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06/05/2011

(Mini-série UK) Exile : un thriller plongeant dans un passé aux souvenirs égarés par la maladie


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En cette première semaine du mois de mai, le petit écran britannique s'est rempli de nouveautés. Outre une cohorte de fictions policières en provenance d'ITV, de Vera à Case Sensitive (comment ça "trop de séries policières à la télévision british ?"), le tout parachevé hier soir par le lancement sur BBC2 de The Shadow Line sur laquelle j'aurais l'occasion de revenir, c'est une mini-série diffusée chaque soir de dimanche à mardi sur BBC1 qui avait tout particulièrement retenu mon attention : Exile

Ceux qui me connaissent un peu le savent : parmi les quelques commandements téléphagiques que je suis religieusement depuis presque une décennie, figure la règle qui consiste à ne rien rater de la filmographie de John Simm (c'est ce que j'appelle le syndrome State of Play). Au-delà de son casting, naviguant entre thriller et drame familial, le synopsis de cette fiction, imaginée par Paul Abbott et écrite par Danny Brocklehurst qui ont notamment collaboré sur Shameless, avait assurément éveillé ma curiosité. Et je n'ai pas été déçue de la découverte.

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Exile nous raconte le retour dans sa ville natale d'un journaliste londonien, Tom Ronstadt, dont la vie aussi bien personnelle que professionnelle n'est plus que ruines, ayant subi de plein fouet les conséquences de son comportement autodestructeur. Loin de la capitale, Tom retrouve une maison familiale qui a bien changé et dont les occupants ne lui réservent pas le plus chaleureux des accueils. Sa soeur, Nancy, se dévoue entièrement à s'occuper de leur père, Sam, qui souffre de la maladie d'Alzheimer. Mais cela fait près de deux décennies que Tom s'est brouillé avec ce dernier, à la suite d'éclats de violence contre l'adolescent qu'il était alors, qui sont toujours demeurés inexpliqués.

Le retour de Tom ramène à la surface des souvenirs qui auraient sans doute dû restés enfouis. En pleine crise existentielle, le journaliste éprouve ce besoin irrépressible de comprendre un père dont il a fini par faire son contre-modèle. Cherchant à déterminer ce qui a pu se passer et briser ainsi l'homme que son père était (avant que la maladie ne le gagne), Tom se replonge dans un passé oublié et fuyant, au risque de réveiller les mêmes forces auxquels Sam s'était heurté des années auparavant. D'autant que si Tom perçoit rapidement qu'un scandale se cache derrière des indices troublants, il est loin d'imaginer la vérité qui s'est peu à peu diluée dans les souvenirs confus et effilochés de son père.

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Exile est une mini-série prenante qui mêle avec habileté les ingrédients du drame familial et du thriller psychologique. Elle commence sur un parfum de retrouvailles, vascillant entre flottement gêné et instant de complicité, qui confère à ce portrait une authenticité qui va être une des forces de cette fiction. En effet, il émane de l'ensemble une forme de sensibilité touchante, permettant au téléspectateur de ressentir une empathie immédiate pour ces différents protagonistes. Les rapports humains sont particulièrement bien traités. Qu'il s'agisse des relations frère/soeur sonnant très juste, ou bien la manière dont est présenté ce père, autrefois figure d'autorité, à l'esprit désormais rongé par la maladie. L'inversion des rôles entre le parent et les enfants, le poids que cela fait peser sur Nancy, puis sur Tom, toutes ces thématiques sont abordées sont détour, mais non sans pudeur.

C'est par son approche de la maladie d'Alzheimer que la mini-série va acquérir toute sa dimension, glissant progressivement dans la tonalité d'un thriller psychologique troublant. En effet, cette quête tardive qu'entreprend Tom pour essayer de comprendre son père se heurte justement aux souvenirs désormais égarés de ce dernier, dont l'esprit n'est là que par éclipse. De façon originale, dans cette histoire, il ne s'agit pas de mettre à jour un mystère extérieur, mais bien d'une enquête finalement très intime. Car démêler les zones d'ombre du passé, c'est reconstituer les bribes d'une mémoire que Sam a toujours, mais qui n'est plus accessible que par intermittence. Si l'intensité d'Exile vous prend à la gorge, elle reste uniquement psychologique : à mesure que l'intrigue progresse, ce passé au contenu inavouable déstabilise, les révélations sapent une à une bien des certitudes. On vit et ressent la violence des interrogations de Tom. Sans débauche d'action, avec une sobriété opportune, la mini-série trouve sa pleine mesure dans ce suspense particulier très efficace.

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Sur la forme, Exile bénéficie d'une réalisation soignée, classique de BBC1 si j'ose dire, mêlant fixité avec des cadres larges où ses personnages se perdent parfois sur l'écran et passages plus nerveux, sachant également jouer sur le suggestif pour orienter la perspective du téléspectateur. De plus, elle s'accompagne également d'une bande-son intéressante, ou plus précisément d'un thème instrumental nerveux qui va savoir refléter et encourager une atmosphère de tension qui capte l'attention du téléspectateur.

Enfin, Exile bénéficie d'un casting très solide, emmené par un John Simm (State of Play, Life on Mars, Mad Dogs) inspiré, juste parfait pour mettre en scène ce personnage aussi autodestructeur qu'obstiné, aux certitudes remises en causes. On éprouve une empathie instinctive pour lui, et l'interprétation aussi intense que nuancée de l'acteur y contribue grandement. Il est parfaitement épaulé par Jim Broadbent (Any human heart) qui trouve le ton juste pour interpréter ce père dont la rationnalité glisse dans les méandres de la maladie d'Alzheimer. Olivia Colman (Rev, Twenty Twelve) joue une soeur qui offre un contre-poid crédible, tout autant qu'une belle complicité avec le personnage de Tom. A leurs côtés, on retrouve également John Paul Hurley, Claire Goose, Timothy West, Shaun Dooley ou encore Daryl Fishwick.

