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03/03/2013

(UK) Complicit : questionnements et doutes sur la lutte antiterroriste et ses moyens

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Les thèmes de l'espionnage et de la lutte antiterroriste ont été tellement rebattus ces dernières années qu'il devient difficile de trouver une place dans ce - vaste - genre pour toutes les fictions qui s'y essaient encore régulièrement. Certaines y parviennent cependant. C'est le cas du téléfilm d'une durée d'1h30 diffusé par Channel 4, en Angleterre, le dimanche 17 février 2013, intitulé Complicit.

Ecrit par Guy Hibbert, il traite des moyens de cette lutte contre le terrorisme et plus précisément du choix du recours à la torture. D'une sobriété exemplaire, Complicit est un essai intéressant pour traiter de ce thème, loin de toute recherche de sensationnalisme ou de sur-dramatisation. C'est aussi l'occasion de retrouver David Oyelowo au MI-5 quelques années après Spooks, dans un registre bien différent que celui proposé par la référence anglaise d'espionnage de la dernière décennie.

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Edward Ekubo est un agent du MI-5. Cela fait trois ans qu'il surveille un individu ayant la citoyenneté britannique, suspecté d'appartenir à une mouvance terroriste, Waleed Ahmed. Au vu des indices et informations collectés, il est persuadé que ce dernier s'apprête à passer à l'action, planifiant une attaque à l'arme chimique au sein même du Royaume-Uni en recourrant à ce poison qu'est la ricine. Seulement sa conviction repose sur des déductions et des recoupements qui sont insuffisants pour convaincre ses supérieurs de l'urgence de la situation. Il parvient cependant à obtenir une surveillance à l'étranger de son suspect.

Passant par le Yemen, Waleed Ahmed arrive finalement au Caire. Il y est arrêté par la police locale en contact avec d'autres suspects de liens terroristes et des fermiers soupçonnés de produire le poison mortel. En débarquant en Egypte, Edward déchante cependant vite : les autres suspects sont tous revenus sur leurs aveux initiaux, extorqués après de rudes interrogatoires, et Waleed, affirmant avoir été victime de mauvais traitement, invoque sa citoyenneté britannique et les droits qui y sont attachés auprès des agents venus de l'ambassade. Seulement le temps presse, car Edward est persuadé que la ricine est déjà en route vers sa cible.

Un colonel des services de sécurité égyptien lui assure alors qu'il obtiendrait ces informations s'il avait l'occasion d'interroger son suspect suivant ses propres méthodes...

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Complicit est une fiction lente, d'une sobriété appliquée. Loin de toutes recherches de sensationnalisme, elle désamorce tous les clichés d'action ou de rebondissements multiples auxquels on associe communément nombre des fictions de ce genre. Le quotidien des services de renseignements britanniques y est rythmé avant tout par de longues surveillances et d'interminables procédures complexes. Pour nous présenter un exemple particulière d'affaire au sein de la lutte antiterroriste actuelle, le téléfilm adopte entièrement le point de vue d'Edward. La narration fait preuve alors d'une intéressante neutralité : laissant place à l'interprétation, elle donne des faits, expose des coïncidences et nous fait partager les soupçons du personnage principal, mais elle n'assène jamais une vérité univoque. Elle suggère, questionne implicitement, tout en subtilité. Cela a d'ailleurs pour conséquence de progressivement distiller le doute sur la réalité de la situation racontée, loin d'une simple chasse à un terroriste identifié : les intuitions et les déductions d'Edward sont-elles seulement justes, envers et contre le scepticisme de ces collègues et de ces supérieurs ?

Complicit est en fait une oeuvre qui évolue dans une zone grise, loin de tout manichéisme. Plusieurs réflexions s'esquissent au fil du récit. Initialement c'est la position même d'Edward au sein du MI-5 qui pose question : quelle est la source du manque d'avancement et de la relative défiance de ses supérieur ? Est-ce qu'il sur-interprète simplement des faits, sa compétence doit-elle remise en cause ou bien est-il victime d'une forme de discrimination parce qu'il n'appartient pas à l'establishment ? Ensuite, après l'arrestation de Waleed en Egypte, une autre problématique est introduite : jusqu'où peut-on aller pour récupérer des informations ? Quelle est la valeur (et la réalité) d'aveux obtenus sous la contrainte ? Une démocratie qui se veut garante des droits de l'homme peut-elle admettre et utiliser des régimes qui recourrent à la torture pour parvenir à ses fins ? Entre la position légale officielle et la réalité du terrain, où se situe le curseur ? La formulation de ces différentes problématiques demeure implicite, et surtout, Complicit n'impose aucune réponse toute faite, se contentant de présenter avec neutralité son cas d'espèce compliqué. La fin est à l'image de la tonalité de la fiction : ce n'est pas tant le recours à de telles méthodes que le fait d'avoir été découvert et exposé qui vaut condamnation.

