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01/11/2010

(Pilote US) The Walking Dead : série post-apocalyptique envahie de zombies

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Hier soir, en parfait écho à Halloween, débutait aux Etats-Unis une série qui aura concentré l'attention particulière des médias et du public depuis plusieurs mois. Non seulement en raison de la chaîne qui en est à l'origine, la câblée AMC, qui diffuse actuellement quelques-uns des grands succès critiques du moment outre-Atlantique, mais aussi en raison du créneau que The Walking Dead se proposait d'investir. Adaptation d'un comics à succès post-apocalyptique, c'est un genre peu prisé par le petit écran qu'elle envisageait de mettre en scène : les zombies.

De mémoire téléphagique, peu de séries se sont risquées dans ce registre. En guise de références sur le sujet, on citera sans doute la dernière production véritable du genre, diffusée par E4, en Angleterre, la semaine d'Halloween 2008 : Dead Set. Un concentré d'hémoglobine dont la brièveté et la construction narrative tiennent plus du film de série B que d'une série s'inscrivant dans le temps. Et puis, il y eut aussi les projets morts-nés, tel Babylon Fields et ses morts ramenés à la vie qui l'inscrivent à part dans cette catégorie. Ainsi, à la différence d'autres créatures fantastiques au potentiel narratif sur-exploité, les zombies restent un terrain à la fois très balisé, mais paradoxalement peu porté à la télévision.

Par ce seul fait, The Walking Dead était attendue au tournant. Bénéficiant du format télévisé, la série n'est pas pressée par le temps. Elle aura sa chance de grandir et de mûrir. C'est sans doute aussi pour cela que le pilote académique qu'elle propose suffit largement au téléspectateur.

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Avant même d'évoquer le fond de l'épisode, il convient de s'arrêter sur la scène d'ouverture de The Walking Dead. Un parfait modèle du genre qui donne immédiatement le ton et l'atmosphère dans lesquels ce pilote va plonger le téléspectateur. En cherchant de l'essence, dans un chaos indescriptible de véhicules laissés à l'abandon, Rick Grimes aperçoit une fillette errant entre les voitures, sa peluche abîmée à la main. Personnification même de l'innocence. La caméra la suit un temps, et Rick s'avance. La petite fille se retourne alors, découvrant son visage défiguré et ensanglanté. Réagissant comme toute zombie, elle se met à courir en direction de Rick. Le contraste entre la menace que sa nature représente et cette apparence trop frêle pour inquiéter un homme adulte est des plus troublant, captant instantanément l'attention d'un téléspectateur qui est conscient d'avoir pénétré dans un univers avec ses règles propres. L'enfant n'avait pas la moindre chance d'atteindre Rick ; sans sourciller, en se défendant autant qu'en témoignant d'une forme diffuse de compassion, il lui tire une balle dans la tête. La fillette s'écroule sur le parking, résumant à elle seule toute l'ambiguïté et l'état d'esprit qui vont présider à l'installation de The Walking Dead.

Une fois passée cette entrée en matière plus que réussie, l'épisode va suivre un sentier autrement plus classique, en utilisant des ressorts narratifs familiers du genre. Shérif adjoint, Rick est grièvement blessé par balle lors d'une fusillade. Plongé dans le coma, il émerge quelques temps plus tard dans un lit d'hôpital, réveillé par la soif et la faim, une barbe de plusieurs jours sur ses joues. C'est à travers son regard que vont se dévoiler au téléspectateur la nouvelle face du monde et tous les bouleversements qui ont eu lieu durant son coma. Dans cet hôpital qui porte encore les séquelles ensanglantées des combats qui s'y sont joués, Rick découvre des couloirs condamnés parce que s'y trouvent des "morts", et des dizaines, des centaines, de cadavres alignés dans la cour. C'est un spectacle de champ de bataille perdue qui s'offre à ses yeux lorsqu'il retrouve la lumière du jour. Encore affaibli, incapable d'analyser une situation qui n'a rationnellement pas de sens, il va peu à peu découvrir l'ampleur de cette apocalypse, sauvé par deux survivants, un père et son fils, qui vont le remettre sur pied et lui expliquer brièvement la nouvelle donne. Le quartier où Rick vivait avec sa famille s'est vidé de toute sa population. Laquelle s'est soit transformée en zombies errant encore sur place, soit a fui vers de supposés lieux sécurisés. Si bien que Rick ne rentre chez lui que pour y trouver une maison inhabitée. Sa femme et son fils ne sont plus là. Se pourrait-il qu'ils soient parvenus à s'enfuir ? Peut-être vers Atlanta, dont on parle comme d'un havre encore protégé par l'armée. Le policier va donc se mettre en route, avec l'espoir de les retrouver... vivants. 

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Le premier atout de The Walking Dead réside évidemment dans la force d'attraction inhérente à  son concept. Tout d'abord, elle a le mérite d'investir un genre particulier, peu exploité dans le petit écran. S'il n'est à aucun moment précisé quelle est l'origine du phénomène des zombies, nous laissant dans une prudente zone de flou sur ce point, la série s'empare pleinement de cette thématique, en s'appropriant tous les codes mythologiques classiquement attendus : de la contamination par morsure à la nécessaire destruction de la tête du zombie pour la tuer. Au-delà de ces règles énoncées dès le départ, ce qui assoit la légitimité et la crédibilité de cette fiction, c'est en particulier le soin esthétique apporté à la transposition de ce mythe à l'écran. Il faut saluer l'effort réalisé, en terme de maquillage ou de sobres effets spéciaux, pour obtenir des créatures vraiment bien faites. D'ailleurs une des plus marquantes restera sans doute cette première zombie que croise Rick, dont tout le bas du corps a été dévoré avant sa transformation, ne lui laissant que la possibilité de se traîner sur le sol de manière pitoyable.

Aussi appliquée que la série soit dans sa volonté de faire envahir de zombies notre petit écran, il serait pour autant hâtif de la réduire uniquement à cet aspect : The Walking Dead est bien plus qu'une simple "fiction de zombies". Car c'est dans son cadre post-apocalyptique que réside son plein potentiel. Il n'est pas uniquement question de raisonnement dans l'immédiat, mais il s'agit bien d'envisager une survie sur le long terme. L'opportunité de The Walking Dead va être de pouvoir exploiter un format télévisuel lui permettant d'inscrire sa construction narrative sur un plus long terme, et donc de développer des thématiques plus vastes et autrement plus audacieuses. Le coeur de la série est bel et bien d'envisager un récit post-apocalyptique dans la plus pure tradition du genre. Les zombies sont une donnée complexifiant l'équation pour la survie, comme ont pu être, dans d'autres fictions, une maladie ou autre fléau... Par cette approche, forcément très ambitieuse, The Walking Dead tient donc bien plus d'une série comme Jeremiah ou Survivors que de Dead Set.

