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07/07/2010

(K-Drama / Pilote) Comrades (Jeonwoo / Legend of the Patriots) : le déchirement d'une nation


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Le 25 juin 1950, les forces nord-coréennes franchissaient le 38e parallèle, dans le cadre d'une vaste offensive qui allait marquer le début d'un conflit particulièrement meurtrier, la Guerre de Corée. C'était une guerre visant à la réunification, mais elle allait sceller la partition du pays du Matin Calme. En 1953, l'armistice signée consacrerait un retour au statu quo ante bellum maintenu depuis lors.

Ce mois de juin 2010 correspondait donc à la comémoration des soixante ans du déclenchement du conflit. La thématique demeurant évidemment centrale, l'industrie de l'entertainment n'est logiquement pas en reste, sur grand écran, comme sur petit écran. Ainsi, pas moins de deux chaînes sud-coréennes se sont attelées à des projets pour faire revivre cette tragédie. Si le buzz médiatique indiquait qu'il fallait plutôt surveiller avec attention Road No. One, sur MBC, c'est finalement Comrades (Jeonwoo), sur KBS1, qui a tiré son épingle du souvenir de cet évènement historique, s'installant au-dessus de la barre des 15% de part d'audience avec ses premiers épisodes.

Diffusée depuis le 19 juin 2010 (le samedi et le dimanche) et d'une durée prévue de 20 épisodes, Comrades est en fait le remake d'une série datant de 1975. Loin du mélodrama classique, tout en s'en réappropriant certains codes, elle s'inscrit dans un registre assez atypique à la télévision sud-coréenne, celui des fictions de guerre (je vous avoue que je n'en avais encore jamais vues avant cet été et cette double ration). Même si une pointe de relationnel et de sentiments amoureux percent inévitablement entre certains protagonistes, il s'agit donc d'un drama résolument  concentré sur les combattants et la tragédie en cours.

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Le premier atout majeur de Comrades résidait évidemment dans le sujet particulièrement fort que le drama se proposait de nous raconter. Pour ma part, non seulement j'étais très curieuse de découvrir la façon dont il allait être traité par les chaînes sud-coréennes, mais en plus, j'y trouvais également derrière un intérêt purement historique : rien de tel qu'une série sur tel ou tel évènement pour aller me faire ouvrir les livres d'Histoire et découvrir des rayonnages jusqu'à présent inconnus de la bibliothèque. D'autant que, soyons franc, si j'ai quelques souvenirs vagues d'un paragraphe consacré à ce conflit dans le cadre d'un cours sur la guerre froide, tout cela forme des connaissances bien parcellaires, qui se limitent à quelques repères chronologiques qui ne combleraient même pas une fiche wikipedia. En résumé, en avant pour une double découverte des plus intrigantes !

Dès son premier épisode, Comrades choisit de nous plonger directement au coeur d'un conflit déjà entamé, à une période charnière où les rapports de force s'inversent. En effet, après les grandes manoeuvres initiées par le Nord au cours de l'été 1950, la contre-offensive du Sud paraît inarrêtable. En octobre 1950, Pyongyang tombe. Comrades s'ouvre justement sur cette bataille, donnant d'emblée la tonalité de la série, alors que nous vivons l'assaut aux côtés d'une unité de combat sud-coréenne. L'armée nord-coréenne est alors en déroute. La fin semble proche, certains parlent ouvertement de l'hiver. Mais l'intervention chinoise, avec ses centaines de milliers de "volontaires", va redistribuer les cartes et signer le début d'une nouvelle reconquête venue du Nord, obligeant les forces sud-coréennes à se replier en catastrophe.

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Au milieu des ruines du champ de bataille qui constitue son cadre, Comrades justifie son titre alternatif, "Legend of the Patriots", et l'aspect comémoratif sous-jacent, en s'attachant surtout à la dimension humaine de la guerre. Derrière le rappel des idéaux sacrifiés dans la boue des tranchées, la série se place, certes, dans une perspective majoritairement sud-coréenne, mais elle fait cependant clairement le choix de mettre en scène des protagonistes combattant dans les deux camps, n'occultant ni leur diversité, ni leurs conceptions, parfois très personnelles, de ce conflit fratricide.

Ce soin dans la reconstitution se ressent d'ailleurs jusque dans l'effort fait pour bien poser le contexte global, que rend possible la galerie disparate des personnages mis en scène. Aucune des deux armées ne forme un bloc monolithique. Chaque soldat a son histoire et ses propres motivations. Certains obéissent à des logiques géographiques, le Sud contre le Nord. D'autres à des convictions politiques, qui peuvent aller de la volonté de gagner son indépendance face à "l'impérialisme" américain à la lutte idéologique contre le communisme, en passant par ceux qui, simplement, souhaiteraient survivre ; nul n'obéit aux mêmes raisons.

Au-delà de ce tableau très hétérogène d'un pays déchiré, en arrière-plan, Comrades capte aussi une amertume que tous, sud comme nord-coréen, partagent à des degrés divers et qui les rapprochent d'autant : la désillusion commune d'une nation aspirant à se retrouver après plusieurs décennies d'occupation japonaise, et qui voit ses espoirs sombrer alors qu'elle se transforme en champ de bataille d'une lutte qui dépasse son seul cadre. Du soutien apporté au Nord par les "volontaires" chinois aux bombardements constants des avions de l'armée américaine assistant le Sud, c'est une guerre civile aux couleurs très internationales qui se déroule sur leur sol et dans laquelle se noie la souveraineté coréenne.

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Si les thèmes forts du drama sont rapidement et efficacement posés, en revanche, la série va mettre plus de temps à bien installer ses protagonistes. Le premier épisode, condensé de scènes de batailles tout juste entrecoupées de fugitifs passages de détente, se déroule presque sans temps mort, mais sans, non plus, réellement prendre le temps d'individualiser les personnages et d'humaniser ces soldats qui nous semblent tous interchangeables derrière leurs équipements militaires et la saleté qui recouvre leur visage. Certes, c'est un souci commun dans toutes les séries de guerre (les débuts de The Pacific au printemps avaient bien confirmé cette règle), cependant, j'avoue être restée plutôt réservée à la fin du pilote, un peu dans l'expectative concernant les fils rouges qu'allait suivre Comrades pour nous relater cette guerre. Heureusement, j'ai été vite rassurée par la tournure prise par les deux épisodes suivants, au cours desquels la série s'affirme et l'intérêt du téléspectateur grandit.