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Sur la forme, Complicit est une fiction soignée. La caméra s'attarde sur les visages, capture les expressions plus parlantes que mille et un dialogues. Le téléfilm sait user du silence et se ménager des temps de pause quasi-introspectifs au cours desquels les mises en scène et les images prennent le relais pour raconter l'histoire. C'est donc une oeuvre digne d'intérêt à plus d'un titre, formellement solide et convaincante.

Enfin, Complicit est l'occasion, pour le nostalgique des jeunes années de Spooks de retrouver en agent du MI-5, David Oyelowo, dans un registre différent : celui d'un officier suivant obstinément ses instincts lesquels, peu à peu, lui font prendre une pente dangereuse où même le téléspectateur peut en venir à douter. Face à lui, Arsher Ali (Beaver Falls) nous offre notamment une grande et fascinante scène de confrontation dans les geôles égyptiennes. A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familières du petit écran britannique, comme Stephen Campbell Moore (Titanic, Hunted), Monica Dolan (Occupation, Appropriate Adult), Sebastian Armesto (The Palace, Little Dorrit) ou encore Paul Ritter (Vera, Friday Night Diner). On croise également Nasser Memarzia et Makram Khoury (House of Saddam).

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Bilan : Au sein d'un genre d'espionnage où il est souvent facile de présenter des luttes manichéennes, avec des réalités bien identifiées et des camps clairement définis, l'approche de Complicit se révèle intéressante à plus d'un titre. Loin de toute surenchère, ce téléfilm relate un cas d'espèce particulier, en nous plongeant dans une zone grise où l'on est amené à questionner les motivations et les jugements de chacun : qu'il s'agisse d'Edward et de son obsession pour Waleed, ou du MI-5 et de ses réserves vis-à-vis de son agent. De même, les problématique du recours à la torture, mais aussi de son admission par une démocratie occidentale, sont esquissées, prouvant la richesse de cette fiction. Son traitement très neutre est un atout, même si c'est aussi une limite car on aurait aimé voir certains thèmes plus explorés, l'oeuvre préférant laisser souvent tout en suspens. L'ensemble n'en reste pas moins une approche de la lutte antiterroriste qui mérite la curiosité.


NOTE : 7,5/10


Une bande-annonce :

20/10/2012

(UK) Hunted : une froide fiction d'espionnage

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Orphelin de Spooks en cette rentrée télévisuelle, privé de la perspective de retrouver les missions tendues de ces agents du MI-5 qui lui ont fait perdre quelques cheveux au fil des ans, le téléspectateur se cherchait instinctivement des substituts. Il était facile d'en imaginer un dans Hunted, une série derrière laquelle on retrouve justement la boîte de production Kudos, et avec un développement confié à Frank Spotnitz dont le nom reste associé à X-Files. Diffusée sur BBC1 depuis le 4 octobre, Hunted a démarré hier soir aux Etats-Unis sur Cinemax. Malheureusement la série ne m'a toujours pas convaincu.

Il n'y a pourtant rien que j'aime tant qu'une solide fiction d'espionnage, aussi classiques soient les voies qu'elle emprunte. Vous vous souvenez peut-être de ce véritable coup de coeur  qu'a été The Sandbaggers au printemps dernier - elle reste sans doute une de mes révélations sériephiles de l'année 2012. Cette série m'a prouvé et rappelé qu'un genre connu par coeur peut toujours être aussi fascinant et excitant qu'au premier jour, sans besoin de se réinventer, à condition que l'écriture (et le casting) soit à la hauteur. Hunted s'est engouffrée sur bien des sentiers déjà battus, mais elle peine cependant à dépasser le stade de la caricature. Un léger mieux se perçoit au fil des trois épisodes, après un début poussif, mais est-ce suffisant ?

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Après une mission conduite à Tanger, Sam Hunter, agent d'une compagnie de sécurité privée, est grièvement blessée dans un bar où elle avait rendez-vous. Elle échappe de peu à la mort, mais perd l'enfant qu'elle portait. Ignorant qui l'a trahie et qui a commandité cette tentative d'assassinat, elle fait le choix de disparaître pour se rétablir en Ecosse. Une année plus tard, de nouveau sur pied, elle recontacte son ancien employeur bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire. Se méfiant des membres de son ancien équipe, de son supérieur, mais aussi de tous ceux qu'elle a pu croiser à Tanger, elle entend découvrir qui et pourquoi elle a été prise pour cible. Elle obtient rapidement sa réintégration pour être incluse dans une mission d'infiltration dans la maison d'un riche et trouble homme d'affaires, qui doit prendre part à des enchères qui attisent bien des convoitises. Mais ceux qui voulaient sa mort ne semblent pas l'avoir oubliée...