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Le classicisme de ce pilote lui permet d'installer efficacement le décor particulier qui va être celui de la série, tout en laissant poindre le potentiel sous-jacent. En effet, prenant peu à peu la pleine mesure de l'histoire, au-delà du seul enjeu binaire, ce sont les ressorts et dynamiques inhérents à la nature humaine qui vont être un thème de prédilection pour The Walking Dead. L'introduction des personnages reste certes sommaire, puisque, attaché à nous décrire ce monde transformé et dévasté du point de vue de Rick, le pilote se concentre sur cette figure centrale. Tout juste découvre-t-on que les proches de Rick ont survécu. Cependant, parmi les indices que ce pilote distille et les jalons qu'il pose pour l'avenir, ce qui frappe déjà, c'est la manière dont s'est opérée un complet bouleversement des valeurs et des codes moraux traditionnels. Comme si certains raisonnements appartenaient désormais à un temps révolu, il y a eu une forme de substitution des priorités de chacun qui s'est opérée. Si bien que c'est une noirceur désillusionée, aussi sombre que pesante, qui semble s'être abattue sur le monde. Dans ce pessimisme ambiant, lié à l'identité même de The Walking Dead, le chapitre de l'insouciance apparaît définitivement refermé. La réussite de la série est de parvenir à caractériser ce désespoir latent, qui captive autant qu'il trouble le téléspectateur.

C'est particulièrement flagrant dans certains passages du pilote. Ne s'enfermant pas dans un froid registre pragmatique, l'épisode investit, avec empathie, une dimension émotionnelle à la force surprenante, qui est sans doute l'élément qui m'a le plus marquée. En effet, l'épisode entreprend de dépeindre, de manière aussi fascinante que bouleversante, l'ambivalence des rapports des humains survivants aux zombies. A plusieurs reprises, Rick achève des créatures, non pour se défendre, mais en témoignant d'une sourde compassion. C'est l'être humain qu'elles furent autrefois, celui dont il reste encore l'enveloppe vide derrière leur nature dégénérée, qui est ainsi souligné. Si la survie impose de ne pas tergiverser face à ces zombies, l'épisode choisit d'en invidualiser certaines, de façon à introduire une idée plus nuancée, celle qu'il s'agit également de victimes. La scène du montage en parallèle de l'homme envisageant d'abattre sa femme, désormais transformée, et de Rick partant à la recherche de la première zombie croisée, dont le corps à demi-dévoré l'a réduite à un état pathétique, est probablement une des plus réussies de l'épisode : elle atteint une intensité émotionnelle qui touche le téléspectateur, tout en sonnant particulièrement juste à l'écran. Ces passages où il est question de dignité, d'humanité, contribuent à renforcer l'atmosphère grise et sans repère du pilote.

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Si, sur le fond, The Walking Dead laisse entrevoir des choses très intéressantes, la série trouve une légitimité et une force supplémentaires dans les soins apportés à sa forme. J'ai déjà mentionné l'effort réalisé pour recréer cette population de zombies, mais c'est tout le décor post-apocalyptique de la série qui bénéficie du même savoir-faire. Si le final de l'entrée dans Atlanta est probablement le plus imposant en terme de reconstitution, il faut vraiment saluer le soin constant des détails, parfois à un niveau très modeste, dont la série fait preuve. De plus, la réalisation très appliquée dévoile une esthétique vraiment travaillée. La photographie est un peu éteinte, investissant des couleurs froides, reflet parfait de l'ambiance pessimiste mise en scène. Enfin, une utilisation réfléchie est faite de la musique. Donnant la priorité à une sobriété de circonstances, c'est un moyen de souligner d'autant plus la portée des scènes marquantes où une bande-son va retentir.

Pour supporter cette sombre chronique post-apocalyptique, la série affiche un casting avec plusieurs têtes connues des téléphages. Le rôle principal est dévolu à Andrew Lincoln, un acteur anglais pour qui j'ai toujours éprouvé une certaine affection qui remonte aux temps de This Life ou encore Teachers, mais qu'on a également pu voir plus récemment dans Afterlife ou encore, cette année au printemps, dans la série d'action Strike Back. C'est cependant son premier rôle dans une série américaine.  A ses côtés, les téléphages plus familiers du petit écran Etats-Unien reconnaîtront John Bernthal (Eastwick, The Class), Sarah Wayne Callies (Prison Break), Laurie Holden (croisée dans quelques épisodes de The Shield ou encore des Sept Mercenaires) ou encore Jeffrey DeMunn. Enfin, Steven Yeun et Chandler Riggs complètent le casting principal.

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Bilan : Se présentant sous une forme extrêmement classique, avec ses ressorts narratifs bien huilés, ce pilote très académique nous introduit efficacement dans les enjeux et le cadre post-apocalyptique de The Walking Dead. Apportant un soin particulier aux décors, s'attachant aux petits détails qui crédibilisent et contribuent à la force de cette reconstitution, il entreprend de créer une atmosphère désillusionnée et sombre, dont le désespoir ambigü latent perce à l'occasion le coeur du téléspectateur, soulignant d'autant plus le potentiel incontestable dont bénéficie la série. L'ensemble est donc convaincant. S'il est trop tôt pour couvrir ce seul épisode d'éloges dithyrambiques disproportionnés, The Walking Dead a rempli sa première promesse. Vivement la suite !  