S'intéressant aux petites histoires au sein de la grande Histoire, Comrades s'attache aux destins d'une poignée de combattants de tous bords. Si la reconstitution des grandes batailles laisse un peu sur sa faim (pour des raisons techniques surtout), en revanche, la description du chaos suivant la contre-offensive nord-coréenne s'avère beaucoup plus piquante et permet du même coup à chacun des personnages de trouver une place. L'armée sud-coréenne en déroute laisse en effet, en territoire ennemi, des unités dispersées, tandis que des déserteurs, des deux camps, tentent, souvent vainement, de s'éloigner des hostilités. Un chaos ambiant très bien reconstitué.

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L'ensemble est certes considérablement romancé, en adaptant les codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne à la situation. Ainsi Lee Soo Kyung, femme officier engagée volontaire dans l'armée nord-coréenne, connaît intimement le sergent de l'unité sud-coréenne que nous suivons depuis le début, Lee Hyun Joong. Leurs routes vont se croiser quand le sort d'un général du Sud va être en jeu. Mais qu'importe les coïncidences, puisque, au contraire, cela permet non seulement de déchirer ce voile d'anonymat recouvrant les soldats des deux camps, mais c'est aussi l'occasion de mettre en exergue, de la plus symbolique des manières, le déchirement interne provoqué par cette guerre civile. Un fossé s'est creusé au nom de convictions politiques, mais la différence entre les combattants des deux camps n'est pas si profonde.

Un dialogue, chargé de regrets, entre Soo Kyung et le général du Sud, témoigne à la fois de la distance existant entre eux, mais aussi de cet amour commun pour un pays qu'ils ne conçoivent simplement pas de la même façon. Assujetti aux russes et aux chinois, ou bien aux américains, où se trouve la réelle indépendance ? Chacun aspire pourtant à une unification du territoire sous sa bannière, ne cherchant pas la scission, mais bel et bien une assimilation. Autre signe de cette paradoxale promiscuité, en dressant ce tableau d'une nation scindée en deux, Comrades n'occulte pas la perméabilité de la frontière délimitant chaque camp. Tous les soldats mis en scène ne sont pas bercés d'idéaux, et les failles de la nature humaine et son instinct de survie reprennent parfois le dessus sur la géopolitique.

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En lui laissant le temps de s'installer et de nous intéresser aux destinées de ses personnages principaux, Comrades gagne progressivement en intensité comme en densité. Les trois premiers épisodes que j'ai eu l'occasion de visionner jusqu'à présent m'ont paru aller crescendo ; au fur et à mesure que le drama avance, l'intérêt qu'il suscite croît. J'ai aussi eu le sentiment qu'à partir du moment où la série choisit de rester, plus modestement peut-être, à une échelle humaine, en s'arrêtant principalement sur le sort de sa poignée de protagonistes, elle réussit à acquérir une épaisseur autrement plus convaincante que lors de ses reconstitutions trop ambitieuses.

Mais on touche ici à un registre sans doute purement formel. Recréer de grandes batailles où s'affrontent des centaines de soldats implique d'importants moyens techniques. Certes, Comrades s'en sort très honorablement. Mais sa réalisation demeure aussi prudente qu'extrêmement classique. Elle parvient à générer une atmosphère guerrières des plus tendues. Cependant, au milieu des explosions et des échanges de coups de feu, il est également très difficile de ne pas dresser des parallèles, somme toute naturels, avec d'autres productions de guerre récemment visionnées. Je reconnais que c'est sans doute un réflexe injuste et surtout très subjectif. S'il est évident que ce drama n'a pas vocation à essayer de rivaliser avec une série aussi esthétiquement aboutie que The Pacific (pour parler d'exemples encore frais), j'ai quand même fortement ressenti la différence de moyens budgétaires. Cet aspect plus "cheap" ne remet pas du tout en cause la série sur le fond, mais il laisse au téléspectateur une impression un peu nuancée au cours de certains grands chantiers de reconstitution. 

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Toujours sur un plan formel, en digne fiction comémorative, Comrades aime logiquement la symbolique et les jolis effets de style. Quoi de plus survoltant que la pleine exploitation d'une bande-son assez ambitieuse ? L'utilisation de musiques aux accents volontairement épiques s'inscrit dans la tonalité globale de reconstitution recherchée par la série. D'ailleurs certains morceaux sont très beaux. Finalement, même si leurs recours sonnent parfois un brin excessif, on se laisse facilement emporter par le souffle qui traverse alors le drama.

Enfin, du côté du casting, à la manière de la série elle-même, les acteurs s'imposent progressivement derrière les figures des soldats. La tête d'affiche est composé d'un solide trio, comprenant les acteurs Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), Lee Tae Ran (The Woman Who Wants to Marry) et l'impeccable Lee Duk Hwa (Empress Chun Choo), en général de l'armée sud-coréenne dont l'expérience au combat impose le respect dans chaque camp. Ils sont épaulés par une galerie de personnages plus secondaires tout aussi importants pour donner le ton de la série et contribuer à sa richesse et à sa diversité. Parmi eux, on retrouve notamment Kim Roe Ha, Hong Kyung In, Im Won Hee, Nam Sung Jin, Ryy San Wook, Lee Seung Hyo, Park Sang Woo, Ahn Yong Joon, Jung Tae Woo ou encore Lee Joo Suk.

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Bilan : Série de guerre nous plongeant au coeur du conflit, aux côtés des combattants, Comrades ne se départit pas pour autant des codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne, afin d'exploiter pleinement une dimension humaine lui permettant de relater les petites histoires au sein de la grande Histoire. Si les moyens techniques limitent la portée de certaines des reconstitutions les plus ambitieuses, le drama gagne progressivement en intensité et en épaisseur, à mesure que ses protagonistes s'affirment et que des fils rouges plus personnels apparaissent derrière le vaste tableau de la guerre. Comémorative, Comrades s'attache également à son contexte. Elle dresse le portrait teinté d'amertume d'une nation qui assiste à son implosion, sous la pression conjuguée des convictions politiques internes et des interventions internationales.

