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26/07/2013

(UK) Burton and Taylor : la dernière pièce

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La dernière pièce, la fin d'une ère... C'était la pensée qui venait au téléspectateur anglais de BBC4, ce lundi 22 juillet 2013, en s'installant devant le téléfilm proposé en soirée, Burton and Taylor. Pas seulement parce qu'il avait pour sujet le dernier acte ensemble de deux icônes cinématographiques du XXe siècle. Mais aussi parce que Burton and Taylor s'annonce comme probablement la dernière production originale de la chaîne BBC4, laquelle doit faire face à des coupes budgétaires importantes. Côté fictions, elle continuera seulement à importer des séries étrangères - elle est celle qui a initié la "vague scandinave" outre-Manche avec Forbrydelsen et Borgen. Pour rappel, parmi ses plus récentes fictions dont j'avais pu vous parler, il y avait eu notamment Spies of Warsaw ou encore Dirk Gently. Par conséquent, avec sa durée d'1h22, Burton and Taylor marque la fin d'une ère de plusieurs points de vue, à l'écran comme en coulisses, et il le fait de belle manière, notamment grâce à un casting convaincant.

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Burton and Taylor n'est pas un biopic qui couvrirait l'ensemble de la relation, aussi intense que tumultueuse, ayant uni les acteurs Richard Burton et Elizabeth Taylor. Il aurait sinon fallu un format autrement plus long. Ce téléfilm s'ouvre simplement en 1983. Il met en scène ce duo mythique du cinéma, deux fois mariés et deux fois divorcés, dans ce qui sera leur dernier projet commun : une pièce de théâtre de Broadway, Private Lives (Richard Burton décèdera l'année suivante, en 1984).

Lorsque le récit débute, le temps a passé depuis leur dernière séparation (leur second divorce remonte à 1976), lui est désormais fatigué physiquement et rêve de jouer Le Roi Lear, elle subit ses dépendances et souhaiterait renouer avec lui. Ils vivent chacun en couple avec un autre, mais leurs sentiments réciproques sont toujours là, avec tous les excès qui les accompagnent. Cette réunion sur scène sera éprouvante... sortira-t-elle de la seule sphère professionnelle ?

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Il y a deux fils narratifs qui s'entremêlent dans Burton and Taylor, une histoire professionnelle, et une autre, beaucoup plus intime. Le point de départ, c'est d'abord l'aboutissement d'un projet théâtral : on suit donc la préparation, puis la mise en scène d'une pièce à Broadway, assistant jusqu'aux réactions du public et des critiques et à la façon dont cela affecte chacun. Le fait que les protagonistes soient des acteurs reste une donnée centrale du récit : leur histoire, leur passé, depuis le tournage de Cléopâtre, sont liés à leur carrière. Le téléfilm essaie ainsi d'éclairer et de comprendre leur relation de travail, soulignant leurs différences dans la manière de concevoir leur métier, mais aussi de vivre et d'exploiter la célébrité qui les accompagne. Elizabeth Taylor représente l'icône hollywoodienne par excellence. Le contraste entre leurs méthodes est frappant dès la première répétition, mais le respect professionnel qu'ils ont l'un pour l'autre est bien réel. Ce qui n'empêche pas les jugements sur leurs prestations. Seulement, tout prend souvent des tournures démeusurées dans leurs rapports, car évidemment ces derniers ne sauraient se réduire au seul versant professionnel.

L'histoire plus personnelle qui se joue en parallèle est celle qui confère à Burton and Taylor cette tonalité particulière, au final poignante, qui marque le téléspectateur. Réunir sur scène et en coulisses ces deux acteurs, c'est voir se confronter à nouveau les sentiments intenses qui les unissent par-delà leurs ruptures. Ce récit n'est pas tant celui des retrouvailles, que celui du rappel des étincelles, parfois douloureuses, voire dangereuses, qui caractérisent leur relation. Ce n'est pas l'existence de leur amour qui est en cause, mais son intensité qui les entraîne dans une spirale au potentiel autodestructeur difficilement maîtrisable. Richard Burton est usé, Elizabeth Taylor plus que jamais prise dans ses addictions... il s'agit de se résoudre, pour tous deux, à tourner la page, d'où le ressenti de la fin d'une ère qui prédomine. Il ne s'agit pas de ne plus s'aimer, mais de reconnaître que cet amour les brûlera tous deux s'ils tentent de reprendre cette voie. Le temps a passé, ils doivent aspirer à autre chose. Burton and Taylor est donc le récit de cette admission difficile. C'est un dernier acte : une ultime réunion professionnelle derrière laquelle se trouve entériné un au revoir plus personnel et déchirant.