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :


21/09/2010

(Pilote US) Boardwalk Empire : l'Amérique de la prohibition

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Il y a des séries dont les thématiques aiguisent d'emblée votre intérêt. D'autres dont les noms et chaîne associés au projet se chargent de retenir votre attention. Certaines, enfin, dont vous ne savez plus trop pourquoi vous vous êtes installés devant le pilote, si ce n'est cette curiosité vaguement masochiste de téléphage compulsif. Et puis, il y a des séries qui, a priori, cumulent sur le papier tous les ingrédients qui classiquement savent vous séduire : aucun doute, vous faîtes manifestement partie du public ciblé. En raison de la rareté de ces dernières, il convient de ne pas rater l'établissement du premier contact. Vous essayez  donc vainement de garder vos distances avec le buzz qu'elles peuvent générer, cherchant obstinément à l'aborder vierge de tout préjugé. L'impatience grandit à mesure que la date du series premiere approche. Finalement, en dépit du bon sens et de l'équation "trop d'attente = déception", c'est avec un mélange de jubilation anticipée et d'enthousiasme que vous sacrifiez quelques heures de sommeil pour découvrir au plus tôt cette fiction.

Boardwalk Empire entrait assurément dans cette dernière catégorie. Elle était la nouveauté américaine du mois que j'attendais le plus. Voire même la seule dans laquelle j'avais vraiment envie de pouvoir m'investir. Je suppose que c'est le moment de vous parler de mes folles années lycée où, nourrissant une fascination sans borne pour le XXe siècle américain (surtout des 20s' aux 70s'), le visionnage en boucle du Parrain m'avait fait me lancer dans des lectures compulsives de tout un tas d'ouvrages sur l'histoire de la criminalité organisée. S'il serait erroné de réduire Boardwalk Empire seulement à cet aspect, disons que voir débarquer Lucky Luciano m'a rappelé des tas de souvenirs oubliés. En revanche, j'ai volontairement omis de lire le livre dont la série est tirée. Au vu du sujet, je préfère d'abord commencer par l'adaptation télévisée.

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Au final, il aura fallu un peu de patience et l'entrée dans la deuxième partie de ce pilote pour que le charme de la série commence véritablement à opérer sur moi. Voici donc la première des nouvelles séries de la rentrée aux Etats-Unis pour laquelle je vais dépasser le stade du seul pilote. Une réconciliation américaine assez prévisible, mais qui en un sens rassure.

Boardwalk Empire s'ouvre en janvier 1920. L'Amérique est alors en pleine mutation, entrant dan une nouvelle ère. Les vétérans de la Première Guerre Mondiale sont de retour, les femmes obtiennent le droit de vote... et la législation instaurant la prohibition s'apprête à entrer en vigueur. Ce bannissement du commerce d'alcool hors du pays légal va faire la fortune d'un nouveau type de trafiquants. Cette redistribution des cartes s'opère également au sein d'une criminalité devant s'ajuster à de nouveaux impératifs et à des enjeux financiers croissants. C'est dans le cadre plus qu'approprié de la ville Atlantic City que la série se propose de nous faire vivre ces changements et l'entrée dans cette décennie animée des années 20.

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Le pilote nous introduit auprès des différents protagonistes. Au-delà de l'impression d'une fiction chorale où il faut quelques minutes pour bien situer chaque personnage, parfois seulement très brièvement entre-aperçu, plusieurs figures se démarquent dans ce pilote. Il y a tout d'abord Nucky Thompson, homme de l'ombre incontournable du parti républicain, qui, derrière des fonctions officielles en apparence anecdotiques, tient officieusement la ville sous son contrôle, assurant sa mainmise tant sur les politiques qu'il a portés au pouvoir par le biais d'élections arrangées que sur les forces de l'ordre locales. Le personnage, assurément charismatique, rapidement fascinant à l'écran, s'impose par un style proche des gens, faussement paternaliste et maître dans l'art du compromis et de la conciliation. Il va faire d'Atlantic City une des plaques tournantes d'importation d'alcool par la mer.

Sous ses ordres durant ce pilote, Jimmy Damordy est, quant à lui, un vétéran récemment rentré aux Etats-Unis. Le jeune homme, profondément marqué par les horreurs de la guerre, a du mal à se ré-ajuster à la vie civile, d'autant que ces années passées loin de chez lui lui ont fait rater un vrai départ dans sa vie. Princeton n'est plus qu'un lointain souvenir, Nucky considère qu'il a manqué à ses devoirs en partant... Reste que Jimmy a une famille à charge et n'a pas peur de se salir les mains. Comme une nouvelle ère s'ouvre dans la criminalité, une carrière d'un autre genre semble devoir lui tendre les bras... Boardwalk Empire nous plonge dans un univers profondément masculin, où peu de figures féminines ont l'occasion de briller. Cependant la timide introduction de Margaret, épouse battue qui viendra demander de l'aide, offre de belles promesses sur cette dernière, en plus de montrer un autre versant de la gestion par Nucky de "sa" ville.

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Boardwalk Empire nous immerge donc dans le tourbillon que représente Atlantic City, reflet des mutations en cours au sein de la société américaine. C'est toute une époque, avec ses paradoxes et ses atours clinquants, que ce premier épisode s'efforce de capter et retranscrire. Il se contente pour cela d'en esquisser les contours, prenant volontairement son temps, s'attachant plus à l'ambiance qu'aux intrigues immédiates. L'immersion fonctionne pleinement auprès d'un téléspectateur qui ne peut rester insensible à l'effort de reconstitution particulièrement abouti qui se dévoile sous ses yeux. L'écriture est dense, les protagonistes nombreux. Les enjeux ne sont pas forcément explicitement énoncés, l'observateur extérieur étant invité à prendre en route une histoire déjà en marche. Cependant, la narration est parfaitement maîtrisée, ne posant pas de problème de compréhension. C'est ainsi un cadre incontestablement complexe et intriguant qui est posé. 

La première partie du pilote s'attache surtout à nous présenter les différents protagonistes et les moeurs courantes d'Atlantic City. Une remise en contexte faisant office d'introduction des plus intéressantes. Cependant, si elle a le mérite d'acclimater le téléspectateur, il lui manque une réelle dynamique narrative permettant de pleinement le captiver, tel un beau papier glacé dont on ne sait trop que faire. C'est à la seconde partie de l'épisode qu'est dévolu ce rôle : tout s'y accélère, les intrigues prennent un tour très concret, voire même létal. Dans la précipitation des évènements, chacun commence à se positionner, plus ou moins consciemment, sur un échiquier de pouvoirs et d'influences qui s'esquisse, remodelé par la prohibition. Cette construction résolument crescendo achève ainsi de conquérir le téléspectateur que le début avait laissé un peu sur la réserve.