Ainsi, en dépit d'une certaine inégalité, suivant les storylines, et d'une homogénéité d'ensemble encore à travailler, les débuts de Comrades entretiennent la curiosité du téléspectateur. Si la série poursuit sur la voie suivie par les trois premiers épisodes qui vont crescendo, le résultat final peut se révéler très intéressant. Sinon, voici quand même un drama atypique qui mérite le détour, sur un sujet historique et contemporain qui mérite à lui-seul une attention toute particulière.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :


Une chanson de l'OST de la série, avec des photos promos défilant à l'écran :

30/06/2010

Mercredi asiatique... without words.

En ce dernier mercredi asiatique de juin, j'avais initialement prévu d'écrire quelques mots sur le pilote de Comrades, un des dramas de l'été marquant l'anniversaire des 60 ans du début de la guerre de Corée. Ou, sinon, si la chaleur m'avait fait trouver refuge auprès d'une fiction plus rafraîchissante, j'aurais aussi pu vous parler de l'attachante et simple mini-série de MBC, Running Gu. Un peu de sport, des émotions brutes et une durée de seulement 4 épisodes.

Mais, aujourd'hui, il va falloir me pardonner, je n'ai pas le coeur à parler séries.


En début de semaine, Ladyteruki (du blog Ladytelephagy) avait publié un dossier très intéressant sur la télévision sud-coréenne, disponible sur le site SeriesLive : Annyong haseyo : la télévision coréenne pour les nuls. Je vous invite fortement à le découvrir. C'est l'occasion ou jamais d'être curieux. Ceux qui apprécient les kdramas liront cet article avec beaucoup d'intérêt et apprendront sans aucun doute des choses sur le contexte de diffusion de ces séries. Tandis que pour les téléphages sans attache particulière avec l'Asie, c'est une opportunité de se cultiver, et pourquoi pas, d'entre-ouvrir la porte de cet univers téléphagique encore inexploré. Ladyteruki y aborde tous les sujets : des statuts des chaînes jusqu'au public visé par ces dramas que l'on aime tant. Elle évoque aussi les carrières, souvent brèves, des visages du monde de l'entertainment, s'arrêtant sur la facette plus sombre de cette industrie. Ladyteruki y mentionnait notamment l'actrice Ja Yun Jang, illustration de ce taux de suicide très élevé parmi les acteurs coréens. Cette évocation a malheureusement trouvé un écho particulier dans les informations de ce matin.


Il y a des acteurs(-rices) auxquel(le)s on s'attache plus que d'autres. Des noms dont on va suivre la filmographie avec attention. Il peut y avoir mille et une raisons à cela. Qu'on apprécie particulièrement leur jeu, qu'on soit tombé sous le charme d'une de leurs interprétations, ou bien encore qu'ils aient incarné un des personnages principaux dans une de nos séries favorites... Tout téléphage a des acteurs qui vont retenir, plus que les autres, son attention. Ceux que l'on appellera parfois, dans un excès de sentimentalisme, nos "acteurs préférés", pour lesquels on surveillera les projets, au sujet desquels on glanera les dernières informations...


Apprendre leur décès vous touche.

Souvent plus que ce que vous auriez pu penser.

Surtout quand l'acteur en question n'avait que 32 ans et encore toute une vie devant lui.


Alors, ce matin, après avoir lu la nouvelle tombée dans la nuit, je n'ai pas envie de parler drama.

Je ne sais d'ailleurs quoi écrire.

Juste saluer sa mémoire.

Et, éventuellement, vous inviter à découvrir ses deux derniers dramas, à l'occasion desquels je vous avais déjà confié combien j'appréciais cet acteur.
Story of a Man (The slingshot) fut sans doute un des meilleurs, si ce n'est le meilleur drama, de la saison 2009 en Corée du Sud. Un passionnant thriller admirablement bien construit scénaristiquement et bénéficiant d'une galerie de personnages très solides. Ma critique :
Story of a man, un face-à-face très prenant.
On Air pourra parfaire votre culture, un complément opportun avec l'article de Ladyteruki, en vous immergeant dans les coulisses de la conception d'une série télévisée. Ma critique : On air, le making-of d'une série télévisée.

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En somme, seulement trois mots pour résumer le billet de ce dernier mercredi asiatique de juin :

Rest in peace.

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Pour un mercredi asiatique "normal" sur ce blog, il faudra attendre la semaine prochaine... quand j'aurais séché mes larmes.

23/06/2010

(K-Drama) Hometown Legends (2008) : Return of the gumiho (The Tale of the nine-tailed fox)


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Cette semaine, j'ai recherché un peu d'originalité dans mes programmations asiatiques, tant dans le thème que dans le format. Ne souhaitant pas m'engager dans de nouvelles séries "sur le long terme", je me suis ainsi décidée à découvrir plusieurs épisodes de Hometown Legends, diffusée au cours de l'été 2008 sur KBS2 et qui s'est poursuivie, pour une deuxième "saison", l'année dernière.

Ayant un intérêt culturel très intéressant, ce drama se présente sous la forme d'une anthologie mettant en scène de frissonnantes légendes du folklore coréen. Inspirée de contes traditionnels du pays du Matin Calme, on y retrouve pêle-mêle tous les ingrédients classiques et incontournables de l'horreur fantastique : malédictions, fantômes, surnaturel, morts violentes...

Hometown Legends est, pourrait-on dire, une série récurrente à la télévision coréenne, puisqu'elle s'inscrit dans la continuité directe d'une tradition d'anthologies fantastiques que KBS proposa pour la première fois en 1977. La dernière remontait à 1999, avant que KBS ne remette au goût du jour le genre en 2008, en proposant 8 nouveaux récits. Le résultat fut convaincant, ce qui permit à Hometown Legends de revenir ensuite en 2009 pour 10 épisodes.

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Aujourd'hui, plus précisément, je vais vous parler du premier épisode de cette saison 2008. Une histoire que j'ai choisie principalement en raison de son sujet, puisqu'il met en scène le mythe du Gumiho ("nine-tailed fox"), c'est-à-dire, traduit littéralement, le "renard à neuf queues".