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Bilan : Exile est une mini-série à la fois troublante et prenante. Derrière ses atours de drame familial marqué par la maladie dont l'écriture est pleine d'authenticité, se dessine peu à peu un thriller psychologique intense, d'une violence émotionnelle qui sonne juste. Le passé est à la fois le trait d'union et de division de cette fiction, sur fond de dillution de la conscience et des souvenirs dans la maladie. Une oeuvre poignante. A découvrir.


NOTE : 7,75/10


Des bande-annonces de la mini-série :



01/04/2011

(UK) Mad Dogs, saison 1 : descente aux enfers sous le soleil de Majorque

 

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Poursuivons le bilan des dernières semaines du petit écran britannique en revenant aujourd'hui sur une fiction qui était très attendue - en raison du casting annoncé - : Mad Dogs. Comportant 4 épisodes d'environ 45 minutes chacun, cette série a été diffusée du 10 février au 3 mars 2001 sur Sky One. Elle s'inscrit dans la politique suivie par cette chaîne visant à s'imposer dans le paysage des fictions télévisées outre-Manche. EDIT : Initialement conçue comme une mini-série, la commande d'une saison 2 lui permettra de poursuivre plus avant l'expérience narrative initiée.

Assez indéfinissable dans son genre, empruntant au buddy show comme à la fiction de gangster, Mad Dogs peut sans doute être rapprochée par son esprit d'un film comme Sexy Beast. Cependant si elle cultive une ambiguïté dans ses tonalités qui se révèle proprement rafraîchissante, elle laisse aussi le téléspectateur sur une impression assez ambivalente à la fin.

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C'est sous le chaud soleil de Majorque, dans un cadre paradisiaque et coloré, que Mad Dogs s'ouvre, nous présentant les retrouvailles de vieux amis qui se connaissent depuis toujours, à l'initiative d'un des leurs, Alvo. Ce dernier a si bien réussi qu'il se propose de fêter déjà sa retraite et les a donc invités pour passer quelques jours dans sa luxueuse villa espagnole.  La quarantaine passée, chacun en est au stade de sa vie où l'on dresse un premier bilan de sa vie, ayant connu réussites et revers de fortune. Leurs situations familiales et professionnelles sont très diverses, mais pas vraiment au beau fixe. Ce qui fait que Baxter, Rick, Woody et Quin sont a priori très heureux de cette opportunité de changer d'air, pour permettre en plus de renouer des liens d'amitié qui ont pu se distendre avec le temps.

Malheureusement ils vont vite déchanter. Car Alvo, avec les arrières-pensées qu'il pouvait nourrir en leur demandant de venir et les origines floues de sa mystérieuse fortune, va les entraîner dans un engrenage dangereux rapidement hors de contrôle. La promesse de vacances paradisiaques s'efface alors, le séjour se transformant en véritable cauchemar. Plongés dans des histoires dont ils ignorent tout, entre mensonges, meurtres et trafic de drogue, voilà nos quatre amis confrontés à un tueur Tony Blair-isé, l'ombre menaçante de la mafia serbe, voire même une police corrompue : s'en sortiront-ils indemnes ? Mais l'enjeu est peut-être ailleurs : leur amitié survivra-t-elle à ces épreuves ?

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Mettant en scène l'éprouvante descente aux enfers de ses quatre personnages principaux, Mad Dogs apparaît tout d'abord comme un thriller psychologique relevé assez fascinant par la dynamique implacable qu'il crée. Sans forcément innover dans les thématiques qu'elle investit, la série retient en effet l'attention du téléspectateur par sa capacité à mêler les genres, empruntant tant aux codes narratifs des fictions de gangsters qu'à celui des huis clos où la tension va croissante et où la cohabitation semble destinée à finir par dégénérer à tout moment. En nous plongeant dans une spirale infernale à l'issue de moins en moins certaine, Mad Dogs se construit par et grâce aux ruptures inattendues qui jalonnent son récit. Si le suspense ainsi généré offre un fil rouge opportun, il convient cependant de relativiser sa réelle importance : entièrement dédiée à ses personnages, la série leur sacrifie une partie de la consistance de sa trame.

En effet, au fil de la progression de l'intrigue, les péripéties mafieuses des personnages ressemblent de plus en plus à un prétexte, plus ou moins bien négocié, à l'artificialité parfois évidente. Car la priorité de Mad Dogs est ailleurs : elle se situe dans la mise en scène des réactions de ses protagonistes face une tension croissante. Quels effets les évènements vont-ils avoir sur leurs intéractions ? Au fond, on en viendrait même à penser que la cause réelle de cet engrenage importe peu : qu'elle ait des accents gangster ou autre, ce que veut la série, c'est poursuivre une oeuvre méthodique de déstabilisation, en poussant chacun dans ses extrêmités. Et elle y parvient de façon plutôt convaincante.

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Ce jeu du révélateur d'une nature humaine ambigue est un parti pris scénaristique qui va constituer tant l'attrait que la limite structurelle de Mad Dogs. Négociant avec brio une dimension humaine qu'elle place en son coeur, la série marque par ces marquantes scènes d'amitié ambivalente, au cours desquelles les rancoeurs se mêlent à un affectif jamais démenti. Quoi de plus pimenté et finalement intrigant que cet étonnant paradoxe constitué par ces explosions où chacun échange ses quatre vérités, parfois de manière particulièrement vicieuse, mais sans que la fondation même de leur amitié puisse être atteinte. Chaque fois qu'une nouvelle confrontation a lieu, le téléspectateur s'interroge : jusqu'où leurs liens peuvent-ils tenir ? Au final, c'est dans ce portrait assez atypique, un brin désillusionné, mais pourtant juste et sincère, des paradoxes de l'amitié, que réside une bonne partie du charme indéfinissable de Mad Dogs.