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Derrière les jeux de pouvoirs et les enjeux financiers,  progressivement, la série intègre également de façon naturelle le cadre mafieux inévitable. Nous sommes à un tournant : la prohibition ne va pas seulement ouvrir un nouveau marché propice aux profits, elle va également faire prendre une autre dimension au crime organisé. Le choix d'Atlantic City comme cadre n'est d'ailleurs pas neutre ; chacun gardera à l'esprit que c'est dans cette ville que se déroulera, en 1929, le fameux sommet fondant le Syndicat du crime. En attendant, c'est le cheminement d'une décennie de restructuration, à travers les luttes intestines et l'émergence de nouvelles figures, que nous allons suivre. Si Nucky Thompson est une libre -mais proche- adaptation du réel Nucky Johnson, ce pilote offre cependant l'occasion de croiser des figures criminelles historiques, qui compteront durant la prohibition, de Lucky Luciano à Al Capone, en passant par Arnold Rothstein.

Boardwalk Empire n'est pas une simple série "de gangsters", mais elle s'en re-attribue habilement, à l'occasion, les codes narratifs pour délivrer sa propre version de quelques grands classiques du genre dont ce premier épisode n'est pas avare : des guets-apens se terminant en fusillade à l'assassinat d'un boss local dépassé par les mutations en cours, rien ne manque. Ce n'est pas pour rien si l'écriture a été confiée à Terence Winter, un ancien des Sopranos. Les parallèles avec d'autres oeuvres, notamment cinématographiques, s'imposent d'autant plus naturellement en raison de la réalisation.

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Il faut dire que, sur la forme, HBO a mis les petits plats dans les grands et a confié la caméra à Martin Scorsese. C'est logiquement du grand standing, notamment pour capter l'atmosphère de l'époque ; cependant, il faut bien avouer que l'on n'en attendait pas moins d'une telle production. L'utilisation d'intermèdes musicaux, avec des chansons d'époque, se révèle être une bonne initiative. Un important travail se ressent devant les images. Tellement bien que l'on en viendrait presque à se demander si le réalisateur n'en fait pas un tout petit peu trop, notamment dans son recours à des montages de scènes en parallèle, sur fond musical, que ce soit celle du théâtre ou celle concluant l'épisode. La maîtrise est admirable, mais l'influence cinématographique est presque excessive dans ces scènes pourtant magistrales à l'écran, poussant au maximum la confusion des formats. 

Enfin, côté casting, il n'y a rien à redire, si ce n'est saluer l'homogénité d'ensemble. Tous les acteurs sont parfaitement intégrés dans leurs rôles et délivrent de très solides performances. L'ambivalent Nucky Thompson est interprété par Steve Buscemi (dont les téléphages se souviendront sans doute dans The Sopranos pour ce qui est du petit écran). Michael Pitt interprète Jimmy Darmordy, et la superbe Kelly Macdonald (State of Play), Margaret Schroeder. Au sein de la distribution, on retrouve également Michael Shannon, Aleksa Palladino, Michael Stuhlbarg, Stephen Graham, Vincent Piazza ou encore Paz de la Huerta.

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Bilan : Ambitieuse reconstitution d'une Amérique en pleine mutation au début de la prohibition, Boardwalk Empire délivre un pilote abouti. Sa construction scénaristique va crescendo après une première partie tout en exposition : cela lui permet de prendre progressivement la pleine mesure de son cadre et de ses thématiques. Reflet d'une époque et d'une ville particulière, Atlantic City, qui deviendra une plaque-tournante du trafic d'alcool, l'épisode pose efficacement ses enjeux de pouvoir et de gains, sur fond d'une criminalité également en pleine restructuration. C'est dense, prenant et impeccablement mis en scène. Tous les ingrédients se mettent ainsi efficacement en place, laissant entrevoir de belles promesses au téléspectateur. A la série de savoir faire fructifier et de concrétiser cette introduction réussie. 


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :

10/09/2010

(Pilote US) Terriers : cop-show alternatif de détectives privés décontractés


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Un murmure qui file, une rumeur qui enfle, un vent d'excitation qui balaye les derniers parfums estivaux, des grilles de programmes qui, soudain, se remplissent à nouveau... Aucun doute, c'est la rentrée ! Depuis le temps, les petits rituels se remettent en place presque naturellement. On imprime et synthétise les plannings, on agence ses soirées en conséquence, on supprime négligemment quelques heures de sommeil pour s'assurer du temps libre nécessaire (la double-vie de blogueur n'arrangeant rien, il n'y a qu'à regarder l'heure que le réveil indique alors que je rédige ces lignes : 5h15 du matin ; parlez-moi du calme de la vie sériephile).

Certes, avec mes derniers désamours en date, j'ai pris un peu plus de recul avec toute cette agitation américaine. D'autres contraintes font qu'il n'est plus possible de s'adonner aux mêmes élans téléphagiques que par le passé. Alors "pilotovore" je ne serais point. Je raye sans pitié nombre de séries sur la liste des nouveautés, armée de mes seuls préjugés (tenaces) et des quelques échos glanés ça et là. Adieu, ainsi, séries de The CW (sauf peut-être voir à quoi ressemble Nikita). Si jamais je rate un chef d'oeuvre bien dissimulé dans tout ce tri, il sera toujours temps de corriger cela ultérieurement.

Mon premier pilote de cette rentrée 2010 n'aura donc pas été Hellcats ; même si ce dernier m'aura offert le premier fou rire de rentrée à la lecture de la review faite par Ladyteruki. Pour ma part, j'ai jeté mon dévolu sur une autre série avec laquelle j'avais potentiellement plus d'affinités : Terriers. En contemplant sous tous les angles l'affiche de promo ci-dessus, concoctée par FX, vous aussi, vous vous êtes demandés ce qui avaient pu passer par la tête des publicistes de la chaîne. Je vous rassure, c'est un sentiment partagé. Mais au moins le poster a-t-il le mérite d'interpeller et, avec un minimum de retouche, de ne pas être une énième déclinaison présentant ses personnages alignés sur une photo. Je vous précise quand même, Terriers n'a rien d'une série canine. Encore que.