La période est d'autant plus propice à parler de cette légende que deux projets de séries reprenant  cette thématique sont actuellement en cours de développement et devraient arriver sur les petits écrans sud-coréens au cours des prochains mois, sur un registre sans doute plus léger que l'incursion historique proposée par Hometown Legends. Tout d'abord KBS devrait lancer Gumiho's revenge (avec en tête d'affiche Han Eun Jung), une série qualifiée de "mélo-drama". Tandis que SBS proposera plus tard dans l'été une série normalement un peu plus légère, écrite par les soeurs Hong, My girlfriend is a gumiho (avec Lee Seung Gi et Shin Mina).

C'était donc le moment où jamais de se pencher un peu plus sur ce mythe. J'étais d'autant plus curieuse de découvrir une autre approche de cette légende que la seule autre fiction que j'avais eu l'occasion de visionner concernant ce thème était le très oubliable Gumiho (Nine-tailed Fox), dont le beau générique ne put occulter la médiocrité d'ensemble (laquelle n'étant pas - uniquement - dû à la triste présence de Kim Tae Hee).

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L'avantage des anthologies est qu'elles offrent la possibilité de sélectionner les histoires qui nous intéressent. Tous les épisodes ne sont pas de qualité équivalente, mais The nine-tailed fox me semble assez représentatif de l'ensemble (même si je n'ai pas tout vu), s'inscrivant dans la lignée de la moyenne globale de cette saison 2008, sans se démarquer.

Commençons par le début, révisons notre culture : que sont donc que les Gumiho ? Ces créatures peuplent les légendes et les contes de Corée. Traditionnellement, elles sont perçues comme maléfiques et dangereuses. Ce qui s'explique sans doute en partie parce que, pour survivre, elles doivent consommer des organes humaines ; certains récits parlent de coeur, d'autres de foie (c'était ce cas dans Nine-tailed fox par exemple). La mythologie se complète, suivant les versions, d'une possibilité de devenir, à terme, humain, ou de changer son apparence. Et se mêle parfois à tout cela une pointe de séduction, quand lesdites Gumiho sont des "renardes".

En résumé, il s'agit donc d'une créature profondément ancrée dans le folklore populaire coréen.

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Hometown Legends se réapproprie de façon assez personnelle cette légende, redistribuant et brouillant les cartes par rapport au traitement traditionnellement manichéen qui est réservé à cette créature, tout en re-écrivant le mythe.

L'histoire se déroule au XIXe siècle, une époque où la Corée s'ouvre et découvre les Occidentaux, une nouvelle ère étant, progressivement, en train de se dessiner. Cependant la rigidité de la société confucéenne demeure encore une constante respectée, notamment par la famille Lee. Il s'agit d'un clan renfermé sur lui-même qui dissimule un secret, une malédiction qui leur a pourtant permis de traverser les siècles et de conserver leur fortune, en dépit des turbulences historiques. Ce secret se transmet à travers les générations à tous les héritiers mâles qui se voient confier la mission de protéger ce qui a fondé le clan. Si jamais tout cela échappait à leur contrôle, cela causerait leur destruction à tous. Lee Hyo Moon, l'aîné des petits-fils du patriarche, se voit ainsi révéler l'ampleur de sa mission, s'interrogeant sur sa moralité.

Mais si le clan survit, en revanche, le sort des filles est moins enviable. En effet, à la puberté, chaque adolescente en laquelle coule le sang des Lee subit un étrange rituel. Ce dernier permet normalement d'identifier sa véritable nature : est-elle bien humaine ? Car il est dit que cette vieille malédiction jetée sur la famille et dont il faut protéger le secret touchera uniquement les filles. Si cette dernière est soupçonnée d'être un Gumiho, elle sera alors rapidement mariée et, envoyée dans sa belle-famille, ne sera plus jamais revue. Lee Myung Ok et sa soeur ont grandi dans la maison familiale. Elles vont bientôt atteindre l'âge fatidique... La curiosité jamais au repos de Myung Ok pourra-t-elle les sauver d'un danger qu'elles ne perçoivent pas ?

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Si le téléspectateur de dramas coréens a souvent coutume de dire qu'il faut savoir patienter et laisser le temps à la série de s'installer, dans Hometown Legends, les scénaristes n'ont pas ce loisir. Finalement, ce format d'anthologie s'avère plutôt bien géré. Similaire à un conte jusque dans sa construction narrative, l'histoire est conduite de manière rythmée, sans se perdre en scènes dilatoires inutiles. Le récit va former un tout convaincant : si la durée entraîne le sacrifice de certains détails qui nous échappent, le téléspectateur ne s'ennuie pas.

Cette dernière se révèle, il faut l'avouer, assez prévisible. Pour autant, les ingrédients fantastiques prennent plutôt bien à l'écran, mêlés qu'ils sont à une touche d'horreur qui n'effraiera pas, mais donnera la tonalité de l'ensemble en générant une atmosphère un peu lourde et inquiétante. L'écriture est simple, sans prétention particulière, mais, en dépit de cette naîveté scénaristique, on se surprend à suivre les développements avec attention et sans arrière-pensée.

Comme souvent devant les anthologies (j'en veux pour preuve mon expérience du visionnage d'Au-delà du Réel dans ma jeunesse), je me suis assez peu impliquée émotionnellement dans cette histoire peuplée de drames et de tueries. Cependant, cet insensibilité ne m'a pas particulièrement gênée (et il s'agit peut-être d'un ressenti très subjectif). J'ai plus perçu l'épisode comme une porte ouverte, une incursion dans le fantastique qui, à la manière d'autres anthologies célèbres du petit écran, met en lumière certains aspects peu reluisants de la nature humaine et dont la conclusion, au goût amer, ne peut pas offrir de satisfaction morale, ni même de réelle happy end.  

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Sur un plan technique, il est évident que Hometown Legends ne dispose pas d'un budget très important, encore moins pour le consacrer à des effets spéciaux. Le fantastique, s'il est donc bien retranscrit, reste très sobre et se contente d'effets un peu cheap. Cela empêche sans doute de pleinement exploiter cette dimension plus inquiétante qu'aurait pu apporter le sujet de l'épisode, cependant le téléspectateur s'adapte sans mal à ses contraintes budgétaires. D'autant que la musique sera, elle, utilisée pour accentuer le caractère angoissant d'un récit qui reste avant tout une fiction de fantastique, assez éloignée de la vraie horreur, et qui se rapprocherait plutôt de nos histoires occidentales de vampires.