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S'il vous fallait une autre raison de jeter un oeil à Burton and Taylor, ce serait la performance d'ensemble offerte par son casting, et plus précisément par ses deux acteurs principaux. Helena Bonham Carte est fascinante en Elizabeth Taylor, capturant à merveille les envolées et autres élans de star de son personnage, et apportant une belle présence à chacune de ses apparitions à l'écran. Dominic West (The Wire, Appropriate Adult, The Hour) propose quant à lui un pendant parfait, avec une figure plus posée, mais sur lequel le téléspectateur mesure bien l'importance et l'influence de chacune de ses intéractions avec son ex-femme. L'alchimie entre les deux acteurs est indéniable à l'écran, et ils assurent ainsi l'investissement du téléspectateur aux côtés de ce couple qu'ils interprètent. S'ils occupent quasiment tout l'espace, signalons quelques têtes familières dans les rôles secondaires, tels Lenora Crichlow (Sugar rush, Being Human), Greg Hicks, Stanley Katselas (The Shadow Line) ou encore William Hope (aperçu dans la dernière saison de Spooks).

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Bilan : Burton and Taylor est un téléfilm qui retient l'attention non pas tant du fait de l'éventuel glamour de la réunion sous les feux des projecteurs de deux icônes du cinéma du XXe siècle, mais avant tout en raison de l'ambiance poignante qui traverse le récit. Tout en traitant des thèmes périphériques attendus comme la célébrité, ou encore l'addiction, c'est avant tout l'histoire d'un amour qui ne peut plus être, car entraînant ses représentants sur une voie trop dangereuse. C'est le récit du difficile choix d'accepter la fin d'une histoire commune. En gardant en plus à l'esprit la mort de Richard Burton l'année suivante, tout cela confère au téléfilm une dimension étonnamment touchante. Pour les prestations des acteurs, comme pour son sujet, les amateurs devraient apprécier une soirée devant Burton and Taylor (d'autant que le téléfilm reste court).


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce du téléfilm :


12/07/2013

(Mini-série UK) Smiley's People (Les Gens de Smiley) : l'ultime confrontation de deux maîtres-espions


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Aujourd'hui, je vous propose de poursuivre mon cycle "Espionnage" avec un grand classique du petit écran britannique : Smiley's People (Les Gens de Smiley). Il s'agit du dernier acte d'une trilogie de l'écrivain John Le Carré, commencée avec Tinker Tailor Soldier Spy (La Taupe), puis qui s'est poursuivie dans The Honourable Schoolboy (Comme un collégien). Le premier roman a fait l'objet d'une adaptation en mini-série par la BBC en 1979, et les plus anciens lecteurs du blog parmi vous se souviendront sans doute combien ce visionnage m'avait marqué. Le second tome, où Smiley tient un rôle moins central, n'a pas été porté à l'écran, la chaîne faisant le choix de se concentrer directement sur l'ultime face-à-face entre Smiley et son vis-à-vis soviétique, Karla.

Smiley's People est un roman qui a été publié en 1979. Son adaptation par la BBC a été diffusée en 1982. Prenant la suite de Tinker Tailor Soldier Spy, elle compte 6 épisodes. Côté casting, Alec Guinness reprend le rôle de George Smiley. Côté coulisses, John Le Carré, pas pleinement satisfait du résultat auquel a abouti la précédente mini-série, décide de plus s'investir dans la conception, non seulement au niveau de la production, mais aussi de l'écriture, puisqu'il en devient co-scénariste aux côtés de John Hopkins. Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une incontournable fiction d'espionnage : son intrigue à tiroirs et ses nuances de gris s'appuient sur une solide galerie de personnages.

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Après l'identification de la taupe qui opérait au sein du Cirque (le MI-6) dans Tinker Tailor Soldier Spy, George Smiley avait un temps repris en main le service, puis il a été à nouveau évincé, retournant à cette retraite qu'il avait quittée pour chercher la source des fuites vers l'URSS au sein des renseignements britanniques. Dans Smiley's People, il est à nouveau rappelé pour une ultime mission : elle va venir conclure une confrontation emblématique de cette Guerre Froide qui a façonné un personnel et des méthodes de travail que d'aucuns renvoient désormais au passé. En effet, un ensemble d'évènements remet Smiley sur la piste de son puissant vis-à-vis soviétique, Karla.

Tout commence en France, où une réfugiée russe est sollicitée par les services de l'ambassade soviétique pour procurer des papiers officiels à une jeune femme présentée comme sa fille. Elle en informe le réseau d'un ex-général soviétique en exil, "Vladimir", qui dirige une organisation depuis Londres. Peu de temps après, ce dernier prend contact avec le MI-6 : il réclame de parler à son ancien officier de liaison, Max, pseudonyme de George Smiley. Une rencontre est organisée dans la précipitation. Mais l'ex-officier dissident ne l'atteindra jamais : il est assassiné en chemin. Smiley est alors rappelé en urgence. Il découvre que ses anciens réseaux ont été laissés à l'abandon par les nouveaux dirigeants du MI-6, lesquels le pressent d'éviter de faire la moindre vague : il convient de refermer l'affaire sans que le Cirque y soit associé.

