme toute classique, plus que le casting, ce qui fait la réelle particularité et la force de Bicheonmu, y puisant son essence plus qu'aucun autre drama historique que j'ai eu l'occasion de voir, c'est l'ambiance que la série parvient à créer. Elle est en effet servie par une bande-son absolument magnifique, composées de petites mélodies récurrentes et, surtout, de très belles chansons, à la tonalité chargée de regrets non formulés, qui transportent le téléspectateur et le touchent en plein coeur à chaque fois qu'elles retentissent. J'ai eu des frissons, au cours de certains épisodes, en entendant ces superbes thèmes se superposer si justement aux scènes qu'ils soulignaient. Je pense d'ailleurs qu'une bonne partie de l'intensité émotionnelle générée par ce drama l'est grâce au soutien très bien inspiré de ces musiques. Le travail qui a été fait mérite vraiment d'être salué.

Par ailleurs, toujours sur un plan formel, ce drama bénéficie d'une réalisation travaillée et assez soignée, des beaux décors dans lesquels se déroule l'action jusque dans les chorégraphies des combats (car Bicheonmu est aussi une série d'art martial très efficacement mise en scène). Les images filmées sont parfois vraiment belles ; et les couleurs, presque un peu poussiéreuses en ce sens qu'elles sont moins chatoyantes que dans d'autres k-dramas historiques, confèrent une forme de légitimité supplémentaire, une impression presque légendaire, au récit.

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Bilan : Bicheonmu est une magnifique fresque épique, où les nécessités des luttes de pouvoir autour de la maîtrise d'un art martial supérieur, le Bi Chun, se mêlent à l'intensité des sentiments amoureux qui vont unir et désunir chaque camp. Bien loin d'être un simple drama d'intrigues de cour, il se déroule dans une Chine en proie à la guerre civile, avec en toile de fond la situation confuse et anarchique de la fin de la période de la dynastie Yuan. Mêlant épopée vengeresse, amours impossibles et destins de peuples entiers, l'intensité des émotions sur laquelle ce drama capitalise en fait une oeuvre à part, à mon sens incontournable et indispensable.


NOTE : 7,5/10


Un des aspects les plus marquants de ce drama réside dans sa bande-son. Voici deux morceaux de son OST qui ne peuvent vous laisser indifférents.

BiChunMoo, OST, 2. Nocturne (Park Ji Yoon) (Avec des images de la série) :


BiChunMoo, OST, 9. In a World without You (Han Ul) :