Enfin, le casting de l'épisode convient à l'histoire. J'ai beaucoup aimé Park Min Young, qui incarne avec beaucoup de fraîcheur, Myung Ok. A ses côtés, nous retrouvons notamment Kim Ha Eun (croisée dans Chuno / Slave Hunters) et Kim Tae Ho (qui avait un petit rôle récurrent dans Pasta).

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Bilan : Return of the gumiho est une incursion sympathique dans un fantastique teinté de dangers, mais qui ne bascule jamais dans de la véritable horreur. L'écriture est parfois un peu naïve, reste que cela se suit sans déplaisir, finalement à l'image de Hometown Legends dans sa globalité.

Ce que j'apprécie principalement dans cette anthologie, c'est l'opportunité qu'elle nous offre de découvrir et revisiter avec elle les mythes d'une culture qui reste encore trop méconnue du public occidental. Le format a l'avantage de n'exiger aucun engagement particulier, il suffit de sélectionner les histoires qui nous intéressent. Je préviens que certaines seront plus angoissante que la chronique présentée dans ce billet.

Cependant, pour se détendre et se divertir, tout en profitant de l'occasion pour découvrir un peu plus la Corée, cela peut permettre de passer quelques soirées agréables devant son petit écran.


NOTE : 6/10

16/06/2010

(J-Drama) Gaiji Keisatsu : jeux de dupes, jeux d'espions, au sein de l'antiterrorisme japonais


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Aujourd'hui, pas de test de pilote, mais le bilan d'une série entière. Mon coup de coeur asiatique de la semaine est une découverte inattendue en provenance du Japon, une immersion dans les services de lutte antiterroriste de la police de ce pays : Gaiji Keisatsu. En bien des points, je serais tentée de dire qu'il s'agit d'un drama juste parfait pour mettre l'été à profit afin d'élargir son horizon téléphagique et découvrir (enfin) une série asiatique. Pourquoi ? Pour vous situer son genre, essayons-nous à l'exercice des parallèles : sobre et magistralement menée, Gaiji Keisatsu traite de menaces sur la sécurité intérieure avec la paranoïa et la maîtrise d'un Spooks (MI-5) des grands jours. De plus, autre atout pour achever de convaincre les derniers récalcitrants : c'est une série courte. Son format lui permet de ne pas s'étaler inutilement et de maintenir constante la tension qui y règne, car elle ne compte en effet que six épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun.

Adaptation d'un roman éponyme d'Aso Iku, diffusée par NHK du 24 novembre au 19 décembre 2009, Gaiji Keisatsu (6 x 50') s'est donc révélée être l'excellente surprise de ce mois de juin dans mes programmations sériephiles. En résumé, c'est un peu ce qu'un drama comme IRIS aurait pu être, si ses scénaristes avaient mieux maîtrisé leur sujet.

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Gaiji Keisatsu nous plonge au coeur d'une branche à part des forces de police japonaise, celle qui s'occupe des Affaires étrangères, surveillant notamment les allées-venues sur le territoire national. En charge de la sécurité publique du pays, elle est celle qui lutte contre toutes les menaces internationales, tel que l'espionnage ou le terrorisme. Elle agit généralement de concert avec le bureau de la CIA basé à l'ambassade américaine, qui a historiquement été longtemps le donneur d'ordres de ce service. L'agence de renseignements américaine leur fournit d'ailleurs toujours des renseignements. Elle informe ainsi le directeur, Ariga Shotaro, d'une menace terroriste potentielle qui pèserait sur eux. Un mystérieux mercenaire très dangereux, connu sous le pseudonyme de "Fish", aurait infiltré le pays. L'enjeu est d'autant plus important que le Japon doit accueillir une cible de choix : une importante conférence internationale liée à l'antiterrorisme va prochainement s'y tenir.

Mais l'air n'est pas au tout sécuritaire, notamment au sein du gouvernement qui voit d'un mauvais oeil tous les crédits engloutis chaque année dans la division des Affaires étrangères. Le Japon n'a pas de tradition dans les services de renseignements. Mais, de toute façon, existe-t-il encore des menaces extérieures concrètes pour lui ? L'ambitieuse ministre aspire surtout à réduire le budget, quitte à privatiser une partie des forces de sécurité. Elle ne croit pas une seule seconde que le Japon puisse être une cible terroriste potentielle. Ne disposant pas d'éléments suffisants, le directeur Agira Shotaro n'insiste pas, mais il décide de poursuivre les investigations en cours afin d'identifier ce mystérieux "Fish" et savoir ce qu'il prépare. Pour cela, il a confié cette mission à l'unité dirigée par Sumimoto Kenji, un vétéran qui s'est longtemps occupé de démasquer les espions russes, avec des méthodes pas toujours très orthodoxes, mais généralement efficaces.

Parallèlement, Matsuzawa Hina est une jeune officier de police. Après un premier contact mouvementé avec l'unité de Sumimoto, alors qu'elle souhaitait interroger un étranger dans une affaire de viol, elle est transférée dans cette unité. Elle va rapidement découvrir que cette division agit à un niveau très différent des autres départements de police. Quand l'intérêt public est en jeu, l'intérêt des particuliers est facilement sacrifié ; d'autant plus que son supérieur hiérarchique, maître manipulateur, ne semble reculer devant rien pour mener à bien leur mission.

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Gaiji Keisatsu se révèle être un thriller de haut standing, admirablement maîtrisé sur la forme comme sur le fond. En nous plongeant dans une intrigue de lutte contre le terrorisme, la série se réapproprie dans le même temps les codes scénaristiques des fictions d'espionnage. On y retrouve, particulièrement bien exploités, tous les ingrédients classiques du genre : de l'organisation secrète tirant les ficelles et obéissant à des objectifs plus lointains, aux trahisons et défections dans les deux camps, en passant par des double-jeux quotidiens et la gestion des "collaborateurs", informateurs au statut particulier de la police japonaise. Tout cela se déroule avec en toile de fond des menaces contre la sécurité du pays. Même l'omniprésente CIA vient se mêler à la bataille, pour des passages au fort accent anglophone. Au final, cela donne un cocktail explosif mis en scène de façon très convaincante.
 