Mais Smiley n'entend pas abandonner celui qu'il considérait comme un vieil ami. Qu'avait découvert Vladimir de si important ? La piste va conduire Smiley en Europe continentale, d'Allemagne jusqu'en Suisse, sur les pas d'un maître-espion soviétique qu'il affronte depuis plusieurs décennies : Karla. 

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Smiley's People est une oeuvre dense. Elle nous plonge dans les coulisses d'un affrontement de l'ombre, résidu d'une Guerre Froide qui a perdu le sens et le manichéisme de ses débuts. Les certitudes des uns et des autres se sont en effet étiolées au fil du temps et des réalités, et la série capture à merveille l'atmosphère désillusionnée, ambivalente et grise que représente le décor dans lequel baignent les services de renseignements. La progression du récit est lente, mais bénéficie d'une écriture d'une richesse rare, dont le soin du détail ne laisse rien au hasard. Tout en s'appuyant sur une galerie de personnages qui sont autant de produits, à des degrés divers, de cette confrontation Est-Ouest, elle dispose de dialogues subtils, où les non-dits semblent parfois peser plus lourds que les paroles échangées à haute voix. La mini-série glisse le téléspectateur dans un puzzle complexe et éclaté, où chaque protagoniste, chaque nouvel élément d'information, constitue une pièce inconnue dont il convient de prendre la mesure pour la replacer correctement et résoudre l'énigme posée par la mort de Vladimir. En fait, chacun est un pion sur un échiquier où se joue une partie qui ne dévoilera son véritable enjeu que lors du dénouement final, aboutissement de l'enquête méthodique et implacable conduite par Smiley.

Smiley's People est ainsi une série qui acquiert toute sa dimension lorsqu'on l'apprécie une fois sa conclusion berlinoise passée : elle est l'occasion d'assister à un ultime face-à-face entre deux maîtres-espions qui sont les symboles d'une époque révolue. Un des grands mérites de cette confrontation finale est qu'elle permet d'esquisser un portrait nuancé et fascinant, chargé d'autant d'ombres que de lumières, de George Smiley. A la fois tenace et usé, l'espion britannique se dédie entièrement à cette investigation qu'il pressent être son dernier coup d'éclat. Armé d'une détermination froide où perce dans le même temps un certain détachement flegmatique, Smiley se réapproprie sans hésitation les armes de son adversaire, usant de tous les moyens de pression dont il dispose... A tel point que la réussite de ses plans ne sera pas l'apogée attendu : la victoire remportée sur Karla semble ne pas avoir de saveur pour Smiley qui y assiste en spectateur. Fatigué, compromis, il paraît avoir laissé filer ses dernières illusions, jusque dans sa vie maritale : le briquet autrefois subtilisé par Karla et qu'il néglige à la fin symbolise son propre abandon de cette épouse volage dont il était tant épris. Smiley's People se conclut de façon plus amère que triomphante, refermant une intrigue parfaitement orchestrée, qui sied très bien à la tonalité ambiante de la mini-série.

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Outre la solidité de son scénario, Smiley's People repose également sur une galerie d'acteurs extrêmement convaincants, au sein de laquelle une partie reprend les mêmes rôles tenus dans Tinker Tailor Soldier Spy trois ans auparavant. Au centre du récit - même si la première demi-heure de la mini-série se déroule sans lui -, on retrouve à nouveau un Alec Guinness parfait. Son interprétation de Smiley est extrêment juste et riche en nuances. Il renvoie une image à la fois froide et posée. A sa persévérance intacte, vient s'ajouter un détachement fatigué, marque de la vieillesse, mais aussi de sa conscience de jouer ce qui est probablement son dernier round dans un milieu de l'espionnage qui a déjà considérablement évolué. En résumé, il se réapproprie pleinement ce personnage littéraire.

En outre, parmi les acteurs de la mini-série précédente, on retrouve également Siân Phillips (I, Claudius), Beryl Reid (The Secret Diary of Adrian Mole Aged 13 3/4), Bernard Hepton (Secret Army, Colditz, Bleak House (1985), The Charmer) ou encore Anthony Bate (Game, Set, and Match). Quant à Patrick Stewart (Star Trek : The Next Generation), il reprend le rôle de Karla, omni-présent en arrière-plan sans avoir à prononcer une seule ligne de dialogue et que l'on apercevra uniquement pour le final berlinois. Parmi les autres figures, on croise également Eileen Atkins (Psychoville, Doc Martin), Curd Jürgens, Maureen Lipman (A Little Princess), Barry Foster (Fall of Eagles), Bill Paterson (Wives and Daughters, Criminal Justice, Little Dorrit, Law & Order UK), Michael Lonsdale, Mario Adorf (Der große Bellheim, La Piovra 4) ou encore Michael Elphick (Harry, Boon).