Cependant, cette dimension humaine ne parvient pas toujours à contrebalancer les faiblesses de la série sur le fond. La résolution bâclée sur laquelle se conclut cette saison, après avoir essayé de construire les bases plus ou moins scolaires du thriller, laisse un arrière-goût mitigé. Plus les choses dégénèrent, plus le côté parachuté des rebondissements semble évident. Si bien que ce fil rouge donne de plus en plus l'impression de sonner creux, le quatrième épisode étant sans doute le plus flagrant sur ce point. Toute l'attention des scénaristes est concentrée sur la tension psychologique qui monte, le reste n'est qu'anecdote, plus ou moins réfléchie et travaillée, pour permettre ce type de développements. Il est donc difficile de ne pas ressortir assez frustré par cette impression de vide dans l'histoire en elle-même.

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Sur la forme, la série joue beaucoup sur son cadre assurément dépaysant et sur le contraste entre les quelques paysages paradisiaques qu'elle nous propose à l'occasion et le cauchemar autrement plus concret dans lequel elle plonge les personnages. Les teintes colorées des images sont en tout cas un écho parfait à ce chaud soleil de Marjorque dont on finit forcément par rêver. Un voyage donc agréable.

Enfin, terminons sur l'atout le plus important de Mad Dogs, ce qui lui permet justement de survivre et de s'imposer grâce à ses personnages : son casting. Il réunit des noms dont la seule lecture suffit a priori à mettre des étoiles plein les yeux du téléspectateur familier du petit écran britannique. Cette série a été faite pour leur donner l'opportunité de travailler ensemble, cela se voit, mais les performances d'ensemble achèvent de balayer les dernières réticences du téléspectateur. Pensez donc : qui pourrait rester insensible et passer son chemin sans sentir sa curiosité éveillée devant un tel casting alléchant, où l'on retrouve John Simm (State of Play, Life on Mars, The Devil's Whore), Marc Warren (State of Play, Hustle, Mutual Friends), Philip Glenister (State of Play, Life on Mars, Ashes to Ashes) et Max Beesley (The Last Enemy, Survivors, Hotel Babylon) ? En ce qui me concerne, j'avais perdu la bataille de la curiosité dès l'annonce du projet. De plus, notons qu'ils sont efficacement secondés au début par Ben Chaplin, puis par Maria Botto.

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Bilan : Au-delà du mélange des tonalités et des genres qu'elle propose, Mad Dogs apparaît avant tout comme une fiction sur l'amitié et les ambiguïtés inhérentes à ces liens humains. Si elle réussit plus dans cette dimension psychologique qui interpellera plus d'une fois le téléspectateur, que dans ses ambitions un peu creuses de thriller, la série bénéficie dans l'ensemble d'une dynamique attrayante grâce à des personnages (efficacement portés par son casting) auxquels elle doit tout. Au final, assez atypique dans notre petit écran, elle mérite probablement un coup d'oeil, en étant bien conscient de ses limites inhérentes.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la série :


10/03/2011

(Mini-série UK) South Riding : chronique vivante et touchante d'une bourgade des années 30

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En ce début d'année 2011, les amoureux du petit écran britannique peuvent tout particulièrement savourer leur passion. Les mini-séries intéressantes, couvrant tous les goûts et tous les genres, se succèdent. Parmi elles, South Riding s'inscrit dans la tradition la plus classique du period drama que l'on croise outre-Manche : l'adaptation littéraire. Nous plongeant dans la campagne anglaise du milieu des années 30, il s'agit de la seconde transposition à l'écran du roman de Winifred Holtby, publié en 1936, après une première proposée par ITV en 1974.

Cette mini-série, composée de 3 épisodes d'1 heure chacun, a été diffusée trois dimanche soir successifs du 20 février dernier au 6 mars 2011, sur BBC1. On y retrouve tout le savoir-faire britannique en la matière, porté par un excellent casting, pour une photographie prenante de l'Angleterre changeante des années 30, loin de la capitale londonienne. Trois heures plaisantes à suivre qui méritent le détour.

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South Riding s'ouvre en 1934 dans une petite ville côtière éponyme du Yorkshire, située dans le nord de l'Angleterre. Sarah Burton rentre dans sa bourgade natale après des années à avoir mené une carrière d'enseignante tout en voyant le monde. Elle arrive de Londres pour postuler à la fonction de directrice de l'école municipale de filles, avec des idées de modernisation plein la tête et de hautes ambitions éducatives pour offrir à ces élèves les clés d'une société complexe, où la crise économique précipite les mutations. Si son enthousiasme déstabilise quelque peu le conseil d'administration, la jeune femme emporte cependant l'agrément de la majorité des directeurs, séduits par ce vent de modernité qui semble l'accompagner.

Très vite, Sarah trouve ses marques dans cette petite ville marquée par la Grande Dépression, apprenant à rester fidèle à ses convictions tout en sachant parfois verser dans l'art du compromis, pour assurer la bonne gestion de son école. Elle se découvre des alliés, comme le progressiste Mr Joe Astell, mais aussi des adversaires que ses idées dérangent à l'image de Mr Carne, un conservateur aux conceptions sans doute révolues, mais dont Sarah va peu à peu se rapprocher. Elle va aussi s'investir auprès de ses élèves, prenant sous son aile une boursière très douée, Lydia, ou encore Midge, la fille de Mr Carne.

Avec un quotidien rythmé par les difficultés sociales et les oppositions politiques, c'est dans une chronique ordinaire d'une petite bourgade, typique mais très attachante, que South Riding nous plonge.

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L'attrait de la mini-série  tient tout d'abord au cadre qu'elle investit : celui d'une chronique profondément humaine, mais aussi sociale, d'une époque difficile. Elle offre un instantané vivant et bigarré d'une bourgade anglaise et des préoccupations et autres enjeux très concrets qui agitent ce petit microcosme. Cette reconstitution de l'ambiance des années 30 se révèle particulièrement réussie. South Riding propose en effet un portrait nuancé d'une vie locale marquée par la récession économique, sur fond de tensions irréductibles entre tradition et modernité, tandis que les séquelles de la Première Guerre Mondiale hantent encore les esprits et que se profile à l'horizon le spectre d'autres bouleversements à venir. Ces mises en scène résonnent de manière authentique et juste à l'écran, leur retenue et leur sobriété trouvant un écho particulier auprès du téléspectateur.

