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26/09/2011

(Pilote US) Revenge : pourquoi la série aurait pu être écrite pour la télévision sud-coréenne (et la raison qui la fait échouer)


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[Ceci est un exercice de review un peu particulier, mais Revenge s'y prêtait. A noter que l'article a été conçu de manière à pouvoir être lu par tous les lecteurs, familiers ou non des petits écrans auxquels il est fait référence.]


On a souvent l'habitude d'écrire des critiques de séries à travers un prisme de références américaines... Et si on changeait l'angle d'approche ?


Ce billet est né à la suite d'échanges sur twitter après le visionnage du pilote de Revenge. En cours d'épisode, j'avais parlé des grandes similitudes de recettes avec une série sud-coréenne "type" de vengeance. Par curiosité, je suis allée ensuite vérifier ce qu'en avaient pensé d'autres blogueurs disposant de bases similaires sur ces deux cultures télévisuelles. Vérification faite chez Lady, où c'est la thématique même de la vengeance qui est associée au petit écran sud-coréen. Tandis que chez Eclair, s'il concentre sa critique sur l'épisode en lui-même, il ne peut cependant pas s'empêcher de le comparer aux références du genre et finit donc par citer... un k-drama. Le réflexe est naturel.

En effet, si le téléspectateur pense instinctivement "série sud-coréenne" devant le pilote de Revenge, c'est tout d'abord en raison du thème. Certes, il existe des séries occidentales sur la notion de vengeance, mais c'est une thématique qui ne s'est pas systématisée dans le petit écran américain, à l'exception peut-être des soap. Or le paysage est très différent en Corée du Sud, pour diverses raisons aussi bien culturelles qu'historiques (Lecture complémentaire : The Korean Quest for revenge). Dans son cinéma, la vengeance est ainsi un sujet particulièrement exploré - le dernier film sud-coréen sorti en France cet été, J'ai rencontré le diable, l'illustre bien, au-delà de tous les classiques que l'on pourrait citer (la trilogie de Park Chan Wook en étant sans doute l'exemple le connu). A la télévision, le thème de la vengeance est moins influent dans un petit écran qui demeure le terrain privilégié des mélodramas et autres RomComs où l'amour apparaît comme la dynamique centrale. Pour autant, la vengeance reste là-aussi une constante récurrente, bien plus qu'ailleurs. Chaque année, on retrouve en Corée du Sud des dramas qui explorent et déclinent à leur manière le revenge thriller, suivant des approches très différentes. Parmi les plus récents, on peut citer de manière non exhaustive, des séries comme : Sorry I love you (2004), A love to kill (2005), Time between Dog and Wolf (2007), Story of a man / The Slingshot (2009), Bad Guy (2010), et en 2011, City Hunter sur les grandes chaînes, Little Girl K pour le câble. Et ce, sans mentionner les (nombreuses) séries où le sujet est plus incident, mais néanmoins bien présent (aussi bien dans les séries contemporaines que dans les sageuk - séries historiques).

Par conséquent, c'est sans surprise que l'idée à la base de Revenge peut être associée naturellement dans l'esprit du téléspectateur à des références sud-coréennes. Cependant, ce qui m'a interpellé sur le moment, c'est que le pilote va plus loin qu'un simple partage du thème principal : on y retrouve aussi une construction narrative et une présentation qui pourraient avoir été écrites pour la télévision sud-coréenne. Mais, et c'est sans doute sur ce point que la comparaison trouve son intérêt, Revenge a aussi des spécificités qui la distingue fondamentalement d'un k-drama. De manière assez révélatrice, c'est précisément l'aspect par lequel elle se démarque qui va sceller l'échec de cette introduction.

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I. Pourquoi Revenge aurait pu être écrite par un scénariste sud-coréen (et respecte tous les codes du cahier des charges classiques des k-dramas) :

Commençons par le premier parallèle proposé par ce pilote, qui constitue un emprunt culturel évident : le choix d'ouvrir l'épisode sur une phrase, pleine de sagesse, posant d'emblée la tonalité de la série. La citation qui s'affiche est de Confucius. Si les écrits du philosophe chinois et tous les courants de pensée qui s'en sont réclamés par la suite sont deux choses différentes, l'influence des valeurs (néo)confucéennes est historiquement importante dans la société sud-coréenne, et demeure une réalité.

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Poursuivons plus avant dans ce pilote, en étudiant la construction-même du récit. L'épisode débute par un flashforward, évoquant une situation irréversible : la mort d'un des personnages principaux, sans que ces quelques minutes ne lèvent le mystère sur ce qui a abouti à cette situation. Puis, c'est le retour dans le présent, quelques mois plus tôt au début de l'été. L'héroïne retrouve la maison de son passé et va faire ses première rencontres avec les différents protagonistes. Pour nous expliquer la situation, le pilote a recours à de multiples flashbacks qui viennent idéaliser les souvenirs de l'enfance perdue de la jeune femme, avant que sa vie familiale ne soit brisée. Utiliser toute la palette des fils temporels à leur disposition pour introduire les enjeux de l'histoire - les emmêlant parfois excessivement - demeure un mécanisme scénaristique qui vient naturellement au scénariste sud-coréen. Parmi les séries citées plus haut, Bad Guy par exemple adopte la même approche.

Outre la construction de l'histoire, il y a les thèmes qui conduisent à faire des parallèles. L'objectif est le suivant : Emily veut se venger de la destruction de la vie et de la réputation de son père, et donc par ricochet avoir brisé sa propre vie. Contre qui agit-elle ? Il y a différents responsables, mais plus particulièrement une famille riche et influente (dans une série sud-coréenne, ce serait une famille de chaebol) qu'elle entend donc faire payer. Cela permet de nous immerger dans le milieu de ces gens aisés, si clinquant et brillant en apparence, mais tellement grangréné en réalité, les manipulations et les trahisons y étant un quotidien normal. Le tout se déroule dans les Hamptons, offrant donc un décor luxueux toujours prisé dans les k-dramas.