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Produite par Shawn Ryan et écrite par Ted Griffin, Terriers est la dernière née de FX, une chaîne câblée américaine sans doute plus réputée pour ses dramas (de The Shield à Sons of Anarchy) que pour ses séries "entre deux". Le genre dans lequel cette nouveauté allait s'inscrire restait d'ailleurs flou, et c'est un peu à l'aveugle que je me suis installée derrière mon écran. Initialement envisagée comme une comédie, Terriers investit en réalité plus le registre de la dramédie légère, se caractérisant par une résolue volatilité de tonalité, où quelques jeux de mots et autres tentatives de pointe d'humour viennent perturber une fausse ambiance plus pesante en raison de ses intrigues.

Hank Dolworth est un ancien policier, à la carrière achevée prématurément à une époque où il avait encore des problèmes d'alcool importants. Il est cependant sobre depuis quelques temps. Avec un de ses amis, Britt Pollack, il officie désormais comme détective privé en Californie, du côté San Diego. Une entreprise qui reste des plus officieuses, les deux hommes ne possédant aucune licence pour exercer ce métier. Enquêteurs un peu atypiques et particulièrement complices, Hank et Britt gèrent leur vie au jour le jour, réagissant plus souvent aux situations que ne les initiant, mais jamais à court de provocation dès lors qu'il s'agit de mettre un peu de piment dans la morosité de leurs journées. En un mot, ils vivotent, joignant péniblement les deux bouts, tout en passant leur temps à "cabotiner" et à traîner, rendant plus souvent service à des connaissances qu'en ayant de "vrais" clients. 

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Au-delà de la profession de son duo principal, Terriers n'est clairement pas une simple énième déclinaison de série à enquêtes. Son pilote s'attache surtout à installer une ambiance ; à la fois résolument décontractée et confusément pesante, il en ressort une certaine ambivalence assez appréciable et où on devine un certain potentiel à creuser. S'il nous plonge dans un diffus marasme de médiocrité, propre à ses anti-héros mis en scène, la tonalité de l'épisode se révèle ainsi plus subtile qu'il n'y paraîtrait à première vue. Car Terriers est avant tout d'un récit à forte dimension humaine, où ce sont les personnages qui vont être centraux, les intrigues apparaissant surtout comme prétextes à les placer dans certaines situations particulières. Plus qu'un "cop-show", nous sommes dans ce fameux registre qui retrouve de la vigueur dernièrement à la télévision américaine, le "buddy-show".

Naviguant à vue entre un pragmatisme de bon aloi, des élans spontanés carrément inconséquents et des bouffées d'adrénaline intoxicantes qu'ils recherchent comme dans un jeu, Hank et Britt alternent les comportements immatures assumés, profitant pleinement des avantages de leur profession dans ce domaine, et les prises de responsabilité plus sérieuses, éclairs se manifestant à travers certains drames du quotidien, mais aussi dans ce qu'il reste de leur vie amoureuse. On touche ici à l'attrait majeur de Terriers : il y a une volatilité et une versatilité de tons réellement travaillées, qui permettent de poser un cadre pas inintéressant à exploiter, conférant surtout une dimension très humaine à la série, loin du côté aseptisé des cop-show CBS-ien.

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A défaut d'être une vraie comédie, la série en a gardé quelques traits, maniant avec une certaine gourmandise, parfois un peu excessive, l'art des ruptures de narration pour s'offrir des mises en scène décalées, voire des pseudos jeux de mots volontairement lourds, mais qui permettent de mettre en confiance le téléspectateur en l'initiant aux rouages de ce qui s'impose rapidement comme un sincère "buddy show". Ces pointes de légèreté, le tout mêler d'une certaine immaturité revendiquée, sont contre-balancées par les intrigues et la pesanteur du quotidien. "Qui a peu, profitera pleinement de ce peu", pourrait-on dire. Tout cela amène Terriers à naviguer entre deux eaux, se rapprochant de la dramédie décontractée. C'est typiquement le genre de série pour laquelle le qualificatif "sympa" viendra naturellement.

Sur la forme, ce pilote bénéficie d'une réalisation intéressante. Un soin particulier a été apporté à la photographie, les teintes permettant de faire ressortir un décor californien de rêve, dont le contraste est ainsi accentué avec la vie de nos anti-héros. La série dispose également d'un générique. Du côté du casting, les deux acteurs principaux, Donal Logue (Life, Knights of Prosperity) et Michael Raymond-James (True Blood), se glissent avec aisance dans la peau de leurs personnages, délivrant une interprétation naturelle et crédible des plus convaincantes. A leurs côtés, en guise de pendants féminins, on retrouve Kimberly Quinn, dans le rôle de l'ex-épouse de Hank, et Laura Allen (Les 4400, Dirt) dans celui de la petite amie de Britt.

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Bilan :
Doté d'un pilote d'introduction qui pose efficacement son cadre, Terriers apparaît comme buddy-cop-show décontracté. C'est une série d'ambiance, où la tonalité se révèle plus ambiguë qu'il n'y paraîtrait a priori : l'attitude de notre duo d'enquêteurs, volontairement légère, tranche avec un quotidien morose où s'impose un décor plus pesant. Terriers manie efficacement les ficelles du buddy-show, en plaçant la relation de complicité entre ces personnages principaux au coeur de la série, s'en servant pour donner le ton à l'ensemble, les intrigues n'apparaissant que comme prétextes pour les voir réagir.

Reste que si ce n'est pas déplaisant à suivre, la viabilité du concept à moyen terme peut interroger, même si ce pilote démontre une maîtrise des codes narratifs du genre qui laisse entrevoir un potentiel. Terriers pourra plaire aux amateurs de ce type de séries, mais je ne suis pas certaine d'en faire partie.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

26/07/2010

(Pilote / Mini-série US) The Pillars of the Earth : la construction d'une cathédrale, au coeur d'une vaste fresque médiévale

 

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La première fois que j'ai entendu parler du projet d'adapter à l'écran le roman de Ken Follett, cela m'avait paru comme un doux rêve. Attrayant certes. Cependant, réussir la transposition de cette dense fresque historique au format télévisuel me semblait aussi ambitieux que difficilement réalisable. Les écueils sont nombreux, en partie inhérents à toute adaptation littéraire : ne pas trop condenser, rester fidèle à l'histoire, tout en se ré-appropriant ce matériel de base de façon à ce qu'il devienne le fondement d'un scénario vivant, destiné à une série. Reste que ces craintes ne pouvaient obscurcir le caractère absolument passionnant du sujet, suffisant seul à intéresser la téléphage amoureuse d'Histoire que je suis.