Évoluant dans une ambiance très sombre, Gaiji Keisatsu va prendre plaisir à déstabiliser le téléspectateur par son imprévisibilité. Le drama glisse peu à peu dans une sourde paranoïa de circonstances qu'il va entretenir au fil des épisodes. Rapidement, c'est un tableau d'une complexité fascinante qui se dessine sous nos yeux. Riche en ambivalences et en contradictions, la situation se complique chaque jour davantage, à mesure que les enjeux réels se dévoilent. Car, si l'enquête visant la menace terroriste progresse lentement, dans ce terrain trouble sur lequel se déroule la série, le danger provient tout autant de l'extérieur que de l'intérieur même du service. C'est d'autant plus vrai que les frontières entre les camps ne sont pas figées, les loyautés fluctuant dangereusement au gré des opportunités.

Même la trahison semble y être une notion toute relative. Nous nous retrouvons dans un milieu où la fin justifie les moyens. Le sort personnel des individus impliqués s'efface, victimes collatérales de la raison d'État, pions sacrifiables dans cette vaste partie d'échec où ce sont les enjeux nationaux et les ambitions des plus hauts responsables qui dictent les règles du jeu. L'intérêt public prétendu semble souvent bien insaisissable. Dans un cadre où tout n'est que faux-semblants, il faut intégrer ce mode de fonctionnement ou risquer d'être broyé. La manipulation y est élevée au rang d'art, si bien qu'elle en devient une technique de management utilisée au sein même de l'unité d'investigation. Matsuzawa Hina devra rapidement rayer le mot "confiance" de son vocabulaire : jusqu'où ira-t-elle sur la voie impitoyable où elle s'est engagée sans s'y perdre elle-même ?
 
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En plus de parvenir à créer une atmosphère des plus intrigantes, Gaiji Keisatsu dispose d'un scénario très solide. A chaque épisode viennent se greffer de nouvelles complications et de nouvelles pièces du puzzle sont révélées, troublant la compréhension globale du téléspectateur qui ne conservera qu'un temps seulement Hina comme point d'ancrage sur lequel se reposer. La série se révèle admirable de maîtrise, construisant une tension sourde qui prend à peu le pas sur tout le reste. Chaque action indépendante finit par s'emboîter dans le complexe puzzle de l'intrigue principale, dévoilant un magistral "toutélié" qui retient toute l'attention du téléspectateur.
 
Ce drama forme un tout, avec un fil rouge qui s'étend tout au long des six épisodes : il s'agit de déjouer les projets du mystérieux "Fish" et surtout de découvrir ses commanditaires. C'est dans ce cadre que chaque épisode va marquer une avancée, ou un développement particulier pour accomplir cette mission. Mais les premières réponses obtenues paraissent presque vaines ; car à mesure que la série prend peu à peu toute son ampleur, elle révèle une complexité aussi déstabilisante que passionnante.
 
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Pour autant, aussi attrayant que soit le suspense principal, un des atouts de Gaiji Keisatsu est de ne pas négliger de développer sa dimension humaine. C'est aussi à travers les blessures intérieures de ses personnages que la série acquiert une véritable épaisseur. Ici, le thriller se conjugue avec la mise en scène de drames humains. C'est parfois dur, voire même poignant. Les scénaristes prennent le temps de s'interroger sur les motivations de chacun, explorant ses personnages avec beaucoup de soin. Tout cela permet au téléspectateur de s'investir émotionnellement dans ce drama.
 
De manière générale, les protagonistes de Gaiji Keisatsu s'inscrivent la droite lignée du scénario global, reflétant cette absence déconcertante de manichéisme et défiant toute classification trop rapide. Ils évoluent au fil de la série, gagnant en nuances et montrant d'autres facettes de leur personnalité. Si Hina fait au début figure d'innocente plongée dans un monde dont elle n'a pas encore les clés, repère solide du téléspectateur, elle intègre peu à peu les exigences de son nouveau travail. Encore versatile, en quête de certitudes, l'élève dépassera-t-elle le maître ? C'est ce dernier, Sumimoto Kenji, qui constitue le véritable personnage phare de la série. Froid et calculateur aux premiers abords, il pourrait paraître antipathique s'il n'était pas immédiatement aussi fascinant. Et le trouble le concernant va grandissant au fur et à mesure que la série progresse. De plus en plus ambivalent, le téléspectateur apprend à le connaître. A travers ses failles, on découvre un autre pan du personnage, plus émotionnel que l'image qu'il aime renvoyer.
 
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Sur la forme, Gaiji Keisatsu est au diapason de la tonalité de son contenu. La réalisation est volontairement nerveuse. Elle change souvent de styles, allant jusqu'à utiliser des plans pris caméra à l'épaule qui contribuent à dynamiser l'ensemble. Cependant, on reste à l'écran dans une sobriété toute japonaise. L'image est assez sombre (parfois même, peut-être un peu trop), allant du pastel au noir et évitant toute couleur chatoyante. La musique est utilisée avec beaucoup de retenue, uniquement lors de certains passages la justifiant. Il n'y a aucune chanson. Seulement des morceaux musicaux qui viennent souligner les moments de tension.
 
Enfin, le casting se révèle quant à lui très convaincant. D'une sobriété prenante, sans aucun sur-jeu, le téléspectateur n'en ressentira pas moins l'intensité émotionnelle de certains passages. Watabe Atsuro délivre une performance absolument magistral pour incarner le si troublant Sumimoto Kenji. Ono Machiko joue la jeune policière catapultée dans ce milieu si déstabilisant de l'antiterrorisme. A leurs côtés, on retrouve également Ishida Yuriko, Endo Kenichi, Yo Kimiko ou encore Ishibashi Ryo.

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Bilan : Gaiji Keisatsu est un petit bijou d'espionnage. Un thriller au scénario admirablement bien maîtrisé. La série nous plonge dans un univers de faux-semblants, sans aucun manichéisme, où les vrais enjeux demeurent longtemps cachés danss l'ombre. Tout est ambivalent dans cet univers trop sombre et impitoyable, où chacun manipule l'autre, suivant son propre agenda. La réussite de ce drama est aussi de ne pas se contenter seulement du suspense qu'il génère, mais d'investir une dimension humaine qui ajoute à la richesse, mais aussi aux ambivalences, de l'histoire. Gaiji Keisatsu est une série dense qui joue ainsi sur plusieurs tableaux. 