De quels moyens dispose Emily pour parvenir à ses fins ? Se glisse ici une dimension sentimentale. Au cours du pilote, l'héroïne croise en effet deux prétendants potentiels manifestes. D'une part, il y a l'héritier de la famille à détruire, lequel a tous les attributs du jeune riche (lourd passif d'arrogance, abus). D'autre part, il y a un jeune homme de milieu plus modeste qui, cerise sur le gâteau, l'a connue enfant. Les deux étaient proches (à ce moment-là, le voyant *premier amour d'enfance, flamme éternelle* clignoterait dans tout drama sud-coréen normalement constitué, puisque c'est ici un ressort narratif qui transcende tous les genres de séries), la vie les a séparées, il ne la reconnaît pas mais n'y est pas insensible, elle le reconnaît et préfère l'éviter... S'esquisse donc un triangle amoureux possible (fondation nécessaire de nombre de séries sud-coréennes), avec les sentiments et l'amour comme arme de vengeance au long cours pour réussir à atteindre l'objectif suprême. Le flashforward du début ne faisant qu'insister sur l'importance de ces trois-là.

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Si tous ces éléments expliquent ma réaction devant le pilote, pour autant Revenge est aussi très éloignée d'une série sud-coréenne.

 

II. Pourquoi Revenge se différencie irrémédiablement d'une production sud-coréenne (et rate son introduction) :

Au cours de ce premier épisode, alors même que tous les ingrédients sont bien là, la recette universelle et calibrée du revenge thriller dérape. Le pilote échoue dans sa mission de proposer une introduction intrigante, car Revenge reste en effet une enveloppe vide, un papier glacé dénué d'émotions. Une partie du problème vient sans doute d'un casting qui reste en retrait, Emily VanCamp n'ayant peut-être pas la carrure du personnage qui lui est confiée, mais une grosse part de responsabilité pèse sur l'écriture. Car s'il est souvent possible de reprocher un certain manque de rigueur narrative dans la gestion des k-dramas, en revanche, le point fort de ces productions réside dans l'empathie que vont savoir susciter les personnages. La recette miracle qui fidélise le téléspectateur, l'implique dans le sort des protagonistes et l'amène à s'investir dans la série, c'est un ressenti particulier qui va recouper une dimension émotionnelle, difficilement quantifiable. Or, dans le pilote de Revenge, on ne ressent rien. Nulle compassion face au récit de l'enfance d'Emily. Aucun lien ne se crée avec elle.

On touche ici à la limite du sur-calibrage de ces recettes scénaristiques millimétrées : on ne reprochera pas à une série d'employer des ingrédients éprouvés, simplement parce qu'ils sont excessivement classiques. En revanche, on le lui reprochera si elle devient un ensemble mécanisé et déshumanisé, d'où rien n'émane si ce n'est l'impression de visualiser des rouages savamment huilés, sans parvenir à s'intéresser à l'ensemble en tant que création. Si les k-dramas se permettent une sur-exploitation de certaines ficelles narratives, c'est parce que, jusqu'à présent, ils ont globalement su généralement conserver leur lien avec le public, en se rappelant leur force : savoir toucher une fibre émotionnelle. Mais le jour où la réutilisation des mêmes pots et le poids du cahier des charges feront oublier l'âme que doit avoir toute création, le système s'effondrera. C'est pourquoi le pilote de Revenge est un échec : il a des recettes qui pourraient indéniablement marcher, peu importe qu'elles paraissent surannées, mais le cahier des charges prend le pas sur l'histoire, et ce pilote reste une enveloppe policée, mais creuse et sans identité propre.

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Conclusion :

Sur bien des aspects, le pilote de Revenge, à partir du genre particulier que sont les séries de vengeance, semble surtout être le parachèvement et le produit d'une forme de standardisation et de mondialisation culturelles plus globale, dont le processus tend à s'accentuer en raison des nouvelles technologies, de l'abolition des frontières de la création. C'est un phénomène qui joue sur les créateurs, mais aussi sur le public - le simple téléspectateur lambda - qui a désormais un accès beaucoup plus large à tous ces contenus. Au-delà des origines et influences de Revenge (de la littérature classique aux soap américains), il reste le constat amusant et indéniable d'un parallèle évident, d'une promiscuité certaine, entre cette série et des recettes qu'on pourrait qualifier de "canoniques" au sein la production télévisuelle sud-coréenne. Une belle illustration de cette fameuse culture mainstream mondialisée.

Dommage que l'essai soit ici un échec.


Pour conclure sur une note de prosélytisme bien ordonné : si une série de vengeance vous tente vraiment, jetez un oeil à celle qui reste un modèle du genre et une des plus abouties de ces dernières années : Story of a man / The Slingshot.

22/09/2011

(Pilotes US) Mini-reviews : Ringer, The Secret Circle, The Playboy Club

Cette rentrée, j'ai pris quelques résolutions, notamment celle d'étendre mes principes de "sériephilie sans frontières" aux États-Unis, et plus précisément aux fictions des grands networks américains. Si vous me lisez plus ou moins régulièrement, vous savez que je n'ai plus vraiment d'affinités avec ces séries depuis quelques saisons. Un désintérêt que ces trois premiers essais de la saison 2011-2012 n'auront malheureusement pas remis en cause.

[Cet article fait office de test, puisqu'il inaugure une nouvelle forme de critique sur ce blog : la "mini-review", pour les séries au sujet desquelles tout a déjà été écrit et/ou sur lesquelles je n'ai pas envie de prendre le temps de rédiger une review classique. Je ne sais pas encore si l'expérience se poursuivra.]

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The Secret Circle (The CW)

Une héroïne orpheline apprend qu'elle est une sorcière, et qu'elle est destinée à compléter un cercle de magie puissant où chacun va apprendre à contrôler ses pouvoirs. Ses parents ont eux-mêmes suivi ce chemin à son âge. Fera-t-elle les mêmes erreurs qu'eux ?

The Secret Circle, "série fantastique à destination des jeunes adultes", est un objet télévisuel assez fascinant dont le visionnage fait naître de vraies questions existentielles d'écriture : comment est-il rationnellement possible de condenser en un seul épisode un tel empilement de clichés ? Est-ce que The CW cache quelque part dans ses locaux un super-ordinateur qui se charge d'assembler bout à bout les développements les plus couramment attendus dans pareille histoire, statistiques à l'appui ? Il y a quelque chose de mécanisé, privé de la moindre spontanéité, derrière cet assemblage faussement policé, déshumanisé et sans âme d'ingrédients fantastiques trop classiques. On peut presque visualiser, lors de la genèse, la petite lumière qui devait clignoter à la moindre idée originale : *attention, risque de surprendre (!?) le téléspectateur*. Un peu effaré, l'esprit de ce dernier finit d'ailleurs par se rebeller contre un tel traitement et se met à divaguer, se persuadant qu'il doit s'agir du travail d'un Terminator ayant conçu cette série pour protéger John Connor.

Face au surréalisme ambiant, tandis que le pilote glisse peu à peu dans une forme de second degré involontaire, on admire aussi les acteurs pour le sérieux qu'ils conservent, à défaut de les sentir bien impliqués par les dialogues qu'ils récitent. Il faut dire que les multiples chansons parsemant la bande-son ont sans doute été plus recherchées que les lignes de ces derniers.

NOTE : 3/10

Verdict : Ne poursuivra pas.

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 Ringer (The CW)

Une jumelle poursuivie par la mafia, une autre jumelle vivant dans la haute société new yorkaise avec ses secrets et ses manipulations. La seconde disparue, la première prend sa place. Une place peut-être plus dangereuse que celle qu'elle occupait avant.

Moi aussi, j'ai été adolescente dans les années 90. Mais si Ringer marquait certes le retour au petit écran de Sarah Michelle Gellar, avec mon sens des priorités tout personnel, j'en avais surtout retenu le casting masculin l'accompagnant, fort sympathique, où l'on retrouvait notamment un des acteurs figurant sur la bannière de ce blog, Ioan Gruffudd (Warriors, Hornblower).

Ayant échoué sur The CW après avoir été d'abord destiné à CBS, il est flagrant que Ringer n'est pas un produit formaté pour sa chaîne d'adoption (à la différence de la série précédemment évoqué). Sur la forme d'abord, la série adopte un étonnant style rétro. Le choix est original, même si son opportunité peut être discutée. Malheureusement cette volonté de développer une identité esthétique propre, souvent maladroitement mise en image, déroute plus que ne convainc. Elle échoue à intriguer et ne suscite au mieux qu'une incompréhension polie (même si, une lecture conseillée sur le sujet : cet article de décryptage défendant cette option artistique).

Sur le fond ensuite, Ringer oscille entre des poncifs tout droit sortis d'un thriller de série B et un certain penchant assumé pour le soap. Ce cocktail pourrait avoir du potentiel, si le problème de la série ne résidait pas avant tout dans son concept : une substitution improbable dont on imagine mal les développements pouvoir s'inscrire sur une durée qui excèderait une saison. La prévisibilité de l'écriture n'aide guère à installer l'ambiance, en dépit des mystères et des twists multiples. Car à défaut de subtilité dans les ficelles narratives utilisées, il faut reconnaître que l'ensemble ne manque pas de rythme. L'épisode propose sa dose de rebondissements, avec son lot d'intrigues aux ressorts trop calibrés mais qui ont le mérite d'éviter au téléspectateur tout ennui.

Le pilote de Ringer est un produit en quête d'identité, offrant une partition hésitante, entre idées inachevées ou maladroitement exécutées, qui perplexifie plus qu'elle ne captive. Pour se prendre au jeu, le pré-requis indispensable est d'avoir une affection particulière pour le casting.

NOTE : 4,5/10

Verdict : Ne poursuivra pas.

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The Playboy Club (NBC)

Dans les années 60, "Bunny" Maureen arrive de sa campagne, se rêve chanteuse, et commence donc par venir égayer un club de Chicago. Dès sa première semaine, elle provoque la mort d'un chef mafieux, tombe dans les bras de l'avocat ambitieux et s'assure l'inimitié de sa supérieure hiérarchique.

The Playboy Club était probablement parmi ces trois nouveautés, celle qui pouvait le plus m'intéresser. Les années 60 à Chicago offrent un décor propice ne manquant pas d'attrait. D'ailleurs, le pilote l'a bien compris : capitalisant sur l'atmosphère, il offre une carte postale, jolie et colorée, pleine de musiques au rythme entraînant, sur laquelle les scénaristes vont venir greffer quelques caricatures issues de polars noirs (de la jolie demoiselle au métier de petite vertu en prise avec la mafia, jusqu'au ténébreux protecteur qui surgit). Pour se donner une légitimité dans son utilisation du cadre des années 60, a été aussi négligemment ajouté un soupçon d'enjeux sociaux, parachutage pas toujours très subtile : en guise de parenthèse, entre les scènes supposément "importantes", on pourra donc incidemment parler de la place des femmes, du statut des noirs et des homosexuels.

Cela donne un pilote de premier abord pas désagréable à suivre, clinquant comme il faut, mais qui manque de relief et de caractère. Trop générique, il reste cantonné dans un registre très superficiel. En résumé, la couverture est jolie, mais le fond sonne creux. Cette faiblesse est amplifiée par les caricatures fades que sont les personnages principaux, n'arrivant pas à s'imposer dans cette énième variante d'une histoire déjà trop revue. De manière surprenante, c'est finalement au-delà de la pièce principale que l'attention du téléspectateur se porte, attirée vers des détails et des éléments a priori plus secondaires : vers ces thématiques sociales esquissées qui semblent glissées comme de simples transitions presque anecdotiques, mais aussi vers certains personnages au sujet desquels on perçoit un potentiel et dont on aimerait qu'ils ne restent pas de simples faire-valoirs sous-utilisés.

The Playboy Club propose un pilote assez paradoxal : parvenir à intéresser sur des sujets non prioritaires aux yeux des scénaristes est en soi une vraie réussite, mais faire le choix de s'appuyer sur une dynamique centrale aussi pauvre et sans éclat risque bien d'être un défaut insurmontable.

NOTE : 4,75/10

Verdict : Ne poursuivra (sans doute) pas.

14/07/2011

(Pilote US) Alphas : un divertissement policier doté de super-pouvoirs

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S'il y a bien une thématique dont j'aime beaucoup le concept en théorie, mais qui répond rarement à mes attentes une fois transposée à l'écran, ce sont les histoires mettant en scène des héros dotés de super-pouvoirs. Trop souvent déçue, mais toujours aussi curieuse, je ne me lasse pas d'expérimenter les séries abordant ce sujet. La période estivale s'y prête d'autant mieux : pendant plusieurs années, la série Les 4400 m'a occasionné bien des frustrations, pourtant je l'ai toujours retrouvée avec un plaisir jamais démenti.

C'est pourquoi je n'ai pas pu résister à l'appel de la dernière nouveauté de SyFy, Alphas, dont la diffusion a commencé ce lundi aux Etats-Unis. Certes, cette chaîne et moi sommes parties chacun de notre côté il y a de cela quelques saisons : l'époque où je regardais sans distinction quasiment toutes ses séries est depuis longtemps révolue, l'amoureuse de science-fiction/fantastique que je suis vivant une triste période de disette actuellement. Autant dire que je n'avais aucune attente particulière en lançant ce pilote. Pourtant j'ai été plutôt agréablement surprise ! Ce ne sera pas la série marquante de l'été, rien d'innovant, mais peut-être y-a-t-il un potentiel dans le registre du divertissement sympathique. 

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Alors qu'il était interrogé dans une salle close du commissariat, un témoin fédéral est abattu d'une balle en pleine tête. Comment un sniper a-t-il pu l'atteindre alors que la pièce ne dispose d'aucune fenêtre ? Le Dr Rosen est contacté pour élucider ce mystère qui semble défier les lois de la physique. S'il est tout désigné pour ce cas, c'est qu'il dispose sous ses ordres d'une équipe très particulière, composée d'individus dotés de super-pouvoirs que l'on surnomme les Alphas. Leurs capacités sont diverses : acquérir une force sur-humaine, visualiser les flux électroniques, affiner un de ses sens ou encore plier à sa volonté ses interlocuteurs.

Si toutes ces individualités ont des personnalités très différentes, elles forment une équipe complémentaire assez efficace, dont les recherches les mettent rapidement sur la piste d'un autre Alpha, capable de viser avec une précision hors du commun, Cameron Hicks. Mais ce dernier, confus, n'a aucun souvenir de l'acte qu'il a commis. Le Dr Rosen découvre qu'il a subi une manipulation mentale probablement provoquée par un Alpha. Se lançant à la recherche de ce mystérieux commanditaire, ils ne tardent pas à entrevoir les contours d'une autre organisation qu'ils croyaient dissoute, représentant une facette autrement plus dangereuse des  Alphas.

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Commençons par les choses qui fâchent : ce pilote d'Alphas est inégal. D'une durée de plus d'une heure, il a un peu de mal à tenir la distance, se révélant par moment assez poussif. L'écriture n'est pas toujours des plus habiles (versant parfois franchement dans le caricatural) ; les prises de risque demeurent minimales pour proposer un ensemble aussi calibré  que prévisible. Sans échapper à certains clichés du genre, la série mêle les codes d'un formula show policier traditionnel et la spécificité de mettre en scène des protagonistes aux capacités bien particulières. En un sens, Alphas se rapproche sans doute plus, dans ce pilote, d'une forme de cop show à la sauce SyFy que d'une ambiance de super-héros tirée des comics. On retrouve en revanche cette dernière dans l'introduction du fil rouge, puisque notre groupe découvre face à lui un adversaire à sa hauteur, avec une organisation secrète, aussi mystérieuse que dangereuse, composée d'Alphas, qui oeuvre dans l'ombre. Tous ces ingrédients n'ont rien d'innovant, mais la recette avec son arrière-goût de déjà vu fonctionne de manière globalement efficace à l'écran.

Cependant, si le pilote d'Alphas négocie honorablement une introduction basique au sein de son univers, il le doit principalement à un aspect qui m'a agréablement surprise au cours de ce pilote : la dynamique de groupe qui s'installe rapidement au sein de l'équipe. Chaque personnage entre certes dans des cases stéréotypées, mais la complémentarité d'ensemble, au-delà des différences parfois irréconciliables, s'impose. Plus intéressant encore, l'épisode semble s'intéresser sincèrement à chacun d'entre eux, et notamment à cette part de vulnérabilité qui vient invariablement contrebalancer leurs extraordinaires capacités. Ces failles, liées à leur pouvoir, mais aussi plus généralement à leurs histoires respectives, apportent leur lot d'insécurités et humanise les personnages. Le prix à payer, c'est par exemple Rachel qui affine un sens en particulier et perd les autres pendant un moment. C'est Gary, le plus connecté qui soit en visualisant les flux électroniques, mais qui demeure incapable de se connecter au monde réel, inadapté socialement. Si chacun a un rôle bien défini, la manière dont ce pilote met en scène leurs interactions laisse entrevoir un potentiel dans leur complicité, mais aussi leurs tensions, qui peut fonder un divertissement sympathique, même peut-être attachant à l'égard de certains. 

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Sur la forme, Alphas présente toutes les caractéristiques attendues d'une série de SyFy, dotée d'une réalisation efficace, à défaut de vraiment imposer une identité. Mettre en scène des personnages dotés de super-pouvoir soulève généralement un enjeu principal : la question des effets spéciaux nécessaires pour permettre la manifestation desdits pouvoirs. Dans l'ensemble, Alphas s'en sort honnêtement ; sans en imposer à l'écran, mais sans non plus décrédibiliser l'intrigue. Le téléspectateur n'a aucun mal à accepter le traitement proposé, c'est le principal.

Enfin, côté casting, je serais dans l'ensemble mitigée : cela se départage entre du solide et du plus discutable. Dans les points positifs, j'ai bien aimé la façon dont David Strathairn (Big Apple) incarne le docteur en charge de cette unité très spéciale : il joue sur une forme de détachement flegmatique qui assoit son personnage. L'autre acteur que j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver, c'est Ryan Cartwright (Hardware, Bones), vraiment convaincant pour interpréter ce jeune homme inadapté socialement, mais pour lequel le téléspectateur se prend instantanément d'affection aussi sûrement que ses collègues. A leurs côtés, on retrouve également Malik Yoba (Thief, Defying Gravity), Warren Christie (October Road, Happy Town), Laura Mennell, Azita Ghanizada ou encore Callum Keith Rennie (Battlestar Galactica, Shattered, The Killing).

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Bilan : Si elle n'échappe pas aux clichés du genre et à une impression de déjà vu, c'est par sa dynamique de groupe que le pilote d'Alphas laisse entrevoir un potentiel et un capital sympathie des plus honnêtes. Se construisant sur les bases d'un cop-show empruntant aux codes narratifs des super-héros, ce premier épisode, globalement prévisible, est certes inégal, parfois même maladroit. Pour autant, les dissonances et complémentarités de cette équipe très particulière permettent de s'attacher à certains de ses membres et à l'atmosphère. Et si Alphas pouvait être un divertissement sympathique pour l'été ? A suivre ?


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la série :

02/07/2011

(Pilote US) Suits : un duo détonnant pour un legal drama divertissant et clinquant

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Cela fait plusieurs années que je nourris une tendre affection téléphagique pour USA Network ; un investissement pas franchement toujours récompensé, mais qui demeure inébranlable. Je vais vous épargner mon laïus habituel sur l'art-de-divertir-personnages-attachants-toussa auquel vous avez droit à chaque review de pilote sur cette chaîne. Disons juste que, même si je suis rarement plus d'une série en même temps, parfois deux, du temps où je n'avais pas délaissé Psych, j'ai besoin de ma dose hebdomadaire de 40 minutes en provenance de USA Network.

Actuellement, la place est occupée par White Collar. Pour être honnête, j'ai fini la saison 2 en m'étant persuadée d'abandonner (deux saisons étant souvent la durée moyenne de mon attention devant ces divertissements). Mais j'ai repris la saison 3 il y a quelques semaines... et que dire, si ce n'est que, en dépit de ses faiblesses structurelles, je chéris de manière franchement disproportionnée ce rendez-vous hebdomadaire. Il faut donc se faire une raison, il n'y a pour le moment pas de place vacante à espérer. Pour autant, parmi les nouveautés estivales d'USA Network, si je passe mon tour sans sourciller devant Necessary Roughness, en revanche, il m'était impossible de ne pas jeter un coup d'oeil à Suits dont la diffusion a commencé aux Etats-Unis le 23 juin 2011. Le jour où je saurais dire non à un legal drama n'est pas encore arrivé.

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Suits met en scène un duo de juristes détonnant qui va se contituer au cours de ce pilote. Harvey Specter est l'un des meilleurs avocats actuellement en exercice à Manhattan. Il n'a notamment pas son pareil pour mener à bien des négociations. Doté d'un esprit vif, cultivant une apparence soignée où perce une pointe d'arrogance caractéristique, il est le prototype de l'avocat issu de Harvard et ayant réussi. Il aime pourtant à penser qu'il n'est pas un de ces esprits préformatés et tellement ennuyeux qui sortent de cette fabrique à juristes. Quand son cabinet lui confie le soin d'embaucher un assistant ayant suivi ce même parcours, Harvey se montre donc fort peu enthousiaste.

Ces entretiens d'embauche sont perturbés par le débarquement impromptu d'un jeune homme, Mike Ross, confondu avec un des postulants. Ce dernier est en réalité poursuivi par la police pour avoir finalement cédé aux demandes de son meilleur ami, trafiquant, de livrer une valise pleine de drogue, dans ce qui se révèle être un piège policier. Cette péripétie n'est que l'énième épisode d'une longue amitié à problème. Avec sa mémoire photogaphique, Mike aurait pu faire des études, s'il n'avait pas été pris en train de tricher à un examen suite à une combine dudit ami. Depuis, il se nourrit de ses amertumes et regrets, vivote en se faisant payer pour passer l'examen du barreau à la place d'autres personnes et s'occupe de sa grand-mère.

Harvey tient là son esprit non conformiste, un petit mensonge sur la scolarité de Mike à Harvard suffisant à le faire échapper à l'ennui profond que provoquera n'importe quel autre candidat. Pour Mike, c'est une opportunité unique d'une seconde chance pour remettre sa vie en ordre. Reste à savoir s'il aura les épaules pour ce nouveau métier.

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A défaut d'originalité, le pilote de Suits n'en dévoile pas moins un attrayant potentiel. La série a deux grands atouts. Tout d'abord, il y a l'environnement de legal drama qui permet de laisser libre cours au sens de la répartie aiguisé des différents protagonistes, forçant les traits pour mettre en scène et surfer sur cette tendance qu'ont ces juristes de tout transformer en un show quasi-permanent. Ensuite, pour exploiter cette recette qui a déjà fait ses preuves, la série va bénéficier de la dynamique qui s'installe progressivement entre les deux protagonistes principaux. C'est une relation hésitante de mentor/apprenti qui se forme, teintée d'une forme de compétition sourde, propre aux rapports entre deux individu, avec leurs certitudes, qui ont chacun un égo à ménager. Le twist du mensonge initial au sujet de Harvard lie leur destinée plus que Harvey et Mike ne le souhaiteraient, pour le meilleur et pour le pire, en un sens. On devine déjà d'où pourront d'ailleurs venir les ennuis : tout cela ne demande donc qu'à être exploré plus avant.

Au-delà de ces bases indéniablement attractives cependant, si le pilote de Suits formule des promesses pour le futur, l'épisode en lui-même n'est pas l'introduction la plus réussie qui soit. Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur le classicisme du cas d'espèce constituant la première affaire qu'ils traitent en collaboration : si USA Network sait nous faire aimer ses personnages et ses ambiances, elle ne prend aucun engagement pour ses intrigues ; la clause est implicitement écrite dans son cahier des charges. En revanche, la difficulté à rendre crédible la situation de Mike est plus problématique. La série en fait beaucoup pour caractériser ses protagonistes, peut-être trop : l'ensemble sonne un peu artificiel, et trop forcé par instant, surtout au début. D'autant que la durée d'1h15 aurait sans doute pu être réduite, ce qui aurait évité quelques longueurs.

Reste qu'en dépit de ces petits bémols sur la structure même du pilote, les quelques échanges jubilatoires proposés lorsque l'épisode se lance véritablement suffisent à convaincre le téléspectateur de pousser plus loin la découverte. Mission donc accomplie.

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Sur la forme, Suits est une série qui reprend l'esthétique chic-et-classe citadin, ainsi que l'exploitation du décor new-yorkais, que l'on retrouve déjà chez White Collar. Chacun est habillé de manière irréprochable (même s'il faut un temps d'adaptation à Mike), permettant d'accentuer l'impression de photographie parfaitement huilée où les teintes sont volontairement un peu froides. En somme, c'est un décor sur papier glacé correspondant bien au ton de la série qui nous est offert.

Enfin, le casting, composée de têtes familières des sériephiles, répond parfaitement aux attentes. Gabriel Macht (Les médiums) n'a pas son pareil pour incarner avec un naturel désarmant cet avocat à succès flamboyant à l'esprit très vif. Patrick J. Adams oscille entre certitude sur ses capacités et tentation perception de choisir le chemin le plus facile. Les quelques scènes que nous offrent ce duo dans le pilote promettent beaucoup poour la suite. A leurs côtés, on retrouve notamment Gina Torres (Firefly, Huge), fidèle à elle-même en boss exaspérée, Meghan Markle et Rick Hoffman (The Street, Samantha who).

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Bilan : Bénéficiant d'un concept intéressant, le pilote de Suits laisse entrevoir un indéniable potentiel, en dépit des quelques inégalités, voire maladresses, pour l'introduire. Exploitant avec enthousiasme la forme clinquante du legal drama où règne un sens de la répartie souvent jubilatoire pour le téléspectateur, la dynamique du duo principal, une fois bien rodée, promet également beaucoup. Avec son parfum de bromance new yorkaise stylisée, Suits s'inscrit au fond dans un registre proche par certains points de White Collar sur USA Network. Ce qui explique l'affinité naturelle que je ne peux que ressentir pour elle. Si la succession dans mes programmes n'est pas à l'ordre du jour, je vais peut-être lui laisser une petite place, histoire de suivre l'évolution de cette première saison.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :

19/04/2011

(Pilote US) Game of Thrones : Winter is coming...

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Après des semaines d'orchestration d'une campagne médiatique alléchante, de vidéos foisonnantes titillant la curiosité, dimanche soir, débutait sur HBO une des nouveautés les plus attendues de la saison, Game of Thrones. Adaptation d'une des grandes sagas littéraires récentes de fantasy (non encore achevée) de George R. R. Martin, c'était aussi l'occasion pour la chaîne câblée américaine de se glisser dans un genre qu'elle n'avait encore jamais exploré dans un décor médiéval réaliste.

Pour l'avoir tant espérée, j'en ai presque hésité à lancer le pilote hier soir, de crainte de rompre une magie préinstallée. A la question de savoir si Game of Thrones peut être apprécié tant par les fans que par des personnes ne connaissant pas (encore) cet univers, je pense que la réponse est positive. Mais il est certain que les deux publics n'auront pas la même approche du pilote. Là où certains vont s'efforcer de se situer et de retenir la complexité de l'univers introduit et de ses intrigues, les autres vont seulement admirer - les yeux brillants, en ce qui me concerne - la mise en scène d'une histoire qu'ils connaissent déjà, s'attachant aux détails, aux non-dits et, plus généralement, à la symbolique dont chaque scène regorge.

Cela donne donc une review forcément subjective venant d'une téléphage qui a lu et aime le Trône de Fer. Je signale cependant que j'ai fait attention à m'en tenir uniquement au pilote et aux informations qui y sont dévoilées en écrivant ce billet.

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L'hiver approche dans le Royaume des Sept Couronnes. Il se murmure que, après des siècles d'absence, des Autres auraient été aperçus par-delà le Mur qui protège des territoires sauvages les plus au nord ; des dire wolves (de grands loups) ont même franchi cette frontière de pierre pourtant si imposante. Des forces sont à l'oeuvre autour, mais également au sein même du royaume, s'apprêtant à plonger ces terres dans un des plus terribles hivers qu'elles aient connu.

Impassible, le roi Robert Baratheon règne sur le continent de Westeros. Il a renversé et déposé le roi Aerys II Targaryen, il y a presque deux décennies. A l'époque, la victoire avait été remportée avec l'aide décisive de son ami, Eddard (Ned) Stark, seigneur de Winterfell ; ce dernier administre toujours ce vaste duché situé le plus au nord du royaume. Il s'est jusqu'à présent sagement tenu loin des intrigues de cour, préservant sa famille dans leur domaine. Mais, au sud, dans la capitale, Jon Arryn, la Main du Roi, meurt soudainement. N'envisageant qu'une personne de confiance à qui confier ce poste décisif où le titulaire régente tout le royaume, Robert se met alors en route vers le nord pour raviver l'amitié passée et demander à Ned de prendre la place du défunt conseiller.

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L'arrivée du roi et de la cour, notamment des Lannister, dont la reine Cersei est une des représentantes, va mettre un terme au quotidien familial, loin des complots et ambitions, que connaissaient les Stark. Ces derniers se retrouvent projetés dans des rapports de force dont ils ne savent encore rien. Catelyn, l'épouse de Ned, reçoit ainsi un message inquiétant de sa soeur, veuve de Jon Arryn, affirmant que la mort de ce dernier n'a pas une cause naturelle. Quels secrets et machinations sont à l'oeuvre à Port-Réal ? L'union envisagée entre trois des principales Maisons du Royaume (Baratheon, Stark et Lannister) que permettrait le mariage de Sansa avec le prince héritier, fils de Robert et de Cersei, revêt soudain une importance particulière.

Loin de ces considérations nordiques, sur un autre continent, un autre héritier, celui-ci considéré comme "légitime", manoeuvre également pour reconquérir son pouvoir perdu. Derniers descendants de la lignée déchue des Targaryen, Viserys marie en effet sa soeur Daenerys à un chef militaire puissant, Drogo, dans l'espoir d'obtenir une armée lui permettant de chasser l'usurpateur du Royaume des Sept Couronnes, ainsi que tous les traîtres qui avaient scellé la chute de leur Maison, les Stark comme les Lannister, dont le surnom du frère de la reine est resté, après toutes ces années, inchangé : le Régicide.

La lutte pour la conquête du Trône de Fer peut débuter... L'hiver vient.

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Ce résumé condensé ci-dessus ne fait qu'effleurer la complexité et la richesse d'un univers qui ne demande qu'à se construire et s'animer sous nos yeux. Le défi du pilote allait donc résider dans sa capacité de retenir l'attention et d'éveiller la curiosité du téléspectateur pour qui ce cadre était inconnu, sans le perdre au détour de cette galerie de personnages hauts en couleur et d'intrigues compliquées. Le tout, en apportant dans le même temps suffisamment de nuances et de soins à une reconstitution appliquée afin que les personnes déjà familières de l'histoire soient elles-aussi captivées. Dans la recherche de cet équilibre narratif, Game of Thrones s'en sort avec les honneurs.

En effet, l'épisode mêle habilement des séquences d'exposition et des passages déjà déterminants pour le futur en train de se mettre en mouvement, l'importance des décisions à prendre étant perceptible. On se sent rapidement impliqué dans les évènements qui s'annoncent. On partage ainsi, par exemple, l'inquiétude et le dilemme de Ned. Mais la preuve la plus éclatante que l'on est vraiment entré dans l'histoire, c'est la vraie claque téléphagique que l'on subit lors de la scène de fin, ô combien marquante : elle vous laisse le souffle presque coupé, même lorsque vous saviez ce qui allait se produire. Après une telle conclusion qui scelle définitivement notre plongée dans le royaume, il n'est même pas pensable de ne pas lancer l'épisode suivant !

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Construit sur un rythme de narration plutôt rapide qu'explique l'effort de condenser tant d'informations en une petite heure, il faut noter que l'épisode suit rigoureusement les débuts du premier tome dont il est l'adaptation, sélectionnant de manière opportune les scènes clés déterminantes. Il va à l'essentiel. Il n'y a rien en trop, et les scénaristes ont su choisir les échanges qui, par leurs répliques ou la mise en scène symbolique qu'ils occasionnent, permettent de poser tant les enjeux que de présenter des protagonistes dont la complexité ira croissante.

D'ailleurs, il faut bien insister sur cette capacité à susciter une fascination (pour les Lannister) ou de l'affection (pour les Stark) à l'égard de tous ces personnages, qui sont autant de pions sur une vaste partie d'échecs pour le pouvoir. L'attrait de ces figures souvent ambivalentes s'explique par une absence de manichéisme rafraîchissant. Cela demeure un des apports les plus fondamentaux de l'oeuvre de George R. R. Martin, et ce pilote en pose les bases prometteuses, notamment par la mise en scène des frères Lannister que j'ai trouvés parfaitement introduits. Le souffle épique et l'âme de la saga sont donc tous deux perceptibles dans cette première immersion fidèle.

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Soignée sur le fond, Game of Thrones l'est aussi sur la forme. La réalisation est aboutie et, surtout, avec cette volonté de condenser un maximum d'informations, voire d'esquisser des suggestions non encore formulées, de nombreux plans jouent un registre très symbolique dans leur mise en scène. C'est vraiment appréciable à suivre. Sans doute le téléspectateur ne connaissant pas l'univers ne fera pas immédiatement attention à tous ses détails, mais cela renforce cependant le sentiment que l'on a une série vraiment penséee qui pose ici ses premières fondations.

De même, l'épisode sait mettre en valeur et distinguer les différents lieux qui seront déterminants pour la suite. Pour le moment, la sobriété froide de Winterfell tranche de façon convaincante avec l'exotisme du continent de l'Est, tandis que le Mur apparaît, brièvement, glacé au possible et que Port-Réal devrait symboliser le véritable luxe. Précisons que nous nous situons plutôt dans un registre plutôt de low fantasy, à savoir que le décor médiéval se veut globalement réaliste. S'il y aura des éléments plus caractéristiques de la fantasy par la suite, il y a une réelle volonté de nous introduire dans un univers où les luttes de pouvoir entre ces différentes puissantes familles suivent l'art de la guerre et de la ruse propre à toute intrigue de ce genre.

De plus, Game of Thrones bénéfice d'une bande-son vraiment excellente qui colle parfaitement à l'atmosphère de l'histoire. C'est dès le générique que les ambitions sont affichées. En effet, non seulement réussit-il à présenter le cadre, géographique et géopolitique de la série, mais sa musique est une vraie réussite : entraînante juste comme il faut, avec une tonalité un peu grave qui renforce l'impression de solennité du récit et confère à l'ensemble ce souffle épique qui lui sied si bien. 

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Enfin, Game of Thrones repose sur une galerie impressionante de personalités fortes qu'il convenait donc de bien transposer à l'écran. Le passage de l'imaginaire du livre au concret de la série est globalement bien conduit. Sean Bean est convaincant en Eddard (Ned) Stark, avec cette noblesse pleine de principes qui semble un peu isolée au milieu de toutes ces ambitions pragmatiques. Je serais un peu plus mesurée quant au choix de Michelle Fairley comme épouse, peut-être trop éteinte par rapport à l'idée que je me faisais de Catelyn. En revanche, j'ai trouvé les enfants Stark juste parfaits. Ils gagnent une paire d'années au passage par comparaison aux livres (par rapport à la chronologie originale, tout l'univers gagne deux ans), mais trouvent dès les premières scènes le ton juste, servis par une introduction vraiment bien menée lors d'une séance de tir à l'arc pleine de symboles. J'ai été tout particulièrement heureuse du choix de mes Stark préférés, c'est-à-dire Jon Snow (Kit Harington), Brandon (Isaac Hempstead-Wright) et Arya (Maisie Williams). Robb est incarné, avec cette fierté caractéristique, par Richard Madden et la si sensuelle Sansa par Sophie Turner.

Dans les autres maisons, si Mark Addy, pour jouer le roi Robert Baratheon, est également très bien casté, je serais un peu plus mitigée du côté des Lannister. En fait, pour ce qui est des deux frères, ce serait presque un euphémisme que d'affirmer que je les ai trouvés extra. En deux scènes, Peter Dinklage impose immédiatement Tyrion à l'écran de façon assez jubilatoire (forcément, ses répliques le sont toujours) et me rappelle pourquoi il est mon personnage préféré de toute la saga. Tandis que Nikolaj Coster-Waldau trouve vraiment l'ambivalence adéquate pour Jaime, avec cet "attachement" familial sincère (dans tous les sens du terme) qui contrebalance étrangement l'inimité suscitée par ses actes. De plus, il prononce la dernière et grande phrase marquante de l'épisode avec une pointe de désinvolture caractéristique juste parfaite. En revanche, je reste réservée sur le choix de Lena Headey en Cersei qui m'est apparue trop en retrait et effacée par rapport aux autres.

Enfin, du côté des Targaryen (une autre famille aux moeurs très saines, mais les Targaryen se mariant entre eux depuis des générations, on dira que la consanguinité est ici normalisée, avec toutes les conséquences qu'elle implique), Emilia Clarke impose une grâce assez troublante dans ce personnage de Daenerys, mêlant une fragilité évidente mais aussi une force plus sourde, qui ne demande qu'à s'éveiller, symbolisée par la scène où elle plonge dans l'eau presque bouillante : les dragons ne craignent pas le chaud. Quant à Viserys, les amateurs de Doctor Who auront sans doute reconnu Harry Lloyd, et il trouve instantanément ses marques pour mettre en scène ce prince dévoré, sans le moindre recul, par l'ambition et le désir de vengeance. Et pour incarner le nouvel époux de Daenerys, Khal Drogo, on retrouve un Jason Momoa (Stargate Atlantis) qui se fond très bien dans ce décor violent et exotique.

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"The things I do for love..." (Jaime Lannister)

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Bilan : Offrant une mise en images aboutie et particulièrement soignée, regorgeant d'une symbolique assez jubilatoire, le pilote de Game of Thrones propose une introduction efficace, posant les bases de l'univers en présentant les protagonistes et les grands enjeux. On perçoit non seulement la densité d'un univers où il y a tant à explorer, mais également le caractère épique que vont vite prendre ces luttes de pouvoir. Le seul regret éventuel viendra de la durée presque trop courte, obligeant à condenser au maximum et donc à laisser de côté certains aspects (les croyances religieuses avec la scène de l'arbre, etc.). Il y a tant de choses qu'il faudra préciser ; mais je pense que, par exemple pour la Garde de Nuit, tout viendra en son temps.

En résumé, c'est avec le regard brillant et une pointe d'émerveillement que j'ai suivi ce premier épisode d'une saga assurément prometteuse : la suite, vite !


NOTE : 9/10


Une bande-annonce de la série :

Le (superbe/somptueux) générique :