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Bilan : Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une solide fiction d'espionnage, à l'intrigue complexe, dense et bien menée. S'appuyant sur un casting impeccable, elle nous glisse dans une partie de jeux d'espions où tous les coups sont permis, pour un enjeu qui ne se dévoilera que sur la fin lorsque le puzzle reconstitué permettra de prendre la mesure de tout ce qui s'est joué au cours des six épisodes. C'était mon deuxième visionnage de la mini-série en ce début de mois de juillet, et j'en ai peut-être encore plus apprécié les subtilités de l'ultime confrontation qui y est dépeinte, ainsi que celles du portrait qui est proposé de George Smiley. Une fiction incontestablement à ranger parmi les incontournables du genre !


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce de la mini-série :

Les génériques d'ouverture et de fin :

06/04/2013

(Mini-série UK) In the Flesh : une fiction de zombies traitée comme un drame humain et social à portée allégorique


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La fin de Being Human actée n'empêche pas la chaîne BBC3 de poursuivre son exploration de fictions fantastiques. Elle a ainsi diffusé, du 17 au 31 mars 2013, une série de 3 épisodes, d'1 heure chacun environ : In The Flesh. Créée et écrite par un nouveau venu dans le petit écran, Dominic Mitchell, cette fiction est un projet qui a été initialement sélectionné et développé dans le cadre de la Writers Room de la BBC. L'intérêt de cette histoire tient à la manière dont elle se réapproprie une thématique horrifique désormais assez banalisée dans nos écrans, celle des zombies. Loin d'un Dead Set, essai pour le moins gore proposé par Charlie Brooker sur E4 en 2009, In the Flesh opte pour un angle dramatique et social, très humain, avec une dimension allégorique recherchée qui apporte une belle consistance et une richesse à l'ensemble. Il s'agit donc d'une très intéressante fiction.

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In the Flesh débute dans une Angleterre qui se relève peu à peu d'une "zombie apocalypse" qui a frappé le monde quatre années auparavant. Les personnes mortes dans les mois précédents le jour fatidique se sont soudain relevées, sortant de leurs tombes pour attaquer les vivants. Après un temps de chaos, les attaques ont depuis été circonscrites, et le gouvernement a mis en place un programme médical de réhabilitation de ces morts-vivants. Ces derniers sont désormais désignés sous le terme clinique de "PDS" (partially deceased syndrome). En suivant un traitement spécifique, ils leur est possible de retrouver le contrôle d'eux-mêmes, de soigner leurs pulsions et, à terme, ainsi être réintégrés dans une société qui reste logiquement craintive ou hostile face à ces individus.

In the Flesh s'attarde sur un "mort-vivant" particulier : Kieren Walker. Lors de la "zombie apocalypse", il s'est relevé, a fait des choses terribles sans aucun contrôle sur lui-même, puis est désormais soigné et intégré au programme gouvernemental. Considéré apte à rentrer chez lui, il est confié à ses parents, forcément bouleversés, au cours du premier épisode. Il va lui falloir du temps pour se réajuster à cette nouvelle vie, devant affronter ses propres remords concernant les actes qu'il a pu commettre. Il lui faut aussi faire face à la colère de sa soeur Jem. De plus, le petit village de Roarton reste un bastion des milices anti-zombies, hostile aux opérations de réintroduction, avec un pasteur local s'employant à cultiver cette dangereuse hostilité. 

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Se réappropriant d'une façon qui lui est propre le thème des zombies, In the Flesh en exploite les possibilités ouvertes en adoptant une approche sociale et humaine, loin des précédents sanguinolants du genre. Ce choix constitue son premier atout. Le pilote construit et dessine dans les détails le portrait cohérent et nuancé d'une société moderne qui a eu à affronter une "zombie apocalypse" et se relève juste du choc. Ces morts qui sont revenus ne sont pas des monstres, ils sont considérés comme des malades : des personnes atteintes de PDS qui, en suivant un traitement, peuvent retrouver un quotidien normal. Ils apparaissent ainsi comme une minorité que la société doit essayer d'accepter. Le processus d'intégration est lent et difficile. Les peurs demeurent ancrées, les ressentiments sont toujours vivaces du fait des drames causés lors de la "zombie apocalypse". Illustration d'une société où les blessures et les défiances ne sont pas encore guéries, des milices (HVF) patrouillent encore dans le petit village de Kieren.