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Des histoires d'infiltration, de tentatives d'assassinat, de taupe, le tout dans un milieu où chacun garde jalousement ses secrets et ses atouts, et où la méfiance règne... Nul doute que Hunted entend se réapproprier bien des classiques du genre. Son approche même ne manque pas de potentiel. Fiction feuilletonnante, elle nous plonge dans les coulisses d'une compagnie de renseignements privée, ravivant un peu plus l'écho du fantôme d'Alias déjà présent dans l'inconscient du téléspectateur du seul fait de la présence de Melissa George. Conduire des missions pour d'obscurs clients, sans avoir même la perspective de se raccrocher à l'idée que ces sacrifices potentiels auront lieu "pour le bien commun du pays", voilà de quoi construire un univers particulièrement endurci. L'ensemble fonctionne par intermittence grâce à l'ambiance que ce cadre génère, par cette paranoïa excessivement froide dans laquelle la fiction se complaît. Mais le problème est que la série peine à dépasser l'enchaînement des poncifs. Son écriture, manquant trop de subtilité, a souvent du mal à maîtriser et à exposer les enjeux afin de capturer l'attention du téléspectateur. La progression des intrigues est hachée et inégale, fonctionnant par à-coup et parachutage d'informations sans réelle cohésion.

En trois épisodes, une amélioration se constate cependant, grâce à cette tension presque mécanique engendrée par moment par quelques coups d'éclat. Ou plutôt, devrais-je dire, par ces explosions de violence. La dure réalité de l'univers dans lequel évolue la série était un atout légitimement exploitable. Mais, comme pour le reste, ses scénaristes abusent de ces ressorts violents vite banalisés : leur gratuité finit par leur faire perdre tout impact. La fiction évolue dans un univers complètement désensibilisé, presque déshumanisé. Le problème est que la caractérisation des personnages en souffre : nulle émotion, encore moins d'empathie, chez des protagonistes trop unidimensionnels, peu aidés par des répliques souvent assez creuses et où manque de façon parfois criante cette dose de manipulation subtile, de non-dits, sur laquelle un vrai thriller paranoïaque doit être en mesure de jouer. La série ne s'attarde vraiment que sur l'héroïne, les autres peinant à exister par eux-mêmes et à susciter l'intérêt d'un téléspectateur qui ne trouve pas vraiment ces repères dans l'équipe dysfonctionnelle mise en scène. Et même Sam Hunter reste une figure à la psychologie à peine esquissée. On peut finir par se préoccuper de son enquête sur ses tueurs, mais on ne s'implique pas, ni ne s'attache à la jeune femme.

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Sur la forme, Hunted présente une réalisation stylée, plutôt agréable de premier abord. Elle propose également quelques plans inspirés, notamment en extérieur - les scènes en Ecosse du pilote sont tout simplement magnifiques. Mais elle a aussi tendance à trop en faire (cette façon de prendre une idée pas mauvaise sur le papier, mais de tirer ensuite trop sur la corde se retrouve comme sur le fond). La photographie, avec ses teintes bleutées - ou jaunâtres suivant les lieux, apparaît dans certains scènes vraiment trop saturée. Cela contribue à donner à l'ensemble une impression d'artificialité, mais aussi de distance avec le récit, qui n'aide pas à l'investissement du téléspectateur.

Enfin, le casting, international, rassemblé pour l'occasion ne permet pas de redresser la barre. Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles, comme dans The Slap l'an dernier. Mais dans Hunted, elle peine à s'exprimer, dépeignant un personnage trop froid, dont les quelques parenthèses d'humanité sonnent superficielles ou forcées. L'ensemble du casting souffre de l'écriture trop rigide et mal agencée, qui fait que beaucoup de scènes semblent fausses. J'ai beau vouer un culte à Stephen Dillane depuis John Adams, il faut que admettre que ses quelques scènes glacées et pseudo-cryptiques en patron de cette agence tombent le plus souvent à plat. Adam Rayner, Adewale Akinnuove-Agbaje, Morven Christie ou encore Lex Shrapnel n'échappent pas à ces mêmes limites.