De manière générale, il émane de South Riding un charme simple qui séduit et retient l'attention, la reconstitution historique se complétant d'une dimension humaine qui ne laisse pas indifférent. Car la mini-série dispose d'une galerie de personnages qui savent se fondre parfaitement dans le récit, tout en y apportant un relief et une nuance qui permettent de s'y attacher. Si tous n'échappent pas aux stéréotypes, la dynamique d'ensemble fonctionne. On se laisse ainsi emporter par le dynamisme communicatif de Sarah, par ses ambitions pour son école comme par son investissement envers ses élèves. De même, à mesure que l'on apprend à connaître Mr Barnes, ses tourments personnels tempèrent l'a priori excessivement rigoriste qu'avait laissé sa première scène. Ces personnalités s'imposent donc de manière convaincante.

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Cependant, l'atout - et l'originalité - de South Riding va sans doute résider dans sa capacité à chroniquer, de manière vivante et finalement étonnamment prenante, un quotidien qui, présenté autrement, paraîtrait vraiment anecdotique. Optant pour un réalisme sobre qui transcende tout son récit, c'est ainsi sans misérabilisme que la mini-série aborde les conséquences de la crise économique. De même, les personnages suivent des destinées toutes aussi nuancées, marquées par les blessures du passé, les tergiversations et incertitudes du présent, mais aussi une fidélité à des principes qu'ils ne pourront jamais renier. Ce sont des instantanés de vies ordinaires, sans romanesque excessif, ni réalisation démesurée, que propose South Riding. Et si on peut peut-être reprocher à la mini-série de ne pas avoir pleinement exploité certains personnages qui auraient mérité des développements plus conséquents, ses choix narratifs demeurent cohérents.

Sa spécificité restera sans doute la tonalité douce-amère qui s'en dégage, une atmosphère où la volonté de poursuivre, toujours tournée vers l'avenir, se mêle aux regrets sur lesquels on ne peut tirer un trait. Cette chronique quelque peu désillusionnée s'offrira ainsi une conclusion à son image parfaite, même si elle cède à certaines facilités et à quelques raccourcis. La vie est faite de choix, mais aussi 'd'aléas inattendus plus ou moins douloureux ; s'il n'est pas possible de s'immuniser contre les erreurs ou les blessures que le temps apporte, ce sont aussi ces expériences qui nous façonnent. A chacun, ensuite, de prendre sa destinée en main.

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Sur la forme, South Riding témoigne d'un savoir-faire que la BBC n'a plus à prouver. C'est un beau period drama, esthétiquement soigné et doté d'une réalisation qui sied particulièrement à l'ambiance qui y règne. L'image est travaillée, les teintes y sont plutôt sombres, en écho à cet instantané d'une époque troublée, où l'espoir se dispute à une douce amertume. Pour accompagner la narration, la mini-série dispose également d'une bande-son composée de quelques morceaux de musique classique bien choisis, avec une mention toute particulière aux morceaux utilisés dans le dernier épisode, poignants et forts comme il le fallait.

Enfin, South Riding bénéficie d'un dernier atout majeur, et non des moindres : un casting cinq étoiles savoureux et extrêmement solide, qui achève d'installer et de donner toute leur dimension aux différents protagonistes, comme au récit lui-même. Anna Maxwell Martin (Bleak House), avec un dynamisme communicatif et beaucoup d'authenticité, incarne à merveille cette institutrice pleine d'entrain, dont la sacerdoce éducatif lui permet d'oublier une vie bouleversée trop tôt par la perte d'un fiancé durant la Première Guerre Mondiale. Pour lui donner la réplique, David Morrissey (State of Play, Meadowlands, Blackpool, Thorne) est parfait pour jouer ce conservateur tourmenté par une vie personnelle bien compliquée qu'est Mr Carne. A leurs côtés, on retrouve notamment le toujours excellent Peter Firth (Spooks), Douglas Henshall (Primeval, The Silence) et son accent écossais incontournable, Penelope Wilton (Downton Abbey), toute aussi impeccable, mais encore John Henshaw, Shaun Dooley, Jennifer Hennessy ou Janine Mellor

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Bilan : Chronique ordinaire d'une bourgade anglaise des années 30, South Riding a le parfum doux-amer de l'instantané d'une époque troublée, où la reconstitution historique des enjeux politiques et sociaux représentatifs de leurs temps se mêle à l'incertitude des destins personnels. C'est un portrait vivant et nuancé, à la fois plein d'émotions et d'espoirs, mais aussi chargé de désillusions douloureuses et poignantes, qui est proposé. Si le téléspectateur s'attache presque instantanément à l'ambiance qui y règne , c'est que la mini-série parvient à séduire autant par sa simplicité maîtrisée que par l'authenticité des portraits qu'elle met en scène. En résumé, South Riding offre un retour aux fondamentaux de la fiction rafraîchissant et plaisant à suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :

03/03/2011

(Mini-série UK) The Promise (Le Serment) : Divided land, divided loyalty.

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Si mon attrait pour la télévision britannique est quelque chose qui a grandi progressivement, ma première vraie rencontre avec ce petit écran remonte à un peu plus de dix ans désormais, en octobre 2000. C'était une fiction diffusée sur Arte. La non-anglophone que j'étais avait même réussi à l'enregistrer en VOST. Ce fut ma première véritable claque téléphagique britannique et j'y ai retenu mon premier nom de scénariste anglais : Peter Kosminsky. La mini-série s'appelait Warriors : l'impossible mission. Ce soir-là, je me suis dit que si cette télévision pouvait produire ce type de fiction, il fallait vraiment que je me penche sur ses programmes. A l'époque, ce n'était qu'un voeu pieux. Mais cette rencontre servit de catalyseur ; et c'est à elle que vous devez sans doute en partie la ligne éditoriale de ce blog (et la présence de Ioan Gruffudd au centre de la bannière d'accueil).