Du fait de cet angle d'attaque original, In the Flesh est un récit à portée allégorique. La série utilise le cadre particulier qui est le sien et le mythe des zombies pour nous parler en filigrane de problématiques de société et d'enjeux qui dépassent ce seul décor surnaturel. Derrière l'utilisation d'un mythe fantastique, c'est une fiction qui traite d'exclusion, de xénophobie, mettant en exergue la peur d'autrui, de ce qui est différent. Pour parfaire leur intégration, les personnes atteintes de PDS sont invitées à se maquiller et à porter des lentilles de contact masquant leurs yeux morts, histoire de maintenir un artifice de normalité dans les apparences. C'est aussi une oeuvre où perce l'extrêmisme, avec des préjugés et des actes attisés par l'invocation de motifs religieux. La série exploite donc son sujet des zombies en faisant la part belle à sa dimension sociale, un peu comme Äkta Människor (Real Humans) utilise son thème des robots. Son propos est très riche, d'autant plus qu'elle se double d'un registre plus émotionnel en nous faisant suivre le personnage de Kieren.

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Les personnes atteintes de PDS, désormais soignées, s'interrogent sur leur condition, conservant les souvenirs choquants de ce qu'elles ont fait lorsqu'elles se sont relevées. Ce sont des figures en quête de réhabilitation, mais aussi d'humanité, qui sont dépeintes, avec les spécificités propres aux caractères de chacun. Il y a donc ici beaucoup de potentiel ; leur retour dans leur famille confrontant en plus ces dernières au thème du deuil. Dans ces circonstances, s'intéresser à Kieren permet à In the Flesh d'explorer un autre thème extrêmement fort. Si le jeune homme est mort si tôt, à peine sorti de l'adolescence, ce n'est pas à cause d'un accident : il s'est suicidé. Suite à la mort de son ami Rick, il a mis fin à ses jours, laissant derrière lui une famille dévastée par ce geste : une petite soeur se sentant trahie, un père anéanti ayant découvert le corps de son fils... Ces trois épisodes ont un objet principal : permettre à Kieren de faire et de retrouver la paix, en crevant ce douloureux abcès avec tous ses proches. En progressant pas à pas sur ce chemin, cela va conduire vers un final bouleversant qui résonne durablement dans l'esprit du téléspectateur.

Pour parvenir à ce résultat, In the Flesh va cependant suivre une construction narrative qui n'est pas exempte de tout reproche. Tout d'abord, le passage de l'exposition du premier épisode aux développements à partir de l'épisode 2 apparaît assez abrupt. Si la réintroduction de Rick, lui aussi atteint de PDS, est fondamentale pour permettre à Kieren de faire face aux évènements d'il y a 4 ans, elle est aussi extrêmement rapide. La mini-série joue ici à l'excès sur les parallèles symboliques entre le passé et le présent : elle reproduit dans le contexte post-zombie un arc proche, y apportant une conclusion divergente, Kieren acceptant cette fois la perte. Pour comprendre la situation, la relation entre Kieren et Rick, avec des hésitations d'adolescence, est esquissée sobrement. En revanche, c'est la figure du père de Rick, poussé à l'extrêmisme par le pasteur, qui s'avère plus problématique. Il est celui qui provoque quelques-unes des scènes les plus choquantes, mais le personnage manque de cohérence, le retour de Rick ne faisant qu'ajouter à sa propre confusion. Tout au long de la mini-série, il est un outil scénaristique, réduit et limité à cette fonction : ses actes ne sont toujours que des catalyseurs pour d'autres personnages. Cela donne parfois l'impression désagréable d'un ressort narratif un peu artificiel. Cependant cela n'amoindrit ni la force, ni la dimension émouvante de la fiction.

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Intéressante sur le fond, In the Flesh peut également s'appuyer sur une forme particulièrement soignée. Rejoignant ici nombre des fictions récentes de Channel 4, la mini-série dispose d'une image au format cinématographique. La mise en scène est travaillée, et les teintes choisies à dominante plutôt froide correspondent parfaitement au sujet, mais aussi à l'ambiance recréé dans ce petit village de campagne anglaise devant se confronter au retour des personnes atteintes de PDS. Côté bande-son, l'accompagnement musical est sobre et très bien dosé, avec une chanson bien choisie - plutôt déchirante - qui vient conclure les épisodes ; celle du troisième et dernier résonne particulièrement juste.

Enfin, In the Flesh dispose d'un casting homogène, qui va bien savoir exploiter la carte humaine et émotionnelle qui est une des forces de l'histoire. Kieren Walker est interprété par Luke Newberry (Lightfields), Harriet Cains incarnant sa soeur, Marie Critchley et Steve Cooper, ses parents. David Walmsley est son ami Rick, porté disparu en Afghanistan avant les évènements de la série. Emily Bevan joue elle une personne atteinte de PDS probablement la moins affectée et la plus chargée de vitalité face à cette situation. On retrouve également Steve Evets (Five Days, Rev), Ricky Tomlinson (The Royle Family) ou encore Kenneth Cranham (Rome).

