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12/07/2013

(Mini-série UK) Smiley's People (Les Gens de Smiley) : l'ultime confrontation de deux maîtres-espions


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Aujourd'hui, je vous propose de poursuivre mon cycle "Espionnage" avec un grand classique du petit écran britannique : Smiley's People (Les Gens de Smiley). Il s'agit du dernier acte d'une trilogie de l'écrivain John Le Carré, commencée avec Tinker Tailor Soldier Spy (La Taupe), puis qui s'est poursuivie dans The Honourable Schoolboy (Comme un collégien). Le premier roman a fait l'objet d'une adaptation en mini-série par la BBC en 1979, et les plus anciens lecteurs du blog parmi vous se souviendront sans doute combien ce visionnage m'avait marqué. Le second tome, où Smiley tient un rôle moins central, n'a pas été porté à l'écran, la chaîne faisant le choix de se concentrer directement sur l'ultime face-à-face entre Smiley et son vis-à-vis soviétique, Karla.

Smiley's People est un roman qui a été publié en 1979. Son adaptation par la BBC a été diffusée en 1982. Prenant la suite de Tinker Tailor Soldier Spy, elle compte 6 épisodes. Côté casting, Alec Guinness reprend le rôle de George Smiley. Côté coulisses, John Le Carré, pas pleinement satisfait du résultat auquel a abouti la précédente mini-série, décide de plus s'investir dans la conception, non seulement au niveau de la production, mais aussi de l'écriture, puisqu'il en devient co-scénariste aux côtés de John Hopkins. Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une incontournable fiction d'espionnage : son intrigue à tiroirs et ses nuances de gris s'appuient sur une solide galerie de personnages.

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Après l'identification de la taupe qui opérait au sein du Cirque (le MI-6) dans Tinker Tailor Soldier Spy, George Smiley avait un temps repris en main le service, puis il a été à nouveau évincé, retournant à cette retraite qu'il avait quittée pour chercher la source des fuites vers l'URSS au sein des renseignements britanniques. Dans Smiley's People, il est à nouveau rappelé pour une ultime mission : elle va venir conclure une confrontation emblématique de cette Guerre Froide qui a façonné un personnel et des méthodes de travail que d'aucuns renvoient désormais au passé. En effet, un ensemble d'évènements remet Smiley sur la piste de son puissant vis-à-vis soviétique, Karla.

Tout commence en France, où une réfugiée russe est sollicitée par les services de l'ambassade soviétique pour procurer des papiers officiels à une jeune femme présentée comme sa fille. Elle en informe le réseau d'un ex-général soviétique en exil, "Vladimir", qui dirige une organisation depuis Londres. Peu de temps après, ce dernier prend contact avec le MI-6 : il réclame de parler à son ancien officier de liaison, Max, pseudonyme de George Smiley. Une rencontre est organisée dans la précipitation. Mais l'ex-officier dissident ne l'atteindra jamais : il est assassiné en chemin. Smiley est alors rappelé en urgence. Il découvre que ses anciens réseaux ont été laissés à l'abandon par les nouveaux dirigeants du MI-6, lesquels le pressent d'éviter de faire la moindre vague : il convient de refermer l'affaire sans que le Cirque y soit associé.

Mais Smiley n'entend pas abandonner celui qu'il considérait comme un vieil ami. Qu'avait découvert Vladimir de si important ? La piste va conduire Smiley en Europe continentale, d'Allemagne jusqu'en Suisse, sur les pas d'un maître-espion soviétique qu'il affronte depuis plusieurs décennies : Karla. 

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Smiley's People est une oeuvre dense. Elle nous plonge dans les coulisses d'un affrontement de l'ombre, résidu d'une Guerre Froide qui a perdu le sens et le manichéisme de ses débuts. Les certitudes des uns et des autres se sont en effet étiolées au fil du temps et des réalités, et la série capture à merveille l'atmosphère désillusionnée, ambivalente et grise que représente le décor dans lequel baignent les services de renseignements. La progression du récit est lente, mais bénéficie d'une écriture d'une richesse rare, dont le soin du détail ne laisse rien au hasard. Tout en s'appuyant sur une galerie de personnages qui sont autant de produits, à des degrés divers, de cette confrontation Est-Ouest, elle dispose de dialogues subtils, où les non-dits semblent parfois peser plus lourds que les paroles échangées à haute voix. La mini-série glisse le téléspectateur dans un puzzle complexe et éclaté, où chaque protagoniste, chaque nouvel élément d'information, constitue une pièce inconnue dont il convient de prendre la mesure pour la replacer correctement et résoudre l'énigme posée par la mort de Vladimir. En fait, chacun est un pion sur un échiquier où se joue une partie qui ne dévoilera son véritable enjeu que lors du dénouement final, aboutissement de l'enquête méthodique et implacable conduite par Smiley.