De plus, outre son thème, The Pillars of the Earth (Les Piliers de la Terre) présente d'autres atouts aussi attrayants. Car il faut bien que je vous avoue qu'une raison supplémentaire, très différente mais toute aussi justifiée, expliquait mon attente impatiente de cette mini-série : son casting. En effet si une série me propose de réunir, autour d'un même projet, des acteurs comme Matthew MacFadyen, Ian McShane, Rufus Sewel, etc., elle s'assure d'office ma présence de téléspectatrice dès ses débuts.

The Pillars of the Earth, co-production internationale, est une mini-série qui sera composée de huit épisodes et dont la diffusion a débuté, aux Etats-Unis, vendredi dernier, sur la chaîne câblée Starz.

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The Pillars of the Earth se déroule au XIIe siècle. Cette importante fresque qui couvre, dans sa version littéraire, un demi-siècle, nous plonge dans une Angleterre déchirée par une guerre civile de succession, au cours d'une période que certains nommeront plus tard "l'Anarchie". La mini-série reprend les principaux évènements historiques de cette époque, de façon à établir précisément le contexte global. Elle s'ouvre en 1120 par le naufrage de la "Blanche-Nef", où périt le seul fils légitime du roi Henri Ier. A la mort de ce dernier, ne lui reste comme descendante légitime que sa seule fille, Mathilde. Profitant des réticences des barons à porter une femme au pouvoir, Etienne de Blois, le neveu du roi, un petit-fils de Guillaume le Conquérant, s'approprie finalement le trône d'Angleterre, avec le soutien de l'Eglise, dont il s'engage à promouvoir les intérêts. Il précipite ainsi Mathilde dans une résistance qui va conduire les deux camps à la lutte armée.

Ces différents évènements, qui se déroulent en arrière-plan de la trame principale, mais sur lesquels le pilote prend le soin de s'arrêter de façon à poser un cadre clair au téléspectateur, constituent une toile de fond violente qui accentue le chaos régnant dans le royaume, tout en influant plus ou moins fortement sur la vie des différents protagonistes, qui seront parfois entraînés dans ce tourbillon de trahisons. Si la lutte pour le trône n'est pas le sujet principal, le coeur de The Pillars of the Earth se situe bien dans des conflits d'intérêts et de pouvoirs, entre idéalistes et ambitieux, nobles, hommes d'église et gens du commun, se concentrant sur un enjeu hautement symbolique, qui mêle toutes ces thématiques : la construction d'une cathédrale.

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Parce que The Pillars of the Earth est une fresque particulièrement dense, dotée d'une galerie très riche en personnages, le premier épisode va opportunément prendre le temps de soigner l'introduction du téléspectateur dans cet univers. Il présente progressivement chacun des protagonistes, tout en posant les fondations de la grande, comme des petites, histoires. Il s'agit avant tout de bien se familiariser avec le cadre de cette société moyen-âgeuse, avec ses moeurs, mais aussi avec les motivations, altruistes ou très égoïstes, des différents personnages.

C'est ainsi que le premier épisode va offrir une combinaison intéressante d'éléments de contextualisation, tout en permettant au téléspectateur de trouver ses points de repère afin d'embarquer dans cette fresque l'esprit clair. Outre les évènements historiques, ce pilote est l'occasion de suivre plusieurs protagonistes clés. Il y a Tom, un bâtisseur, qui mène sa famille de chantier en chantier, survivant par des emplois plus ou moins précaires, en attendant de décrocher ce dont il rêve tant : le projet de construction d'une cathédrale. Sa femme, Agnès, meurt en couches au cours de l'épisode ; le bébé, abandonné sur la tombe de sa mère, sera finalement recueilli par un futur moine. Toujours accompagné de ses enfants, Martha et Alfred, Tom rencontre Ellen et son fils, Jack, un jeune homme doué en art, qu'un traumatisme dans l'enfance a rendu quasiment muet. Leur histoire est chargée de secrets, mais Tom accepte de les voir se joindre à eux.

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Parallèlement, l'épisode s'intéresse aux jeux de pouvoirs - tout aussi létaux que la lutte pour le trône - au sein de l'Eglise. Tandis que le père Waleran intrigue pour devenir évêque, l'abbaye de Kingsbridge perd son prieur. Les soutiens réciproques entre un moine idéaliste, Philip, et le machiavélique Waleran, leur permettront, par le truchement d'élections orientées, d'accéder à la qualité convointée par chacun. Le pilote ne néglige pas non plus les storylines laïques, tout aussi chargées en politique, mais à connotation plus locale que celles de la lutte pour le trône, à travers les enjeux d'un titre de noblesse et des terres qui lui sont associées. Les parvenus Hamleigh nourrissent en effet des ambitions sur un comté, envisageant notamment un mariage entre leur fils et la fille aînée, héritière, Aliena. Le rejet par cette dernière va les amener à recourir à des solutions plus drastiques.

A la lecture de ce résumé, déjà fortement condensé, il est aisé de deviner où se situait le premier écueil auquel ce pilote devait faire face : il s'agissait de ne pas se laisser submerger par la richesse de l'univers à mettre en place. Il fallait réussir à introduire tous ces enjeux si diversifiés et ces personnages très différents. D'autant que les intéractions entre ces derniers conduisent souvent à d'éphémères alliances de circonstances, qui troublent un peu plus la lisibiité des motivations de chaque protagoniste. Un juste équilibre devait, de plus, être trouvé entre des scènes de pure exposition, contextualisant l'histoire, et le récit véritable qui s'amorce, en s'attachant au destin de plusieurs individualités, dans ce tourbillon chaotique ambiant.

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A la fin de ce premier épisode, l'objectif de départ est, pour ainsi dire, rempli : le téléspectateur situe chaque personnage et tous les enjeux apparaissent désormais clairs, ce qui permet ainsi de partir sur de solides fondations, en attendant les développements futurs. Les scénaristes ont, à dessein, pris leur temps pour bien introduire cette vaste fresque. C'est pourquoi le pilote monte progressivement en puissance et gagne en épaisseur, à mesure qu'il appréhende l'ambitieuse dimension du récit envisagé. C'est aussi pourquoi, en dépit des si nombreux personnages et de toutes leurs histoires personnelles, cette immersion ne paraît pas trop abrupte.