En somme, voici un drama à découvrir de toute urgence !


NOTE : 8,75/10


Un extrait vidéo des cinq premières minutes du premier épisode :

09/06/2010

(K-Drama / Pilote) Bad Guy : un élégant thriller très sombre


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En ce mercredi asiatique, je vais vous présenter un drama qui tranche avec les différentes déclinaisons de comédies romantiques de ces dernières semaines. Diffusée par SBS les mercredi et jeudi, depuis le 26 mai 2010, Bad Guy devrait compter 20 épisodes. Il s'inscrit dans un autre créneau également très apprécié de la télévision sud-coréenne, celui de la vengeance. Si l'aspect sentimental ne disparaît jamais complètement d'un tel drama, la série se réapproprie également les codes scénaristiques du thriller, distillant un suspense des plus prenants en posant ses intrigues. Comme vous connaissez mon inclinaison naturelle pour ce type de fiction, vous devinez que j'étais très impatiente de découvrir le résultat ; d'autant que la campagne de promotion autour de la série laissait entrevoir d'intéressantes choses, ainsi que des images à l'esthétique soigné.

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Thriller à l'ambiance intrigante, Bad Guy n'en part pas moins sur les bases les plus classiques qui soient à la télévision sud-coréenne, en déclinant la thématique de la vengeance à partir de ressorts très connus. Tous les ingrédients du genre sont là : une famille puissante détenant un Chaebol, des tragédies ayant façonné les personnages dans l'enfance et des comptes à solder de la plus implacable des manières, l'ensemble posant les bases d'une revanche destructrice impitoyable.

La genèse de ces futures tragédies s'est logiquement déroulée très tôt, dans le sang d'un autre drame. Le patriarche de la famille Hong, qui détient le puissant groupe Haeshin, avait eu un enfant hors-mariage. Un fils, qu'il fit recherché par ses hommes. Ces derniers revinrent avec un jeune garçon, Gun Wook, arraché sans ménagement à sa famille et intégré de fait au sein des Hong. Mais après un bref temps d'ajustement, des tests ADN révélèrent que Gun Wook n'était pas ce fils caché. Le vrai Tae Sung Hong fut finalement retrouvé. Il prit alors la place de Gun Wook, tandis que ce dernier était rejeté sans ménagement hors de la maisonnée (au sens propre du terme). Ses vrais parents furent alors appelés pour venir le récupérer. Malheureusement, en arrivant sous un temps apocalyptique, ils eurent un terrible accident de voiture. De ce gâchis orchestré par les puissants dont lui et sa famille ne furent que des victimes collatérales, Gun Wook en aura gardé un ressentiment qui se sera peu à peu changé en une haine profonde envers les Hong, se fortifiant au fil des ans. Devenu adulte, jouant les doublures/cascadeurs devant les caméras cinématographiques, il est désormais décidé à employer tous les moyens pour détruire ce clan.

En parallèle, tournant également autour de cette riche famille, Moon Jae In est conseillère dans le domaine de l'art. Son activité professionnelle l'amène à fréquenter les Hong, et à se lier notamment d'amitié avec la plus jeune fille, Mo Ne, dont la main est déjà promise à un financier bien plus âgé qu'elle. Ambitieuse, Jae In est une pragmatique qui rêve d'accéder à un certain statut social en jetant son dévolu sur de riches héritiers. C'est comme cela qu'elle va croiser la route de Gun Wook.

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Bad Guy nous dévoile progressivement cette situation de départ, en adoptant un choix narratif au final plutôt avisé. En effet, les scénaristes refusent de donner toute l'histoire "clef en main" aux téléspectateurs, comme le choix de la facilité aurait pu le justifier, casant un premier quart d'heure, larmoyant à souhait, qui aurait permis de situer chaque personnage. Au contraire, le drama opte pour une voie plus subtile, et moins directement accessible, en débutant l'histoire dans un présent où les projets de chacun sont déjà à l'oeuvre. Bad Guy nous plonge donc immédiatement, sans explication particulière, dans le quotidien des divers protagonistes, misant sur une ambiance faisant la part belle au mystère et au suspense. Peu à peu, tout va s'assembler sous nos yeux et révéler un toutélié des plus intrigants, nourrissant opportunément la paranoïa du téléspectateur qui se laisse facilement prendre au jeu.

Le procédé de narration est classique, mais s'avère assez opportun en l'espèce : les scénaristes décident d'utiliser le recours aux flash-backs. Ils dévoilent ainsi peu à peu les motivations qui se cachent derrière le tableau des rapports de force prenant progressivement forme sous nos yeux. Certes, cette méthode peut initialement quelque peu déstabiliser, car on a l'impression de prendre en cours de route une intrigue déjà commencée, naviguant tout d'abord à vue et peinant à identifier les vrais enjeux. Une forme de responsabilisation du téléspectateur s'opère : ce dernier doit interpréter et parfois extrapoler sur le sens de certains regards ou de paroles échangés. En ce sens, Bad Guy accroche et nécessite tout de suite toute notre attention, nous encourageant à nous poser des questions. De plus, a posteriori, une fois le visionnage des deux premiers épisodes effectué, la façon dont les pièces du puzzle s'emboîtent progressivement se montre assez efficace, confirmant la curiosité du téléspectateur et permettant d'asseoir l'ambiance assez sombre de la série.

Ainsi, si cette construction narrative nous laisse dans un premier temps plutôt dans l'expectative, elle prouve par la suite tout son bienfondé et laisse entrevoir une certaine maîtrise de leur sujet par les scénaristes, ce qui peut inciter à l'optimisme pour la suite.