Le nom de Peter Kosminsky demeure donc pour moi une référence dans le petit écran britannique. Le premier à m'avoir montré la voie vers cette télévision. Depuis, de The Projet au Government Inspector, j'ai aussi appris à apprécier son style, qui reste à part. Empreintes de son passé de grand reporter et de documentariste, ces fictions, par leur sujet et la sensibilité politique des thèmes abordés, laissent rarement indifférent. Au cours de ce mois de février 2011, Channel 4 a proposé sa dernière création : une mini-série prenante qui s'inscrit dans la lignée de la tonalité des précédentes, et dont l'idée naquit justement après Warriors.

Composée de 4 épisodes d'1h30 chacun, cette mini-série a été co-produite par Arte et Canal +. Le téléspectateur français pourra la découvrir à partir du 21 mars prochain, à l'occasion d'une diffusion sur la chaîne cryptée.

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Disposant d'une construction narrative originale, The Promise va habilement entrelacer passé et présent, en nous narrant, à travers deux destinées parallèles - celle de la petite-fille d'aujourd'hui et celle de son grand-père dans sa jeunesse - à cinquante années de distance, tant la genèse immédiate de la création de l'Etat d'Israël au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que la situation actuelle du pays.

Erin est une jeune anglaise de 18 ans, plus vraiment adolescente, pas encore complètement adulte, dont la vie est bridée par ses crises d'épilepsie. Sa meilleure amie Eliza, une Israëlienne en pension en Angleterre depuis son plus jeune âge, a décidé de rentrer chez ses parents afin de suivre la formation requise pour y effectuer son service militaire. Erin n'ayant rien d'autre de prévu durant ces quelques mois, elle accepte l'offre de venir passer quelques mois en Israël, en guise de soutien moral pour une amie qu'elle ne verra que les week-ends. Avant de partir, la jeune femme, aidant sa mère à trier les affaires d'un grand-père mourant qui leur est étranger à toutes deux, tombe par hasard sur le journal intime qu'il écrivit durant les années qu'il passa dans l'armée. Curieuse d'en apprendre plus sur quelqu'un qui n'a jamais été proche de sa famille, elle prend le journal avec elle. Cette lecture va bouleverser le séjour festif et dilettante qu'elle avait prévu.

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Erin découvre en effet que Len Matthews a non seulement combattu durant la Seconde Guerre Mondiale, mais que, s'étant ensuite engagé dans l'armée de métier, il servit également en Palestine, territoire alors sous mandat britannique depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Il y resta jusqu'au retrait des troupes anglaises en 1948. De la libération du camp de concentration de Bergen-Belsen jusqu'à la création officielle d'Israël, elle revit à travers son récit la genèse immédiate de l'Etat, mais aussi, de manière plus intime, comment ces évènements brisèrent irréversiblement le jeune homme qu'était son grand-père. Et ce d'autant que, plus que les drames et les trahisons qui marquèrent un service qu'il achèvera en prison, il y a aussi cette promesse mystérieuse qu'il n'a jamais pu tenir envers une famille palestinienne, et qui occupe les dernières lignes de son journal.

Marchant sur les traces de son grand-père, cinquante ans plus tard, Erin va apprendre peu à peu à connaître cet homme dont elle ignorait tout. A travers cette histoire personnelle, en éclairant un pan d'Histoire méconnu, la jeune anglaise va effleurer, troublée, la complexité de la réalité actuelle en Israël/Palestine. De la villa au confort illusoire paradisiaque des parents d'Eliza jusqu'à la maison de martyr à Gaza, en passant par Hebron, son approche manichéenne va vite lui apparaître aussi futile que naïve.

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La première force de The Promise vient de son sujet, forcément complexe et extrêmement sensible, qu'il faut aborder avec subtilité, mais aussi nuances. Peter Kosminsky y applique son style habituel : une approche directe, factuelle, dont la sobriété tend naturellement vers le docu-fiction, tout en demeurant une histoire humaine romancée à vocation pédagogique. La mini-série s'attache donc à dresser un tableau aussi complet que possible, rassemblant les points de vue de tous les protagonistes, tout en utilisant le regard extérieur des Anglais, entraînés dans une situation conflictuelle à laquelle ils sont étrangères. Tel un écho parfaitement complémentaire, le passé pose ainsi les bases et un point de départ, tandis que le présent éclaire le résultat et les maux actuels. Homogène et parfaitement maîtrisée, cette alternance entre deux époques est assurément une des grandes réussites de la mini-série. Elle lui apporte la consistance et cette dimension supplémentaire que confèrent le recul, tout en permettant aussi une meilleure compréhension des enjeux et de ce qui a forgé la mémoire de cette région du monde.

Le personnage d'Erin constitue notre point d'entrée dans ce récit. Le téléspectateur va suivre la genèse d'Israël au rythme de sa lecture du journal intime, tout en découvrant, par ses yeux, la situation actuelle. The Promise fait donc tout d'abord office de récit historique, à travers un angle narratif particulier : celui des soldats anglais. Le service de Len va opportunément permettre de balayer toute cette période trouble. De l'accueil difficile des réfugiés juifs en provenance d'Europe, tout juste libérés des camps de concentration, jusqu'au retrait des forces britanniques qui abandonnent le territoire à une guerre civile, entre exodes et massacres de population locale, la mini-série retrace schématiquement les grandes lignes d'une Histoire tourmentée, choisissant d'éclairer tout particulièrement les étapes importantes et les évènements les plus symboliques, comme l'attentat de l'hôtel King David.