Smiley's People est ainsi une série qui acquiert toute sa dimension lorsqu'on l'apprécie une fois sa conclusion berlinoise passée : elle est l'occasion d'assister à un ultime face-à-face entre deux maîtres-espions qui sont les symboles d'une époque révolue. Un des grands mérites de cette confrontation finale est qu'elle permet d'esquisser un portrait nuancé et fascinant, chargé d'autant d'ombres que de lumières, de George Smiley. A la fois tenace et usé, l'espion britannique se dédie entièrement à cette investigation qu'il pressent être son dernier coup d'éclat. Armé d'une détermination froide où perce dans le même temps un certain détachement flegmatique, Smiley se réapproprie sans hésitation les armes de son adversaire, usant de tous les moyens de pression dont il dispose... A tel point que la réussite de ses plans ne sera pas l'apogée attendu : la victoire remportée sur Karla semble ne pas avoir de saveur pour Smiley qui y assiste en spectateur. Fatigué, compromis, il paraît avoir laissé filer ses dernières illusions, jusque dans sa vie maritale : le briquet autrefois subtilisé par Karla et qu'il néglige à la fin symbolise son propre abandon de cette épouse volage dont il était tant épris. Smiley's People se conclut de façon plus amère que triomphante, refermant une intrigue parfaitement orchestrée, qui sied très bien à la tonalité ambiante de la mini-série.

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Outre la solidité de son scénario, Smiley's People repose également sur une galerie d'acteurs extrêmement convaincants, au sein de laquelle une partie reprend les mêmes rôles tenus dans Tinker Tailor Soldier Spy trois ans auparavant. Au centre du récit - même si la première demi-heure de la mini-série se déroule sans lui -, on retrouve à nouveau un Alec Guinness parfait. Son interprétation de Smiley est extrêment juste et riche en nuances. Il renvoie une image à la fois froide et posée. A sa persévérance intacte, vient s'ajouter un détachement fatigué, marque de la vieillesse, mais aussi de sa conscience de jouer ce qui est probablement son dernier round dans un milieu de l'espionnage qui a déjà considérablement évolué. En résumé, il se réapproprie pleinement ce personnage littéraire.

En outre, parmi les acteurs de la mini-série précédente, on retrouve également Siân Phillips (I, Claudius), Beryl Reid (The Secret Diary of Adrian Mole Aged 13 3/4), Bernard Hepton (Secret Army, Colditz, Bleak House (1985), The Charmer) ou encore Anthony Bate (Game, Set, and Match). Quant à Patrick Stewart (Star Trek : The Next Generation), il reprend le rôle de Karla, omni-présent en arrière-plan sans avoir à prononcer une seule ligne de dialogue et que l'on apercevra uniquement pour le final berlinois. Parmi les autres figures, on croise également Eileen Atkins (Psychoville, Doc Martin), Curd Jürgens, Maureen Lipman (A Little Princess), Barry Foster (Fall of Eagles), Bill Paterson (Wives and Daughters, Criminal Justice, Little Dorrit, Law & Order UK), Michael Lonsdale, Mario Adorf (Der große Bellheim, La Piovra 4) ou encore Michael Elphick (Harry, Boon).

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Bilan : Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une solide fiction d'espionnage, à l'intrigue complexe, dense et bien menée. S'appuyant sur un casting impeccable, elle nous glisse dans une partie de jeux d'espions où tous les coups sont permis, pour un enjeu qui ne se dévoilera que sur la fin lorsque le puzzle reconstitué permettra de prendre la mesure de tout ce qui s'est joué au cours des six épisodes. C'était mon deuxième visionnage de la mini-série en ce début de mois de juillet, et j'en ai peut-être encore plus apprécié les subtilités de l'ultime confrontation qui y est dépeinte, ainsi que celles du portrait qui est proposé de George Smiley. Une fiction incontestablement à ranger parmi les incontournables du genre !


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce de la mini-série :

Les génériques d'ouverture et de fin :

20/11/2009

(Mini-série UK) Tinker, Tailor, Soldier, Spy : looking for the mole


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Je vous ai déjà confié mon petit penchant pour les histoires d'espionnage. Je ne pouvais donc pas ne pas vous parler des célèbres adaptations faites par la BBC, à partir d'une suite de romans du maître de ce genre, John Le Carré. Elles font partie des grands classiques qui méritent d'être vus au moins une fois dans une vie de téléphage, surtout si on apprécie ces thématiques. Certes, je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, car elles commencent à dater un peu. Mais, si l'image et la réalisation sont d'époque, la force du récit et de la narration est proprement intemporelle. Tinker, Tailor, Soldier, Spy, la première de ces mini-séries, remonte à 1979. Puis, en 1982, la BBC diffusera Smiley's People (dont je vous reparlerai ultérieurement sans doute). Les deux font partie des Smiley novels, un ensemble de livres mettant en scène le célèbre personnage de George Smiley, officier du MI-6 et anti-James Bond par excellence, qu'il concurrence au panthéon des espions britanniques de fiction.