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Bilan : Ressassant les clichés du genre espionnage sans parvenir à se les réapproprier, Hunted est une série souvent frustrante en raison de ses difficultés à gérer le développement régulier de ses intrigues et du manque de subtilité de son écriture. Si on devine qu'elle ne souhaite pas être une simple fiction d'action, elle ne se prive pourtant pas d'explosions de violence assez gratuites. Evoluant dans un univers presque déshumanisé, dont même les personnages semblent cantonnés à une froideur peu engageante, Hunted se cherche, et sa seule réussite est de parvenir par intermittence à nous prendre au jeu de cette ambiance tendue et glacée. Le potentiel était là, je voulais vraiment l'aimer, mais la mécanique reste grippée...


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

06/06/2010

(Pilote UK) Pulse : horreur sanglante à la croisée du médical et du fantastique


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Je vous ai déjà parlé de mes divers traumatismes téléphagiques liés à des fictions estampillées horreur, arrivées on-ne-sait-comment à se frayer un chemin jusqu'au petit écran de ma télévision. La curiosité sériephile est parfois à ce prix. J'espérais cependant en avoir fini pour l'année avec l'horreur médicale après le visionnage de Coma il y a quelques mois (vrai drama d'horreur : un régal pour les amateurs du genre). Mais BBC3 ne m'a pas écouté. Elle a développé un projet se déroulant dans un hôpital (encore !), agrémenté d'effusions d'hémoglobine et même d'apparition de "dead people" : Pulse.  Cependant, la tension et ce flirt avec le gore ne nous plongent pas dans de la pure horreur d'épouvante (à la différence de Coma). La série capitalise plutôt sur une ambiance inquiétante, un peu dans la lignée de Au-delà du réel ou Kingdom Hospital. Quelques frissons, mais pas trop non plus.

Pulse s'inscrit dans la "saison des pilotes"  qu'affectionne la chaîne anglaise ; c'est-à-dire qu'elle diffuse à son antenne plusieurs pilotes (trois pour être précis), des "séries potentielles" dont elle lèvera ensuite l'option et commandera une saison entière... ou pas... avec plus ou moins de réactivité (cf. la fameuse jurisprudence Being Human), suivant les audiences, les réactions des critiques, du public. Donc, ce pilote n'est pas encore une série, mais, pris en charge par le scénariste Paul Cornell (à qui l'on doit notamment le double épisode marquant de la saison 3 de Doctor Who, Human Nature/The Family of Blood), il affiche incontestablement des idées qui, si elles restent encore à affiner, paraissent bien intéressantes. Si BBC3 venait à confirmer le projet, une première saison serait diffusée en 2011.

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Pulse se déroule au sein d'un hôpital privé, l'archétype du lieu où tous les fantasmes horrifiques sont permis. Hannah Carter, étudiante en médecine, y revient sur les traces professionnelles de sa mère, dont le décès est encore récent, en reprenant sa formation dans l'établissement hospitalier universitaire au sein duquel cette dernière officiait. La jeune femme avait pris une pause nécessaire après avoir perdu ses nerfs au cours d'une opération qui a mal tourné. Encore fragile, elle n'est pas certaine d'être prête à faire face à la pression d'un job très concurrentiel et aux implications émotionnelles qu'entraînent ses patients.

Ses craintes se confirment, se changeant en doutes sur ses capacités, lorsque, lors de sa première consultation, il lui semble voir des formes bouger sous la peau d'un patient. Elle s'inquiète, de plus en plus troublée. Souffre-t-elle d'hallucinations ? Craque-t-elle à nouveau nerveusement ? Mais sa logique la conduit à creuser d'autres pistes, un brin plus rationnelles, mais tout aussi inquiétantes. Que fait-on réellement subir à son patient ? A quoi renvoie ses opérations chirurgicales à répétition sur un cas dont on ne s'explique pas que l'homme soit encore vivant ? Et comment interpréter le comportement de son ex-petit ami, chirurgien tiitulaire dans cet hôpital ?

Il se passe des choses étranges, dans cet hôpital, qui ne sont manifestement pas seulement issues de l'imagination de Hannah. Qu'est-ce qui est réellement en cours derrière ces murs ? Quelles expériences défiant et repoussant les limites de la raison et la science y sont menées en secret ?

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Dès les premières minutes, entre plans de caméra tremblants et musique de circonstance, le ton de Pulse est donné : il s'agit d'une série d'ambiance. Nous sommes dans de l'horreur qui se bâtit sur le suggestif, manipulant et exploitant le ressenti du téléspectateur, l'invitant à se prendre au jeu en s'immergeant dans cette atmosphère nerveuse, chargée d'une insécurité diffuse. On ne sait ce qui peut surgir au détour d'un couloir ; mais l'important réside surtout dans le fait que l'on s'attend au pire, glissant subrepticement dans une sourde paranoïa, se surprenant à s'arrêter suspicieusement sur le moindre détail en apparence (et parfois réellement) anecdotique.