S'il faut une première demi-heure d'ajustement, en acceptant de ne pas percevoir immédiatement le tableau d'ensemble, la patience du téléspectateur est récompensée. Au final, si la tâche était rude, ce pilote s'offre une introduction fluide et maîtrisée qu'on peut qualifier de réussie. J'apporterai cependant un bémol, sous forme de précision, à mon jugement : cette introduction m'a semblée, personnellement, menée de façon efficace, mais j'étais déjà familière avec cet univers pour avoir lu le livre d'origine. Par conséquent, une personne qui plongerait dans l'inconnu avec ce premier épisode n'aurait peut-être pas la même perception.

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Au-delà de la question de l'accessibilité immédiate de l'histoire, ce pilote expose déjà très clairement quelles seront les grandes thématiques de The Pillars of the Earth. Alternant petites histoires et grande Histoire, destinées personnelles et sort de tout un royame, la minisérie mêle habilement ces différents enjeux, pour s'offrir un cadre d'une complexité aussi fascinante qu'intrigante. Au coeur de ces jeux de pouvoirs, où l'intrigue est maître et où les ambitions se révèlent, la politique, comme la religion, sont des moyens d'atteindre ses objectifs, tandis que les sentiments viennent troubler certaines positions. Du plus machiavélique au plus idéaliste des personnages, tous maîtrisent - et n'hésitent pas à s'en servir - les clés des rouages des grandes institutions qui régentent cette société féodale.

Si tout cet effort fait dans le pilote afin de donner sa tonalité à la mini-série s'avère efficace, l'épisode n'oublie pas d'essayer d'humaniser ses personnages, de façon à retenir l'attention du téléspectateur sur les destins individuels, pas seulement sur ce vaste tableau médiéval d'arrière-plan. C'est sans doute le personnage de Tom, qui s'en sort le mieux. Le pilote prend le temps de nous introduire dans son quotidien, peut-être le plus simple et directement accessible au téléspectateur : celui d'un bâtisseur, déménageant de chantiers en chantiers. Ses rêves de cathédrale et sa tragédie familiale, avec la mort de son épouse, sont des éléments concrets qui touchent instantanément.

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Ambitieuse dans son contenu, en conservant la densité de l'histoire originale, The Pillars of the Earth est également très aboutie sur un plan formel. Elle bénéficie d'une belle réalisation, largement au-dessus de la moyenne, utilisant notamment des plans larges assez inspirés. Mais c'est surtout par la photo que la mini-série se démarque. L'esthétique est très travaillé, choisissant de faire ressortir les couleurs, avec une forme de sobriété qui les rend faussement chatoyantes. Si on est loin des superbes images un peu glacées des period dramas britanniques, cette mini-série impose, avec une certaine réussite, un style qui lui est propre, et qui n'est pas déplaisant à découvrir à l'écran.

Outre son visuel, The Pillars of the Earth dispose également d'une bande-son en adéquation à ses thématiques, qui renforce la tonalité médiévale. Tout en en faisant une utilisation sobre, les quelques pistes musicales mélangent des sonorités associées dans l'imaginaire collectif à cette époque, entre chants grégoriens et musiques sacrées.

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Enfin, même si je l'ai déjà brièvement évoqué, je me dois de m'arrêter à nouveau sur le casting proposé par cette mini-série. Composé de valeurs sûres (principalement britanniques pour les têtes d'affiche) du petit écran, il se révèle à la hauteur des ambitions de la vaste reconstitution envisagée, point de répère immédiat d'un téléspectateur découvrant la riche galerie des différents personnages.

On y retrouve non seulement, Rufus Sewel (Charles II, Eleventh Hour), en bâtisseur rêvant de cathédrale, Ian McShane (Deadwood), en prêtre intrigant, accédant à la dignité d'évêque, Matthew MacFadyen (Spooks, Little Dorrit), en prieur idéaliste souhaitant reformer l'abbaye de Kingsbridge, mais également Eddie Redmayne (Tess of the D'Ubervilles), en jeune homme, surdoué dans les arts, dont les circonstances de sa naissance interrogent, Hayley Atwell (The Prisoner) en femme noble passionée, Donald Sutherland (Dirty Sexy Money), David Oakes, Natalia Wörner, Anatole Taubman, Alison Pill (In Treatment) ou encore Sam Claflin.

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Bilan : The Pillars of the Earth se présente comme une vaste fresque historique ambitieuse, dont la complexité et la richesse de son histoire vont constituer ses atouts principaux, solidement soutenus par un casting cinq étoiles. Ce pilote, péchant parfois en raison de son excès de contenu, prend son temps dans l'exposition de la situation. L'écriture est dense, cependant, le téléspectateur ne s'y perd jamais et sa patience initiale est récompensée par la mise en place progressive des intrigues et des enjeux qui se précisent. Au final, sont introduits de nombreux éléments très intéressants, tant du côté de la grande Histoire que des petites histoires sur lesquels le récit futur va se concentrer. Ainsi, il est difficile de ne pas être se trouver captivé par ce que cette première immersion laisse entrevoir : le premier contact est convaincant, reste à The Pillars of the Earth à confirmer !


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :

15/07/2010

(Pilote US) Covert Affairs : les premiers pas dynamiques d'une nouvelle recrue de la CIA


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Pour aiguiser ma curiosité téléphagique en toutes circonstances, particulièrement en ces temps de recherche de séries estivales rafraîchissantes, il existe des valeurs sûres, qui fonctionneront toujours. Par exemple, parlez-moi jeux d'espions, agences gouvernementales, manipulations... Ces quelques mots clés suffisent : peu importe la nationalité de la fiction, la tonalité proposée ou bien l'ambiance recherchée... Peu importe qu'elle se présente comme divertissante ou réaliste... Immanquablement, je serais devant mon petit écran pour découvrir toute énième déclinaison d'espionnage !

Et comme la programmation américaine fait (parfois) bien les choses, une nouveauté lancée ce mardi soir par la chaîne USA Network se proposait justement de nous plonger dans les coulisses de la CIA, avec cette pointe de légèreté chaleureuse qui fait l'identité de la chaîne depuis plusieurs saisons. Intitulée Covert Affairs, elle a démarré fort, surclassant l'audience de son lead-in, White Collar, dont la saison 2 inédite débutait le même jour (pour mon plus grand plaisir). Soit dit en passant, ce retour m'a permis de constater combien Matt Bomer avait quand même franchement manqué à mon quotidien sériephile au cours des derniers mois.