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Bilan : In the Flesh est une fiction très intéressante, capable de toucher un large public, justement parce qu'elle ne se réduit pas à une simple "fiction de zombie" : elle est un drame humain et social qui trouve un écho particulier auprès de chacun du fait des thématiques sous-jacentes traitées. Si la narration n'échappe pas à quelques maladresses dans la progression des intrigues, et si la dimension allégorique et symbolique l'emporte parfois de façon disproportionnée sur le récit en lui-même, In the Flesh propose une histoire dont la richesse et la force méritent le détour. Touchante et émouvante, attachante aussi, elle est une oeuvre originale qui aura démontré l'étendue des possibilités offertes par ce concept des zombies, l'utilisant à sa manière pour nous parler de notre société. A découvrir.

Pour ce qui est d'une éventuelle suite, l'histoire de Kieren apparaît complète à la fin de la mini-série. Cependant l'univers créé ne manque pas de potentiel encore inexploité - notamment autour du Undead Prophet. Elle se suffit donc à elle-même tout en offrant matière à poursuivre.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

09/03/2013

(UK) The Scapegoat : l'histoire d'une deuxième chance inattendue

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Ma pile de fictions à regarder est une haute tour sans fin (dont je sais pertinemment que je n'en viendrais jamais à bout), au sein de laquelle j'oublie parfois même certaines de ces oeuvres, mises de côté lors de leur diffusion, englouties depuis dans l'océan des séries "qu'il faudra que je rattrape un jour". Dans ces conditions, entreprendre un peu de rangement a parfois du bon : cela permet de se remémorrer quelques oublis, à l'image du téléfilm que j'ai finalement (enfin) visionné dimanche dernier.

The Scapegoat a été diffusé sur ITV1 le 9 septembre 2012. Il s'agit d'une adaptation d'un roman du même nom de Daphne du Maurier, datant de 1957. A noter qu'une adaptation cinématographique a déjà eu lieu, en 1959, mettant en scène Alec Guinness dans le rôle principal. Dans cette version de 2012, d'une durée d'1h40, c'est à Matthew Rhys qu'est confié cet intriguant double rôle, pour une fiction qui s'est révélée vraiment très plaisante à suivre. 

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Il faut préciser d'emblée que The Scapegoat (2012) prend un certain nombre de libertés avec l'histoire d'origine (que je n'ai pas lue). Le téléfilm s'ouvre en Angleterre, en 1952, dans un contexte de préparation des festivités pour le couronnement de la reine. John Standing est enseignant. Il vient d'être renvoyé de son établissement, sa matière ayant été sacrifiée au nom d'arbitrages pédagogiques. Sans attaches, ni famille, il envisage de partir à la découverte du monde. Mais, dans un bar, il croise un individu étonnamment semblable à lui en apparence, Johnny Spence. Les deux hommes semblent être des doubles l'un de l'autre. Il s'ensuit une soirée, arrosée, de discussions où ils échangent sur leurs vies respectives, toutes deux à problèmes.

Le lendemain matin, John Standing se réveille difficilement dans une chambre qui n'est pas la sienne, avec, disposés dans la pièce, des vêtements qui ne sont pas non plus à lui. De Johnny Spence, plus aucune trace, l'homme étant parti avec les papiers de Standing. Or ce dernier passe sans difficulté pour Johnny Spence auprès de son personnel, à commencer par son chauffeur. Pour en apprendre plus sur l'homme qui a volé son identité, John décide un temps de jouer le jeu et se laisse conduire dans la belle demeure qui est celle des Spence. Il y découvre une situation maritale, familiale et professionnelle extrêmement tendue, son double étant loin d'être irréprochable moralement. Presque malgré lui, il s'introduit dans ce quotidien et entreprend d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être.

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Le concept de départ de The Scapegoat, qui voit deux individus identiques échanger leurs vies et se faire passer l'un pour l'autre, est un ressort narratif très fréquemment utilisé dans certains petits écrans comme la Corée du Sud. Il l'est en revanche moins dans la fiction occidentale. Pour rentrer dans l'histoire, il faut donc admettre le postulat de départ suivant : l'idée que Standing puisse donner le change et se faire vraiment passer pour son double physique auprès des proches qui connaissent Johnny Spence intimement. La réussite du récit est ici de proposer une narration fluide et cohérente, entraînant sans difficulté le téléspectateur à la suite du personnage de Standing et des péripéties qu'il a à solutionner. On assistera ainsi tout d'abord à ses efforts, souvent maladroits, pour comprendre la vie menée par son vis-à-vis, puis à ses tentatives pour redresser des situations semblants brisées au-delà de toute réparation.

En filigranne, se construit peu à peu l'opposition entre les deux hommes. Car Standing et Spence ont tous deux des caractères, mais aussi des valeurs, très différents. L'approche choisie est un autre grand classique, celle manichéenne du "bon jumeau" et de son "double maléfique". L'intérêt de l'histoire tient au fait que la confrontation qui viendra, on le pressent, à un moment ou à un autre, n'est pas au centre de l'intrigue. L'enjeu de l'ensemble est avant tout une réalisation humaine et relationnelle. Endossant le costume de Spence, Standing rebâtit et rétablit peu à peu des ponts, oubliés ou depuis longtemps détruits, entre chaque personne de son entourage. Il avance avec une sincérité et une bonne volonté assez touchantes. Il règne sur The Scapegoat une forme de chaleur humaine, plutôt optimiste, qui provoque l'attachement du téléspectateur. C'est ainsi un divertissement solide et à plaisant à suivre, jusqu'à la conclusion qui diffère de celle du livre d'origine.