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Cependant, tout en proposant une fenêtre sur le passé, c'est aussi sur le présent que The Promise va s'arrêter. En marchant sur les pas tracés autrefois par son grand-père, Erin découvre le pays tel qu'il existe aujourd'hui. Au fur et à mesure de son séjour, une situation de plus en plus complexe, inextricable, se dessine sous ses yeux de jeune londonienne. A nouveau, la mini-série s'efforce de proposer un panorama complet de ce qu'il s'y passe. Au-delà de la situation rencontrée à à Hebron ou à Gaza, c'est en retranscrivant l'état d'esprit des habitants que la mini-série va réussir son oeuvre la plus aboutie. Avec la figure du frère d'Eliza, libéral opposé notamment à la construction du mur, elle introduit un premier débat, pour ensuite l'élargir progressivement et dépeindre les clivages, mais aussi les sensibilités, d'Israëliens comme de Palestiniens. En présentant tous ces points de vue, irréconciliables, formatés par un passé sanglant et spoliateur autant que façonnés par des drames personnels, The Promise propose un véritable instantané de cette région du monde, esquissant ses complexités et ses paradoxes.

Pour autant, si The Promise se veut didactique, sa réussite va être de ne jamais oublier qu'elle demeure, avant tout, une fiction. Son objet n'est pas seulement un éclairage d'Israël, elle relate surtout une histoire profondément humaine, dotée de storylines parfaitement construites et abouties qui ne donnent jamais  l'impression d'être un simple prétexte pour évoquer ce thème. Prenante sur le fond, mais aussi particulièrement chargée émotionnellement, elle ne laissera pas le téléspectateur indifférent. Car ce dernier s'implique sur un plan affectif : il s'attache à ces deux personnages. Erin et Len ont leurs failles, mais leurs réactions sonnent toujours très justes, même lorsqu'elles manquent de lucidité. Ces deux destinées que la mini-série nous fait vivre en parallèle, sorte de parcours initiatiques qui marqueront profondément chacun des protagonistes, sont aussi intenses l'une que l'autre, même si logiquement plus dramatique pour Leonard. Reste que chaque récit, conduit avec habileté mais aussi beaucoup de rigueur, trouve une résonnance particulière dans un téléspectateur qui s'immerge véritablement dans l'histoire. Si bien que j'ai rarement vu passer aussi vite 1h30 devant mon petit écran.

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Pleinement aboutie sur le fond, The Promise l'est aussi sur la forme, qui va se révéler être à la hauteur des ambitions du scénario. Tout d'abord, la mini-série bénéficie d'une réalisation nerveuse. L'image est esthétiquement épurée, la caméra très réactive sans pour autant trop en faire, insufflant une impression de proximité à l'action. Le style d'ensemble est volontairement sobre. Ceci renforce cette sensation de réalisme, qui frôle parfois la mise en scène du docu-fiction, accentuée pour les évènements se déroulant dans le présent.

De plus, pour asseoir la force des images et des situations retranscrites, The Promise dispose d'une bande-son marquante, composée par Debbie Wiseman qui, utilisée à bon escient, fait rapidement partie intégrante de l'oeuvre. Le thème récurrent permet notamment de rythmer la narration et de souligner efficacement les moments de tensions. A l'écoute de ces morceaux composés uniquement d'instrumentaux, notamment avec du piano et du violon, le téléspectateur perçoit quelque chose de mélancolique, presque pesant et fataliste, derrière ces notes de musique qui sauront le toucher tout particulièrement.

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Enfin, The Promise s'appuie sur un casting solide et convaincant. Si téléspectateur s'investit autant émotionnellement auprès des deux protagonistes principaux, c'est sans doute autant grâce aux récits mis en scène qu'à l'interprétation proposée par ces deux jeunes acteurs. Claire Foy (Little Dorrit, Going Postal), dans un rôle d'observatrice extérieure, encore tellement naïve, qui bouleverse les conventions sociales établies, confirme tout le bien que l'on pouvait déjà penser d'elle. De façon peut-être plus notable, il faut souligner que la mini-série va être l'occasion pour Christian Cooke de revenir du bon côté de la force téléphagique et d'oublier les errements passés, en proposant une interprétation pleine et juste dans un registre autrement plus consistant que les séries (Demons, Trinity) dans lesquelles j'avais pu le croiser jusqu'à présent.

A leurs côtés, c'est toute une galerie d'acteurs au diapason de l'atmosphère de la mini-série qui les secondent efficacement. Parmi eux, on retrouve notamment Itay Tiran (Ha-Burganim), Katharina Schüttler (Carlos), Haaz Sleiman (Nurse Jackie), Ali Suliman, Perdita Weeks (Lost in Austen, The Tudors), Ben Miles (Lark Rise to Candleford), Smadar Wolfman ou encore Holly Aird (Waking the Dead, Identity).

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Bilan : Drame humain autant que récit didactique, The Promise est une mini-série aussi prenante que fascinante, à la fois radiographie du présent et fenêtre sur le passé. Dotée d'une narration homogène, composée de deux intrigues - dans le passé et dans le présent - qui s'emboîtent parfaitement et se complètent, The Promise trouve le juste équilibre entre sa volonté d'exposer une réalité actuelle complexe, dont les racines s'inscrivent dans le genèse-même de cet Etat, et une dimension humaine jamais négligée, avec des personnages forts auprès desquels le téléspectateur s'implique émotionnellement. En somme, sa réussite est de parvenir, en utilisant le prisme des histoires personnelles de ses protagonistes, à éclairer en arrière-plan la situation inextricable de cette région du monde. Cette mini-série aboutie et maîtrisée sur le fond comme sur la forme mérite assurément le détour.


La diffusion française sur Canal + est prévue à partir du 21 mars prochain. Un seul conseil : à ne pas manquer.


NOTE : 9/10


A écouter sur le sujet : une interview de Peter Kosminsky dans une émission de France Culture début février.