Reste qu'après cette première incursion dans l'univers de Covert Affairs, je crois que je passerai bien tous mes mardis soirs estivaux devant USA Network !

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Covert Affairs suit les premiers pas d'une nouvelle recrue, Annie Walker, au sein de la CIA. Jeune femme dynamique et aventureuse, surdouée en langues étrangères, elle a beaucoup voyagé, en profitant pour faire des expériences plus ou moins positives. Elle a notamment été profondément marquée par une brève histoire d'amour de quelques semaines, sur les plages dorées du Sri Lanka, qui s'est terminée de la plus abrupte et frustrante des manières, par un billet impersonnel et une facture de bar, le gentleman en question l'abandonnant au milieu de la nuit. La réaction d'Annie fut à la hauteur de la déception causée par l'intensité de cette relation. Sa reprise en main la conduisit finalement, presque logiquement, au bureau de recrutement de l'agence de renseignements américaine. Pour ne plus être manipulé, quoi de plus logique, avec une certaine naïveté, que de chercher à devenir le manipulateur ?

Il faut cependant d'abord apprendre les ficelles d'un métier où règnent les faux-semblants. Alors qu'il lui reste encore un mois de formation, l'entraînement d'Annie est interrompu par un ordre direct en provenance de Langley. Les atouts, tant linguistiques que physiques, de la jeune femme, répondent parfaitement aux besoins d'une mission en cours. Propulsée sur le terrain des opérations, encore novice en tout, voilà donc Annie introduite dans les coulisses de la CIA. Confrontée à une supérieure aussi exigeante qu'intransigeante, elle trouve cependant un allié de poids en la personne d'Auggie Anderson, officier devenu aveugle, mais qui maîtrise à la perfection, tant les rouages que les us et coutumes de l'agence.

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Derrière ses faux accents d'un Alias qui en seraient à ses débuts, Covert Affairs fait preuve d'un dynamisme aussi enthousiasmant que contagieux. La série répond en fait parfaitement au cahier des charges attendu d'une série de USA Network. Dotée d'une ambiance résolument décontractée, mais qui ne manque ni de piment, ni d'action, elle construit rapidement le capital sympathie de ses personnages.

L'héroïne symbolise parfaitement la tonalité d'ensemble du pilote : rafraîchissante et entreprenante, elle agit sans arrière-pensée et avec une audace sans faille, pleine d'un charme assuré qui la rend instantanément attachante. Aussi centrale que soit Annie, Covert Affairs n'en oublie cependant pas de soigner tous ses personnages, colorés et marquants. Stéréotypés, ils savent aussi surprendre le téléspectateur, loin d'être aussi unidimensionnels que les premières apparences le laisseraient penser. Outre l'ambigu couple formé par deux des supérieurs hiérarchiques  d'Annie, on retiendra également la plaisante complicité qui la jeune femme noue naturellement avec Auggie, y gagnant un allié de poids pour le futur.

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Au-delà de cette dimension humaine très appréciable, qui reste de toute façon une des valeurs sûres de la chaîne (qui a assis sa réputation téléphagique dessus), le pilote de la série, s'il n'est pas exempt de maladresses, laisse entrevoir plusieurs choses intéressantes pour l'avenir. La part réservée aux courses poursuites et autres fusillades, peu mise en valeur par une réalisation brouillone et offrant quelques scènes un peu longues par endroit, prouve que la série a l'intention de ne pas occulter tout ce volet action ; de quoi muscler certains passages et rompre le ronronnement du quotidien. De plus, il est évident que suivre les premiers pas d'Annie dans son nouveau métier devrait permettre un parcours initiatique intéressant, d'autant que la série joue plutôt habilement sur une atmosphère toujours détendue, que les brusques rush d'adrénaline et tensions soudaines viennent plus entretenir que véritablement remettre en cause.

Autre point important, les scénaristes n'oublient pas d'introduire, dans ce pilote, un des futurs éléments moteurs de la série : le fameux fil rouge, teinté d'un mystère nécessaire, destiné à aiguiser la curiosité du téléspectateur et à l'inviter à suivre son évolution sur le long terme d'une saison. S'il est d'une prévisibilité un peu grossière, tant l'insistance sur la romance Sri Lankaise d'Annie avait été importante tout au long de l'heure précédente, il s'ajoute aux raisons de revenir. Qui est Ben Mercer ? Et que lui veulent les nouveaux patrons d'Annie, couple de marionnettistes intrigants, à la dynamique interne des plus pimentées ? Si ces ingrédients classiques ne renvoient sans doute pas à un futur arc des plus ambitieux, ils ont le mérite de remplir leur office avec efficacité.

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Enfin, le dernier atout non négligeable de Covert Affairs pour parler au coeur du sériephile réside dans son casting. Emmené avec beaucoup de fraîcheur, par l'enthousiasme de Piper Perabo, il est composé de beaucoup de têtes très familières du petit écran. Christopher Gorham (Odyssey 5, Jake 2.0, Harper's Island) va tenter d'y briser la malédiction qui accompagne invariablement tous ses projets. Peter Gallagher (Newport Beach) et Kari Matchett (Invasion) vont rejouer les partitions des maîtres espions. La toujours impeccable Anne Dudek (Big Love) apportera la touche familiale nécessaire. Et Eion Bailey (Band of Brothers) s'acquittera de la pointe de mystère en fil rouge.

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Bilan : Débutant sur des bases aussi dynamiques que décontractées, Covert Affairs propose un pilote plaisant à suivre. Non exempt de quelques lourdeurs maladroites, enfonçant les portes ouvertes des poncifs d'espionnage les plus classiques, il y règne cependant une atmosphère rafraîchissante, assez aboutie et maîtrisée, qui permet au téléspectateur de se prendre au jeu. La dimension humaine de la série, à travers ses personnages, prend l'ascendant sur des intrigues prévisibles, plutôt caricaturales, mais qui restent suffisamment efficaces pour donner envie de revenir et de s'investir à plus long terme.

S'annonçant comme un divertissement rythmé, parfait pour la saison, j'ai bien l'intention de poursuivre ma découverte dans les semaines à venir. Retenez-bien, le mardi, c'est sur USA Network que ça se passe cet été !


NOTE : 6,5/10


Deux bande-annonces présentant la série :