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En choisissant de poser d'abord l'ambiance globale du drama, chargée de mystères et de tensions, avant de proposer des explications, Bad Guy réussit à tout d'abord capitaliser sur le ton très sombre, donné dès la première scène, où une jeune femme, manifestement effrayée par quelqu'un dont on ne distingue pas le visage, se retrouve acculée sur le toit d'un immeuble d'où elle glisse. Elle est tuée par sa terrible chute, la police, après enquête, concluant au suicide. Illustration de cette volonté des scénaristes d'interpeler le téléspectateur, lui laissant le soin de faire ses propres déductions par lui-même, ce n'est qu'au cours du deuxième épisode que nous sera révélé qui était cette jeune femme et qu'elle était son lien avec ce qui joue dans le drama.

Ainsi, Bad Guy s'impose tout d'abord par son atmosphère intrigante. Les scénaristes préfèrent dans un premier temps suggérer, avant de consacrer ou expliciter une situation. Le traitement des personnages rejoint un style similaire : ces derniers révèlent peu d'eux-mêmes, laissant aux évènements le soin des les installer. L'exemple le plus flagrant est sans doute la façon dont Gun Wook est présenté. Les scénaristes usent et abusent à son égard du stéréotype du personnage froid/mystérieux/stoïque. Si dans certaines fictions, cela pourrait finir par être très lourd, heureusement, ici, l'acteur principal, Kim Nam Gil, a naturellement une présence forte à l'écran sans avoir à en faire plus.

L'atout de Bad Guy est aussi de réussir à captiver le téléspectateur très rapidement pour le sort de personnages pour la plupart antipathiques aux premiers abords, ou du moins dont les comportements ou les motivations ne sont pas toujours des plus reluisantes, même si tous conservent une part de non-dits et d'ambivalences des plus troublantes. La douce innocence, teintée de naïveté de Mo Ne, ne permet pas d'occulter cette impression que nous nous retrouvons projetés dans une fosse aux lions, où les ambitions et les rancoeurs de chacun dictent leurs attitudes et les conduisent à suivre une philosophie de vie dans laquelle ils sont prêts à (presque?) tout pour parvenir à leurs fins. Pour autant, au-delà de ce premier contact assez sombre qui contribue à donner le ton de la série, il est bien difficile de cataloguer les différents protagonistes. Si chacun a son côté sombre, derrière ce masque, on décèle des personnalités plus complexes que cette image de façade. Les carapaces se brisent d'ailleurs à plusieurs reprises, apportant une dimension plus humaine qui nuance les positions.

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Evoquer l'effort de subtilité des scénaristes ne doit pas cependant masquer les quelques excès dans lequel ils n'hésitent pas à verser à plusieurs reprises. Bad Guy est une série assez noire, forgée sur des tragédies, il est donc logique d'y retrouver une part de mélodrama au travers de quelques scènes déchirantes. S'ils observent tout d'abord une certaine sobriété, aidés par cette volonté de ne pas trop en révéler immédiatement, au cours du second épisode, les scénaristes ne résistent pas toujours à la tentation de trop en faire. La série bascule en effet parfois dans du mélodramatique lacrymale un brin excessif, symbolisé par un passage de flash-back : la mise en scène de la mort des parents de Gun Wook. L'accident est provoqué par le chien adoré du gamin qui laisse échapper la laisse parce qu'il attendait depuis des heures sous la pluie, avec une entaille de 30 cm dans le dos causée par une chute à travers une vitre... Certes, cela explique bien des choses sur son état mental 20 ans après les faits, mais disons que le désir de vengeance aurait parfaitement pu se justifier sans animal domestique, ni accident se déroulant sous les yeux de Gun Wook...

L'autre reproche pouvant peut-être être adressé à ces deux premiers épisodes, mais que le temps va logiquement résoudre, c'est un problème de cohésion, issu de l'impression de suivre deux histoires parallèles à la tonalité assez différente. En effet, d'une part on assiste aux premiers pas vengeurs de Gun Wook et on s'immisce dans la vie de la famille Hong, d'autre part, on suit l'aspirante à un beau mariage, Moon Jae In, dans son propre quotidien. Il y a un certain déséquilibre entre les enjeux et l'importance respective de ces deux storylines qui entraîne des ruptures de rythme au sein des épisodes. Elles se croisent seulement à l'insu des deux protagonistes principaux; et il faut attendre le final de l'épisode 2 pour voir enfin la série devenir un tout, où toutes les intrigues sont réunies. Cette construction-là ne fonctionne donc pas toujours, mais ce problème ne devrait plus se poser à l'avenir.

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Intrigant et prenant sur le fond, Bad Guy se révèle en plus particulièrement classe sur la forme. En effet, ce drama propose dans l'ensemble de belles images, efficacement mises en valeur par une réalisation soignée et agrémentées de quelques jolis plans du plus bel effet. Cela donne au final un bel esthétique d'ensemble qui sert le contenu de la série. La bande-son s'inscrit dans une perspective similaire : Bad Guy propose une belle OST, avec quelques chansons d'ambiance assez mélancolique, parfaites pour capter l'essence du drama, et une musique au piano entraînante qui dynamise considérablement les scènes de clash et dont le téléspectateur est vite fan.

Le casting confirme tout le bien que l'on pouvait en penser sur le papier. Charismatique à souhait, Kim Nam Gil (Queen Seon Duk) réussit parfaitement à imposer à l'écran un personnage principal relativement stoïque. Han Ga In (Witch Amusement) incarne avec une certaine fraîcheur Moon Jae Ni et ses plans de mariage avec héritiers. Du côté de la famille Hong, la fratrie est également bien représentée. La toujours solide Oh Yun Soo (The Queen Returns, Bittersweet Life, Jumong) est la soeur aînée, la méfiante et très intense Tae Ra. Jung So Min joue la douce Mo Ne. Enfin, Kim Jae Wook (Coffee Prince) est l'explosif et versatile Tae Sung.

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Bilan : S'ils ne sont pas dépourvus de quelques maladresses, ces deux premiers épisodes remplissent efficacement leur mission première : aiguiser la curiosité et l'intérêt du téléspectateur, et poser l'ambiance globale de la série. Bad Guy est un thriller sombre et intrigant, où les motivations des personnages gardent une part de mystère et où le protagoniste principal est entouré d'une aura inquiétante qui s'accentue au fil des épisodes. Cette atmosphère froide mais intense captive rapidement l'attention. Prenant sur le fond, Bad Guy séduit également sur la forme, où son esthétique, comme sa bande-son assez inspirée, révèlent un certain standing appréciable.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :