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10/04/2011

(Pilote US) The Killing : who killed Rosie Larsen ?

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Dimanche dernier, AMC lançait son remake de la série danoise Forbrydelsen : The Killing. Partant sur des bases scénaristiques similaires, la saison 1 de cette déclinaison américaine ne comportera cependant que 13 épisodes, contre 20 dans la version d'origine, ce qui laisse sous-entendre que la série de AMC saura aussi prendre ses distances avec les chemins tortueux et les successions de fausses pistes de sa source d'inspiration. Les critiques américaines lui ont fait bon accueil, pourquoi donc ne pas lui laisser sa chance ? Vous le savez, j'ai d'habitude une règle plutôt stricte vis-à-vis des remakes : je les écarte arbitrairement si je connais (et surtout apprécie) la première version. Par exemple, en janvier, Shameless US n'a jamais eu sa chance avec moi pour cette raison.

Sauf que, exceptionnellement, je me suis engagée à regarder au moins le pilote de la petite dernière de AMC. Ce que j'ai fait consciencieusement. Et au terme de ces deux premiers épisodes, une seule chose est certaine : ma politique de visionnage des remakes n'est pas prête d'évoluer. Est-ce qu'il est possible d'apprécier à sa juste valeur le pilote de The Killing après avoir vécu si intensément Forbrydelsen ? Je n'en suis pas certaine. Aujourd'hui, revenons sur ce premier épisode de la série américaine avec une review où je ne vais pas prétendre oublier la version danoise pour analyser l'américaine. Mais, vous savez quoi, l'exercice, même comparatif parfois, s'est avéré peut-être encore plus instructif !

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The Killing s'est choisi pour cadre la ville de Seattle, une région qu'elle va tout particulièrement savoir mettre en valeur à mesure qu'elle se construit une ambiance qui lui est propre. Toute sa première saison va former un grand arc narratif composé de 13 épisodes, qui vont chacun correspondre à un journée d'enquête dans cette affaire qui s'ouvre dans ce premier épisode et qui va bouleverser plus d'une vie.

La série débute sur le dernier jour de travail de la détective Sarah Linden, cette dernière s'apprêtant à déménager pour la Californie afin d'y rejoindre son fiancé, en dépit de l'hostilité de son adolescent de fils. Elle et son remplaçant, Stephen Holder, sont appelés sur les lieux de découverte d'un sac à main rose ensanglanté. Si Sarah est déjà toute entière tournée à son départ, elle se laisse cependant convaincre par son coéquipier du jour de suivre la piste d'une carte nominative trouvée sur place au nom de Stanley Larsen. Le pré dans lequel ces objets ont été retrouvés est trop bien connu pour être un lieu où les prostituées emmènent leur client pour que les policiers s'inquiètent vraimet.

Mais chez les Larsen, l'épouse leur assurant que toute sa famille était hors de la ville ce week-end, une autre explication, autrement plus effrayante, est soudain envisagée par Sarah lorsqu'elle découvre l'existence d'une fille aînée... laissée à Seattle pour fêter Halloween vendredi soir dernier, et dont ils n'ont pas eu de nouvelles depuis ce jour-là. Le parc au sac ensanglanté va malheureusement rapidement fournir la réponse redoutée : le cadavre de Rosie Larsen y est découvert dans le coffre d'une voiture noyée dans un étang. Or le véhicule fait partie du parc automobile de l'équipe d'un politicien local, candidat aux élections municipales qui se profilent : Darren Richmond. Quel est donc le lien entre la victime et un milieu politique au sein duquel les policiers ne peuvent se glisser qu'avec diplomatie ?

"Qui a tué Rosie Larsen ?", voici la question qui promet de retenir toute notre attention pour le reste de la saison 1.

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Le principal atout de The Killing réside incontestablement dans la façon dont elle se propose d'exploiter son intrigue policière. Sa construction narrative feuilletonnante à l'extrême va lui permettre non seulement d'exploiter pleinement son format de "série télévisée", mais aussi de la distinguer de ces procedural show dont les quarante minutes d'épisode imparties à chaque enquête suivent un schéma devenu trop invariable pour retenir l'attention de certains téléspectateurs lassés (je ne cache pas faire partie de ces derniers). Plus ambitieuse parce que disposant de plus de temps, The Killing nous glisse non seulement aux côtés des policiers, mais aussi de la famille de Rosie Larsen, et plus globalement de toutes les personnes affectées directement ou indirectement par les évènements. En bien des points, il s'agit d'une série chorale qui permet donc de multiplier les perspectives, offrant un portrait complexe et émietté de toutes ces réactions face à une tragédie bouleversante.

Cette richesse, The Killing sait parfaitement la mettre à profit dès son pilote. Elle s'approprie tous les ingrédients qui fondent un polar noir efficace. Au-delà du crime sordide qu'elle entreprend de relater, elle s'impose comme une série d'ambiance. C'est là que réside peut-être la réelle prise d'indépendance par rapport à sa consoeur danoise et  la valeur ajoutée la plus intéressante de ces débuts : sa capacité à se construire une identité qui lui est propre et qui exploite son concept avec les atouts de sa nationalité. The Killing n'a pas l'atmosphère glacée, ni le côté sobre et épuré à l'extrême de la série scandinave. La fiction d'AMC propose un polar américain, où l'empathie apparaît comme une constante plus naturelle. L'émotionnel y est plus assumé et recherché. De même, Seattle n'est pas Copenhague. D'ailleurs, la série exploite de manière convaincante le cadre d'une ville qu'elle présente comme souvent pluvieuse. L'eau constitue d'ailleurs un élément omniprésent dans ces lieux où la nature verdoyante côtoie le citadin grisâtre.

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Si elle est habile à se construire son univers pour nous immerger progressivement dans l'intrigue qui va être son coeur, The Killing m'a cependant laissée une impression un peu plus mitigée quant à la maîtrise de son récit. Certes ce dernier reste globalemet efficace, mais j'ai à plusieurs reprises été un peu gênée par une narration trop rapide. Hormis quelques plans destinés à marquer l'atmosphère, le pilote ne perd pas de temps en transitions anecdotiques et en passages plus contemplatifs : il va à l'essentiel. La densité du récit est incontestable ; les scènes s'enchaînent pour permettre à l'intrigue de s'installer sans temps mort. Si c'est efficace pour ne jamais prendre en défaut l'attention du téléspectateur, paradoxalement, on ressort aussi avec un sentiment ambivalent : alors que la série souhaite nous plonger dans un polar réaliste feuilletonant, qui ne se veut pas pris par le temps, elle n'hésite pas à prendre des raccourcis narratifs discutables. Est-ce le parallèle qui s'opère naturellement dans mon esprit avec Forbrydelsen qui biaise ainsi ma perception ?

En fait, le pilote de The Killing offre un récit très proche de la version danoise, se concluant, tout comme elle, sur la découverte nocturne du corps de Rosie Larsen dans la voiture qui est remontée de l'étang. L'histoire est identique dans ses grandes lignes, ce qui permet de faire une autre comparaison plus objective : le premier épisode de Forbrydelsen dure 55 minutes ; celui de The Killing, 45. Dix minutes de moins qui, malgré tout, se ressentent à l'écran. La série danoise cultivait l'art de savoir prendre son temps. L'exploitation de l'intrigue dans The Killing est plus fonctionnelle, au sens où l'anecdotique est plus aisément balayé, privilégiant le rythme à l'ambiance. Les deux choix ainsi faits ont chacun des arguments légitimes en leur faveur. Il ne s'agit pas de les hiérarchiser qualitativement, ils reflètent au fond un savoir-faire différent. Mais je dois être une téléspectatrice qui préfère prendre mon temps, plutôt que d'avoir l'impression d'assister à de brusques accélérations forcées ou à des avancées trop parachutées qui sonnnent un brin artificiel. Par exemple, dans l'épisode 2, la façon dont est amenée la découverte de "the cage" est une parfaite illustration du problème de la version américaine.

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Sur la forme, The Killing est une série soignée, où tout s'emploie à construire une atmosphère de polar très intéressantes. Les images sont travaillées, parfois très belles pour mettre en valeur le cadre offert par la région de Seattle avec quelques paysages superbes, mais sachant aussi verser dans un côté sombre qui se justifie également au nom de la tonalité de la fiction (l'omniprésence de la pluie notamment). C'est globalement bien fait, tout comme l'exploitation d'une bande-son qui emprunte à nouveau ses grandes lignes à la version originale, tout en posant sa propre identité. Cependant, j'ai parfois eu l'impression que la musique était un peu trop présente.

Par exemple, analysons pour illustrer mon propos la façon dont est montée la scène finale de découverte du cadavre de Rosie Larsen. Le récit est identique. Ce qui change, outre les acteurs, c'est l'exploitation faite du même morceau musical, un instrumental poignant. La version danoise privilégie la sobriété, ne faisant retentir qu'un seul passage lorsque la mère de Rosie s'effondre dans la cuisine : inutile de trop en faire pour proposer une scène d'une intensité déchirante. A l'opposé, la version américaine joue elle, non pas sur le silence, mais bien sur l'exploitation du morceau musical : ce dernier retentit dans notre écran beaucoup plus tôt, au moment où le corps noyé de Rosie Larsen apparaît lors de l'ouverture du coffre. Cette utilisation propre à chaque nationalité des mêmes ingrédients en dit beaucoup sur les conceptions et le savoir-faire particuliers à chacun de ces deux pays.

Pour un observateur qui s'intéresse à la construction respective de ces fictions, c'est un exercice intéressant que de mettre ces éléments en parallèle. Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi le téléspectateur pourra être plus sensible à l'une ou à l'autre version.

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Enfin, pour porter à l'écran cette histoire ambitieuse, le casting comporte quelques valeurs sûres du petit écran américain. Mireille Enos (Big Love), avec ses larges pulls et ses cheveux attachés, tranche avec l'archétype de la figure policière. Si j'ai trouvé intéressant le contraste ainsi offert et si j'apprécie cette actrice, cette dernière a d'abord souffert de la comparaison instinctive faite avec sa consoeur danoise, me donnant l'impression de manquer tant en intensité qu'en présence. Cependant, vers la fin du second épisode, je commençais à m'habituer à son style. Donc, même si elle s'avère pour le moment moins convaincante, elle devrait parvenir à s'imposer à moyen terme.

En fait, c'est sans doute avec le casting dans son ensemble que j'ai eu le plus de difficultés pour m'adapter. J'ai eu du mal à me sentir impliquée à leurs côtés, peut-être est-ce dû en partie à une écriture qui a besoin d'un peu plus de temps. Si pour certains, comme Billy Campbell (Once & Again, Les 4400) qui ne dispose que d'une poignée de scènes dans cette ouverture, je ne m'inquiète pas pour la suite étant donné le passé de l'acteur, pour d'autres, je suis plus sur la réserve. Outre Joel Kinnaman, c'est surtout Brent Sexton (Deadwood, Life), en père de famille brisée, qui m'a semblé être le moins convaincant. A leurs côtés, on retrouve également Michelle Forbes (24, In treatment, True Blood), Kristin Lehman (Killer Instinct), Eric Ladin (Generation Kill), Brendan Sexton III ou encore Jamie Anne Allman (The Shield).

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Bilan : Polar d'ambiance soignée, à la narration feuilletonante ambitieuse dont l'arbitrage n'est pas toujours complètement maîtrisé, The Killing est une de ces séries dont l'histoire pourtant classique tranche dans le paysage téléphagique actuel américain et dans laquelle on a envie de s'investir. Souhaitant exploiter pleinement son format de série télévisée, avec une intrigue dont l'arc narratif couvrira ses 13 épisodes, elle entreprend rapidement d'immerger le téléspectateur dans son univers potentiellement addictif, en se concentrant sur une question qui devrait en passionner plus d'un au cours des prochaines semaines : qui a tué Rosie Larsen ?

Pour ceux qui connaissent Forbrydelsen, The Killing mérite-t-elle un visionnage ? C'est une fiction profondément américaine : la base du scénario est peut-être identique, mais nul doute que la série dispose d'une identité propre à sa nationalité. Vous y retrouverez des recettes familières qui, suivant vos goûts, peuvent vous séduire ou vous laisser indifférent.

Personnellement, je ne pense pas poursuivre plus avant ma découverte. Jeter un oeil à ce pilote a été instructif à plus d'un titre, mais je ne vois pas vraiment de raison justifiant de m'investir dans cette série.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :


27/03/2011

(Pilote US) The Borgias : jeux de pouvoir impitoyables dans l'Italie de la fin du XVe siècle

 

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Au vu des programmes qui s'annoncent dans les prochaines semaines, je devine que mon mois d'avril aura un parfum historique très prononcé. C'est tout d'abord Showtime qui va ouvrir le bal, avec une fiction destinée à succéder aux Tudors, à partir d'un sujet qui promet tout autant, si ce n'est plus, que le règne de Henri VIII : les Borgias. Ce choix d'une famille restée dans la mémoire collective, non seulement comme un symbole de décadence, mais aussi comme un modèle dans l'art de la quête du pouvoir, telle que le décrira si méticuleusement Machiavel, quelques années plus tard, dans son célèbre Prince, présente a priori tous les ingrédients nécessaires pour offrir un cocktail détonnant mêlant pouvoir, sexe et politique, avec en toile de fond les luxueuses et fatales coulisses du Saint-Siège.

Ayant toujours eu un rapport compliqué et beaucoup de réticences face aux Tudors, c'est avec une certaine réserve que j'ai lancé ce premier épisode, même si le sujet m'intéressait a priori beaucoup. Et c'est finalement avec plaisir que je peux dire que le pilote des Borgias remplit a priori toutes les promesses que l'imagination féconde (et romanesque) du téléspectateur pouvait avoir envisagé. D'une longueur imposante de plus d'1h30, il pose le cadre sanglant et ambitieux qui va être celui de la série, tout en introduisant efficacement la situation comme les protagonistes. La diffusion de The Borgias commencera le 3 avril prochain sur Showtime. Je serai au rendez-vous.

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L'histoire s'ouvre à Rome, à la toute fin du Moyen-Âge et à l'aube de la Renaissance, en 1492. Les premières minutes nous permettent d'assister au dernier soupir du pape Innocent VIII. C'est l'opportunité qu'a patiemment attendu toute sa vie le très ambitieux cardinal Rodrigo Borgia, lui-même neveu du pape Callixte III. Le conclave, qui s'organise sous nos yeux, réuni afin d'élire son successeur, va s'avérer aussi disputé qu'opaque. En effet, il va être le cadre des plus intenses tractations et autres manoeuvres corruptives pour permettre à Rodrigo d'obtenir les faveurs de la majorité des votants. A l'extérieur, son fils Cesare le seconde habilement afin d'assurer la réussite de ses projets. Ses ambitions se verront récompensées : Rodrigo deviendra pape, prenant le nom d'Alexandre VI.

Cependant cette consécration est loin d'être une fin en soi. En effet, si les Borgia, une famille originaire d'Espagne, avaient déjà leur part d'ennemis dans l'Italie de cette fin de XVe siècle, l'accession au siège de saint Pierre ne va faire qu'attiser les tensions et renforcer la résolution de leurs ennemis. Se maintenir en place promet d'être aussi difficile et compromettant que l'ascension a pu l'être, en témoignent les complots qui, dès ce premier épisode, rythment déjà les coulisses du Saint-Siège. Alexandre VI devra plus que jamais s'appuyer sur la ruse, mais aussi sur ses enfants, au premier rang desquels, Cesare, qu'il va rapidement nommer cardinal.

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C'est tout d'abord dans le registre d'une fiction politique historique que The Borgias s'impose. Ce pilote se consacre  pleinement à la mise en scène de jeux de pouvoir mortels, sur fond de confrontation fatale entre les ambitions des grandes familles romaines influentes de l'époque. Tous les moyens sont bons pour servir leurs projets, ne s'arrêtant pas seulement à une corruption qui apparaît généralisée. De façon impitoyable, les complots se font et se défont, tandis qu'avec un arrière-goût empoisonné, les trahisons se succèdent, et les morts aussi. Si l'histoire se concentre logiquement sur les manoeuvres de Rodrigo et de son fils, ils sont loin d'être les seuls à agir en coulisses. 

Conduit de façon rythmée, l'épisode nous propose donc une partie d'échec létale très accrocheuse, où la ruse est élevée au rang d'art, où la pitié et la morale ne sauraient intervenir, tout étant sacrifiable pour atteindre et assurer le pouvoir. On parlerait anachroniquement sans nul doute de machiavélisme, si Cesare Borgia n'avait pas justement inspiré le Prince de Machiavel publié quelques années plus tard. De même, à observer ces clans familiaux ainsi s'affairer et s'affronter, entièrement dédiés à cette lutte pour le pouvoir, le sous-titre de l'affiche de la série, "the original crime family", s'avère être bel et bien une promesse tenue. Et quand le cardinal Della Revore découvre son lit ensanglanté par un cadavre - même si c'est celui d'un être humain - la réminescence d'une autre scène cinématographique célèbre du genre vient naturellement : après tout, ce n'est pas non plus un hasard si Mario Puzzo a pu consacrer tout un roman à romancer le destin de cette famille. En résumé, The Borgias dispose de tous les ingrédients pour mettre en scène des luttes de pouvoir aussi animées que complexes. 

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Outre ses enjeux politiques, The Borgias exerce également un attrait plus subversif : le nom de cette famille a conservé à travers les siècles un parfum sulfureux sur lequel le pilote capitalise pleinement. Népotiste assumé, simoniaque rompu à tous les trafics, nicolaïste notoire, Alexandre VI personnifie et symbolise les dérives internes de l'Eglise du XVe et des débuts du XVIe siècle. L'épisode ne nous épargne aucun détail de cette décadence aux multiples facettes : des dessous de l'élection pontificale de 1492, avec la distribution de bénéfices ecclésiastiques et le pillage d'églises vidées de leurs objets de valeur, jusqu'aux questions de moeurs, face à un Souverain Pontife qui écarte de l'oeil du public la concubine qui lui a donné quatre enfants au motif hypocrite du maintien des apparences, tout en installant sa nouvelle maîtresse dans une maison où il peut lui rendre visite en secret.

De plus, ces thèmes se déclinent également à l'intérieur de la dynamique, forcément particulière, d'une famille toute entière consacrée aux ambitions du père. Les rôles y sont déjà distribués. Cesare, en dépit d'un intérêt bien plus porté sur le temporel que le spirituel, se doit d'embrasser une carrière ecclésiastique sur les pas de Rodrigo, tandis que son frère sera celui qui s'investira dans le versant militaire pour consolider leur emprise sur la péninsule. Quant à Lucrezia, le jeu des alliances par mariage lui est ouvert. Il faut noter que c'est jusqu'au sein même de cette famille que les signes de dérive des moeurs sont perceptibles. En effet, l'épisode met ouvertement l'accent sur l'ambivalence des rapports, ou plutôt des sentiments éprouvés par Cesare à l'égard d'une soeur qu'il chérit plus que tout et dont il a bien du mal à concevoir la seule idée du mariage.

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Au-delà de ces thèmatiques où se mêlent pouvoir et sexe avec en toile de fond une reconstitution historique mettant en avant le luxe romain de cette fin de XVe siècle, la réussite de ce pilote va aussi être de ne jamais déshumaniser les jeux politiques qu'il dépeint. Si, par son sujet, The Borgias ne pouvait être manichéenne, elle va aussi proposer des personnages avec leurs failles et leurs propres ambiguïtés : ce ne sont pas des figures unidimensionnelles qui se réduiraient à leurs seules ambitions. Certes, la plupart des personnages sont moralement condamnables, mais ils sont surtout les dignes participants d'une tragédie du pouvoir shakespearienne, permettant à la série d'investir une dimension humaine qui retient également l'attention.

Ainsi, le pilote installe et et réserve une part d'ambivalence à tous ces protagonistes qui ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins. Sans doute pour bien introduire son cadre, il se concentre surtout sur Rodrigo (Alexandre VI) et Cesare. Pour le premier, ce sont ses positions teintées d'hypocrisie qui renforcent ses paradoxes, le vernis se craquellant rapidement derrière les déclarations d'intention initiales annonçant sa volonté de remplir dignement la fonction à laquelle il a été élu. Pour Cesare, les conflits internes sont plus personnels. Instrument frustré de son père, prêt à tout pour protéger sa famille, il ne rêve que de se voir délier de ses voeux ecclésiastiques pesant qu'il n'a prêté qu'avec réticence, mais il va finalement se retrouver nommé cardinal par le biais d'une énième manoeuvre politique de son père pour s'assurer d'une assise majoritaire auprès de ces dignitaires.

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Au-delà de son efficacité sur le fond, c'est aussi sur la forme que The Borgias a su mettre tous les atouts de son côté. La série séduit par l'esthétique proposé dans ce pilote qui exploite pleinement le faste et le luxe de son décor romain. Il se dégage de ces superbes images comme un parfum de fin de XVe siècle absolument saisissant. La réalisation est soignée. Une attention toute particulière a été portée aux costumes, comme aux lieux dans lesquels se déroulent les scènes. Les effets de caméra, comme les teintes choisies, sont un vrai plaisir pour les yeux du téléspectateur.

Pour accompagner cette forme très convaincante, la série dispose également d'une bande-son en parfaite adéquation avec son ambiance, reprise réagencée de musique aux faux accents religieux. Elle n'est pas trop envahissante, mais contribue à donner son atmosphère de cette fiction, rythmant les intrigues et pointant la solennité de certains passages. D'ailleurs, c'est dès le départ, avec son long et magnifique générique, que The Borgias impose son style et ses ambitions sur la forme (cf. la première vidéo en bas de ce billet).

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Enfin, pour donner vie aux protagonistes dans cette fresque, The Borgias bénéficie d'un casting international solide qui s'avère être à la hauteur des attentes. Jeremy Irons s'impose d'emblée comme la figure centrale ambitieuse, non dénuée d'ambiguïté dans sa façon d'alterner autoritarisme et ruse pour parvenir à ses fins. Pour le seconder dans ses basses oeuvres au sein de l'Eglise, son fils Cesare est interprété efficacement par François Arnaud (Yamaska). David Oakes (Les Piliers de la Terre), qui s'épanouit dans le domaine militaire, Holliday Grainger (Demons, Above suspicion, Any human heart) en troublante Lucrezia et Aidan Alexander, jouent ses autres enfants, tandis que Joanne Whalley incarne leur mère.

Autour de la famille Borgia gravite des alliés d'un jour et des ennemis encore plus déterminés. On retrouve dans la galerie d'acteurs qui les interprètent : Derek Jacobi (Mist : Sheepdog Tales), Colm Feore (24, The Listener), Ruta Gedmintas (Lip Service), Lotte Verbeek, Elyes Gabel, Sean Harris (Meadowlands), Simon McBurney (Rev.), Vernon Dobtcheff, Peter Sullivan (The Bill, The Passion) ou encore Bosco Hogan (The Tudors).

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 Un aperçu des décors...

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Bilan : Superbe sur la forme, solide sur le fond, The Borgias démarre sur un pilote convaincant et abouti qui correspond à l'image romanesque préconcue que l'on pouvait avoir d'une fiction centrée sur cette famille marquante des XVe et XVIe siècles italiens. Grandeur et décadence, sexe et politique, religion et corruption, seront au rendez-vous de cette série historique qui nous plonge dans les coulisses du Saint-Siège. Au vu de cette introduction, elle dispose a priori de tous les ingrédients pour s'imposer comme un rendez-vous hebdomadaire plaisant. A suivre !


NOTE : 8/10


Le générique :

La bande-annonce de la série :

28/02/2011

(Pilote US) Camelot : les légendes arthuriennes, une source d'inspiration inépuisable

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Les légendes arthuriennes... Voilà bien un sujet d'inspiration par excellence. Livres, films et bien entendu séries, depuis le Moyen-Âge, cet univers qui fait vibrer notre imaginaire s'est modelé en fonction de son public et a pu se décliner en autant d'adaptations, semblables et différentes à la fois. Chacun y va de son interprétation pour révisiter le mythe ces dernières années dans le petit écran, des shortcom françaises (Kaamelott) aux séries fantastiques familiales anglaises (Merlin), en passant par des mini-séries, elle-mêmes déclinaisons d'adaptations littéraires, comme Les brumes d'Avalon. Le sujet demeure une source d'inspiration pour les scénaristes.

Si bien qu'en ce début d'année 2011, c'est la chaîne câblée américaine Starz qui se lance à son tour dans sa propre version du mythe arthurien, en repartant aux origines de la légende. Elle confirme par là-même tout son attrait pour les séries historiques - un genre dans lequel elle finit par se faire une place. A défaut d'avoir de grandes attentes sur la série elle-même, le casting avait l'air plutôt sympathique et comme je ne sais résister à l'appel d'un plongeon dans un univers médiéval (qui plus est légendaire), j'ai donc jeté un oeil sur le pilote que Starz a diffusé ce vendredi.

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La série part sur les bases d'un récit initiatique classique. Le rêve de Camelot n'existe dans ce premier épisode que dans les visions aléatoires d'un Merlin qui craint plus que tout l'anarchie et le chaos menaçant de déchirer le royaume en l'absence de dirigeant suffisamment fort et juste pour maintenir l'ordre. Comme un symbole de l'idéal perdu et du pouvoir à reconstruire, le château de Camelot, celui-là même au sein duquel la légende se forgera, n'est que ruine dans ce pilote qui va efficacement poser les jalons de l'histoire à venir.

L'épisode s'ouvre dans une autre demeure, celle du roi Uther Pendragon, le jour du retour d'une fille prodigue, Morgane, envoyée au loin par un père qui ne voulait plus d'elle. Les retrouvailles se passent forcément mal, la simple vue de la nouvelle reine ayant remplacé sa mère, Ygraine, rendant la jeune femme folle de rage. Après une énième répudiation, cette fois, Morgane décide de définitivement tourner la page, en empoisonnant son père pour pouvoir réclamer ses droits d'unique héritière sur ses terres. Si l'arrivée précipitée de Merlin ne pourra sauver le roi, il a cependant le temps de lui faire signer un document reconnaissant et instituant un autre héritier, un fils que Merlin prit et éloigna dès sa naissance, à la fois fruit et prix des amours magiques entre Ygraine et un Uther qui avait pris l'apparence de son mari d'alors. 

Loin de ces intrigues létales, Arthur a grandi dans une ferme, détaché de toutes ces préoccupations. Il cultiverait même plutôt une insouciance puérile propre à la jeunesse. Mais lorsque Merlin le retrouve, désormais jeune adulte, c'est toute sa vie qui va prendre un brusque tournant inattendu avec la révélation de sa naissance et du destin que l'on entend lui faire accomplir. Avec le soutien de son frère adoptif, Kay, Arthur quitte donc le confort familial pour se lancer dans une lutte de pouvoir dont il ne prend pas réellement conscience initialement, à la poursuite d'un idéal que seul Merlin semble à même de voir. Le jeune homme a peut-être les habits d'un roi, mais il lui reste encore tout à apprendre pour en devenir un... et tout à conquérir. Car Morgane n'entend pas laisser échapper les droits qui lui reviennent.

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Le pilote de Camelot démarre avec la tranquillité et l'assurance des fictions qui savent où elles vont. Sachant capitaliser sur cette impression de retrouvailles avec un mythe familier qu'éprouve forcément le téléspectateur, l'épisode se contente, sans trop en faire, presque modestement mais non moins efficacement, de poser les bases d'une histoire de toute façon connue. Son ambition narrative est simple : il s'agit d'une invitation à se laisser entraîner dans un récit où les dynamiques ont fait leur preuve. Il y parvient avec sobriété en nous introduisant dans les grands enjeux qui vont constituer le coeur de la série. La mort d'Uther sert de prétexte catalyseur parfait pour nous permettre d'assister aux bouleversements déterminants et à la redistribution des cartes qui s'opère entre les différents protagonistes. Tandis que parmi eux, certains se forgent déjà ces oppositions irréductibles qui ne flétriront plus, Camelot trouve progressivement son équilibre.

Au fond, ce que réussit ce pilote, c'est d'avoir su parfaitement coller à ce qui pouvait légitimement être attendu d'un tel projet. Nul n'attendait des innovations, des surprises ou encore d'être impressionné par une recherche de réalisme, une intensité dramatique particulière ou une esthétique marquante. Il s'agissait simplement de proposer une adaptation s'inscrivant dans le divertissement historique, suffisamment plaisante à suivre pour que le téléspectateur ait envie de se laisser entraîner... Et puis, ultérieurement, il sera toujours temps, pourquoi pas, de la voir grandir. Porté par ses dialogues aux réparties insufflant une dynamique à l'ensemble, le pilote de Camelot remplit d'autant mieux son office que les personnages qu'il met en scène vont facilement retenir l'attention d'un téléspectateur qui se surprend à rapidement s'attacher. La spontanéité rafraîchissante d'Arthur, les mystères de Merlin, le machiavélisme de Morgane ou encore le soutien fraternel de Kay, aussi calibrés soient-ils, embrassent certes des stéréotypes attendus, mais ils le font tout en sachant paradoxalement conserver une certaine distance.

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Honnête sur le fond, Camelot l'est aussi sur la forme. Les décors et les efforts de reconstitution historique permettent de se laisser entraîner sans arrière-pensée dans l'histoire. La réalisation reste classique, mais ne dépareille pas. La musique remplit également son office pour verser dans la dramatisation quand il le faut. Relevons tout particulièrement celle qui accompagne le long générique d'ouverture, agréablement soigné et qui reflète bien l'ambiance mi-sacralisée, mi-légendaire de l'histoire, et donne le ton à l'ensemble.

Enfin, point assurément non négligeable, Camelot bénéficie d'un casting sympathique, dans l'ensemble solide, qui compense certaines facilités narratives et explique aussi le relatif attachement que pourra vite éprouver le téléspectateur à l'encontre des personnages. Arthur est incarné avec conviction par Jamie Campbell Bower (The Prisoner), efficacement secondé par Joseph Fiennes (Flash Forward) qui propose une interprétation terre à terre assez rafraîchissante de Merlin, tandis qu'Eva Green incarne l'adversaire, en la personne de Morgane. Pour aider Arthur, on retrouve notamment à ses côtés, Peter Mooney (Falcon Beach, ZOS : Zone of Separation) qui joue son frère adoptif, Claire Forlani (Les Experts : Manhattan), sa mère. De plus, on croise également Clive Standen (aperçu dans quelques épisodes de Robin Hood), Philip Winchester (Crusoe) ou encore Sinéad Cusack (North & South, The Deep). Tamsin Egerton (dernièrement croisée dans Money, dont on retiendra pour l'anecdote qu'elle jouait déjà dans Les brumes d'Avalon) incarnera Guenièvre.

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Bilan : Sans démesure, avec la tranquille certitude d'exploiter un concept porteur, mais aussi une certaine humilité dans sa façon de s'attaquer à cette légende, le pilote de Camelot réussit son pari de poser les bases d'un divertissement médiéval aux accents initiatiques attrayants (en raison de la jeunesse d'Arthur). Portée par un casting dans l'ensemble solide et sympathique, la série s'installe avec simplicité. C'est typiquement le genre de fiction qui va s'attacher, sans arrière-pensée, ni prétention, à exploiter pleinement son histoire. Elle n'a rien d'incontournable, et chacun pourra sans doute passer son chemin sans nourrir de regret. Mais pour le téléspectateur en quête d'aventures moyen-âgeuses, c'est un début honnête que propose cette série à laquelle j'ai envie de donner sa chance. Rendez-vous donc pris pour avril.


NOTE : 6/10


La bande-annonce :

24/01/2011

(Pilote US) Fairly Legal : Less lawyer. More appeal ?

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Deux nouveautés américaines testées en moins d'une semaine, cela faisait longtemps que cela n'était pas arrivé (voire jamais, sur ce blog). Mais j'avoue conserver un certain faible pour USA Network, même s'il est rare que ses séries me fidélisent bien longtemps. J'aime retrouver cette sorte de cachet "friendly" qui accompagne ses productions. Ces dernières n'ont d'autre objet que celui de proposer un divertissement confortable, cependant elles le font généralement avec une conviction des plus communicatives.

A défaut de surprendre, cela donne quand même envie de leur laisser une chance. C'est pourquoi c'est sans attente particulière, mais avec une pointe de curiosité, que je me suis installée devant le pilote de Fairly Legal, une nouvelle série qui a débuté jeudi dernier aux Etats-Unis. Et c'est face à une nouveauté aussi pétillante qu'excessivement calibrée pour correspondre à l'image de la chaîne que je me suis retrouvée. Un premier épisode qui semble donc remplir sa part du contrat.

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S'inscrivant dans la tendance d'USA Network à féminiser des héros encore très masculins, Fairly Legal est dotée d'une figure centrale de charme et de poigne en la personne de Kate Reed, une ancienne avocate désormais reconvertie dans un rôle de médiatrice qui convient mieux à sa volonté de promouvoir une justice qui ne serait pas déshumanisée et réduite uniquement à des textes de lois désincarnés. Pour autant, la jeune femme n'a pas quitté le milieu du droit, puisqu'elle officie à ce poste au sein du cabinet familial Reed & Reed. Dans ce pilote, nous la découvrons malheureusement reprendre le travail après un douloureux deuil, son père est en effet décédé une semaine plus tôt. Si les deux avaient un fort caractère et des conceptions très différentes du droit, sa mort a profondément affecté Kate qui a encore du chemin à faire pour l'accepter.

Cependant, les affaires continuent. Sa belle-mère, désormais veuve et patronne, n'a d'ailleurs elle pas pris le temps de pleurer son époux, alors que les cabinets concurrents démarchent ouvertement leurs gros clients. Ce premier épisode balaie quelques journées-type pour Kate, proposant un aperçu d'un quotidien assurément mouvementé et qui se mène tambour-battant sur un rythme effréné. L'énergique jeune femme navigue en effet entre clients du cabinet à choyer et affaires judiciaires confiées par des juges réglant certains comptes, tout en y immisçant et en jonglant avec une vie personnelle qui se complique d'un ex-mari travaillant au bureau du procureur, avec lequel la nature de leurs relations demeure relativement floue.

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Sans être un legal drama au sens traditionnel du terme, Fairly Legal en reprend tant son parfum que ses codes narratifs, tout en y ajoutant un twist. Car si Kate Reed a quitté la profession d'avocat, c'est qu'elle se refuse d'analyser les affaires qui lui sont soumises avec une vision purement légaliste. Elle veut prendre en compte la spécificité et la dimension humaine de chaque cas. D'où ce rôle de médiateur, un poste auquel elle peut non pas mener bataille pour un camp, mais essayer de faire transiger les deux parties. Pour, la justice ne se réduit pas à ces notions de gagnant et de perdant, mais au triomphe du "juste". Son but est donc de parvenir à la résolution des conflits, non pas par une mise en oeuvre rigoriste de la loi, mais par des règlements en équité acceptés par chacun des camps en présence. Cette ambition apporte à la série une pointe d'idéalisme pas déplaisante, mais qui peut aussi devenir trop utopique.

La notion de juste flirte certes avec celle de morale. Sur le papier, le risque existe que le propos de Fairly Legal verse dans un ton excessivement moralisateur, avec Kate Reed seule juge de ce qui doit être, cependant l'ambiance générale qui se dégage de ce pilote paraît exclure de tels écueils. Tout d'abord parce que l'héroïne, dotée d'un fort caratère et de certitudes qu'elle n'hésite pas à défendre jusqu'au bout, apporte un dynamisme très rafraîchissant. Elle incarne à merveille une forte tête, charismatique et solide, comme il est toujours agréable d'en trouver dans ce type de séries. Mais c'est aussi une personne pragmatique - et si le pilote se passe admirablement bien, tout exercice du compromis a bien entendu ses limites. De plus, et surtout, Fairly Legal est une fiction de divertissement. Les affaires proposées dans l'épisode l'illustrent bien : aucun dilemme moral potentiel insurmontable, mais plutôt des affaires avec une touche d'excentricité mêlés à quelques classiques indémodables du legal drama, et une tendance certaine à verser dans la facilité pour les résoudre. USA Network nous ayant habitué à des séries qui se concentrent plus sur leurs personnages que sur les intrigues elles-mêmes, il n'y a sans doute pas à s'inquiéter sur ce potentiel glissement moralisateur. Il faudra par contre éviter de reproduire invariablement ce schéma "happy end" qui pourrait vite lasser.

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Au-delà de ses intrigues anecdotiques, Fairly Legal apporte logiquement un soin tout particulier à sa dimension humaine. Dotée d'une héroïne au dynamisme accrocheur, instantanément attachante, le pilote va aussi nous présenter toutes ses facettes plus ou moins épanouies, dont une vie amoureuse compliquée dans laquelle son ex-mari semble encore occuper une place prépondérante non définie, mais aussi ce deuil difficile qu'elle est en train de vivre avec son père (la scène finale du pilote étant d'ailleurs très touchante). Gravite autour d'elle une galerie de personnages qu'il est très facile de trouver sympathiques, de l'ex-mari avec lequel Kate nourrit une complicité sans faille qui laisse songeur, jusqu'à l'ex-belle-mère qui doit s'efforcer de gérer ce cabinet comme elle peut et qu'une scène avec un client odieux réhabilite aux yeux du téléspectateur.

Enfin, sur la forme, aucun doute, Fairly Legal est un produit calibré d'USA Network : des couleurs chatoyantes, une réalisation classique qui s'essaie parfois à des effets de style expérimentaux pas forcément très concluants, et une bande-son pop-rock trop envahissante. Concernant le casting, il faut vraiment saluer la performance de Sarah Shahi (L Word, Life) qui se révèle parfaite pour insuffler une énergie pétillante à son personnage. Les autres membres du casting conviennent également tous pour leurs rôles respectifs. On y retrouve Michael Trucco (Battlestar Galactica), Baron Vaughn et Virgina Williams.

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Bilan : Léger et dynamique, sexy et sympathique, Fairly Legal trouve sans difficulté ses marques dans le registre du divertissement réunissant tous les ingrédients classiques qui font l'identité de USA Network. Se déroulant de façon aussi prévisible que bien huilée, l'épisode cède souvent à une facilité un peu excessive qui pourrait lasser si ce schéma tendait à devenir répétitif mais qui se laisse suivre sans déplaisir au cours de ce pilote. Les running gags que constituent les références geek ou Oz-ienne apportent même une petite touche décalée supplémentaire à cet ensemble chaleureux. Rien d'innovant, ni d'immanquable, mais un potentiel pour construire une petite série divertissante qui devra cependant mûrir dans les prochains épisodes, en travaillant les intrigues qui permettront aux personnages de s'affirmer. 


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :


20/01/2011

(Pilote US) Being Human US : quête identitaire et d'humanité (de l'autre côté de l'Atlantique)

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Sur la question épineuse des remakes, j'ai une position de principe : si je ne connais pas l'original, je me lance sans arrière-pensée ; dans le cas contraire, le maître-mot est "attendre et voir". En cette mi-saison américaine, les adaptations ayant un arrière-goût très britannique (au sujet duquel le visionnage d'Episodes fait figure de docu-fiction instructif, à défaut d'être drôle), je connais - et même parfois, aime beaucoup - toutes les versions originales. Et forcément, cela crispe mes instincts téléphagiques de découvrir une autre adaptation anglophone d'une série appréciée... a fortiori encore en production ! C'est pour cela qu'il n'y aura pas de review de Shameless US (dont je respecte bien trop la version de Channel 4), ni de Skins US (dont j'ai déjà établi en regardant trois saisons de la version anglaise que cette série n'était pas faite pour moi - il n'y a pas de raison que la traversée de l'Atlantique change quoique ce soit).

Au fond, pointer l'absence de valeur ajoutée de ces pilotes et dresser des comparaisons sans fin ne servirait pas à grand chose. Si la liste des adaptations mortes-nées est excessivement longue, on pourra toujours objecter que la première saison de The Office US fut une atroce tentative de copier/coller ratée... Mais qui oserait dire aujourd'hui que, sur l'ensemble de son oeuvre, cette série n'a rien apporté et n'a été qu'une pâle copie de son aînée ? On peut apprécier diversement les changements effectués, reste qu'elle a trouvé sa place. Par conséquent, si pour le moment, je ne vois pas l'utilité de suivre Shameless US, seul le temps pourra me permettre de juger.

Cependant, être allergique aux remakes de mes séries, c'est une chose. Me servir une série vampirique en guise de hors d'oeuvre alors que j'attends le 23 janvier avec impatience, c'en est une autre. Et, même si c'est sur SyFy (qui m'a excessivement déçue ces dernières années), vous me connaissez : dans ces cas-là... je teste bien évidemment !

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Mine de rien, il faut dire que c'est quand même le troisième pilote en quatre ans qui nous est proposé de Being Human, la naissance chaotique de la série sur BBC3 étant restée dans les mémoires (ses ajustements de tonalité, comme son recasting). A force, je suppose que cela contribue à vous faire aborder les déclinaisons qui s'enchaînent avec un esprit plus ouvert (j'étais de ceux qui avaient déjà considérablement râlé devant les modifications apportées par rapport au pilote d'origine). Et puis, si j'ai énormément d'affection pour elle, je reconnais aussi que Being Human verse souvent dans une forme d'expérimentation narrative pas toujours pleinement maîtrisée (et que la première saison fut très poussive). En résumé, je n'attendais rien de particulier de Being Human US. Mais finalement, à son niveau de divertissement fantastique et au vu du matériel de départ, il faut reconnaître que ce premier épisode d'introduction remplit son office. Ni plus, ni moins.

Reprenons pour les retardataires : cette série raconte la colocation compliquée de trois créatures surnaturelles, un vampire, un loup-garou et un fantôme, qui aspirent toutes à une humanité qui leur est malheureusement inaccessible. Le pilote reprend les grandes lignes de l'originale britannique. Aidan et Josh travaillent tous deux dans un hôpital de la ville. Ils sont amis, rapprochés par une relative "différence" par rapport au monde qui les entoure, même si leurs genres ne s'entendent guère en temps normal : Aidan est en effet un vampire (le choix du prénom ayant des airs de private joke qui ne laissent pas indifférent) et Josh est un loup-garou. Après une énième nuit extrêmement mouvementée où leur nature a repris le dessus et fait des ravages - les conséquences des actions d'Aidan étant plus dramatiques -, ils se décident à reprendre leur vie en main et à emménager ensemble dans une maison où ils pourront être eux-mêmes. Cette résolution les conduit dans une nouvelle demeure qu'ils découvrent déjà habitée... par un fantôme ! Sally hante en effet les lieux depuis sa mort mystérieuse il y a quelques mois.

Ensemble, les trois colocataires vont essayer de tendre vers une "normalité" à laquelle ils aspirent tant, se soutenant et s'entre-aidant pour embrasser une humanité qui se refuse à eux.

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C'est en jouant une partition connue que le pilote de Being Human US s'approprie plutôt efficacement le concept et les codes de la série. Ne perdant pas inutilement son temps, il pose rapidement les grandes problématiques qui vont être au coeur du show et qui en font tout l'intérêt : cette quête fragile et vaine vers une banalité qui n'est malheureusement pas envisageable pour nos trois héros. Les premières scènes d'une nuit sanglante, sur lesquelles se superpose opportunément un monologue de présentation chargé d'amertume où perce une détresse qui touche facilement le téléspectateur, n'innovent pas, mais ont le mérite de permettre à chacun de rentrer directement dans la série. Ce passage souligne ainsi toute l'ambivalence de la démarche du trio. Le reste de l'épisode déroule ensuite de façon calibrée. Sans surprise, chacun des personnages correspond (invariablement, certains soupireront sans doute) au stéréotype classique auquel renvoie sa nature dans l'imaginaire collectif.

Cependant l'enjeu réel ne réside pas  dans ces mises en scène ou dans cette éventuelle exploitation d'une mythologie fantastique, comme c'est souvent le cas dans les séries de ce genre. Dans Being Human, ce qui a toujours fait tout l'attrait de la franchise, par-delà les versions, reste la dynamique qu'elle doit être capable d'insuffler entre ses différents protagonistes. C'est par l'affectif qu'elle gagnera la fidélité du téléspectateur. Et dans cette perspective, ce pilote dévoile un potentiel indéniable. Si Sally reste pour le moment en retrait, le duo entre Aidan et Josh fonctionne bien, avec une réelle complicité à l'écran. Le personnage du loup-garou est sans doute celui qui se détache le plus en raison de la frustration extrême qu'il exprime, tout en investissant aussi un registre plus comique - de la même manière, en somme, que George est le personnage le plus intéressant de Being Human - , mais le côté plus sombre et posé d'Aidan sert de pendant parfait. 

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Sur la forme, Being Human US est une fiction bien calibrée, s'inscrivant parfaitement dans le registre des fictions de SyFy. Il faut dire que, côté effets spéciaux, la franchise part de très loin avec le budget proche du néant et les transformations laborieuses offertes sur BBC3. En clair, il n'était pas possible de faire plus cheap ; par conséquent, un peu par contraste, Being Human US semble avoir les moyens de transposer de façon honnête tous ces passages fantastiques à l'écran. Pour contribuer à installer la tonalité, il a été jugé bon d'ajouter à cela une bande-son pas désagréable, mais trop envahissante à mon goût. En espérant que cela soit un peu plus modéré par la suite.

Enfin, le casting, un peu trop aseptisé et fade, ne m'a pas pleinement convaincu. Mais il faut reconnaître que chacun fait ce qui est attendu de lui et propose une interprétation correcte à défaut de marquer (du SyFy donc). De tout façon, leur atout réside incontestablement dans les personnages qu'ils campent : ces derniers étant facilement attachants, il est aisé de les suivre sans déplaisir. Le temps fera le reste. Sam Witwer (Battlestar Galactica, Smallville) joue le rôle d'Aidan le vampire, Sam Huntington (Cavemen), celui de Josh le loup-garou, et Meaghan Rath (The Assistants), Sally la fantôme. Par ailleurs, les téléphages noteront en second plan la présence de Mark Pellegrino (Lost, Supernatural), dans ce qui est l'adaptation du rôle de Herrick, le chef des vampires qui porte le nom de Bishop dans la version américaine.

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Bilan : Le pilote de Being Human US délivre ce que l'on pouvait attendre de lui : une introduction prévisible mais pas dénuée d'identité, dans un univers fantastique où les thématiques très humaines parlent facilement au téléspectateur. Optant pour une tonalité assez sombre (plus proche du pilote original ou de la saison 2 de la version UK) qui sied aux préoccupations et actions des différents protagonistes et devrait plaire aux amateurs du genre, la série part sur des bases tout à fait correctes, sans autres ambitions que de proposer un honnête divertissement fantastique.

Autant dire que pour une téléphage telle que moi, qui a besoin de sa dose vampirique hebdomadaire, Being Human US trouverait facilement une place dans mes programmes. Elle en trouvera d'ailleurs sans doute une dans quelques semaines. Mais en attendant, ce dimanche 23 janvier reprend sur BBC3 la saison 3 de la seule Being Human existant dans mon coeur à ce jour. Cette dernière ayant l'avantage de l'ancienneté et l'attachement que je lui porte n'étant aucunement comparable avec ce dernier rejeton de SyFy, je vais mettre sa consoeur américaine  de côté en prévision des périodes plus creuses.

A suivre donc, mais pour les amateurs du genre !


NOTE : 6/10


La bande-annonce :