Ce suggestif nourrit la tension du téléspectateur, l'intriguant et le préparant au basculement véritable à venir dans des scènes d'horreur. Car le pilote va crescendo, encourageant d'abord le malaise de l'héroïne et, par ricochet, celui du téléspectateur. Puis, peu à peu, à mesure que les sujets d'inquiétude se précisent, la série s'affirme dans le créneau de l'horreur fantastique/médicale, exploitant ce riche terreau des classiques cauchemardesques rattachés à ce lieu. Une question tourne en boucle, devenant chaque minute plus oppressante : que se passe-t-il derrière les portes closes de ces couloirs d'un blanc trompeusement immaculé ?

De la même façon, à mesure que les menaces se matérialisent, l'épisode développe un autre caractère de l'horreur télévisée, versant dans un gore qui trouve parfaitement sa place dans un hôpital. La série s'offre ainsi quelques passages sanguinolents à souhait, de plus en plus marquants : après avoir débuté sur la table d'opération, ces scènes se finissent par des découpages d'assaillant mort/vivant à la scie électrique dans les couloirs de la morgue. Ce recours au registre du gore contribue à accroître l'impression de malaise du téléspectateur, mettant ses nerfs à rude épreuve.

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Si on se laisse facilement gagné par cette atmosphère nerveuse et oppressante, située à l'intersection floue de la science et du fantastique, tout n'est pas parfait. Mais une chose est sûre : les créateurs se sont investis et ont eu à coeur d'essayer de faire de Pulse une série avec son identité, sa marque de fabrique et un ton qui lui est propre. Si, sur le fond, ce pilote se réapproprie avec un certain succès, mais sans trop de prises de risque, les ficelles classiques de l'horreur en milieu médical, on perçoit également une volonté - pas toujours bien concrétisée - de bien faire sur la forme.

Le réalisateur tente ainsi beaucoup. Des initiatives qui n'apparaissent pas toujours opportunes, un peu trop artificielles parfois, mais qui ont le mérite d'exister. Des passages filmés la caméra tressautant à l'épaule jusqu'aux plans plus ou moins droits ou en retrait, ce pilote est parsemé de nombreux essais. Certes, ces expériences ont une réussite variable. Mais, en dépit de quelques maladresses, le but est atteint : jamais le téléspectateur ne se départit du sentiment de trouble qui émane à dessein du style ainsi créé. Au final, la forme permet de véritablement asseoir Pulse dans son registre horrifique aussi efficacement que les débauches d'hémoglobine.

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Côté casting, les hasards des programmations des chaînes font parfois bien les choses, puisque l'héroïne de Pulse est incarnée pas la rafraîchissante Claire Foy (Little Dorrit), avec laquelle le téléspectateur britannique a pu se re-familiariser en début de semaine, puisqu'elle jouait la figure féminine de Going Postal sur Sky One. Elle se révèle très convaincante dans un rôle somme toute très classique pour ce genre de fiction, naviguant entre une naïveté intermittente et un pragmatisme faisant ressortir le fort caractère de son personnage.

A ses côtés, et même si certains ne survivent pas au pilote, nous retrouvons notamment : Stephen Campbell Moore (Ashes to Ashes), Gregg Chillin (Being Human), Ben Miles (Lark Rise to Candleford), Matti Houghton (qui jouait récemment les guest-stars dans un des derniers épisodes de Luther), Caroline Goodall ou encore Alan Williams.

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Bilan : Se situant au croisement incertain du scientifique et du fantastique, Pulse s'inscrit dans une tradition d'horreur médicale, agrémentée d'une touche gore qui lui permet de conforter l'ambiance nerveuse et tendue qu'elle réussit à créer. L'univers hospitalier est efficacement introduit, tout comme les protagonistes. L'épisode peut se visionner seul et le twist final constitue un honnête cliffhanger qui esquisse d'intéressantes promesses pour la suite (si suite il y a). L'ensemble est porté par le dynamisme enthousiaste de ses créateurs, qui témoignent d'une envie de tenter et d'expérimenter. Ce n'est pas toujours pleinement maîtrisé, parfois un peu brouillon, mais le téléspectateur se laisse facilement prendre au jeu et gagner par l'atmosphère ainsi créée.

Au vu du potentiel que laisse entrevoir ce pilote, je serais curieuse de découvrir une saison complète de cet acabit. Les communiqués de presse de BBC3 sont à surveiller !


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce du pilote :