Un teaser :


Une bande-annonce de la mini-série :


30/01/2011

(Mini-série UK) Orgueil & Préjugés (Pride & Prejudice) : period drama culte, entre portrait historique et initiation sentimentale



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Attention, objet téléphagique culte aujourd'hui ! Le discours d'un roi sortant ce mercredi dans les salles cinématographiques françaises (et comme je ne vais pas revenir sur le contexte historique du 1er XXe siècle anglais qui doit être maîtrisé par tout lecteur régulier de ce blog, au vu du nombre de fictions croisées sur le sujet au cours des derniers mois), c'est l'occasion d'évoquer une mini-série dont le nom d'un des personnages restera sans doute encore pour longtemps associé à Colin Firth. Car cette semaine, j'ai retrouvé dans ma DVDthèque un classique parmi les classiques, indémodable par excellence : Pride & Prejudice (Orgueil & Préjugés).

C'est que je vous parle de séries anglaises depuis presque un an et demi maintenant. Nous avons exploré ensemble les années 90, et même des productions antérieures. Et, tout en vous confiant mon amour pour les costume dramas, je n'avais encore jamais pris le temps de m'arrêter sur cet incontournable bijou du petit écran britannique. Cette mini-série marquante à laquelle notre esprit revient comme un réflexe lorsque sont prononcés les mots magiques "period drama". Il était donc grand temps de réparer cet oubli.

S'attaquer à un classique, c'est toujours un peu intimidant. J'avoue que ce n'est pas sans une certaine appréhension que je me suis lancée dans la rédaction de cette critique. Mais je vais quand même essayer de vous expliquer pourquoi, à mes yeux de modeste téléphage, Pride & Prejudice représente et incarne tout le savoir-faire anglais des adaptations littéraires, et bien plus encore...Une série intemporelle qui fait partie de ces quelques productions télévisées dont tout anglophile se doit d'avoir le coffret dans sa DVDthèque.

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L'histoire est connue, que l'on en ait vu au moins une adaptation ou que l'on ait croisé des références dans d'autres oeuvres télévisées ou littéraires, à défaut d'avoir lu le livre original, un classique de la littérature anglaise de Jane Austen, rédigé à la fin du XVIIIe / début du XIXe siècle. Disposant de six épisodes pour reprendre et s'approprier les grandes trames du livre, cette mini-série, diffusée en 1995 par la BBC, reste sans doute l'adaptation la plus fidèle à l'esprit et au récit d'origine. Rappelons cependant les quelques bases de cette fiction...

Pride & Prejudice débute à Longbourn, un petit bourg du Hertfordshire perdu dans la campagne anglaise, sous le règne du roi George III. Elle nous introduit auprès de la famille Bennet, qui vit dans un relatif confort et goûte à une vie rythmée par les bals au sein de la bonne société provinciale. Mais Mr et Mrs Bennet  n'ont eu que des filles, ce qui compromet leur avenir, la demeure familiale étant destinée par dispositions testamentaires à un héritier mâle. Mrs Bennet n'entend cependant pas laisser leur situation patrimoniale se dégrader sans rien faire et elle veut tout faire pour assurer l'avenir de ses cinq filles, toutes très différentes, le sérieux des aînées tranchant avec l'insouciance inconsciente des benjamines. C'est donc par le mariage que leur mère veut faire passer leur salut.

C'est pourquoi le jour où Mrs Bennet apprend que le domaine de Netherfield a été loué par un riche jeune homme célibataire, elle s'active pour organiser une rencontre, espérant qu'une de ses filles pourrait séduire ce parti très intéressant. Mais si Mr Bingley se révèle être un gentleman charmant et courtois, qui n'est d'ailleurs pas indifférent à Jane, ses soeurs s'avèrent bien plus hostiles, tandis son meilleur ami, Mr Darcy, certes immensément riche, adopte une attitude hautaine et dédaigneuse face à la société provinciale locale qui déplaît fortement.  

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Si Pride & Prejudice conserve une aura toujours aussi fascinante sur le téléspectateur, c'est qu'elle va parvenir à pleinement s'approprier la diversité des thématiques abordées par ce récit. Car avant d'être une histoire sentimentale universelle, cette fiction s'impose d'abord par sa portée historique et sociologique. En effet, la mini-série s'attache à refléter fidèlement l'esprit d'une époque et d'un milieu tel qu'avait su parfaitement le capturer et le retranscrire Jane Austen. On ne peut qu'être frappé par le soin avec lequel est ainsi ciselé le portrait, vivant et nuancé, de cette société provinciale. Les détails et anecdotes ont ce parfum d'authenticité propre au vécu romancé qu'un auteur va réussir à mettre en scène ; parvenir à le transposer à l'écran sans lui faire perdre cette richesse est une belle réussite. Ainsi, la force de cet instantané social va être de souligner, avec finesse et précision, sans complaisance, mais sans non plus se départir d'une certaine distance où se glissent les accents plus légers de la comédie, les caractéristiques, tout autant que les travers et les ridigidités, d'une époque. 

La fascination qu'exerce cette reconstitution minutieuse s'explique en partie par la vitalité rare qui émane de l'ensemble. En effet, Pride & Prejudice excelle dans l'art d'alterner et de manier des tonalités différentes qui se marient parfaitement entre elles. Le caractère solennel, voire pesant, de certains passages, portés par l'intensité des confrontations ou l'attitude proprement odieuse de certains protagonistes, ne l'empêchera pas de verser également dans une dynamique rafraîchissante, durant laquelle la narration adopte des accents plus malicieux, voire pétillants. Le récit nous immerge dans les préoccupations et les règles de ce milieu, tout en conservant toujours un certain recul par rapport à son sujet. Le personnage d'Elizabeth, dont l'indépendance et la liberté d'esprit marquent, permet de prendre une distance par rapport à ces mises en scène symboliques d'une époque. Oscillant entre critique subtile et tendre caractérisation, perce alors dans ce récit un humour parcimonieusement distillé à travers quelques scènes absolument jubilatoires. Cela donne à la mini-série  une saveur toute particulière à apprécier.