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Sur la forme, The Scapegoat propose une belle reconstitution des années 50 - la demeure des Spence offrant un de ces décors de la haute société que nombre de period dramas affectionnent. La réalisation est soignée, l'image est belle avec une teinte qui sied parfaitement à l'époque mise en scène. Quant à la bande-son, elle ne se fait jamais trop intrusive, mais accompagne posément le récit.

Côté casting, le téléfilm repose en grande partie sur Matthew Rhys (Brothers & Sisters, The Americans) qui cumule les rôles de ces deux "faux jumeaux", aux inclinaisons et caractères très différents. L'acteur s'en sort dans l'ensemble bien. Le fait que le "double maléfique" ait finalement assez peu de scènes lui permet surtout d'explorer le personnage autrement plus franc et digne de confiance qu'est Standing ; cependant, les quelques scènes communes aux protagonistes - notamment au début - sont bien menées. Autour de lui gravite un entourage au sein duquel on retrouve quelques têtes très familières, comme Eileen Atkins (Smiley's People, Psychoville, Doc Martin) qui interprète la matriarche de la famille Spence, ou encore Andrew Scott (aka Moriarty dans Sherlock) qui incarne le frère de Johnny. On croise également Alice Orr-Ewing, Sheridan Smith (Mrs Biggs), Jodhi May (Emma, Strike Back, The Jury II), Eloise Webb, Sylvie Testud (avec un accent de l'Est prononcé), Anton Lesser (Little Dorrit, The Hour), Pip Torrens (The Promise) ou encore Phoebe Nicholls.

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Bilan : The Scapegoat est l'histoire surprenante d'une deuxième chance inattendue, tout autant que le récit d'une reconstruction de diverses vies au bord de l'implosion. Il flotte sur l'ensemble le parfum caractéristique, un peu à part, d'une fable aussi improbable qu'attachante. L'histoire apparaît somme toute très simple, mais le récit assuré se déroule de façon fluide et sans à-coups. Et les ouvertures et les possibilités permises par ce concept étonnant achèvent de séduire un téléspectateur qui passe, devant son petit écran, 1h40 très agréables. En résumé, un visionnage plaisant donc recommandé (parfait pour un dimanche). 


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du téléfilm :

03/03/2013

(UK) Complicit : questionnements et doutes sur la lutte antiterroriste et ses moyens

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Les thèmes de l'espionnage et de la lutte antiterroriste ont été tellement rebattus ces dernières années qu'il devient difficile de trouver une place dans ce - vaste - genre pour toutes les fictions qui s'y essaient encore régulièrement. Certaines y parviennent cependant. C'est le cas du téléfilm d'une durée d'1h30 diffusé par Channel 4, en Angleterre, le dimanche 17 février 2013, intitulé Complicit.

Ecrit par Guy Hibbert, il traite des moyens de cette lutte contre le terrorisme et plus précisément du choix du recours à la torture. D'une sobriété exemplaire, Complicit est un essai intéressant pour traiter de ce thème, loin de toute recherche de sensationnalisme ou de sur-dramatisation. C'est aussi l'occasion de retrouver David Oyelowo au MI-5 quelques années après Spooks, dans un registre bien différent que celui proposé par la référence anglaise d'espionnage de la dernière décennie.

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Edward Ekubo est un agent du MI-5. Cela fait trois ans qu'il surveille un individu ayant la citoyenneté britannique, suspecté d'appartenir à une mouvance terroriste, Waleed Ahmed. Au vu des indices et informations collectés, il est persuadé que ce dernier s'apprête à passer à l'action, planifiant une attaque à l'arme chimique au sein même du Royaume-Uni en recourrant à ce poison qu'est la ricine. Seulement sa conviction repose sur des déductions et des recoupements qui sont insuffisants pour convaincre ses supérieurs de l'urgence de la situation. Il parvient cependant à obtenir une surveillance à l'étranger de son suspect.

Passant par le Yemen, Waleed Ahmed arrive finalement au Caire. Il y est arrêté par la police locale en contact avec d'autres suspects de liens terroristes et des fermiers soupçonnés de produire le poison mortel. En débarquant en Egypte, Edward déchante cependant vite : les autres suspects sont tous revenus sur leurs aveux initiaux, extorqués après de rudes interrogatoires, et Waleed, affirmant avoir été victime de mauvais traitement, invoque sa citoyenneté britannique et les droits qui y sont attachés auprès des agents venus de l'ambassade. Seulement le temps presse, car Edward est persuadé que la ricine est déjà en route vers sa cible.