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Tinker, Tailor, Soldier, Spy, c'est une histoire classique, somme toute indémodable : en pleine Guerre Froide, la recherche d'un agent soviétique infiltré dans les instances dirigeantes du MI-6 britannique. Au sein d'un Circus déstabilisé (nom donné au MI-6), la mission d'identifier cet individu qui menace les fondations des services de renseignements de Sa Majesté échoit à un officier mis en retraite forcée quelques mois plus tôt, George Smiley. Le téléspectateur plonge rapidement avec lui dans une ambiance de paranoïa, tandis que l'on suit la partie d'échecs très complexe qui se déroule sous nos yeux. Pour écrire ce roman publié en 1974, John Le Carré, lui-même ancien agent du MI-6, s'est basé sur ses propres souvenirs et des faits réels, s'attachant à retranscrire l'atmosphère qui régnait dans les années 50 et au début des années 60 au sein de l'organisation, et faisant référence, derrière cette chasse à la taupe, à la figure d'un traître bien réel, Philby (Mais si, souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé, il était le plus célèbre des Cambridge Five. Pour vous rafraîchir la mémoire, cf. mon billet sur la mini-série Cambridge Spies).

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Tinker, Tailor, Soldier, Spy comporte sept épisodes, que le téléspectateur enchaîne avec une fébrilité croissante, au fil de la complexification des intrigues. Pourtant, ne vous y trompez pas, ce n'est pas une mini-série d'action. A l'exception de quelques rares scènes de course-poursuites ou de fusillades, la plupart des moments-clés se joue entre quatre murs, dans des endroits souvent clairs-obscurs, versant dans le sombre, en diverses entrevues et autres réunions informelles. Des discussions déterminantes, parfois longues, parfois à plusieurs niveaux de compréhension, mais desquelles on ne décroche pourtant pas. Le ciselage des dialogues entretient la curiosité du téléspectateur, dont l'intérêt pour la façon dont l'intrigue globale se construit et se dénoue ne se dément jamais. La compréhension n'est pas toujours aisée, mais c'est la conséquence de la richesse du scénario, à laquelle les flashbacks pavant cette enquête méthodique contribuent. Car la fiction est à l'image de son générique, un jeu d'apparence où des poupées russes se dévoilent les unes après les autres...

La force de Tinker, Tailor, Soldier, Spy réside aussi dans le fait de réussir à jouer sur plusieurs tableaux. En effet, il s'agit, d'une part, d'une mini-série d'investigation qui trempe avec finesse, et surtout beaucoup de réalisme, dans les rouages de l'espionnage international. Mais c'est aussi une fiction teintée de nostalgie, à dimension très humaine. A travers son personnage principal, elle jette un regard désabusé sur la vie et la nature des hommes. Au-delà de son intrigue, elle traite à mots couverts des idéaux oubliés, des certitudes brisées. Vies personnelles et vies publiques s'entremêlent. La simple question "How is Ann ?" posée de façon récurrente à George Smiley n'est pas une formule de politesse pour s'enquérir de la santé de sa femme, mais une façon cruelle pour son interlocuteur de pointer ses faiblesses en tant qu'époux, les infidélités de Ann étant de notoriété publique. Finalement, cette mini-série constitue un étrange mélange des genres parfaitement équilibré, un drame humain, suscitant un suspense intense, tout en étant capable de développer des interrogations plus subtiles sur les ressorts de ce théâtre qu'il met en scène.

Les ambivalences de la mini-série se trouvent personnifiées dans le personnage de George Smiley. La performance d'Alec Guinness (que vous connaissez forcément sous les traits d'Obi-Wan Kenobi dans une célèbre trilogie fondatrice de la même époque) y est pour beaucoup. Absolument magistral, il n'incarne pas seulement Smiley : il est ce personnage toute en nuances, désenchanté et désillusionné, sur la vie en général comme sur le monde de l'espionnage, ne se départissant jamais d'un flegme tout britannique qui lui permet de conserver une certaine réserve vis-à-vis des évènements et une contenance quasiment jamais prise en défaut. Dans l'ensemble, c'est d'ailleurs tout le casting qui vaut plusieurs étoiles : Michael Jayston, Anthony Bate, George Sewell, Ian Richardson... tous délivrent des prestations très solides.

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Bilan : Tinker, Tailor, Soldier, Spy est un grand classique britannique des fictions d'espionnage. Dotée d'un scénario complexe et très dense, cette mini-série se révèle rapidement passionnante. Peu importe que les images apparaissent quelque peu datées (1979) pour notre regard de moderne, les ressorts de l'histoire sont indémodables et la force des dialogues fait toujours mouche.
C'est sans aucun doute un must-seen de la télévision britannique, et probablement la plus convaincante adaptation télévisée d'un des romans les plus aboutis de John Le Carré.


NOTE : 8,5/10


Petit bonus nostalgique, la superbe chanson de fin :