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Mais si Pride & Prejudice demeure une histoire qui conserve une place à part dans le coeur de bien des anglophiles, c'est aussi parce qu'elle ne se résume pas seulement à ces aspects sociologiques et historiques : elle doit sa pérennité à sa dimension humaine et sentimentale. C'est une oeuvre d'accomplissement personnel qui sonne juste, dans laquelle on suit, au milieu d'une galerie bigarrée de personnages, deux protagonistes majeurs : Elizabeth et Mr Darcy. S'il est aisé de se prendre d'affection pour Elizabeth et de s'identifier, encore deux siècles après, aux préoccupations et à la vivacité d'esprit de la jeune femme, Mr Darcy conserve lui une part d'ambiguïté qui en fait tout le charme. On est naturellement enclin à partager avec l'héroïne l'antipathie que suscite son comportement orgueilleux. Mais la force du récit va être de ne jamais verser dans des portraits unidimensionnels. Car, nous avons là une invitation à aller au-delà des premières impressions. Son ambivalence confère à Mr Darcy une épaisseur et une consistance que la mini-série va pleinement réussir à retranscrire avec subtilité, trouvant le juste équilibre entre l'image initialement renvoyée et la progressive ouverture du personnage : il finit par intriguer autant que fasciner.

Au-delà de ses personnages marquants, Pride & Prejudice est une histoire d'amour, ou plus précisément une initiation sentimentale. Si ce récit passé fait aussi intensément vibrer une fibre émotionnelle particulière dans le coeur des téléspectateurs modernes, c'est parce que son authenticité trouve toujours une résonnance de nos jours. Pride & Prejudice, ce n'est pas l'utopie d'un coup de foudre ou la superficialité d'élans amoureux versatiles. C'est au contraire le récit crédible de la construction progressive d'une relation : une évolution des sentiments qui se justifie par le fait que chacun apprend peu à peu à connaître l'autre. C'est une histoire presque initiatique, celle d'une réalisation sentimentale, encadrée par des convenances sociales qui lui permettent de se concentrer sur l'essentiel et de pleinement exploiter la tension qui s'installe entre Elizabeth et Mr Darcy. Les lois du coeur ont leurs secrets, et les deux protagonistes principaux n'en sont pas maître.

Devant ce récit dépourvu de tout artifice ou de toute mièvrerie inutile, on a avant tout la sensation de voire mis à nus l'insaisissable mécanique des sentiments. Si la mini-série fascine et touche aussi profondément, c'est tout simplement en raison de la crédibilité rare dont bénéficie l'ensemble par sa retenue et sa justesse. Il y a quelque chose d'universel, d'intemporel, dans l'histoire ainsi mise en scène, qui fait que l'on ne peut y rester insensible.

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Sur la forme, Pride & Prejudice bénéficie d'un accompagnement musical classique des plus appropriés, avec un thème introductif que l'on identifie rapidement à la mini-série. Adoptant une photographie d'image toujours très claire, la caméra est assez vive, n'hésitant pas à multiplier les angles durant une même scène. Certes la réalisation est datée, la fiction ayant été diffusée au milieu des années 90 : elle n'éblouira pas un téléspectateur moderne habitué de ce genre de production. Pour autant, par la sobriété adéquate qu'elle avait opportunément adopté à l'époque, tout en ayant su parfaitement exploiter le paysage de la campagne anglaise dès qu'elle en avait l'occasion, Pride & Prejudice demeure une oeuvre pleinement aboutie sur un plan formel, n'ayant aucun mal à accrocher un regard moderne.

Enfin, la mini-série n'aurait sans doute pas atteint la dimension qui est la sienne sans le casting solide et convaincant qui l'a portée. Jennifer Ehle apporte une vitalité, mêlant malice et sérieux, à un personnage d'Elizabeth Bennet que l'on apprécie instantanément. Ayant un rôle plus complexe, Colin Firth se révèle parfait pour incarner ce Mr Darcy si fier, surpris par l'amour et la force des sentiments. Il propose une interprétation très inspirée qui se nuance peu à peu. Il faut souligner que les deux acteurs ont une réelle alchimie entre eux, et leurs scènes, pourtant toujours toutes en retenue, laissent transparaître une intensité émotionnelle troublante qui ne peut que toucher le téléspectateur. A côté de ce couple central, on retrouve toute une galerie d'acteurs tous aussi impliqués et convaincants, parmi lesquels Susannah Harker (House of Cards, Ultraviolet), Julia Sawalha (Absolutely Fabulous, Cranford, Lark rise to Candleford), Alison Steadman (Gavin & Stacey), Benjamin Whitrow (Chancer), Crispin Bonham-Carter, Polly Maberly, Lucy Briers, Anna Chancellor (Suburban Shoutout, Spooks), Lucy Robinson (Suburban Shoutout), Adrian Lukis (The Bill), David Bamber (Collision) ou encore Lucy Scott.

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Bilan : Entre oeuvre sociologique et initiation sentimentale, entre reconstitution historique et histoire d'amour, Pride & Prejudice est un récit universel et intemporel qui ne peut laisser insensible et dont cette adaptation parvient à mettre parfaitement en valeur l'intensité et la force de ses dimensions tant humaine qu'émotionnelle. De ce portrait vivant et détaillé, on retiendra la facilité avec laquelle la mini-série réussit à alterner les tonalités, capable de mettre en scène avant autant de brio les tensions comme les passages plus légers, où pointe, derrière ce diffus parfum caractéristique de la comédie, une malice savoureuse. Bénéficiant d'une construction homogène répartie sur six épisodes, cette fiction télévisée est fidèle à l'esprit de l'oeuvre d'origine, tout en y apposant sa marque.

Au final, redécouvrir en 2011 cette adaptation de Pride & Prejudice datant de 1995, c'est constater que cette version mérite assurément le statut qu'elle a acquis dans le coeur de nombreux téléspectateurs. Devenue un classique d'un genre auquel elle a donné justement quelques belles lettres de noblesse, elle demeure un des period drama de référence. Incontournable.


NOTE : 9/10


La bande-annonce :



Extrait - La danse :



Extrait - La scène du lac :