Un colonel des services de sécurité égyptien lui assure alors qu'il obtiendrait ces informations s'il avait l'occasion d'interroger son suspect suivant ses propres méthodes...

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Complicit est une fiction lente, d'une sobriété appliquée. Loin de toutes recherches de sensationnalisme, elle désamorce tous les clichés d'action ou de rebondissements multiples auxquels on associe communément nombre des fictions de ce genre. Le quotidien des services de renseignements britanniques y est rythmé avant tout par de longues surveillances et d'interminables procédures complexes. Pour nous présenter un exemple particulière d'affaire au sein de la lutte antiterroriste actuelle, le téléfilm adopte entièrement le point de vue d'Edward. La narration fait preuve alors d'une intéressante neutralité : laissant place à l'interprétation, elle donne des faits, expose des coïncidences et nous fait partager les soupçons du personnage principal, mais elle n'assène jamais une vérité univoque. Elle suggère, questionne implicitement, tout en subtilité. Cela a d'ailleurs pour conséquence de progressivement distiller le doute sur la réalité de la situation racontée, loin d'une simple chasse à un terroriste identifié : les intuitions et les déductions d'Edward sont-elles seulement justes, envers et contre le scepticisme de ces collègues et de ces supérieurs ?

Complicit est en fait une oeuvre qui évolue dans une zone grise, loin de tout manichéisme. Plusieurs réflexions s'esquissent au fil du récit. Initialement c'est la position même d'Edward au sein du MI-5 qui pose question : quelle est la source du manque d'avancement et de la relative défiance de ses supérieur ? Est-ce qu'il sur-interprète simplement des faits, sa compétence doit-elle remise en cause ou bien est-il victime d'une forme de discrimination parce qu'il n'appartient pas à l'establishment ? Ensuite, après l'arrestation de Waleed en Egypte, une autre problématique est introduite : jusqu'où peut-on aller pour récupérer des informations ? Quelle est la valeur (et la réalité) d'aveux obtenus sous la contrainte ? Une démocratie qui se veut garante des droits de l'homme peut-elle admettre et utiliser des régimes qui recourrent à la torture pour parvenir à ses fins ? Entre la position légale officielle et la réalité du terrain, où se situe le curseur ? La formulation de ces différentes problématiques demeure implicite, et surtout, Complicit n'impose aucune réponse toute faite, se contentant de présenter avec neutralité son cas d'espèce compliqué. La fin est à l'image de la tonalité de la fiction : ce n'est pas tant le recours à de telles méthodes que le fait d'avoir été découvert et exposé qui vaut condamnation.

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Sur la forme, Complicit est une fiction soignée. La caméra s'attarde sur les visages, capture les expressions plus parlantes que mille et un dialogues. Le téléfilm sait user du silence et se ménager des temps de pause quasi-introspectifs au cours desquels les mises en scène et les images prennent le relais pour raconter l'histoire. C'est donc une oeuvre digne d'intérêt à plus d'un titre, formellement solide et convaincante.

Enfin, Complicit est l'occasion, pour le nostalgique des jeunes années de Spooks de retrouver en agent du MI-5, David Oyelowo, dans un registre différent : celui d'un officier suivant obstinément ses instincts lesquels, peu à peu, lui font prendre une pente dangereuse où même le téléspectateur peut en venir à douter. Face à lui, Arsher Ali (Beaver Falls) nous offre notamment une grande et fascinante scène de confrontation dans les geôles égyptiennes. A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familières du petit écran britannique, comme Stephen Campbell Moore (Titanic, Hunted), Monica Dolan (Occupation, Appropriate Adult), Sebastian Armesto (The Palace, Little Dorrit) ou encore Paul Ritter (Vera, Friday Night Diner). On croise également Nasser Memarzia et Makram Khoury (House of Saddam).

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Bilan : Au sein d'un genre d'espionnage où il est souvent facile de présenter des luttes manichéennes, avec des réalités bien identifiées et des camps clairement définis, l'approche de Complicit se révèle intéressante à plus d'un titre. Loin de toute surenchère, ce téléfilm relate un cas d'espèce particulier, en nous plongeant dans une zone grise où l'on est amené à questionner les motivations et les jugements de chacun : qu'il s'agisse d'Edward et de son obsession pour Waleed, ou du MI-5 et de ses réserves vis-à-vis de son agent. De même, les problématique du recours à la torture, mais aussi de son admission par une démocratie occidentale, sont esquissées, prouvant la richesse de cette fiction. Son traitement très neutre est un atout, même si c'est aussi une limite car on aurait aimé voir certains thèmes plus explorés, l'oeuvre préférant laisser souvent tout en suspens. L'ensemble n'en reste pas moins une approche de la lutte antiterroriste qui mérite la curiosité.


NOTE : 7,5/10


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